Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 62

Date de la décision : 2012-03-27

 

DANS L’AFFAIRE DE l’OPPOSITION produite par The Body Shop International plc à l’encontre de la demande d’enregistrement n° 1,339,475 pour la marque de commerce THE BODY DELI au nom de Margaret D. Skarin

[1]               Le 15 mars 2007, Margaret D. Skarin (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce THE BODY DELI (la Marque) en alléguant son emploi depuis le 24 novembre 2001 en liaison avec :

Des produits de bain, pour le corps et de spa, nommément savons, lotions, toniques, brumes hydratantes, huiles de massage, sels de bain non médicamenteux pour le bain et désincrustant pour le corps, poudre pour le corps, huiles essentielles à usage personnel, masques de beauté, nettoyants, shampooings, revitalisants et hydratants (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 17 octobre 2007.

[3]               Le 26 février 2008, The Body Shop International plc (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition alléguant les motifs résumés ci-après :

a)      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), puisque la Requérante n’avait pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises;

b)      la Marque n’est pas enregistrable, selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec l’enregistrement de l’Opposante portant le n° LMC288,081 pour THE BODY SHOP;

c)      la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque, selon les alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi, parce que, à la date de premier emploi alléguée, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial THE BODY SHOP antérieurement employés par l’Opposante; et

d)     la Marque n’est pas distinctive, selon l’article 2 de la Loi, puisqu’elle ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises et services de l’Opposante.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]               L’Opposante a produit comme preuve les affidavits de Deborah St. Clair et Byron Thom. Mme St. Clair et M. Thom ont tous deux été contre-interrogés et les transcriptions et réponses aux engagements ont été produites. La Requérante a produit comme preuve un affidavit d’Elenita Anastacio. L’Opposante a produit comme contre-preuve un affidavit de Winnie Chan. Mme Chan a été contre-interrogée et la transcription, la pièce et les réponses aux engagements ont été produites.

[6]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties étaient présentes à une audience qui a eu lieu le 8 mars 2012.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir la décision John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), page 298].

[8]               Les dates pertinentes se rapportant aux motifs d’opposition sont les suivantes :

- alinéa 38(2)a) et article 30 de la Loi – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), page 475];

 

- alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

 

- alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(1) de la Loi – la date de production de la demande; et

 

-    alinéa 38(2)d) de la Loi – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., 2004 C.F. 1185].

 

Le motif d’opposition fondée sur l’article 30

[9]               L’Opposante a allégué dans sa déclaration d’opposition que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. Le fardeau initial de l’Opposante est plus léger s’agissant de la question de la non-conformité à l’alinéa 30b) puisque les faits concernant l’emploi de la Marque par la Requérante sont évidemment connus de la Requérante [Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), page 89].

[10]           La preuve de Deborah St. Clair, auteure de l’un des affidavits produits par l’Opposante, et directrice principale des relations avec les franchisés auprès de The Body Shop Canada Inc. (Body Shop Canada), renferme ce qui suit :

         Body Shop Canada est une filiale en propriété exclusive de l’Opposante, qui a utilisé la marque et le nom commercial THE BODY SHOP à la faveur d’une licence depuis l’ouverture de son premier magasin au Canada en 1980 (paragraphes 1-2, 7). Les responsabilités de Mme St. Clair portent sur les opérations des franchisés de Body Shop Canada, dont l’activité de détail, les finances, la chaîne d’approvisionnement, les procédés et les lignes de conduite (contre-interrogatoire St. Clair, Q. 6).

         Mme St. Clair travaille pour Body Shop Canada depuis plus de dix-sept ans (paragraphe 1).

         En raison de son travail, elle connaît bien les marchandises et services de la concurrence offerts au Canada (paragraphe 15). Cependant, avant d’avoir appris l’existence de la demande à la faveur de la procédure d’opposition, Mme St. Clair ignorait l’existence de la Marque (paragraphe 15).

         Après avoir appris l’existence de la demande, Mme St. Clair a passé en revue le site web de la Requérante, qui comprend des photographies et/ou représentations de divers produits cosmétiques affichant la Marque et elle annexe des imprimés du site web à son affidavit (pièce H).

[11]           L’opposant a un fardeau de preuve plus léger pour ce qui concerne l’alinéa 30b), mais il doit néanmoins apporter une preuve suffisante qui permette raisonnablement de conclure à l’existence des faits censés appuyer ses arguments [John Labatt Ltd., précité, pages 298-300]. Le fait que, une fois informée de l’existence de la Marque, Mme St. Clair ait pu visiter le site web de la Requérante, qui montre la Marque et annonce des produits en ligne, donne à penser que la Marque a pu être en usage le 24 novembre 2001, et qu’elle ne le savait tout simplement pas. La preuve de Mme St. Clair ne suscite pas le doute quant à savoir si la Marque était en usage au Canada au 24 novembre 2001. Par conséquent, l’Opposante n’a pas apporté la preuve qui me permettrait raisonnablement de conclure à l’existence des faits susceptibles d’étayer ce motif d’opposition. L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau pour ce motif d’opposition.

