Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 156

Date de la décision : 2014-07-31

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par IGM Financial Inc./Société Financière IGM Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,531,084 pour la marque de commerce OWNED AND OPERATED BY INVESTORS au nom de EdgePoint Investment Group Inc.

[1]               Le 9 juin 2011, EdgePoint Investment Group Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement à l'égard de la marque de commerce OWNED AND OPERATED BY INVESTORS (la Marque). La demande est fondée sur l'emploi au Canada depuis le 17 novembre 2008, en liaison avec les services suivants : [traduction] « exploitation, gestion et administration de fonds communs de placement ».

[2]               Le 20 septembre 2012, IGM Financial Inc./Société Financière IGM Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition dans laquelle elle s'oppose à la demande d'enregistrement sur le fondement de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi).

[3]               Deux motifs d'opposition ont été soulevés à l'encontre de la demande :

i)                    la Marque donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse de la nature des services et, par conséquent, n'est pas enregistrable suivant les dispositions de l'article 12(1)b) de la Loi;

ii)                  la Marque n'est pas distinctive.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l'opposition est accueillie.

Fardeau de preuve

[5]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298]

Preuve

Preuve de l'Opposante

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Donna L. Janovcik, souscrit le 3 mai 2013 (l'affidavit Janovcik). Mme Janovcik n'a pas été contre-interrogée.

[7]               Mme Janovcik exerce les fonctions de secrétaire générale associée chez l'Opposante [para. 1]. Mme Janovcik affirme qu'en raison de ses fonctions, elle possède une connaissance directe des questions dont elle traite dans son affidavit [para. 1].

[8]               Mme Janovcik affirme que l'Opposante est une société publique inscrite à la Bourse de Toronto [para. 2]. Au paragraphe 3 de son affidavit, Mme Janovcik affirme que l'Opposante et ses filiales sont autorisées à investir et investissent dans des actions du capital-actions de l'Opposante. Mme Janovcik affirme, en outre, que les employés de l'Opposante et des filiales de l'Opposante qui détiennent des parts du capital-actions de l'Opposante participent à l'exploitation de l'Opposante et de ses filiales [para. 4].

[9]               Mme Janovcik termine son affidavit en affirmant qu'elle considère que l'Opposante et ses filiales sont détenues et exploitées par les investisseurs qui détiennent des parts du capital-actions de l'Opposante [para. 5].

Preuve de la Requérante

[10]           Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Patrick Farmer, souscrit le 4 septembre 2013 (l'affidavit Farmer). M. Farmer n'a pas été contre-interrogé.

[11]           M. Farmer est le chef de l'exploitation et le chef de la conformité de la Requérante; il est également le chef de la direction d'une société affiliée du nom de EdgePoint Wealth Management Inc. Ces sociétés ont été cofondées par M. Farmer en 2008 [para. 1].

[12]           Dans son affidavit, M. Farmer fournit des renseignements généraux sur la Requérante, son entreprise, l'évolution de la Marque, les ventes et la publicité réalisées en liaison avec la Marque, et la nature de l'entreprise de l'Opposante. J'examinerai plus loin certaines des parties les plus pertinentes de l'affidavit de M. Farmer.

                        La Requérante

[13]           Au paragraphe 4, M. Farmer décrit la Requérante comme une [traduction] « entreprise de gestion de fonds de placement discrétionnaires à propriété indépendante » basée à Toronto. Il indique que la Requérante fournit des services-conseils en gestion de portefeuille pour le compte de son affiliée (EdgePoint Wealth Management Inc.), laquelle est détenue à environ 69 % par la Requérante.

[14]           À certains endroits dans son affidavit, M. Farmer emploie le terme « EdgePoint » pour désigner collectivement la Requérante et son affiliée; je ferai de même dans mon résumé de la preuve qu'il a présentée.

[15]           Aux paragraphes 6 et 7, M. Farmer explique que la Requérante est accréditée à titre de gestionnaire de portefeuille et de courtier sur le marché dispensé, ainsi qu'à titre de gestionnaire de fonds auprès de diverses commissions des valeurs mobilières provinciales du Canada et que son affiliée est inscrite à titre de gestionnaire de fonds auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

[16]           M. Farmer affirme que l'affiliée de la Requérante est la firme de gestion responsable de la gestion journalière de quatre fonds communs de placement à capital variable de EdgePoint [para. 7].

