Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRANSLATION/TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation : 2010 COMC 119 

Date de la décision : 2010-08-05

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par 3681441 Canada Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 290 369 pour la marque de commerce AKADEMIKS JEANIUS au nom de Kemistre 8 LLC

 

 

 

La procédure écrite

[1]               Le 17 février 2006, Kemistre 8 LLC. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce AKADEMIKS JEANIUS (la « Marque »), numéro de demande 1 290 369, fondée sur l’emploi de la marque et sur son enregistrement à l’étranger. L’enregistrement a été fait aux États-Unis d’Amérique, le pays d’origine de la Requérante, le 11 mars 2003, sous le no 2695968, en liaison avec ce qui suit :

des vêtements et autres articles vestimentaires pour hommes, femmes, jeunes adultes, enfants et bébés, notamment mouchoirs de tête, casquettes de baseball, t-shirts de baseball, sorties-de-bain, cache-maillots, ceintures, bérets, bermudas, blazers tout-aller et sport, maillots, nœuds papillon, manteaux, chapeaux brodés, chemisiers brodés, t-shirts de football, chaussures, notamment bottes, sandales, souliers, pantoufles et chaussures de gymnastique; polos de golf, gants, chapeaux, bandeaux sudoripares, blousons, jeans, jerseys, survêtements, grenouillères, blouses et chemises de tricot, bonnets, chemises de nuit, pardessus, pantalons, parkas, polos, chandails, pyjamas, manteaux de pluie, écharpes, chemises, shorts, chaussettes, manteaux de sport, chemises sport, habits, jarretelles, pantalons et chandails d’entraînement, maillots de bain, débardeurs, t-shirts, cravates, pardessus, survêtements, tuques, cuissards, caleçons et culottes, camisoles, sous-vêtements, vestes, tenues d’entraînement, chemises et blouses tissées; des vêtements pour femmes et jeunes adultes, notamment blouses, boléros, soutiens-gorge, bustiers, camisoles, chemises, combinés, corsets, robes, robes de chambre, sous‑vêtements de maintien, porte-jarretelles, gaines, bains de soleil, bonneterie, robes d’intérieur, chasubles, lingerie, négligés, chemises de nuit, culottes, peignoirs, pyjamas, robes, sarongs, écharpes, châles, cache-cœur, jupes, étoles, combinaisons-culottes, hauts, châles (les « Vêtements »).

[2]               La demande était également fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis mai 2000 en liaison avec ce qui suit :

des vêtements ainsi que des sacs sport tout usage, sacs d’athlétisme tout usage, mallettes, sacs à dos à armature, sacs de plage, portefeuilles pliants, porte-billets, sacs à livres, sacs ronds, porte-documents, porte-cartes professionnelles, porte‑monnaie, sacs à maquillage, étuis à cartes de crédit, porte-cartes de crédit, sacs polochon, sacs banane, sacs de sport, sacs à main, étuis porte-clés, sacs à dos, bagages, sacs de confection tout usage, sacs de voyage, pochettes‑porte‑monnaie, portefeuilles, bourses, sacs de transport, sacs d’école, sacs à bandoulière, valises, fourre-tout, sacs à accessoires de voyage, sacs de voyage, parapluies, portefeuilles à fermeture éclair, sangles pour sacs à main et bagages et accessoires connexes, notamment fermetures de sacs, épaulettes à bandoulières, supports et pochettes; accessoires en cuir et imitation de cuir, notamment attachés-cases, porte-billets, serviettes, porte-cartes professionnelles, étuis, porte-monnaie, sacs à maquillage, étuis à cartes de crédit, porte-cartes de crédit, sacs bananes, porte-habits pour le voyage, sacs pochettes, chaînes porte-clés, étuis porte-clés, pochettes-porte-monnaie, porte-documents, pochettes à chaussures pour le voyage, fourre-tout, malles et sacs de voyage, portefeuilles (collectivement appelés les « marchandises »).

