Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

de Gilmar S.p.A. et Seminvest Investments B.V. à la demande numéro 1180577 produite par La Brasserie Labatt Limitee / Labatt Brewing Company Limited en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ICE BOX

Le 6 juin 2003, La Brasserie Labatt Limitée / Labatt Brewing Company Limited (« Labatt ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ICE BOX sur la base d’un emploi projeté en liaison avec l’utilisation, au Canada, des marchandises et services suivants :

marchandises

vêtements pour hommes et femmes, nommément tee-shirts, pulls d’entraînement, chemises de toutes sortes; pantalons de survêtement, survêtements; tenues d’entraînement, costumes de ski, vestes de ski, pantalons de ski, maillots de bain, shorts, gilets, chandails en laine, pantalons, manteaux, vestes, gants, serre-poignets, bas de réchauffement, cravates, ceintures; boucles de ceinture;

 

couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, visières, cache-oreilles, bandeaux; bandanas;

 

sacs, nommément sacs à main, sacs de sport, sacs isolants, sacs à bandoulière, sacs de golf, sacs de hockey, sacs à vêtements; serviettes et tabliers;

 

verres, grosses tasses, pichets; tasses en plastique;

 

cartes à jouer; stylos; enseignes; bannières; affiches; chaînes porte-clés; décapsuleurs; seaux; poignées de robinet; sous-verres; miroirs; horloges; cibles de fléchettes; montres; épinglettes décoratives; lunettes de soleil; briquets; parapluies; housses de bâton de golf; tés de golf; balles de golf; lampes de patio, feutres pour table de billard; queues de billard; luminaires pour table de billard; autocollants; chaînes audiophoniques; glacières portatives et mini-réfrigérateurs.

services

publicité, commercialisation et promotion de boissons alcooliques au profit de tiers, nommément fourniture de matériel publicitaire, promotionnel et de commercialisation au moyen de médias électroniques et d’imprimés et organisation, tenue et parrainage de concours, de spectacles, d’événements sportifs et de rencontres sociales.


La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 19 novembre 2003 et a fait l’objet d’une opposition de la part de Gilmar S.p.A (« Gilmar ») et de Seminvest Investment BV. (« Seminvest ») le 19 janvier 2004. Le 10 février 2004, le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, tel qu’exigé par l’article 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. La requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration dans laquelle sont niées de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

 

Les opposantes ont tout d’abord produit en preuve l’affidavit de Silvano Gerani. Toutefois, le 21 avril 2005, elles ont retiré l’affidavit de M. Gerani versé au dossier de la preuve, après que les requérantes ont eu demandé la permission de le contre-interroger (le 15 décembre 2004) et qu’une ordonnance autorisant le contre-interrogatoire ait été rendue (le 22 décembre 2004). Par conséquent, aucune preuve au dossier ne soutient les prétentions des l’opposantes. La preuve de la  requérante consiste en les affidavits de Cindy Graham, gérante de la requérante Labatt, et de Gay Owens, recherchise en marques de commerce. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits ; cependant, aucune n’a choisi d’être représentée lors d’une audience.

 

DÉCLARATION D’OPPOSITION

Le premier motif d’opposition énonce que la marque ICE BOX visée par demande n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée de l’opposante Gilmar ICEBERG, enregistrement no 345589, et avec les deux marques de commerce déposées de l’opposante Seminvest ICEBERG, enregistrements nos 576395 et 345589, lesquels couvrent les marchandises suivantes :

Enregistrement numéro 345589 de Gilmar

sacoches et ceintures

gilets en tricot, gilets de corps, chemises, robes, vestes et jerkins, manteaux, imperméables; vestes et manteaux de fourrure, vestes et manteaux de cuir et de peaux, jupes, pantalons, jeans, justaucorps, shorts, ceinturons, foulards, gants, châles, mouchoirs, chaussettes, serviettes, maillots de bain, chapeaux, bottes, souliers et pantoufles.

Enregistrement numéro 576395 de Seminvest

tasses à café, contenants pour aliments, en porcelaine, verre, acier, métal ou plastique; chaudrons et couvercles; récipients à boire en porcelaine, verre et acier; ustensiles pour boissons en porcelaine, verre, acier, métal ou plastique; vases; contenants à boisson en porcelaine et verre; plateaux; ustensiles de cuisine; articles de table en porcelaine, verre, acier, métal ou plastique.

Enregistrement numéro 345589 de Seminvest

parfumerie; broches en cuire; parapluies

lunettes, montures de lunettes, verres de lunettes, étuis à lunettes, montres et bijoux.

 

Gilmar et Seminvest partagent le numéro d’enregistrement 345589 pour deux enregistrements distincts de marque de commerce parce que Gilmar a partiellement cédé son enregistrement à Seminvest. Néanmoins, le Bureau des marques de commerce à attribué des numéros différents pour la production de la demande d’enregistrement pour plus de commodité.