                        La Marque

[17]           Au paragraphe 9, M. Farmer explique que EdgePoint considère ses investisseurs et les conseillers qui la représentent comme des [traduction] « partenaires d'investissement ». M. Farmer affirme que EdgePoint a créé le slogan OWNED AND OPERATED BY INVESTORS [détenu et exploité par des investisseurs] (la Marque) dans le but de se distinguer des autres firmes sur le marché en se positionnant comme une [traduction] « firme dirigée par les investisseurs », par opposition à une [traduction] « firme dirigée en fonction des ventes et du marketing » [para. 10, 15 et 17].

[18]           M. Farmer affirme également que l'un des moyens que prend EdgePoint pour s'assurer que les efforts demeurent axés sur le rendement des investissements consiste à confier sa direction à ses principaux investisseurs. Non seulement les employés détiennent la majorité de la firme, ils forment collectivement un de ses plus gros clients [para. 15].

[19]           Au paragraphe 16, M. Farmer affirme que les gestionnaires de fonds de EdgePoint [traduction] « goûtent à leur propre médecine ». Il explique que cela signifie que [traduction] « les propriétaires de la société agissent également comme gestionnaires de portefeuille et, à ce titre, ils sont libres de gérer leurs fonds de placement de façon créative ».

[20]           M. Farmer affirme que la Requérante et son affiliée emploient toutes deux la Marque dans le cadre de leur marketing et que l'emploi de la Marque par l'affiliée de la Requérante est assujetti à une licence concédée par la Requérante [para. 28].

[21]           Au paragraphe 29, M. Farmer affirme que la Requérante exerce un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des services que son affiliée fournit en liaison avec la Marque et donne des exemples de la façon dont ce contrôle est exercé.

                        L'entreprise de la Requérante

[22]           Au paragraphe 8, M. Farmer affirme que EdgePoint a atteint la rentabilité en août 2009 après 9 mois d'activité, avec 21 employés à temps plein et 450 millions de dollars d'actifs sous gestion.

[23]           Selon M. Farmer, depuis sa création en 2008, EdgePoint s'est constitué une base de 2 450 conseillers financiers indépendants et 92 courtiers, répartis dans l'ensemble du Canada, qui vendent ses fonds et d'autres produits financiers [para. 11]. CIBC World Markets Inc., BMO Nesbitt Burns Inc. et RBC Dominion Securities figurent au nombre de ses courtiers/représentants [para. 11]. M. Farmer n'indique pas à quels endroits ces conseillers et courtiers sont situés au Canada et ne précise pas le nombre de conseillers et courtiers que comptait l'entreprise au cours de chacune des années qui ont précédé la souscription de son affidavit.

[24]           Les conseillers et courtiers de EdgePoint vendent des fonds à de nombreux investisseurs particuliers différents. Au dire de M. Farmer, à l'heure actuelle, EdgePoint elle-même compte près de 60 000 investisseurs particuliers répartis dans différentes provinces du Canada et gère des actifs de plus de 5 milliards de dollars, composés à près de 70 % de fonds EdgePoint [para. 11, 12 et 13]. M. Farmer n'a pas fourni de répartition indiquant combien, parmi l'ensemble de ses investisseurs, la Requérante comptait d'investisseurs tiers au cours de chacune des années qui ont suivi sa création et quel pourcentage de ses actifs sous gestion étaient détenu par des investisseurs extérieurs au cours de chacune des années qui ont suivi sa création.

[25]           Au paragraphe 13, M. Farmer fournit une répartition de ses clients investisseurs particuliers par province canadienne. Or, cette répartition est représentative de la situation actuelle seulement. Par conséquent, il est impossible de déterminer avec précision combien d'investisseurs particuliers EdgePoint comptait au cours des années précédentes ou à quels endroits au Canada ces investisseurs étaient situés.