[3]               La demande a été annoncée le 23 mai 2007 dans Le Journal des marques de commerce aux fins d’opposition. 3691441 Canada Inc. (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition le 5 juillet 2007. La Requérante a signifié une contre-déclaration le 29 août 2007, niant tous les motifs d’opposition énumérés ci-dessous.

[4]               L’Opposante a produit en preuve l’affidavit de Gilbert Bitton, tandis que la Requérante a produit en preuve l’affidavit de David Oved. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[5]               Les deux parties ont produit des observations écrites, et il n’y a pas eu d’audience orale.

 

 

Les motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition plaidés sont les suivants :

1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi ») en ceci que :

a) la Requérante n’a pas employé la marque en liaison avec les marchandises depuis mai 2000 au Canada;

b) la Requérante n’a pas employé la marque aux États-Unis, comme elle l’affirme, en liaison avec les marchandises mentionnées dans le certificat d’enregistrement obtenu aux États-Unis d’Amérique;

c) la Requérante a faussement déclaré être convaincue de son droit d’employer la marque au Canada compte tenu de l’objet de la présente.

2. La marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée no TMA278 717 de l’Opposante relativement à la marque de commerce JEANIUS JEANS employée en liaison avec des jeans, des shorts, des jupes, des chemises, des pantalons et des salopettes pour hommes, femmes et enfants;

3. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement parce que, contrairement aux alinéas 16(1)(a) et (b) de la Loi, à la date du premier emploi revendiqué de la marque, soit mai 2000, celle-ci créait de la confusion avec la marque de commerce JEANIUS JEANS de l’Opposante antérieurement employée ou révélée au Canada par l’Opposante (depuis déjà au moins novembre 1976) ou par l’Opposante sous licence ou par ses prédécesseurs en titre, en liaison avec les marchandises, y compris les vêtements et accessoires, en ajoutant que l’Opposante, par l’intermédiaire de son prédécesseur en titre Jeanius Jeans Ltée, avait antérieurement produit une demande relativement à sa marque de commerce JEANIUS JEANS le 10 août 1977;

4. La marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas véritablement et qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de celles de l’Opposante, compte tenu de l’emploi antérieur, révélé et enregistré de la marque de commerce JEANIUS JEANS détenue par l’Opposante.

Fardeau de la preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau initial de la preuve en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois qu’elle s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293; et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] F.C. 722].

 

Remarques préliminaires

[8]               La preuve des deux parties contient des avis, une argumentation ou des conclusions juridiques. Je n’en tiendrai pas compte. Je me reporte plus particulièrement au paragraphe 17 de l’affidavit de M. Bitton et aux paragraphes 13, 16, 18, 22 et 26 de l’affidavit de M. Oved. J’accorde également peu de poids aux assertions faites par M. Oved aux paragraphes 20 et 21 de son affidavit, puisqu’il n’y a pas de preuve pour les étayer.

Motif d’opposition rejeté sommairement                                 

[9]               L’Opposante a un fardeau initial de la preuve lorsqu’elle allègue que la demande n’est pas conforme aux dispositions du paragraphe 30(b) de la Loi, mais on peut qualifier ce fardeau de léger. De plus, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve produite par la Requérante elle-même [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156]. Toutefois, cette preuve doit soulever de sérieux doutes quant à l’exactitude des déclarations faites par la Requérante dans sa demande [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84, Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216, et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999), 4 C.P.R. (4th) 107].

[10]           J’analyserai en détail la preuve produite par les deux parties sur le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité. Précisons qu’à cette étape l’Opposante n’a présenté aucune preuve pour étayer ses assertions contenues dans les deux premières parties de son premier motif d’opposition. La preuve de la Requérante peut comporter des lacunes en ce qui a trait à l’emploi de la marque au Canada. Toutefois, au moment où cette preuve a été produite, la Requérante n’avait pas à relever le défi de prouver que la marque avait été employée au Canada à la date du premier emploi revendiqué dans la demande, puisque rien dans la preuve produite par l’Opposante n’abordait ce point. Pour ces raisons, je rejette les deux premières parties du premier motif d’opposition.

