Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 29

Date de la décision : 2012‑02‑07

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par SSP Financing UK Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 334 151 pour la marque de commerce UPPER CRUST & Dessin au nom de 2168587 Ontario Ltd.

 

[1]               Le 6 février 2007, Upper Crust Ltd. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce UPPER CRUST & Dessin (la Marque), fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins 1982 en liaison avec les marchandises suivantes :

Produits de boulangerie entièrement cuits, partiellement cuits, congelés, à faire fermenter et cuire, nommément pains; baguettes; pâtes feuilletées, nommément chaussons, strudels, carrés feuilletés, pavés feuilletés, bâtonnets feuilletés, croissants français, feuilles de palmier, friands et friands au bœuf; pâtisseries danoises, nommément pâtisseries danoises torsadées, croissants danois roulés au beurre, pâtisseries danoises garnies de fromage et de fruits, pavés danois et gâteaux danois; roulés à la cannelle; croissants.

[2]               La Marque est reproduite ci-dessous :

UPPER CRUST & Design

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 29 août 2007.             

[4]               Le 28 mars 2008, SSP Financing UK Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande.

[5]               Le 9 avril 2008, la demande a été cédée à 2168587 Ontario Ltd. J’emploierai le mot « Requérante » pour désigner, selon le cas, 2168587 Ontario Ltd. ou Upper Crust Ltd.

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[7]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit des affidavits souscrits par Chris Andreoff et Sandeep Dhupar.

[8]               À l’appui de sa demande d’enregistrement, la Requérante a produit un affidavit de Dhanmattie Hiraman.

[9]               Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

[10]           Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et ont pris part à l’audience.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[11]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Le motif d’opposition fondé sur l’article 30

[12]           L’Opposante soutient que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). Plus particulièrement, l’Opposante allègue que la demande ne contient pas une déclaration exacte et véridique quant à la date à laquelle la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada, en ce que la Requérante n’emploie pas la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande depuis au moins 1982.

[13]           Il est précisé dans le plaidoyer écrit de l’Opposante que le présent argument est fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi. Un opposant peut s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de l’alinéa 30b) en s’appuyant non seulement sur sa propre preuve, mais aussi sur celle du requérant [voir La Brasserie Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), à la page 230]. Cependant, bien qu’il puisse se fonder sur la preuve du requérant pour satisfaire au fardeau qui lui incombe relativement à ce motif, l’opposant doit démontrer que la preuve du requérant est manifestement incompatible avec les prétentions formulées par celui-ci dans sa demande d’enregistrement.

[14]           La preuve de l’Opposante ne lui permet pas de s’acquitter de son fardeau de preuve. L’Opposante a fait diverses observations pour montrer que la preuve de la Requérante ne prouve pas l’emploi de la Marque dès 1982; or, la Requérante n’avait pas d’obligation de cette nature. La preuve de la Requérante n’est pas manifestement incompatible avec ses prétentions concernant la date de premier emploi : cette preuve ne peut donc pas servir à satisfaire au fardeau de preuve de l’Opposante. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30 est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[15]           L’Opposante soutient aussi que la Marque n’est pas enregistrable, en application de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce UPPER CRUST & Dessin enregistrée par l’Opposante sous le numéro LMC691826 en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