 

Les opposantes ont aussi soulevé des motifs d’opposition supplémentaires énonçant que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque ICE BOX et que la marque visée par la demande n’est pas adaptée pour distinguer les marchandises et les services de la requérante.

 

FARDEAU DE PRÉSENTATION DE LA PREUVE

À l’égard de chaque motif d’opposition, le fardeau initial incombe aux opposantes, même s’il appartient à la requérante d’établir que sa demande est conforme aux exigences des dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce. Pour s’acquitter de leur fardeau de preuve à l’égard d’un motif précis, il incombe aux opposantes de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elles appuient leur motif d’opposition : a partir desquels il sera possible de conclure que les dits motifs d’opposition existent : voir, par exemple, John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298. Néanmoins, le registraire fait exception au fardeau de présentation de la preuve lorsque l’opposant ne prouve pas l’existence de la marque de commerce déposée sur laquelle il fonde sa déclaration d’opposition. Dans un tel cas, le registraire estime avoir le pouvoir discrétionnaire d’inspecter le registre des marques de commerce afin de confirmer l’existence de l’enregistrement sur lequel l’opposant se fonde : voir Quaker Oats of Canada LTD./ La compagnie Quaker Oats du Canada Ltee c. Menu Foods Ltd. (1986),11 C.P.R. (3d) 410. En agissant au nom du registraire en l’espèce, j’ai remarqué que les opposantes sont titulaires des enregistrements susmentionnés qu’elles invoquent dans la déclaration d’opposition au soutient du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

 

Les autres motifs d’opposition, lesquels sont fondés sur l’emploi des marques par les opposantes, ne sont pas soutenus par la preuve et n’ont donc pas été débattus. La seule question à trancher est celle de la confusion, laquelle était soulevée dans le premier motif d’opposition, invoquant les marques déposées des opposantes.

 

PREUVE DU REQUÉRANT

L’affidavit de Mme Graham peut se résumer comme suit. La requérante a commencé à employer la marque de commerce ICE BOX au Canada en juin 2003, en liaison avec la bière. En mars 2006, date de l’affidavit, la requérante avait vendu plus de 1,2 million de caisses de bière portant la marque ICE BOX. Les pièces jointes à l’affidavit de Mme Graham démontrent la manière dont la marque ICE BOX est mise en évidence sur les caisses de bière de la requérante. Les dépenses publicitaires en lien avec la marque ICE BOX à la télévision, dans les journaux, à l’extérieur et aux points de ventes ont excédé 1,4 millions de dollars pour l’exercice qui s’est terminé en mars 2006.

 

Je relève que Mme Graham n’indique d’aucune façon si la marque ICE BOX visée par la demande a été employée en liaison avec les marchandises ou services mentionnés dans la demande d’enregistrement. De plus, je n’ai pas tenu compte du paragraphe 6 de son affidavit, puisqu’il constitue une preuve par ouï-dire inadmissible.

 

L’affidavit de Mme Owens vise à produire en preuve les résultats de la recherche effectuée dans le registre des marques de commerce. Elle a fourni à la Commission [traduction] « plusieurs détails pour un bon nombre d’enregistrements et de demandes d’enregistrement de marques de commerce actives » déposés en liasse comme pièces jointes à l’affidavit. Suivant mon examen des pièces, il semble que Mme Owens ait effectué la recherche pour des marques : (i) formées par la composante ICE et (ii) dont l’emploi à été défini en liaison avec des vêtements. Voici quelques exemples des marques repérées lors de la recherche : ICE FLANNEL, ICE GEAR, ICE GRIP, ICE WALKER et ICEMAN. La requérante analyse le témoignage de Mme Owens au paragraphe 14 de son plaidoyer écrit (reproduit ci-dessous) :

 

[traduction] 14. La pièce « A » jointe à l’affidavit de Mme Owens constitue les précisions qu’elle a relevées. En tout, 103 marques de commerce ont été relevées, dont l’enregistrement no LMC345559 et la demande no 1160643 sur lesquels se fondent les opposantes dans leur déclaration d’opposition, 74 autres marques de commerces déposées, la présente demande, ainsi que 26 autres demandes de marques de commerce. Chacune de ces marques de commerce comportent les lettres « ice » et chacune est déposée en liaison avec des marchandises telles que des vêtements, des articles vestimentaires et accessoires connexes.

 

PRINCIPALE QUESTION EN LITIGE

Tel que je l’ai mentionné, la question déterminante en l’espèce est de savoir si la marque ICE BOX visée par la demande crée de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques déposées ICEBERG, appartenant aux opposantes. La date pertinente pour apprécier la question de la confusion visée à 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce est la date de ma décision : pour une revue de la jurisprudence au sujet de la date pertinente dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, p. 206 à 209 (C.F. 1ere inst.).