[26]           M. Farmer affirme que les actifs nets investis dans les fonds EdgePoint ont connu une hausse considérable depuis le lancement des fonds en 2008, passant de 42 millions de dollars à près de 3,5 milliards de dollars en 2013 [para. 14].

Annonce et promotion des services en liaison avec la Marque

[27]           Au paragraphe 17, M. Farmer affirme que, depuis la création de EdgePoint et au cours des cinq années qui ont suivi, tous ses conseilles financiers et courtiers, tous ses clients investisseurs particuliers et tous les particuliers canadiens ayant un intérêt pour ses produits et services ont été exposés de façon répétée à la Marque, qu'il décrit, une fois de plus, comme un moyen rapide d'indiquer aux intervenants du marché que EdgePoint privilégie une approche de type « dirigée par les investisseurs » dans l'exploitation de son entreprise, par opposition à une approche « fondée sur les ventes et le marketing ».

[28]           Aux paragraphes 18 à 26, M. Farmer décrit certains des moyens qu'a pris EdgePoint pour annoncer et promouvoir ses services en liaison avec la Marque depuis 2008.

[29]           Comme pièce « 1 », il a joint une copie d'un encart arborant la Marque qui a été publié le 6 mai 2013 et qui, affirme-t-il, est représentatif des encarts qui ont été postés trimestriellement à tous les nouveaux investisseurs depuis 2008. M. Farmer affirme que plus de 10 000 de ces encarts ont été postés chaque année [para. 18]. Aucune répartition géographique n'a toutefois été fournie.

[30]           Comme pièce « 2 », il a joint une copie d'une circulaire d'information arborant la Marque qui a été publiée le 15 mars 2013 et qui, affirme-t-il, est représentative des circulaires qui ont été distribuées lors des réunions de la succursale et des conseillers et transmises aux nouveaux conseillers financiers potentiels depuis 2008. M. Farmer ne fournit cependant aucun renseignement quant au nombre de circulaires distribuées annuellement et aucune répartition géographique de leur distribution.

[31]           Comme pièce « 3 », il a joint une fiche de renseignements arborant la Marque qui, affirme-t-il, est représentative des fiches de renseignements qui sont distribuées trimestriellement par l'équipe des ventes de EdgePoint relativement à chacun des fonds EdgePoint. Les fiches de renseignements peuvent également être consultées sur le site Web de EdgePoint. Bien que cette fiche de renseignements date du 12 avril 2013, M. Farmer affirme qu'elle est représentative de la façon dont la Marque est apparue sur des fiches de renseignements similaires depuis 2008 [para. 20]. Aucun renseignement n'a cependant été fourni en ce qui concerne le nombre de fiches de renseignements qui ont été distribuées depuis 2008 ou les endroits où ces fiches ont été distribuées.

[32]           La Marque figure également dans les signatures électroniques et sur les cartes professionnelles des employés de EdgePoint depuis 2008 [para. 21 et 22, pièces « 3 » et « 4 »]. En outre, la Marque a été affichée sur le site Web de EdgePoint de façon continue depuis 2008 [para. 23 à 25, pièces « 5 » à « 9 »]. Au paragraphe 26, M. Farmer affirme que le site Web de EdgePoint reçoit des dizaines de milliers de visites chaque année et que 90 % de ces visites sont effectuées à partir d'ordinateurs ayant une adresse IP canadienne. Toutes les pages consultées arborent la Marque. M. Farmer fournit certains renseignements concernant le nombre de visiteurs uniques qui ont consulté le site Web au cours du premier trimestre de 2013, mais reste muet en ce qui concerne les autres trimestres ou années [para. 26].

[33]           Au paragraphe 27, M. Farmer affirme que EdgePoint bénéficie d'une couverture médiatique dans des journaux et des magazines qui sont distribués au Canada, et que, dans certains cas, la Marque est mentionnée. Comme pièces « 10 » à « 12 », il a joint des exemples représentatifs de cette couverture médiatique; il s'agit d'articles parus dans des publications de 2009 à 2011. Il n'a cependant pas fourni de données sur la distribution de ces publications.