marchandises

(1) tasses, grosses tasses, bols et récipients à boire; verrerie pour boissons; boîtes-repas; récipients isolants pour boissons et aliments; glacières portables; paniers et sacs à pique‑nique; vêtements, nommément vestes, pantalons, chemises et casquettes; articles chaussants, nommément bottes et souliers; uniformes; salopettes; vêtements de travail; tabliers; tee-shirts; viande et produits de viande, nommément cuisses de poulet, rôti de boeuf, jambon et bacon, poisson, nommément sandwiches au poisson et filets de poisson; fruits de mer; volaille; préparations pour la préparations [sic] de repas, nommément lanières de poulet cuit, saucisses cuites, poulet tikka cuit, omelettes, gâteaux aux carottes, légumes rôtis, morceaux de viande de porc cuite et épicée, thon en saumure, chutney de tomate et d’oignon, origan, piments, pepperoni, crevettes, aubergines, courgettes, pains, bagels, ciabatta, petits pains, oignons, fromage mozzarella, rôti de bœuf, laitue, œufs, concombres, crème fouettée, ciboulette, tomates, fromage cheddar, fromage brie, bananes, bacon, pommes, salade de choux, fromage féta et jambon; saucisses; hamburgers; hot-dogs; fruits et légumes conservés, séchés, en boîte et cuits et préparations connexes; aliments végétariens, nommément jus de légumes, huiles végétales et légumes; légumes préparés; pommes de terre et aliments à base de pommes de terre; salades; soupes; pâtes; pâtés; garnitures et tartinades; produits laitiers, nommément fromage, yogourt, lait et boissons à base de lait; lait de soja; desserts, nommément gâteaux aux carottes, carrés au chocolat, croissants, pâtisseries danoises, muffins et sauces aux fruits; crèmes-desserts; œufs; huiles et graisses alimentaires; noix; fruits et légumes frais; fleurs et noix; préparations pour la préparation de boissons non alcoolisées, boissons, nommément chocolat en poudre, thé en sachets, grains de café et extraits de café; jus de fruits et jus de légumes; boissons aromatisées aux fruits; eaux minérales et gazeuses; eau; eau de source; eau aromatisée; boissons gazeuses; boissons mousseuses; concentrés pour la préparation de ces boissons.
(2) plats cuisinés, nommément baguettes chaudes et froides, avec garnitures de viande, saucisses, poulet tikka, légumes rôtis et viande de porc cuite; goûters chauds et froids, nommément baguettes garnies chaudes et froides, gâteaux, pâtisseries, carrés au chocolat, muffins, croissants et pains cuits en galette; pizzas; petits pains garnis, sandwiches, baguettes garnies; aucun des aliments n’étant surgelé et tous étant destinés pour la pour [sic] consommation à l’extérieur du foyer; sauces, nommément vinaigrettes balsamiques et à l’huile d’olive, sauce barbecue, sauce cajun, marmelade de canneberges, mayonnaise, ketchup, moutarde, sauce au raifort, huile d’olive vierge et sauce à pizza; condiments; pain, petits pains, gâteaux, brioches, pâtisseries, biscuits à levure chimique, confiseries, nommément chocolat, noix, truffes, tablettes de chocolat et barres aux céréales; glaces, crème glacée, cornets de crème glacée et lait glacé; céréales; céréales de petit déjeuner; café entier et moulu, grains de café, extraits de café, essences de café, thé et boissons au chocolat, boissons, nommément boissons non alcoolisées, nommément jus de fruits, eau pétillante, eau de consommation embouteillée, boissons au chocolat, lait au chocolat, boissons au chocolat chaudes, thé, café et boissons gazeuses.

services
(1) services de traiteur; services de restaurant, de café, de cafétéria, de casse-croûte et de café restaurant; préparation de produits alimentaires ou repas ou boissons pour consommation sur place ou à l’extérieur; services de conseil ayant trait aux aliments et boissons.
(2) le rassemblement, au profit de tiers, d’une foule d’aliments et de boissons permettant aux clients d’examiner à loisir ces marchandises et de les acheter dans des points de vente de mets à emporter, des épiceries et des dépanneurs et des stations service sur l’autoroute.
(3) services de traiteur, de restaurant, de cafétéria et de casse-croûte.

[16]           La marque de l’Opposante est reproduite ci-dessous :

UPPERCRUST & DESIGN

[17]           L’Opposante s’est acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), car l’enregistrement invoqué est bien inscrit.

[18]           Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait.

[19]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même. [Voir, de façon générale, les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.).]

le caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[20]           Les deux marques ont un caractère distinctif inhérent. Cependant, ni l’une ni l’autre n’est intrinsèquement forte, puisque les mots dominants UPPER CRUST évoquent des produits de boulangerie. Bien que chacune des marques présente certains éléments graphiques, ces derniers sont faibles dans les deux cas : il est improbable que les différences entre les marques à cet égard permettent de les distinguer.

la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue

[21]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être rehaussé par la promotion ou l’emploi : voici le résumé de la preuve concernant ces deux éléments.