 

FARDEAU ULTIME

Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’existe aucune possibilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, entre la marque ICE BOX visée par la demande et une ou plusieurs des marques ICEBERG des opposantes. Cela signifie que s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive une fois la preuve produite, il faut rendre une décision défavorable à la requérante : voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293, p. 297 et 298 (C.F. 1ere inst.). Le test de la confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Les facteurs à prendre en considération pour apprécier s’il y a confusion entre les deux marques sont prévus au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce : il s’agit du caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; de la période pendant laquelle les marques ont été en usage; du genre de marchandises, services ou entreprises; de la nature du commerce et du degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive : tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Les poids devant être accordé à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même et dépend des circonstances : voir Gainers Inc c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce, (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1ere inst.).

 

ANALYSE DES FACTEURS PRÉVUS À L’ARTICLE 6(5)

La marque ICEBOX visée par la demande possède un assez grand caractère distinctif inhérent, puisqu’elle n’a aucune connotation descriptive ou suggestive par rapport aux marchandises et services de la requérante, tout comme la marque ICEBERG des opposantes. Ni l’une ni l’autre des parties n’a fait la preuve de la réputation de leurs marques, du moins pas à l’égard des marchandises et des services en liaison avec les marques en cause. Là encore, les parties n’ayant pas établi l’emploi de leurs marques en liaison avec les marchandises et services énoncés dans leurs enregistrements et leurs demandes, la période pendant laquelle les marques des parties ont été employées n’est pas un facteur pertinent. Il y a un certain chevauchement dans les marchandises des parties à l’égard des vêtements seulement : en l’absence de preuve contraire, je dois tenir pour acquis qu’il n’y a pas de chevauchement significatif dans les voies de commercialisations des parties (sauf à l’égard de la vente de vêtements).

 

Les marques de commerce ICEBERG et ICEBOX ont un degré de ressemblance relativement élevé, tant au point de vue visuel que sonore, en raison de la présence du préfixe ICE dans les deux marques, mais le degré de ressemblance dans les idées qu’elles suggèrent est moindre. S’agissant de ce dernier point, « iceberg » et « ice box » (glacière en français) évoquent des concepts sensiblement différents.

 

CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

Selon un principe établi en droit des marques de commerce, la première partie ou syllabe d’une marque est la plus importante aux fins de la distinction des marques : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Editions Modernes (1979) 26 C.P.R.(2d) 183, p. 188 (C.F. 1ere inst.). Cependant, en l’espèce, la requérante allègue que la preuve de l’état du registre atténue l’importance d’une ressemblance entre les marques des parties découlant de la composante ICE.

 

La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des inférences concernant de l’état du marché : voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd, (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.) et Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1ere inst.). Voir aussi Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.) qui appuie le principe selon lequel les inférences concernant l’état du marché ne peuvent être tirées que de la preuve de l’état du registre lorsqu’un nombre important d’enregistrements sont repérés. La requérante se base sur la preuve de l’état du registre pour établir que le mot ICE est un élément courant des marques de commerce dans l’industrie du vêtement. Ses observations à cet égard se trouvent au paragraphes 42 et 43, que nous reproduisons ci-dessous :

[traduction]

42. En outre,  la marque de commerce de la requérante et celles qui sont revendiquées ont en commun le mot « ice ». Toutefois, cet élément possède un caractère distinctif inhérent très faible, tel que le démontre l’existence de nombreux autres enregistrements et demandes de marques de commerce employées en liaison avec divers articles vestimentaires. De façon plus précise, la preuve de l’état du registre démontre que le Bureau des marques de commerce a admis au moins 75 enregistrements à un grand nombre de parties pour des marques de commerces dans lesquelles « ice » est employé en liaison avec des vêtements, des articles vestimentaires et  accessoires connexes. Le faible caractère distinctif inhérent de l’élément « ice » rend peu probable la possibilité de confusion entre la marque de commerce de la requérante et celles qui sont revendiquées.

43. De plus, lorsqu’une partie emploie un mot dont l’usage est courant dans le commerce, la protection accordée à ce mot devrait être limitée. Les mots d’usage courant dans le commerce ne sont pas susceptibles d’usage exclusif. En effet, lorsque deux marques de commerce n’ont de similaire d’usage courant dans le commerce, il n’y a aucune probabilité de confusion. Cela s’explique du fait que deux marques dont l’élément commun figure également dans plusieurs autres marques employées dans le même marché, constituent une fréquence suffisante pour amener les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques non-courantes des marques de commerce respectives et de les distinguer d’entre elles par ces autres caractéristiques.

 

Je suis d’accord avec la requérante pour dire que la fréquence du préfixe ICE parmi les marques de commerce que l’on trouve dans le marché est un facteur atténuant qui rend moins importante la ressemblance entre les marques de commerce des parties.

 

DISPOSITIF

Compte tenu de ce qui précède, et gardant surtout à l’esprit que les opposantes n’ont pas fait la preuve de la réputation dont jouissent leurs marques de commerce, je considère que la requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa marque ICE BOX et les marques ICEBERG des opposantes. L’opposition est donc rejetée.

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 9e JOUR DE MAI 2008.

 

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce.

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.