Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 189

Date de la décision : 2014-09-03

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par l'Association des graphistes agréés de l'Ontario à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,500,967 pour la marque de certification CGD au nom de la Société des designers graphiques du Canada

[1]               La Société des designers graphiques du Canada (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de certification CGD pour emploi en liaison avec les services suivants (les Services). La demande revendique l'emploi depuis le 21 septembre 2010.

[traduction]
(1) Services professionnels de graphisme, nommément art graphique, art commercial, services de conseil en conception de produits, conception de sites Web, services de conception d'emballage de produits, conception de communication, communication visuelle, conception d'interfaces, conception multimédia, animation, conception typographique, conception éditoriale, conception de panneaux, conception de panneaux indicateurs et valorisation de marque.
(2) Services éducatifs dans le domaine du graphisme.
(3) Administration et planification de programmes éducatifs dans le domaine du graphisme.

 

La norme énoncée dans la demande est la suivante :

[traduction]
L'utilisation de la marque de certification certifie que le professionnel a atteint l'excellence en graphisme et répond aux exigences définies : a) a accumulé le nombre d'années requis d'une combinaison d'études en graphisme et de pratique professionnelle; b) a obtenu le statut de professionnel dans une province qui, selon la loi, peut licencier ou agréer des graphistes, ou a reçu l'approbation de l'exécutif national de la Société des designers graphiques du Canada pour son travail, son expérience et son intégrité professionnelle, ou a réussi l'examen de son portfolio et a fourni deux références d'autres professionnels agréés, d'employeurs ou de clients; c) réside et travaille au Canada ou est un citoyen canadien; d) respecte les objectifs et les buts (énoncés dans le document joint) ainsi que le code de déontologie et de conduite professionnelle de la Société des designers graphiques du Canada (voir le document joint).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 août 2011.

[3]               Le 14 décembre 2011, l'Association des graphistes agréés de l'Ontario (l'Opposante) s'est opposée à la demande en invoquant les motifs d'opposition suivants :

(a)     La demande n'est pas conforme à l'article 30a) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que l'état déclaratif des services n'est pas suffisamment précis ni n'est dressé dans les termes ordinaires du commerce.

(b)     La demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi, parce que la Requérante ou ses licenciés n'ont pas employé la Marque au Canada depuis au moins le 21 septembre 2010.

(c)     La demande n'est pas conforme à l'article 30f) de la Loi, parce que la norme définie n'est pas suffisamment précise.

(d)    La demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque et/ou d'en autoriser l'emploi sous licence au Canada en liaison avec les Services.

(e)     La marque visée par la demande n'est pas enregistrable, parce qu'elle crée de la confusion avec l'enregistrement no LMC593,715 de la marque RGD CANADA de l'Opposante.

(f)      La marque visée par la demande n'est pas enregistrable, parce qu'elle crée de la confusion avec les marques officielles suivantes : enregistrements nos 913,717 de la marque R.G.D.; 913,716 de la marque RGD; et 913,718 de la marque REGISTERED GRAPHIC DESIGNER.

(g)     La marque visée par la demande n'est pas enregistrable en vertu de l'article 23(1) de la Loi, parce que la Requérante se livre à la fabrication, à la vente, à la location à bail et/ou à l'exécution des Services.

(h)     La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque eu égard à l'article 16(1) de la Loi, parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de l'Opposante.

(i)       La Marque n'est pas distinctive en ce qu'elle ne distingue pas véritablement ni n'est adaptée à distinguer les Services de la Requérante.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante.

[5]               L'Opposante n'a produit aucune preuve en vertu de la règle 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement). La Requérante a produit en preuve l'affidavit de Melanie MacDonald, sa directrice administrative, en vertu de la règle 42 du Règlement. L'Opposante a produit comme preuve en réponse l'affidavit de Lionel Gadoury, son président, en vertu de la règle 43 du Règlement. J'admets que les paragraphes 2 et 4 et les Pièces A et C jointes à la preuve de M. Gadoury constituent une preuve en réponse valable.

[6]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue le 6 mai 2014.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[7]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p. 475; Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c. Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC)];

         articles 38(2)b)/12(1)d) et 12(1)e) – la date de ma décision [Assoc. olympique canadienne c. Allied Corp (1989), 28 CPR (3d) 161 (CAF) et Canadian Olympic Assn/Assoc Olympique Canadienne c. Olympus Optical Co (1991), 38 CPR (3d) 1 (CAF)];

         articles 38(2)c)/16(1) – la date de premier emploi revendiquée dans la demande [voir l'article 16(1)];

         articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317, p. 324 (CF)].