[11]           En ce qui concerne la troisième partie du premier motif d’opposition, lorsqu’un requérant fournit la déclaration requise aux fins du paragraphe 30(i) de la Loi, comme l’a fait la Requérante, en affirmant être convaincue de son droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises décrites dans la demande, ce motif ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu’il y a une preuve de mauvaise foi de la part d’un requérant. [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC) à 155]. Il n’y a aucune preuve de la sorte dans le dossier. La troisième partie du premier motif d’opposition est également rejetée.

Enregistrabilité de la marque en vertu de l’alinéa 12(1)(d)

[12]           La date pertinente pour l’analyse d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) de la Loi est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413-424].

[13]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en produisant, dans l’affidavit de M. Bitton, une photocopie du relevé de la base de données des marques de commerce canadiennes de l’OPIC relativement au certificat d’enregistrement TMA278 717 (pièce GB-1 à son affidavit) portant sur la marque de commerce JEANIUS JEANS. 3681441 Canada Inc. est inscrit comme étant le propriétaire actuel. J’ai utilisé mon pouvoir discrétionnaire pour vérifier le registre. Je confirme que l’enregistrement est en règle. Il porte sur des jeans, des shorts, des jupes, des chemises, des pantalons et des salopettes pour hommes, femmes et enfants.

[14]           En conséquence, je dois déterminer s’il y a, selon la prépondérance des probabilités, une possibilité de confusion entre la marque et la marque déposée JEANIUS JEANS de l’Opposante. Si la réponse est affirmative, la marque ne pourra pas être enregistrée.

[15]           Les critères qui permettent de déterminer s’il existe une possibilité de confusion sont définis au paragraphe 6(2) de la Loi, où il est stipulé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce, lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En faisant cette évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Je me reporte à la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. [2006], 49 C.P.R. (4th) 321 pour une analyse de ces critères.

[16]           La marque se compose de deux mots qui sont des variantes orthographiques des mots anglais « genius » (génie) et « academic » (scolaire), tandis que la marque de commerce de l’Opposante ne compte qu’un seul mot anglais qui est une variante orthographique d’un autre. L’altération ou la variation orthographique d’un mot descriptif ne peut pas changer son caractère [voir C. Fairall Fisher c. British Columbia Packers Ltd., [1945] Ex. C.R. 128]. Comme il n’y a aucun lien entre la marque et les marchandises, j’arrive à la conclusion que la marque a un caractère distinctif inhérent. La marque de commerce de l’Opposante fait référence à des « jeans » et a donc un caractère distinctif moins inhérent que la marque.

[17]           On peut augmenter le caractère distinctif d’une marque de commerce en l’employant et en en faisant une vaste promotion au Canada.

[18]           M. Bitton agit comme président et administrateur de l’Opposante et a été administrateur de Jeanius Jeans Ltd, un prédécesseur en titre de l’Opposante. Il allègue que, depuis novembre 1976, l’Opposante et ses prédécesseurs en titre emploient la marque de commerce JEANIUS JEANS au Canada en liaison avec des jeans, des shorts, des jupes, des chemises, des pantalons et des salopettes pour hommes et femmes.

[19]           Il affirme que, le 10 février 2000, l’Opposante a accordé une licence à Buffalo Inc., et il produit une copie de cette licence. Elle contient des dispositions concernant le contrôle de la qualité et le caractère des marchandises qui portent la marque visée par la licence du concédant. Par conséquent, tout emploi de la marque de commerce JEANIUS JEANS par le licencié est réputé un emploi de cette marque de commerce par l’Opposante [voir le par. 50(1) de la Loi].

