Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 174

Date de la décision : 2010-10-14

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Michel Bigras, visant l’enregistrement no LMC411,551 de la marque de commerce SIGMA ACCOUNT au nom de BMO Nesbitt Burns Corporation Limited/Corporation BMO Nesbitt Burns Limitée

[1]               Le 30 décembre 2008, à la demande de Michel Bigras (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), à BMO Nesbitt Burns Corporation Limited/Corporation BMO Nesbitt Burns Limitée (l’Inscrivante), propriétaire inscrite de la marque de commerce SIGMA ACCOUNT portant le numéro d’enregistrement LMC411,551 (la Marque) et visant des services financiers, nommément services de comptes de courtage à la commission (les Services).

[2]               Cet avis exige que l’Inscrivante indique si la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Services à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente s’étend du 30 décembre 2005 au 30 décembre 2008 (la Période pertinente).

[3]               En réponse à l’avis, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Paul C. Adair ainsi que la pièce A jointe à son affidavit. Les deux parties ont produit des observations écrites et aucune audience n’a été demandée.

[4]               Les procédures prévues à l’article 45 sont considérées comme des procédures sommaires et expéditives visant à radier du registre les marques de commerce qui ne sont plus en usage. L’expression « éliminer le bois mort » est souvent employée pour décrire ce type de procédure [voir Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289].

[5]               Une simple allégation d’emploi de la Marque ne constitue pas une preuve suffisante de son emploi en liaison avec les services au sens de l’article 4 de la Loi. Il n’est pas nécessaire de présenter une surabondance d’éléments de preuve pour établir cet emploi, mais toute ambiguïté contenue dans la preuve produite doit être interprétée à l’encontre du propriétaire de la Marque [voir Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980) 53 C.P.R. (4th) 62 et Footlocker Group Canada Inc. c. Steinberg (2005), 38 C.P.R. (4th) 508]. C’est en ayant ces principes généraux à l’esprit que je vais maintenant résumer la preuve produite.

[6]               M. Adair est le vice‑président et directeur général du développement des produits et de la gestion de portefeuilles du groupe financier de l’Inscrivante et travaille pour celle‑ci depuis juillet 1998. À ce titre, il supervise, notamment, l’équipe responsable du développement des produits ainsi que la commercialisation et le soutien de tous les produits du groupe financier offerts par l’Inscrivante. Il connaît bien l’historique des ventes, de la commercialisation et de la promotion des produits du groupe financier et de la gestion de portefeuilles, en plus d’y avoir accès, et est au courant des voies de commercialisation par lesquelles les produits et services financiers ont été fournis au Canada.

[7]               Il affirme que, parmi les produits et services du groupe financier offerts par l’Inscrivante, dans la pratique normale du commerce, il y a la fourniture de conseils en placement pour guider la clientèle variée dans le cadre du processus de planification financière et aider ses clients à atteindre des objectifs financiers. Ce sont principalement des conseillers en placement formés figurant sur la liste de l’Inscrivante qui s’acquittent de cette tâche avec pour mandat de fournir un soutien, des conseils et des avis visant à aider les clients à établir des stratégies et des tactiques de placement.

[8]               Une partie de ces conseils en placement sont offerts sous la marque SIGMA ACCOUNT, qui est un compte de services financiers fournissant des services de comptes de courtage à la commission par l’entremise des propres conseillers en placement de l’Inscrivante. M. Adair affirme que la Marque est montrée en liaison avec ces services qui ont été offerts au cours de la Période pertinente.

[9]               Une brochure envoyée aux clients de l’Inscrivante au Canada dans la pratique normale du commerce durant la Période pertinente est jointe à son affidavit pour illustrer l’emploi de la Marque en liaison avec les Services. La brochure produite est un document d’une page en noir et blanc qui semble constituer un modèle puisque l’inscription [traduction] « <Nom du CP> » figure au-dessus de l’inscription [traduction] « Conseiller en placement ». Aussi, le numéro de téléphone du conseiller en placement est indiqué comme étant « (XXX) XXX-XXXX ». Sur la brochure, on peut lire « BMO Nesbitt Burns Sigma Account ® » dans la même police et la même taille. Au bas du document, on peut lire l’avis suivant : [traduction] « ® BMO […] [est] une marque déposée de la Banque de Montréal, employée sous licence. Nesbitt Burns est une marque déposée de Corporation BMO Nesbitt Burns Limitée ». Au milieu de la brochure, la marque de commerce SIGMA apparaît suivie du symbole ®. Au bas de la brochure, on peut aussi lire l’avis suivant : [traduction] « ® SIGMA est une marque déposée de Corporation BMO Nesbitt Burns Limitée ». Je signale que cette brochure ne contient aucun avis au lecteur indiquant que SIGMA ACCOUNT est une marque déposée appartenant à l’Inscrivante.