[22]           Les déposants de l’Opposante affirment que la marque de cette dernière est employée au Canada par des licenciés et que l’Opposante contrôle les caractéristiques et la qualité des marchandises et des services en liaison avec lesquels la marque est employée. La preuve établit que la marque de l’Opposante est employée avec certains des services enregistrés, car elle est affichée sur des panneaux dans des restaurants, des cafés, des cafétérias, des casse-croûte et des cafés restaurants dont les licenciés de l’Opposante sont les propriétaires et les exploitants [pièce B2 de l’affidavit de M. Andreoff]; l’Opposante fait notamment mention de sept casse‑croûte/cafés exploités dans des universités partout au Canada, et d’un casse-croûte/café exploité à l’aéroport international de Toronto. La marque de l’Opposante est employée en liaison avec des produits de boulangerie qui sont vendus dans des emballages arborant la marque [comme on peut le voir dans les pièces C1 et D1 de l’affidavit de M. Andreoff ainsi que dans les pièces C et D de l’affidavit de M. Dhupar]. Bien que l’Opposante ait démontré l’emploi de sa marque, elle n’a pas fourni de chiffres d’affaires ni de preuve de dépenses publicitaires.

[23]           La déposante de la Requérante soutient que la Marque est affichée bien en vue sur les boîtes dans lesquelles les marchandises de la Requérante sont vendues; la pièce F de l’affidavit de Mme Hiraman est une grande boîte en carton arborant la Marque. Mme Hiraman affirme que les marchandises de la Requérante sont fabriquées en Ontario, puis vendues à travers le Canada aussi bien qu’aux États-Unis, au Venezuela, au Japon et en Israël. La Requérante vend ses marchandises à divers distributeurs ainsi qu’à des grandes chaînes d’épiceries; parmi ses clients canadiens, elle compte Sobey’s, Ready Bake, Snow Cap Enterprises Ltd. et GFS Ontario. Mme Hiraman a fourni deux échantillons de facture (la pièce G est une facture de 2008 adressée au marché d’alimentation Winn Dixie aux États-Unis, et la pièce H est une facture de 2009 adressée au marché d’alimentation Dillon Stores Frozen DC, aussi aux États-Unis), en plus d’un formulaire de commande de 2005 et d’une liste de prix en date du 1er avril 2004. De plus, la Requérante a fait valoir que les recettes totales de ses ventes ont dépassé 30 millions de dollars en 2008 et 29 millions de dollars en 2009, et que les recettes des ventes au Canada, plus particulièrement, se sont élevées à plus de 11 millions de dollars en 2008 et à plus de 20 millions de dollars en 2009. Je souligne que les ventes faites depuis le bureau canadien de la Requérante à des acheteurs étrangers constituent un emploi de la Marque aux termes du paragraphe 4(3) de la Loi, mais qu’elles ne peuvent être considérées comme ajoutant automatiquement à la réputation de la Marque au Canada. Je remarque en outre que la Requérante n’a fourni aucune information concernant la promotion de sa Marque.

[24]           Compte tenu du résumé présenté ci-dessus, je conclus, étant donné les ventes réalisées au Canada en 2008 et en 2009, que la Marque de la Requérante est devenue connue dans une mesure appréciable au Canada; il m’est impossible d’en dire autant pour la marque de l’Opposante. En conséquence, suivant la preuve, la Marque de la Requérante est devenue connue dans une plus grande mesure que la marque de l’Opposante.

la période pendant laquelle les marques ont été en usage

[25]           L’enregistrement de l’Opposante indique que celle-ci emploie sa marque depuis au moins 2002, alors dans la demande d’enregistrement en cause, la Requérante revendique l’emploi de la Marque depuis au moins 1982. Cependant, puisque ni l’une ni l’autre partie n’a prouvé un emploi continu des marques depuis les dates alléguées, la période pendant laquelle les marques ont été en usage n’est pas une circonstance pertinente en l’espèce.

le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[26]           L’examen des marchandises, des services et de la nature du commerce des parties, pour ce qui est de la question de la confusion prévue à l’alinéa 12(1)d), se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises ou des services compris dans la demande d’enregistrement et dans l’enregistrement respectifs des marques de commerce des parties [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1984), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

[27]           Les marchandises énumérées dans la demande d’enregistrement recoupent certaines des marchandises comprises dans l’enregistrement de l’Opposante ou y sont liées. En particulier, les marques des deux parties sont liées à des produits de boulangerie, comme du pain, des pâtisseries danoises et des croissants.