[20]           Pour étayer l’allégation d’emploi de la marque de commerce JEANIUS JEANS, M. Bitton a produit des photos d’un échantillon d’un jean vendu par Buffalo Inc. au Canada. On y voit au moins trois étiquettes ou étiquettes volantes qui portent la marque de commerce JEANIUS JEANS. M. Bitton a également produit des échantillons de factures qui illustrent la vente de jeans similaires à ceux apparaissant sur les photos produites. Les factures avaient été émises en 2002 et 2003. Le déposant allègue qu’il lui est impossible de produire des factures qui datent d’avant 2002. Les archives de Jeanius Jeans Ltd., le prédécesseur en titre de l’Opposante dissout en 1999, ainsi que celles de Buffalo Inc., ont été déménagées à au moins deux reprises, et de nombreuses boîtes ont été perdues dans la désorganisation de ces déménagements. M. Bitton allègue également que le système informatique de Buffalo Inc. a connu de nombreux problèmes, ce qui a entraîné la perte de certaines données, sans donner plus de précisions.

[21]            M. Bitton a également produit des photos d’un autre échantillon d’un jean vendu par Buffalo Inc. au Canada, en 2006. Ce jean porte quatre étiquettes ou étiques volantes sur lesquelles apparaît la marque de commerce JEANIUS JEANS. Il a produit des échantillons de factures émises en 2006 pour illustrer la vente d’un même jean par Buffalo Inc.

[22]           Malheureusement, nous n’avons pas le nombre de jeans vendus par l’Opposante, ses licenciés ou ses prédécesseurs en titre depuis 1976. Il est donc difficile d’évaluer dans quelle mesure la marque de commerce de l’Opposante était connue au Canada. Il y a une preuve d’emploi depuis 2002 de la marque de commerce JEANIUS JEANS, mais uniquement en liaison avec des jeans.

[23]           M. Oved agit comme président de la Requérante depuis sa constitution en société le 1er avril 1999. Il s’agit d’une société américaine située à New York, dans l’État du même nom. Cette société familiale exerce ses activités dans le domaine de la production et de la commercialisation de vêtements pour hommes, femmes et enfants, ainsi que dans le domaine de la production et de la commercialisation de sacs et de bagages.

[24]           M. Oved a produit des photos de t-shirts et de chemises tissées vendus au Canada en liaison avec la marque. Toutefois, nous ne disposons d’aucune donnée sur le nombre de ces ventes.

[25]           Il allègue que les produits qui portent la marque sont offerts au Canada depuis au moins mai 2000, par l’intermédiaire de ses distributeurs canadiens, mais il n’y a aucune preuve documentaire qui prouve l’emploi de la marque au Canada depuis cette date en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi, notamment des documents qui prouvent le transfert de propriété des marchandises portant la marque.

[26]            Sans cette information, je ne suis pas en mesure de déterminer dans quelle mesure la marque de la Requérante est connue au Canada.

[27]           Compte tenu de cette preuve, j’arrive à la conclusion que le premier facteur mentionné au paragraphe 6(5) favorise l’Opposante.

[28]           Je suis déjà arrivé à la conclusion qu’il n’y avait aucune preuve d’emploi de la marque au Canada. Quant à l’emploi de la marque de commerce JEANIUS JEANS de l’Opposante, la preuve produite démontre l’emploi au Canada depuis au moins juin 2002 en liaison avec des jeans. Le deuxième facteur décrit à l’alinéa 6(5)(b) de la Loi favorise également l’Opposante.

[29]           Quant au genre de marchandises des parties respectives, il y a nettement un chevauchement entre les vêtements décrits comme faisant partie des marchandises visées par la demande et les articles mentionnés dans le numéro d’enregistrement TMA278 717. Quant aux autres marchandises énumérées dans la demande, il pourrait exister un certain lien entre elles et entre les marchandises de l’Opposante. Ce facteur favorise l’Opposante.