[8]               Avant de me pencher sur les motifs d'opposition, j'estime nécessaire d'examiner certaines exigences techniques relatives i) au fardeau de preuve initial imposé à un opposant au soutien des allégations figurant dans la déclaration d'opposition et ii) au fardeau ultime imposé à un requérant pour établir sa preuve.

[9]               En ce qui concerne le point i) susmentionné, il incombe à un opposant de démontrer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d'opposition : John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298. La présence d'un fardeau de preuve imposé à un opposant à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. Quant au point ii) susmentionné, c'est au requérant qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (pour les allégations pour lesquelles un opposant s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait qu'un fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre du requérant.

Motifs pouvant être sommairement rejetés

Motif d'opposition fondé sur l'article 30a)

[10]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30a) de la Loi, comme la demande ne renferme pas un état déclaratif dressé dans les termes ordinaires du commerce. Le fardeau de preuve initial imposé à l'Opposante en vertu de l'article 30a) est peu exigeant, et l'Opposante peut s'en acquitter au moyen des arguments invoqués [McDonald's Corp c. M.A. Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 CPR (3d) 101 (COMC), p. 104; Air Miles International Trading BV c. Deutsche Lufthansa AG (2010), 89 CPR (4th) 230 (COMC), para. 30]. L'Opposante soutient que la demande ne comporte pas d'état dressé dans les termes ordinaires du commerce, comme les Services (1) décrits ne sont pas immédiatement évidents pour le consommateur ordinaire.

[11]           Le Manuel des marchandises et des services du Bureau canadien des marques de commerce présente une liste représentative des marchandises et des services acceptables en vertu de l'article 30a) de la Loi. J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de la consulter [Johnson & Johnson c. Integra Lifesciences Corp (2011), 98 CPR (4th) 429, para. 29 (COMC)] et je souligne qu'elle comporte les services « conception de graphisme ». Comme la demande en cause comporte ce terme et décrit les services plus en détail, l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait. Par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30f)

[12]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30f) de la Loi, parce que la norme définie n'est pas suffisamment précise. La demande ne renferme pas les détails de la norme définie que l'emploi de la Marque est destiné à indiquer. L'Opposante ne s'est donc pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, et ce motif d'opposition est rejeté.

[13]           L'Opposante soutient que, si la norme mentionnée dans la demande exige le respect du code de déontologie et de conduite professionnelle de la Société des designers graphiques du Canada (SDGC), le site Web de la Requérante indique que le respect d'une norme différente est requis, soit le code de déontologie et les principes de durabilité de la SDGC (Pièce C jointe à l'affidavit de Lionel Gadoury). Cette question n'a cependant pas été soulevée dans la déclaration d'opposition. À ce titre, je ne peux en tenir compte. Lorsqu'un opposant allègue que la demande n'est pas conforme à un article de la Loi en s'appuyant sur des circonstances particulières, il n'est pas permis de la rejeter au motif qu'elle n'est pas conforme à cet article de la Loi pour des motifs autres que ceux qui ont été invoqués [Le Massif Inc c. Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 95 CPR (4th) 249, para. 27-29 (CF)].

Articles 30f) et 23 de la Loi

[14]                 L'Opposante allègue que la marque visée par la demande n'est pas enregistrable, parce que la Requérante se livre à la fabrication, à la vente, à la location à bail et/ou à l'exécution des Services, conformément à l'article 23. Il convient d'examiner un tel motif d'opposition en vertu de l'article 30f). De plus, comme il n'existe aucune preuve que la Requérante exécute les Services, l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve, et ce motif d'opposition est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30i)

[15]                 Pour le motif d'opposition fondé sur l'article 30i), il est allégué que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque. Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i), ce motif ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu'il existe une preuve de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. Comme la déclaration requise est incluse dans la demande et comme il n'y a pas d'allégation ni de preuve de mauvaise foi ni autre circonstance exceptionnelle, le motif fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Motifs d'opposition fondés sur l'article 16(1) et sur l'article 2