[28]           Selon la preuve, il semble que l’Opposante vende actuellement ses marchandises seulement par l’intermédiaire de ses casse-croûte et cafés UPPER CRUST, alors que la Requérante vend ses marchandises principalement à des chaînes d’épiceries. Toutefois, ni la demande d’enregistrement ni l’enregistrement n’incluent de restrictions quant aux voies de commercialisation que peuvent emprunter les marchandises des parties. Conséquemment, il faut se demander s’il est probable qu’il y aura confusion si les marchandises des parties empruntent les mêmes voies de commercialisation. L’enregistrement de l’Opposante lui donne le droit exclusif de vendre ses produits de boulangerie en utilisant n’importe quelle voie de commercialisation normalement associée aux marchandises de cette nature, par exemple des épiceries. De plus, il est à noter que les services enregistrés de l’Opposante font expressément référence à des épiceries dans : « le rassemblement, au profit de tiers, d’une foule d’aliments et de boissons permettant aux clients d’examiner à loisir ces marchandises et de les acheter dans des points de vente de mets à emporter, des épiceries et des dépanneurs [...] ».

le degré de ressemblance entre les marques

[29]           Les marques sont identiques dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent. Il y a certaines différences entre elles sur le plan visuel, étant donné leurs éléments graphiques distincts; néanmoins, ce sont les mots, et non l’aspect visuel, qui dominent chacune des marques. Comme l’a fait remarquer l’Opposante, les différences sur le plan des éléments graphiques ne l’emportent pas sur les similitudes entre les parties nominales des marques respectives.

les autres circonstances de l’espèce

[30]           La Requérante invoque une autre circonstance de l’espèce, à savoir qu’il n’y a aucune preuve d’un incident concret de confusion malgré les nombreuses années durant lesquelles les marques auraient coexisté. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’un opposant prouve un cas concret de confusion pour obtenir gain de cause. De plus, comme l’a admis la Requérante, il est possible en l’espèce que l’absence d’incident de confusion soit tout simplement attribuable aux différentes voies de commercialisation qu’empruntent actuellement les parties.

[31]           Comme autre circonstance de l’espèce, l’Opposante indique dans sa preuve qu’avant même d’employer la marque UPPER CRUST & Dessin dont elle invoque l’enregistrement, elle employait les mots UPPER CRUST servant de marque depuis au moins septembre 1998. Cependant, il ne s’agit pas là d’un facteur déterminant dans l’analyse de la probabilité de confusion à l’égard du présent motif d’opposition.

la conclusion relative au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[32]           Pour appliquer le critère de la première impression, je dois décider si un consommateur ordinaire qui a un vague souvenir de la marque UPPER CRUST & Dessin de l’Opposante en liaison avec des produits de boulangerie, conclurait que les produits de boulangerie UPPER CRUST & Dessin de la Requérante proviennent de cette même source. Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, j’estime que le risque de confusion entre les marques en cause est égal à la possibilité qu’il n’y ait pas confusion entre elles. J’arrive à cette conclusion parce que, d’une part, les marques présentent un degré de ressemblance élevé et les marchandises qui y sont associées ainsi que leurs voies de commercialisation potentielles se chevauchent, alors que, d’autre part, aucune des marques n’est intrinsèquement forte et la preuve révèle que Marque de la Requérante est devenue connue dans une plus grande mesure que celle de l’Opposante. Puisque c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante, je dois rendre une décision défavorable à la Requérante. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est retenu.