[30]           En l’absence de preuve concernant les canaux de distribution de la Requérante, je dois présumer que, dans le cas des vêtements, il pourrait s’agir des mêmes réseaux que ceux utilisés par l’Opposante pour des marchandises similaires. Quant au reste des marchandises décrites dans la demande, elles portent sur une variété de sacs, de bagages, de sacs à main, de portefeuilles et d’étuis. En l’absence de preuve concernant les canaux de distribution respectifs des parties, je ne peux pas conclure que ces marchandises (bagages, sacs, portefeuilles et autres articles du même genre) seraient vendues par les mêmes canaux de distribution que ceux utilisés pour les vêtements. Ce facteur favorise l’Opposante seulement en ce qui a trait aux vêtements.

[31]           Le degré de ressemblance entre deux marques de commerce est l’un des critères les plus importants dans l’évaluation de la possibilité de confusion entre elles [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145]. Il faut examiner les marques dans leur ensemble et éviter de les diviser en composantes.

[32]           Il a été jugé que la première partie de la marque de commerce était la plus pertinente aux fins de distinction [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183]. Dans le cas qui nous occupe, la première composante des marques de commerce respectives des parties est différente. La seule ressemblance entre les marques est le fait que la deuxième partie de la marque soit identique à la première partie de la marque déposée JEANIUS JEANS de l’Opposante. L’idée suggérée par les marques de commerce des parties est également différente. La marque fait référence à une personne qui a du succès dans ses études, tandis que la marque de commerce de l’Opposante évoque un type de vêtement qui est ingénieux. Dans l’ensemble, ce facteur favorise la Requérante.

[33]           Autre circonstance de l’espèce, la Requérante a produit une preuve de l’état du registre dans l’affidavit de M. Oved. Au paragraphe 11 de son affidavit, il fait référence à une recherche effectuée dans la base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. M. Oved ne donne aucune information sur la manière dont la recherche a été effectuée, sur le moment où elle a été effectuée ou sur  la personne qui l’a faite. Quoi qu’il en soit, la recherche révèle cinq citations qui contenaient toutes le mot « genius » ou son équivalent phonétique « jeanius ». Seules deux de ces citations sont des marques déposées, et deux demandes ne sont qu’à l’étape de l’élaboration.

[34]            Même si je prenais cette preuve en considération, la preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions sur l’état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (F.C.T.D)]. Or, la preuve de l’état du registre ne permet de tirer des conclusions sur l’état du marché que si l’on retrouve un grand nombre d’enregistrements pertinents [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (F.C.A.)]. Cinq citations s’avèrent insuffisantes pour tirer quelque conclusion que ce soit sur l’état du marché.

[35]           Au paragraphe 12 de son affidavit, M. Oved affirme que la Requérante a pu obtenir, sans aucune opposition, l’enregistrement de la marque de commerce AKADEMIKS JEANIUS LEVEL PRODUCTS, certificat d’enregistrement TMA593 930, portant sur des marchandises similaires. Il s’agit de l’une des citations mentionnées dans les résultats de recherche du registre. L’article 19 de la Loi ne donne pas au propriétaire d’une marque le droit automatique d’obtenir d’autres enregistrements relativement à la même marque ou à des marques similaires [voir Groupe Lavo Inc. c. Procter & Gamble Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 533].

[36]           D’après cette analyse, j’arrive à la conclusion que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de démontrer par la prépondérance des probabilités qu’il n’existe pas de possibilité de confusion entre la marque et la marque de commerce JEANIUS JEANS de l’Opposante. J’arrive à cette conclusion en m’appuyant sur le fait que les marques ne se ressemblent pas, ni phonétiquement ni visuellement, ni dans les idées qu’elles suggèrent. De plus, il n’y a aucun lien entre les marchandises qui ont fait l’objet de l’enregistrement de l’Opposante, TMA278 717, et les marchandises énumérées dans la demande, à l’exception des vêtements. Toutefois, même dans le cas des vêtements, les différences dans les marques de commerce des parties l’emportent sur le facteur de la similarité de ces marchandises. En conséquence, le deuxième motif d’opposition doit être rejeté.