[10]           Dans ses observations écrites, la Partie requérante soutient que la preuve produite est loin de démontrer que la Marque a été employée en liaison avec les Services au cours de la Période pertinente. Elle affirme que le déposant n’a pas indiqué quand et comment la brochure a été envoyée aux clients de l’Inscrivante et qu’aucun document, comme des factures, images ou annonces portant une date, n’a été joint à l’affidavit. Enfin, les services liés à la Marque n’ont pas été clairement précisés dans le document produit par M. Adair. Selon la Partie requérante, il ne reste plus qu’une simple allégation d’emploi de la Marque au cours de la Période pertinente, ce qui est insuffisant pour maintenir l’enregistrement selon l’arrêt Plough précité.

[11]           L’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des services est défini ainsi au paragraphe 4(2) de la Loi :

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

[12]           S’il est vrai que l’affidavit de M. Adair est bref, il n’en allègue pas moins certains des faits essentiels nécessaires pour conclure à l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec les Services au cours de la Période pertinente, à savoir :

Les Services ont été annoncés au cours de la Période pertinente (brochure jointe comme pièce A).

La brochure a été distribuée au Canada au cours de la Période pertinente, ce qui démontre que les Services étaient disponibles au Canada durant cette période.

La distribution de la brochure a été effectuée dans la pratique normale du commerce.

[13]           La seule question qui reste à trancher consiste à savoir si c’est la Marque, ou une autre marque quelconque, qui a été employée. Comme je l’ai déjà mentionné, on peut lire l’inscription « BMO Nesbitt Burns Sigma Account® » sur la brochure. S’agit-il d’un emploi de la Marque?

[14]           Dans l’affaire Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), C.P.R. (3d) 523, où il était question d’une situation semblable, la Cour d’appel fédérale devait décider si l’emploi de CII Honeywell Bull constituait un emploi de la marque de commerce BULL. Dans sa décision, la Cour a dit ceci :

5. Il ne s’agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l’origine de ses marchandises. Elle ne l’a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l’a fait, CII a employé sa marque de commerce « Bull ». Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti concluerait [sic], selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

6. Si on considère le problème sous cet angle et qu’on applique ce critère, nous ne pouvons que conclure qu’en employant la marque composite « CII Honeywell Bull » CII n’a pas employé sa marque « Bull ».

[15]           Dans la décision Nightingale Interloc c. Prodesign (1984), 2 C.P.R. (3d) 534, le registraire a énoncé le principe suivant :

[traduction] L’emploi d’une marque en combinaison avec des éléments supplémentaires constitue un emploi en soi de la marque comme marque de commerce, lorsqu’à la première impression le public peut percevoir que la marque en soi est utilisée […].

[16]           L’endroit où est situé le symbole ® en l’espèce, la taille et la police des lettres et les notes de bas de page figurant au bas de la brochure donnent effectivement la première impression que la marque de commerce employée est BMO Nesbitt Burns Sigma Account, et non la Marque [voir également Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. c. AGF Management Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 411]. Comme dans l’affaire CII Honeywell Bull, je ne considère pas que l’emploi de « BMO Nesbitt Burns Sigma Account » constitue un emploi de la Marque. Comme nous l’avons vu, plusieurs marques de commerce sont définies dans les notes de bas de page. Il n’y a aucune mention de la Marque. Je ne considère pas que l’ajout de BMO et de Nesbitt Burns à la Marque et BMO Nesbitt Burns Sigma Account sont peu importants.

[17]           Il reste la mention de SIGMA® dans la brochure. S’agirait‑il d’un emploi de la Marque en liaison avec les Services? Vu que le symbole ® est placé tout de suite après SIGMA au milieu de la brochure et que le consommateur est informé, dans une note de bas de page, que SIGMA est une marque de commerce déposée, je ne vois pas comment un consommateur pourrait penser, comme première impression, que l’emploi de SIGMA constitue un emploi de la marque de commerce SIGMA ACCOUNT.

[18]           Compte tenu de la preuve au dossier, je conclus que l’Inscrivante n’a pas réussi à établir que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Services au cours de la Période pertinente au sens du paragraphe 4(2) de la Loi. En outre, l’affidavit de M. Adair ne fait état d’aucune circonstance spéciale pouvant justifier le défaut d’emploi de la Marque au cours de la Période pertinente.

Décision

[19]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement no LMC411,511 sera radié du registre conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canda

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B, D.É.S.S. en trad., trad. a.

 

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