[16]                 Les motifs d'opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 2 sont rejetés, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. L'Opposante n'a pas démontré que ses marques de commerce ou ses marques officielles ont été employées ou révélées au Canada aux dates pertinentes applicables. Malgré le fait qu'une déclaration d'emploi a été produite à l'égard de l'enregistrement no LMC593,715 de la marque de commerce RGD CANADA de l'Opposante et que l'Opposante doit avoir adopté les marques en vue d'obtenir les marques officielles R.G.D, no 913,717, RGD, no 913,716, et REGISTERED GRAPHIC DESIGNER, no 913,718, ceci n'est pas suffisant pour lui permettre de s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de ces motifs d'opposition [voir, par exemple, Entre Computer Centers Inc c. Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

Motifs d'opposition restants

[17]           J'examinerai ci-après les motifs d'opposition restants, qui sont fondés sur les articles 30b), 12(1)d) et 12(1)e) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30b)

[18]           La déclaration d'opposition allègue que la Marque n'a pas été employée par la Requérante ou ses licenciés depuis au moins le 21 septembre 2010.

[19]           L'article 23 de la Loi ne permet pas au propriétaire d'une marque de certification d'employer la marque, mais considère plutôt l'emploi de la marque par ses licenciés comme un emploi par le propriétaire. Dans l'affaire Ontario Dental Assistants Association c. Association dentaire canadienne, 2013 CF 266, para. 21, conf. par 2013 CAF 279 (Ontario Dental), le juge Manson énonce que pour être valide, une marque de certification doit :
[traduction]

         à la [...] date de premier emploi, ne pas être employée par le propriétaire, mais uniquement par des personnes autorisées, en liaison avec l'exécution de services, la fabrication de marchandises ou l'annonce des marchandises ou de services de ces personnes autorisées;

         être conforme, quant à l'emploi [...] à l'article 4 de la Loi.

[20]           Le fardeau de preuve initial imposé à un opposant à l'égard de la question de la non-conformité d'un requérant à cet article de la Loi est peu exigeant, et un opposant peut s'en acquitter en s'appuyant non seulement sur sa propre preuve, mais également sur celle du requérant [Labatt Brewing Co Ltd c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst), p. 230]. Pour ce faire, l'opposant doit démontrer que la preuve du requérant est « clairement » incompatible avec les revendications exposées dans la demande [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c. Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, para. 33]. Si un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial, le requérant doit démontrer qu'il a employé la marque à la date revendiquée. De plus, un requérant doit savoir que, s'il n'est pas en mesure d'établir une date de premier emploi revendiquée au moyen d'une preuve documentaire, il peut avoir avantage à revendiquer une date ultérieure qui puisse être démontrée, plutôt que de risquer que sa demande soit rejetée en vertu de l'article 30b) [Guevin c. Tall Dark & Handy Handyman Services Ltd (2011), 97 CPR (4th) 444, para. 19 (COMC)].

[21]           La preuve de Mme MacDonald présentée aux paragraphes 12 et 13 de son affidavit est libellée comme suit :

[traduction]
Le 21 septembre 2010, la Requérante a transmis un courriel à tous ses membres donnant l'instruction aux membres dont les services satisfaisaient à la norme de certification définie de commencer immédiatement à annoncer et à exécuter les Services en liaison avec la Marque.

Je crois vraiment que de nombreux membres de la Requérante dont les services satisfaisaient à la norme de certification définie se sont conformés à l'instruction de la Requérante et ont immédiatement commencé à annoncer et à exécuter les Services en liaison avec la Marque le 21 septembre 2010 ou aux environs de cette date. Cette conviction repose sur les nombreux courriels et appels téléphoniques que j'ai reçus des membres de la Requérante le 21 septembre 2010 ou aux environs de cette date quant à l'emploi de la Marque.

[22]           Mme MacDonald joint également à son affidavit une copie d'un bulletin publié par la Requérante le 22 décembre 2010 (Pièce A). Ce bulletin énonce que le 15 septembre 2010, les délégués ont voté pour remplacer le titre MGDC par celui de CGD. Il indique que CGD est un titre honorifique plus clair et que les exigences et l'examen des dossiers demeurent les mêmes. Ce bulletin énonce également ce qui suit :

[traduction]
On encourage les membres qui possèdent actuellement le titre MGDC à commencer à employer la marque de certification « CGD » immédiatement et au plus tard le 1er janvier 2011. Les membres qui possèdent le titre CGD peuvent employer le logo de la SDGC et la mention suivante dans leur matériel promotionnel : CGD, Société des designers graphiques du Canada…

[23]           Dans ses observations, l'Opposante s'appuie sur le fait que les membres de la Requérante avaient jusqu'au 1er janvier 2011 pour commencer à employer la Marque et fait valoir que les exemples d'emploi fournis par Mme MacDonald ne démontrent pas l'emploi de la Marque comme marque de certification.