Droit

[37]           La date pertinente associée à ce motif d’opposition, lorsque la demande est fondée sur l’emploi de la marque, est la date du premier emploi revendiqué dans la demande (mai 2000) [voir le par. 16(1) de la Loi]. Il incombe à l’Opposante de prouver qu’elle avait antérieurement employé sa marque de commerce et qu’elle n’avait pas cessé de l’employer à la date de l’annonce de la demande (le 23 mai 2007) [voir le par. 16(5) de la Loi].

[38]           La preuve produite par M. Bitton établit l’emploi de la marque de commerce JEANIUS JEANS depuis juin 2002 seulement, ce qui est postérieur à la date de dépôt de la demande. M. Bitton n’a pas fourni d’explications sur le fait qu’il n’avait pas produit de factures datant d’avant 2002. Il reste que son assertion selon laquelle l’Opposante et son prédécesseur en titre emploient la marque de commerce susmentionnée depuis novembre 1976 est une simple affirmation qui n’est étayée par aucune preuve documentaire. En conséquence, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, et ce motif d’opposition est donc rejeté.

[39]           Même si j’acceptais la déclaration de M. Bitton concernant l’emploi antérieur de la marque de commerce JEANIUS JEANS par le prédécesseur en titre de l’Opposante, et ainsi l’Opposante se serait acquittée de son fardeau initial, ma conclusion sur la possibilité de confusion entre cette marque de commerce et la marque aurait été la même qu’en ce qui concerne le motif d’opposition de l’enregistrabilité.

[40]           Comme il est rédigé, le troisième motif d’opposition fait référence à une demande déposée antérieurement, sans préciser le numéro de la demande. L’extrait du registre produit par M. Bitton relativement au certificat d’enregistrement TMA278 717 mentionne que la demande correspondante a été présentée le 10 août 1977. Toutefois, cette demande n’était plus en suspens à la date de l’annonce, puisqu’elle avait atteint l’étape de l’enregistrement le 8 avril 1983. Cette demande ne pouvait donc pas constituer le fondement d’un motif d’opposition en vertu de l’alinéa 16(1)(b) [voir le par. 16(4) de la Loi].

Caractère distinctif

[41]           La date pertinente pour ce qui est de ce motif d’opposition est la date de dépôt de la déclaration d’opposition (le 13 juillet 2007) [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d), 126-130 et Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th), 317].

[42]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante devait prouver que sa marque de commerce JEANIUS JEANS était devenue suffisamment connue à cette date pertinente pour nier tout caractère distinctif de la marque [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44-58]. Une fois qu’elle se serait acquittée de ce fardeau initial, la Requérante devait prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la marque ne créerait pas de confusion avec la marque de commerce JEANIUS JEANS de l’Opposante, puisqu’elle était adaptée à distinguer ou qu’elle distinguait véritablement, partout au Canada, les marchandises de celles de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[43]           Même si j’en arrivais à la conclusion que la marque de commerce de l’Opposante était suffisamment connue au Canada avant la date de dépôt de sa déclaration d’opposition, la question à trancher resterait la possibilité de confusion entre la marque et la marque de commerce de l’Opposante. La différence à la date pertinente entre ce motif d’opposition et l’enregistrabilité n’influencerait pas mon analyse des divers facteurs pertinents à considérer. Ma conclusion est que la marque était distinctive et qu’elle permettait de distinguer, à la date pertinente, les marchandises de la Requérante des jeans de l’Opposante portant la marque de commerce JEANIUS JEANS. Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.

Règlement

[44]           En vertu de l’autorité qui m’est conférée conformément aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

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