                        La nature de l'entreprise de l'Opposante

[34]           Aux paragraphes 30 à 35 de son affidavit, M. Farmer fournit de l'information qui vise à établir que l'Opposante est propriétaire d'au moins une société de gestion et de distribution de fonds communs de placement et d'autres produits d'actifs gérés, et que cette société est un exemple de firme de placements « dirigée en fonction des ventes et du marketing » du genre même de celles dont EdgePoint cherche à se distinguer sur le marché en employant la Marque.

[35]           M. Farmer affirme que ce que Mme Janovcik décrit dans son affidavit équivaut à une situation où certains des employés de l'Opposante détiennent un nombre accessoire de parts dans une société à grand nombre d'actionnaires. Il affirme qu'il en va autrement chez EdgePoint, parce que la culture de l'entreprise porte les employés à penser et à agir comme des propriétaires et parce que les employés peuvent détenir une part significative de l'entreprise. À cet égard, M. Farmer affirme que les employés de EdgePoint contrôlent directement ou indirectement 100 % de l'Opposante et plus de 79 % de son affiliée, et que, pris collectivement, leurs investissements dans les fonds EdgePoint se chiffrent à plus de 63 millions de dollars [para. 35].

Analayse

[36]           Aucune des parties n'a sollicité la tenue d'une audience relativement à la présente affaire. Par conséquent, la présente décision est rendue uniquement sur la base des arguments, de la preuve et des plaidoyers écrits présentés par les parties. Comme je l'ai mentionné précédemment, il y a seulement deux questions à trancher dans la présente procédure, soit celles de savoir i) si la Marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse, et ii) si la Marque est distinctive. J'examinerai chacune de ces questions tour à tour ci-dessous.

La marque donne-t-elle une description claire ou une description fausse et trompeuse?

[37]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'alinéa 12(1)b) de la Loi, parce qu'elle donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse de la nature des services en liaison avec lesquels elle a prétendument été employée. Plus particulièrement, l'Opposante allègue que la Marque OWNED AND OPERATED BY INVESTORS soit décrit la prestation des services, c'est-à-dire « l'exploitation, la gestion et l'administration de fonds communs de placement » comme étant assurée par les investisseurs qui détiennent et exploitent la Requérante, soit donne une description fausse et trompeuse de la Requérante et de ceux qui fournissent les services.

[38]           Le test à appliquer pour déterminer si une marque de commerce correspond à l'exclusion énoncée à l'article 12(1)b) de la Loi a été résumé par la Cour d'appel fédérale dans Ontario Teachers’ Pension Plan Board c. Canada (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF), au paragraphe 29 :

[traduction]
Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire est celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. […] On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services.

[39]           Le mot « nature » à l'article 12(1)b) est interprété comme désignant une particularité, un trait ou une caractéristique des produits ou des services, et le mot « claire » est interprété comme signifiant « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c. American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29, p. 34].

[40]           La date pertinente pour évaluer l'enregistrabilité d'une marque de commerce aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi est la date de production de la demande, soit, en l'espèce, le 9 juin 2011 [voir Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst.)].

[41]           La seule preuve qui a été produite par l'Opposante en l'espèce est l'affidavit Janovcik. La Requérante fait observer que l'affidavit de Mme Janovcik a été souscrit après la date pertinente et que toutes les affirmations qu'il contient sont formulées au présent. La Requérante soutient qu'aucun poids ne devrait être accordé à l'affidavit de Mme Janovcik et que, conséquemment, l'Opposante ne se serait pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de son motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b).

[42]           J'estime qu'il n'est pas nécessaire que je considère la preuve de l'Opposante pour disposer du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) soulevé par l'Opposante. Comme l'a indiqué le juge Martineau dans Neptune SA c. Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst.), au paragraphe 11 :

[traduction]
Afin de déterminer si une marque de commerce tombe sous cette exclusion [article 12(1)b)], le registraire doit non seulement tenir compte des éléments de preuve dont il dispose, mais également appliquer son sens commun à l’évaluation des faits. La décision concluant au caractère de description claire, ou encore de description fausse et trompeuse, est fondée sur sa première impression. Il ne doit pas considérer celle-ci isolément, mais à la lumière du produit ou service visé.