[24]           La mention du [traduction] « 21 septembre 2010 ou aux environs de cette date » par Mme MacDonald laisse entendre qu'elle ne sait pas trop si les membres de la Requérante ont commencé à employer la Marque le 21 septembre 2010 et est nettement incompatible avec la date revendiquée dans la demande. De plus, il semble peu probable que les Membres de la Requérante aient employé la Marque le jour même où on leur a indiqué de le faire. J'estime que ceci est suffisant pour permettre à l'Opposante de s'acquitter du fardeau de preuve peu exigeant qui lui incombe [voir également Société des comptables professionnels du Canada c. Institute of Certified Professional Accountants of Alberta 2010 COMC 182, au para. 21, dans lequel Myer Herzig a également conclu que de telles circonstances seraient suffisantes pour permettre à un opposant de s'acquitter de son fardeau de preuve peu exigeant]. Comme l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve, je dois maintenant déterminer si la Requérante a démontré que la Marque était employée à la date revendiquée dans la demande.

[25]           Mme MacDonald fournit des imprimés tirés du site Web et de la page LinkedIn de plusieurs des Membres de la Requérante dans lesquels le nom et le titre du Membre sont suivis de la mention CGD ou dans lesquels cette mention figure comme qualification, par exemple :

[traduction]

         « Pablo Mandel, directeur artistique et designer graphique, CGD, CircularStudio » (archive Internet du site www.circularstudio.com datée du 9 novembre 2010; Pièce C);

         Sous le titre « Affiliations professionnelles/conseils/jurys », « Membre agréé CGD et président des adhésions, Société des designers graphiques du Canada, section du sud de l'Alberta » (archive Internet du site acad.ab.ca/faculty_profiles.html décrivant Naoko Masuda datée du 13 décembre 2010; Pièce D);

         « Rencontrez Doug Coates, CGD » (www.mcclaydesign.com; Pièce E);

         « Kirsten Skipp est une designer ayant plus de 12 années d'expérience qui a remporté des prix. Kirsten a obtenu un baccalauréat en histoire de l'Université de la Colombie-Britannique et a étudié le design au Collège communautaire de Vancouver. Kirsten est membre agréée (CGD) de la Société des designers graphiques du Canada. » (www.skippdesign.com; Pièce F);

         « Pretty/Ugly Design chapeaute le travail à la pige du designer graphique Ben Didier, CGD. » (www.prettyugly.ca; Pièce F);

         « DESIGN GRAPHIQUE DE LISA SALAZAR, CGD » (www.salazar.ca; Pièce F);

         « Kevin Guenther, CGD » (ca.linkedin.com; Pièce F).

La Requérante soutient que cette preuve démontre que ses Membres ont employé la Marque en liaison avec l'annonce de services de design graphique.

[26]           J'estime que la preuve fournie par Mme MacDonald ne démontre pas l'emploi de la Marque comme marque de certification à la date revendiquée. En premier lieu, la preuve est au mieux ambiguë quant à la question de savoir si l'un ou l'autre des membres de la Requérante a commencé à employer la Marque le 21 septembre 2010. En second lieu, les exemples d'emploi joints à son affidavit n'établissent pas l'emploi de la Marque conformément aux articles 2 et 4 de la Loi. Les exemples démontrent plutôt que les Membres de la Requérante emploient CGD comme titre professionnel pour signaler leurs compétentes au public et non comme marque de certification en vue de distinguer les Services satisfaisant à une norme définie. Pour arriver à cette conclusion, je m'appuie sur la jurisprudence suivante :

         Ontario Dental, précité, au paragraphe 30, dans lequel il a été conclu que l'emploi du sigle CDA sur les étiquettes portées par les assistants dentaires tandis qu'ils offraient des services au public ne distinguait pas les services exécutés.

         Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Alberta Institute of Power Engineers, (2008), 71 CPR (4th) 37 (COMC), au para. 46, dans lequel il a été conclu que la Requérante n'avait pas établi l'emploi, comme l'exige l'article 4(2) de la Loi, malgré le fait que le titre PE figurait sur des cartes professionnelles et à la suite du nom des ingénieurs.

         Groupe Conseil Parisella, Vincelli Associés Inc c. CPSA Sales Institute (2003), 31 CPR (4th) 308, para. 12 (COMC), affaire dans laquelle il a été conclu que le sigle PVA n'était pas employé en liaison avec des services, mais était plutôt employé comme titre professionnel suivant le nom d'une personne sur des cartes professionnelles, du papier à en-tête ou des certificats d'agrément.

[27]           Par conséquent, ce motif d'opposition est accueilli.

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d)

[28]                 J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer que l'enregistrement no LMC593,715 de la marque de commerce RGD CANADA est en vigueur [Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Cette marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises et services suivants :

[traduction]

 

Marchandises : Publications imprimées et électroniques, nommément livres, bulletins, brochures et prospectus, tous les articles précités ayant trait à la conception graphique et aux services fournis par l'Association; tee-shirts, porte-documents, sacs à provisions en toile, grosses tasses, stylos, casquettes de base-ball, signets.

Services : Services liés aux associations, nommément fourniture de services d'autoréglementation, de mesure disciplinaire, d'état de qualification professionnelle et services d'affiliation destinés aux concepteurs graphiques; services de placement, nommément permettre aux membres de l'Association d'obtenir des postes de conception graphique et permettre à des entreprises de graphisme d'embaucher des employés en conception graphique; services d'information, nommément fourniture d'information au sujet de concepteurs graphiques au moyen d'un site Web sur le réseau informatique mondial et tenue d'événements spéciaux, nommément conférences, ateliers, séminaires, groupes de discussion de perfectionnement professionnel, réceptions sociales et de réseautage, forums d'éducation du public, tous les services susmentionnés sur le sujet des affaires, de la pratique et de l'étude du graphisme; services d'enseignement, nommément fourniture d'éducation permanente et de cours de perfectionnement professionnel destinés aux concepteurs graphiques au moyen de conférences et de séminaires; services philanthropiques, nommément fourniture de bourses aux étudiants afin de développer leurs intérêts en graphisme.

L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif.

[29]           Il y a probabilité de confusion lorsque l'emploi de deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises et les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués par la même personne. La probabilité de confusion ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des biens ou des services provenant d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question est de savoir si les Services certifiés par la Requérante et vendus en liaison avec la Marque seraient perçus comme étant produits, commandités ou approuvés par l'Opposante.

[30]           Aux fins de cette appréciation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce, y compris celles énumérées à l'article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[31]           Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu'il convient d'accorder à chacun d'eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc, [2006] 1 SCR 772 (CSC), para. 54]. Je m'appuie également sur l'affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para. 49, selon laquelle le critère énoncé à l'article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion.

caractère distinctif inhérent

[32]           Ce facteur ne favorise ni l'une ni l'autre des parties, comme les marques en cause possèdent un faible caractère distinctif inhérent. La Marque est constituée du sigle CGD, qui signifie Certified Graphic Designer (designer graphique agréé). La marque de commerce de l'Opposante se compose du sigle RGD, qui signifie Registered Graphic Designer (graphiste agréé), et du mot à vocation descriptive Canada.

degré de ressemblance

[33]           Au moment de déterminer si une marque de commerce crée de la confusion, il faut considérer la marque de commerce dans son ensemble. Celle-ci ne doit pas être décomposée en ses éléments constitutifs. De plus, la première partie d'une marque peut être la plus importante en vue de distinguer les marques [Conde Nast Publications Inc c. Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, p. 188 (CF 1re inst.)].