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[33]           Comme dernier motif d’opposition, l’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas véritablement, ni n’est ni adaptée à distinguer, les marchandises de la Requérante des marchandises et services que l’Opposante et ses prédécesseurs vendent et annoncent au Canada depuis une date antérieure à la date de production de la demande d’enregistrement de la Requérante, en liaison avec la marque de commerce UPPER CRUST & Dessin et avec UPPER CRUST.

[34]           La date pertinente pour l’examen du caractère distinctif est la date de la production de l’opposition, c’est-à-dire le 28 mars 2008 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

[35]           Comme il a été mentionné précédemment, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif se base sur l’emploi par l’Opposante tant de UPPER CRUST & Dessin que de UPPER CRUST. L’Opposante revendique l’emploi de UPPER CRUST depuis au moins septembre 1998 et l’emploi de sa marque de commerce déposée UPPER CRUST & Dessin, depuis au moins le 30 avril 2002.

[36]           À l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de démontrer que ses marques de commerce étaient devenues suffisamment connues au 28 mars 2008 pour annuler tout caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.); Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Une fois cette preuve faite, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’est pas probable que la Marque cause de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)].

[37]           L’Opposante n’a fourni aucune preuve indiquant comment sa marque UPPER CRUST & Dessin était employée au 28 mars 2008. De simples allégations d’emploi sont insuffisantes pour satisfaire au fardeau initial de l’Opposante; aussi le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est-il rejeté dans la mesure où il est fondé sur la marque UPPER CRUST & Dessin.

[38]           Quant aux mots UPPER CRUST servant de marque à l’Opposante, M. Dhupar affirme dans sa déclaration sous serment qu’un casse-croûte/café vendant des produits de boulangerie UPPER CRUST et offrant des services en liaison avec la marque de commerce UPPER CRUST, est exploité de façon continue au Durham College/University à Oshawa, en Ontario, depuis le 1er septembre 2004. La pièce B est constituée en partie d’une photo de ce casse-croûte/café, tel qu’il était exploité le 9 avril 2009 : on peut y voir l’inscription UPPER CRUST affichée au‑dessus des tableaux de menu, derrière un comptoir. La question est de savoir si cette preuve est suffisante pour satisfaire au fardeau initial de l’Opposante. J’estime qu’elle ne l’est pas, pour les motifs exposés ci-dessous.

[39]           Même s’il est raisonnable d’accepter que la photo du 9 avril 2009 soit représentative de ce qui était affiché avant le 28 mars 2008, la preuve n’indique pas la mesure dans laquelle la marque UPPER CRUST de l’Opposante était connue en date du 28 mars 2008, puisqu’aucun chiffre d’affaires ni aucune indication des dépenses publicitaires n’ont été fournis. Je ferai remarquer qu’au paragraphe 33 de la décision Bojangles’ International LLC, la Cour fédérale a souligné qu’« une marque pourrait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada »; or, l’Opposante n’a pas prouvé que sa marque était bien connue dans une région précise du Canada au 28 mars 2008. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est rejeté intégralement.

[40]           Même si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau initial, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif n’aurait peut-être pas été retenu. Il y a en effet des différences entre l’analyse de la confusion au regard de ce motif et l’analyse de la confusion au regard du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d), et ces différences pourraient favoriser la Requérante. Par exemple, au regard du présent motif, il faut examiner les voies de commercialisation réellement employées par les parties plutôt que toutes celles généralement applicables aux types de marchandises et de services énumérés respectivement dans la demande d’enregistrement et dans l’enregistrement des parties.

[41]           Avant de conclure, je signale que l’Opposante a plaidé que la Marque de la Requérante n’est pas distinctive parce qu’elle a été employée sans autorisation. Cependant, je n’examinerai pas ces observations parce qu’elles n’ont pas été énoncées dans la déclaration d’opposition pour justifier une absence de caractère distinctif, de sorte que la Requérante ne savait pas qu’elle devrait répondre à cette allégation [voir Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Ltd. (1984), 79 C.P.R. (2d) 12 (C.F. 1re inst.), à la page 21].

Décision

[42]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande, conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, LL.L., trad. a.

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