[Voir également Ontario Teachers' Pension Plan Board c. Canada (Attorney General) (2010), 89 CPR (4th) 301 (CF), para. 48; conf. par (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF).]

[43]           Outre la nécessité d'user de sens commun, j'ai la possibilité d'exercer mon pouvoir discrétionnaire de prendre en considération les définitions du dictionnaire des mots qui composent la Marque [Envirodrive Inc c. 836442 Alberta Ltd, 2005 ABQB 446 (C.B.R. Alb); Yahoo! Inc c. audible.ca inc (2009), 76 CPR (4th); Lakeside Produce Inc c. Imagine IP LLC 2011 COMC 17 (CanLII)].

[44]           Le Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) définit « own » comme [traduction] « appartenant à soi-même ou s'appartenant », « operate » comme signifiant [traduction] « gérer, fonctionner, exploiter », et « invest » (verbe duquel le mot « investor » est dérivé), comme signifiant [traduction] « placer des capitaux (dans des actions, etc.) dans le but de tirer un profit ».

[45]           Comme je l'ai mentionné précédemment, l'Opposante allègue que la Marque OWNED AND OPERATED BY INVESTORS soit décrit la prestation des services, c'est-à-dire « l'exploitation, la gestion et l'administration de fonds communs de placement » comme étant assurée par les investisseurs qui détiennent et exploitent la Requérante, soit donne une description fausse et trompeuse de la Requérante et de ceux qui fournissent les services.

[46]           La Requérante soutient que la Marque peut avoir de multiples significations, notamment : 1) que la société de fonds communs de placement de la Requérante est exploitée par des personnes qui détiennent des parts dans la société de fonds commun de placement (ce qui rejoint les observations de l'Opposante); 2) que les personnes qui exploitent la société de fonds communs de placement de la Requérante ont également des investissements dans les fonds communs de placement de la société; 3) que les consommateurs qui investissent dans les fonds communs de placement de la Requérante sont appelés à jouer un rôle dans l'exploitation de la société ou des fonds; ou 4) que la société de fonds communs de placement de la Requérante est détenue et exploitée par des investisseurs « professionnels », plutôt que par des spécialistes du marketing ou des gens d'affaires en général. La Requérante soutient que toutes les interprétations susmentionnées sont plausibles à première vue. Je ne suis pas d'accord.

[47]           S'il est vrai que, dans certains cas, des marques susceptibles d'avoir de multiples significations peuvent ne pas être considérées comme donnant une description claire, le simple fait qu'une marque ait plus d'une signification n'empêche pas qu'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) soit accueilli. Si chacune des significations possibles donne une description claire, la marque n'est pas enregistrable aux termes de l'article 12(1)b) [Canadian Tire Corp c. Hunter Douglas Inc (2010), 81 CPR (4th) 304 (COMC), Pillsbury Co c. Alantra Imports Co (1999), 1 CPR (4th) 252 (COMC) et Holiday Juice Ltd c. Sundor Brand Inc (1990), 33 CPR (3d) 509 (COMC)].

[48]           S'agissant de la signification 4) susmentionnée, bien que M. Farmer affirme dans son affidavit que EdgePoint a créé la Marque dans le but de se distinguer des autres firmes sur le marché en se positionnant comme une « firme dirigée par les investisseurs », par opposition à une « firme dirigée en fonction des ventes et du marketing » [affidavit Farmer, para. 10, 15 et 17], je ne crois pas que cette interprétation serait celle qui viendrait d'emblée à l'esprit de la personne raisonnable, sous le coup de la première impression. À mon avis, pour en arriver à cette interprétation, il faut se livrer à certaines réflexions quant à la signification de la Marque et peut-être, également, posséder une certaine connaissance des divers modèles d'affaires qui sont utilisés dans le secteur des fonds communs de placement.