[34]           Les marques de commerce des parties se ressemblent dans une certaine mesure dans la présentation et le son, comme les sigles RGD et CGD partagent le suffixe GD. Cependant, l'ajout du mot CANADA à la marque de l'Opposante diminue le degré de ressemblance dans la présentation et le son. Si les marques de commerce évoquaient une idée quelconque pour les consommateurs, ce serait celle d'un designer graphique ou de services de design graphique qui sont certifiés ou agréés, et ceci n'entraîne pas en soi un degré de ressemblance élevé dans les idées suggérées. De plus, ce concept (ou le sigle qui s'y rattache) ne peut faire l'objet d'un monopole; voir les commentaires du juge Reed dans American Assn of Retired Persons c. Canadian Assn. of Retired Persons/Assoc Canadienne des Individus Retraites (1998), 84 CPR (3d) 198, para. 34 (CF 1re inst.) :

[traduction]
Les marques présentent une ressemblance dans la présentation et le son du fait que les trois dernières lettres des acronymes sont identiques. Pour apprécier si une marque crée de la confusion, il faut la considérer dans son ensemble. Il ne faut pas l'analyser en ses éléments. Le C et la feuille d'érable de la marque CARP lui confèrent un caractère distinctif. Il faut également tenir compte de l'idée suggérée par la marque. L'idée exprimée par les trois dernières initiales des deux marques est celle d'une association de retraités, concept qui ne peut faire l'objet d'un monopole. Les lettres initiales A et C renvoient aux territoires différents et, ainsi qu'il a été noté, servaient de trait distinctif.

période pendant laquelle les marques ont été en usage et mesure dans laquelle elles ont été employées

[35]           Ce facteur favorise légèrement la Requérante. L'Opposante n'a produit aucune preuve d'emploi de la marque de commerce RGD CANADA. Si la preuve de la Requérante n'établit pas l'emploi de la marque de commerce CGD en tant que telle, j'estime que le sigle CGD a une certaine notoriété, étant donné qu'il a été adopté par les Membres de la Requérante comme titre de compétence sur leur site Web et ainsi de suite. Si j'ai tort de conclure que ce facteur favorise la Requérante, cela n'aurait aucune incidence sur ma décision finale à l'égard de ce motif d'opposition.

genre de marchandises ou d'entreprise et nature du commerce

[36]           Ce facteur favorise l'Opposante. La Marque est une marque de certification qui certifie qu'un professionnel a atteint l'excellence dans le domaine du design graphique. Les services de l'Opposante comprennent des services reliés à la qualification des professionnels. Par conséquent, les services et le commerce des parties sont essentiellement les mêmes, c'est-à-dire que chaque partie cherche à assurer que des services de design graphique de grande qualité sont offerts aux entreprises et aux particuliers.

jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[37]           La jurisprudence relative aux marques de commerce faibles appuie la position de la Requérante. Dans l'affaire GSW Ltd c. Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst.), la Cour a conclu que les marques de commerce qui reposent sur des initiales constituent des marques de commerce faibles et qu'elles n'ont droit qu'à une protection limitée. De plus, il est bien établi que des différences relativement petites suffiront à distinguer des marques faibles. Dans l'affaire Provigo Distribution Inc c. Max Mara Fashion Group SRL (2006), 46 CPR (4th) 112, para. 31 (CF 1re inst.), le juge Montigny a donné l'explication suivante :

[traduction]
Les deux marques étant intrinsèquement faibles, il est juste de dire que même de petites différences suffiront à les distinguer. S'il en était autrement, on permettrait au premier utilisateur des mots d'usage courant de monopoliser injustement ces mots. Un autre motif invoqué par les tribunaux pour en arriver à cette conclusion est que le public est censé se tenir davantage sur ses gardes lorsque de tels faibles noms commerciaux sont employés… C'est particulièrement le cas lorsque des abréviations sont employées : on a même conclu que les mêmes lettres présentées dans un ordre différent (certes de forme et de conception différentes) ne créaient pas de confusion (GSW Ltd c. Great West Steel Industries).

Enfin, il a été établi qu'une partie qui adopte une marque de commerce faible accepte un certain risque de confusion [General Motors c. Bellows (1949), 10 CPR 101, p. 115-116 (CSC)].

[38]           S'il est possible d'accroître le caractère distinctif d'une marque de commerce faible par un emploi à grande échelle [Sarah Coventry Inc c. Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238, para. 6 (CF 1re inst.)], l'Opposante n'a produit aucune preuve d'un tel emploi.

conclusion

[39]           Compte tenu des facteurs énoncés à l'article 6(5), et étant donné que la marque de commerce RGD invoquée par l'Opposante est une marque faible et qu'il n'existe aucune preuve de son emploi, de sorte qu'elle aurait droit à une protection plus grande, je conclus que la prépondérance des probabilités d'une conclusion qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion et d'une conclusion qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion fait légèrement pencher la balance en faveur de la Requérante. Par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté. J'ajouterais que si l'Opposante avait démontré un caractère distinctif acquis significatif de sa marque, la prépondérance des probabilités aurait probablement joué en sa faveur.

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)e)

[40]           L'Opposante fait valoir que la Marque n'est pas enregistrable eu égard à l'article 12(1)e) de la Loi, du fait que son adoption est interdite par l'article 9(1)n)(iii), qui énonce ce qui suit :

Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit : tout insigne, écusson, marque ou emblème… adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services, à l'égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d'adoption et emploi;

[41]           À l'appui de ce motif d'opposition, l'Opposante invoque ses marques officielles énoncées ci-après. J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer l'existence de chacune de ces marques officielles [Quaker Oats Co of Canada, précité].

No

Marque

913 717

R.G.D.

913 716

RGD

913 718

REGISTERED GRAPHIC DESIGNER

[42]           Il n'y a aucune preuve de l'adoption et de l'emploi par l'Opposante de ses marques officielles. Il n'existe pas non plus de preuve démontrant que l'Opposante est en réalité une autorité publique. La Requérante soutient ce qui suit aux paragraphes 88 et 89 de son plaidoyer écrit :
[traduction]

88

Il convient également de noter que les Marques officielles ont été annoncées en 2001, avant la publication de l'Énoncé de pratique du Bureau canadien des marques de commerce en 2007 qui a marqué le début d'un processus plus rigoureux pour l'évaluation du « statut d'autorité publique », comprenant les exigences relatives au contrôle gouvernemental. En particulier, le simple fait que l'Opposante est « établie par la loi » ne constitue pas en droit un « contrôle gouvernemental » dans ce contexte.

89

L'Opposante n'a produit absolument aucune preuve principale ni aucune preuve en réponse admissible relativement à ce point. … Par conséquent, elle n'a pas étayé son allégation selon laquelle la ressemblance avec la Marque de certification est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ses Marques officielles, et elle ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de son argument.

[43]           En l'absence de preuve indiquant que les marques officielles de l'Opposante n'ont pas été employées, l'Opposante n'est pas tenue de démontrer l'adoption et l'emploi de ses marques officielles [voir Assoc. olympique canadienne c. Allied Corp, précité, p. 166]. De plus, comme la Requérante n'a produit aucune preuve laissant planer un doute sur la question de savoir si l'Opposante peut être considérée comme une autorité publique, l'Opposante n'est pas tenue de démontrer son statut en tant que tel pour invoquer ses marques officielles.

[44]           L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif d'opposition. Je dois maintenant déterminer si la Marque est composée ou non des marques officielles, ou si la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec les marques officielles. La jurisprudence a donné une interprétation de l'expression « composée de » énoncée à l'article 9 qui signifie [traduction] « identique à » [Big Sisters Assn of Ontario c. Les Grands Frères du Canada (1997), 75 CPR (3d) 177 (CF 1re inst.); conf. par (1999), 86 CPR (3d) 504 (CAF)].

[45]           La Marque n'est identique à aucune des marques officielles de l'Opposante. À ce titre, je dois évaluer si la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec l'une ou l'autre des marques de l'Opposante. En ce qui concerne le critère de la ressemblance énoncé à l'article 9, la jurisprudence indique qu'il doit être appliqué sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait, en tenant compte des facteurs énoncés à l'article 6(5)e) [Big Sisters, précité]. Enfin, les expressions « les confondre » et « créer de la confusion avec » ne sont pas synonymes [Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA-The Engineered Wood Assn (2000), 7 CPR (4th) 239, para. 71 (CF 1re inst.)].

[46]           La Marque se distingue des marques officielles RGD et R.G.D. dans la présentation et le son en raison des différences dans la première lettre des marques. Elle se distingue aussi de la marque officielle REGISTERED GRAPHIC DESIGNER. Par conséquent, j'estime qu'une personne familière avec l'une ou l'autre des marques officielles de l'Opposante, mais qui n'en a qu'un souvenir imparfait ne serait pas susceptible de la confondre avec la Marque. En conséquence, je rejette ce motif d'opposition.


Décision

[47]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 



Traduction certifiée conforme
Marie-Pierre Hétu, trad.

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