[49]           Quant à la signification 3), il me semble également peu probable que la personne normale ou raisonnable présume, sous le coup de la première impression, que le fait d'investir dans les fonds communs de placement de la Requérante l'amènerait à jouer un certain rôle dans l'exploitation de la société de la Requérante ou dans la façon dont elle gère ou administre ses fonds. À mon avis, il ne s'agirait pas d'une attente raisonnable de la part du consommateur moyen.

[50]           Pour ce qui est de la signification 1), je conviens avec l'Opposante que, lorsque l'on considère la Marque dans le contexte des services de la Requérante, le message qu'elle véhicule est que les services de la Requérante, c'est-à-dire « l'exploitation, la gestion et l'administration de fonds communs de placement » sont fournis par les investisseurs qui détiennent et exploitent la Requérante.

[51]           Je conviens, par ailleurs, avec la Requérante que la Marque peut également avoir la signification 2), à savoir que les personnes qui détiennent et exploitent la société de fonds communs de placement de la Requérante investissent également dans ses fonds communs de placement, dont l'exploitation, la gestion et l'administration sont assurées par la Requérante.

[52]           En fait, les significations 1) et 2) sont toutes deux conformes à la réalité. La société de la Requérante est exploitée par des personnes qui en sont en partie propriétaires et, donc, les services de la Requérante sont fournis directement par les investisseurs qui détiennent des parts dans la Requérante. En outre, les personnes qui détiennent et exploitent la société de la Requérante investissent également dans ses fonds communs de placement [affidavit Farmer, para. 15, 16 et 35].

[53]           Étant donné que les significations 1) et 2) sont toutes deux conformes à la réalité en l'espèce, j'estime que la Marque donne une description claire de deux aspects de la nature des services de la Requérante. J'estime, par conséquent, que la Marque donne une description claire au sens de l'article 12(1)b) de la Loi.

[54]           Je souligne qu'une marque de commerce qui n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant [article 12(2) de la Loi; Backrack Inc c. STK, LLC 2013 CF 424].

[55]           En l'espèce, la Requérante n'a pas revendiqué le bénéfice de l'article 12(2) dans sa demande, et n'a formulé aucune observation quant à la possible enregistrabilité de la Marque au titre de l'article 12(2). Même si la Requérante avait soulevé cette question, il est peu probable que j'aurais considéré l'affidavit Farmer comme suffisant pour me permettre de conclure que la Marque était devenue distinctive à la date de production de la demande d'enregistrement la concernant.

[56]           Dans l'ensemble, l'information concernant l'annonce et l'emploi de la Marque ainsi que les ventes réalisées en liaison avec la Marque n'a pas été suffisamment fractionnée ou ventilée pour me permettre d'évaluer adéquatement le caractère distinctif que la Marque pourrait avoir acquis entre la date de son premier emploi et la date de production de la demande.

[57]           Compte tenu de ce qui précède, ce motif d'opposition est accueilli.

La Marque est-elle distinctive?

[58]           La date pertinente pour évaluer ce motif d'opposition est la date de production de la déclaration d'opposition, soit, en l'espèce, le 20 septembre 2012 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[59]           L'Opposante allègue que la Marque ne peut pas distinguer les services de la Requérante des services de tiers dans le secteur de la gestion des fonds communs de placement, car bon nombre des sociétés qui fournissent des « services d'exploitation, de gestion et d'administration de fonds communs de placement » sont détenues et exploitées par les personnes qui ont investi dans ces sociétés. L'Opposante soutient que puisque la Marque donne une description claire de la nature des services en liaison avec lesquels elle est employée, elle ne peut pas distinguer les services de la Requérante. Je suis d’accord.

[60]           Une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse est nécessairement dépourvue de caractère distinctif [voir Canadian Council of Professional Engineers c. APA - The Engineered Wood (2000), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst.), p. 253]. J'ai déjà conclu que la Marque donnait une description claire des services de la Requérante à la date du 9 juin 2011 et il m'est impossible d'arriver à une conclusion différente en ce qui concerne le caractère descriptif ou distinctif de la Marque à la date du 20 septembre 2012.

[61]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est accueilli également.


Décision

[62]           Conformément aux pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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