[12]           L’Opposante, invoquant la décision CTV Limited c. InterMedia Vibe Holdings, LLC (2010), 88 C.P.R. (4th) 188 (C.O.M.C.), pages 196-197, a soutenu que la preuve de Mme St. Clair lui suffit pour s’acquitter de son fardeau. Je crois que ce précédent doit être distingué de la présente espèce, pour deux motifs. D’abord, outre le fait que l’auteur de l’affidavit dans ce précédent affirmait qu’il connaissait bien les émissions télévisées diffusées au Canada et n’avait pas connaissance du programme télévisé de la Requérante, il avait aussi passé en revue une base de données qui, disait-il, énumérait tous les programmes télévisés accessibles au Canada et il n’y avait pas trouvé le programme de la Requérante. Deuxièmement, contrairement à l’opposition dont il s’agit ici, il n’avait jamais eu connaissance du programme télévisé de la Requérante.

[13]           Pour les raisons susmentionnées, ce motif d’opposition est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[14]           L’Opposante a fait valoir que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée suivante :

N° d’enregistrement

Marque de commerce

Marchandises et services

LMC288,081

THE BODY SHOP

Marchandises :

 

(1) Préparations désincrustantes pour la peau.

(2) Huiles essentielles parfumées; eau de toilette, produits pour le soin des cheveux, nommément shampooing, solution capillaire, cire pour le traitement des cheveux, conditionneur capillaire, préparations de rinçage, huile pour le cuir chevelu, huile capillaire, lotion capillaire, préparations pour coiffer et colorer les cheveux; et cosmétiques et produits pour le soin de la peau, nommément huile pour le bain, mélanges à base d’herbes pour le bain, sels pour le bain, préparations de masquage pour la peau, masques d’argile, astringents, préparations tonifiantes pour la peau, lotions crémeuses pour la peau, crèmes hydratantes et lotions hydratantes, crèmes et lotions pour les mains, crèmes, huiles et lotions de bronzage, préparation protectrice pour les lèvres, baume pour la peau, baume pour les pieds, huile pour la peau, lotion de massage, crème à barbe, produits de nettoyage pour la peau et éponges.

Services :

(1) Exploitation d’un magasin de détail se spécialisant dans la vente de cosmétiques, de produits de toilette non médicamenteux, d’huiles essentielles parfumées et de produits pour les soins de la peau et de cheveux.

[15]           J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et vérifié le registre pour m’assurer que cet enregistrement existe encore [Quaker Oats Co. of Canada c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son obligation initiale s’agissant de ce motif d’opposition.

[16]           Le test permettant de dire s’il y a ou non confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui dispose que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour faire cette évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; enfin le degré de ressemblance entre les marques de commerce, dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 R.C.S. 824, au paragraphe 20, la Cour suprême du Canada expliquait la manière d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Les facteurs du paragraphe 6(5) ne sont pas limitatifs, et un poids différent sera accordé à chacun d’eux selon le contexte [arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, au paragraphe 54]. Je me réfère aussi à l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., [2011] 2 R.C.S. 387, au paragraphe 49, où la Cour suprême du Canada écrit que le facteur de l’alinéa 6(5)e), à savoir le degré de ressemblance entre les marques, aura souvent l’effet le plus marqué dans l’analyse relative à la confusion. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de cette analyse.

 

Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[17]           Examinant le degré de ressemblance, la Cour suprême du Canada écrit, dans l’arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 62, que la ressemblance est définie en tant que rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques et, au paragraphe 64, que, pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique. En l’espèce, il n’y a rien de frappant ou d’unique dans l’expression « the body » (le corps), étant donné que les marchandises et services de chacune des parties concernent des produits de soins corporels [voir par exemple l’arrêt Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. (1994), 58 C.P.R. (3d) 527 (C.A.F.)]. J’arrive donc à la conclusion qu’il n’y a tout au plus qu’un degré passable de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son. Le premier élément d’une marque est souvent considéré comme le plus important aux fins de la distinction, mais, lorsque ce premier élément est commun, descriptif ou suggestif, son importance diminue [Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Aloette Cosmetics Inc. c. Medique Cosmetics Inc. (2006), 51 C.P.R. (4th) 196 (C.O.M.C.), pages 203-204].

[18]           J’arrive aussi à la conclusion qu’il n’y a qu’un léger degré de ressemblance entre les idées suggérées par chacune des marques. BODY SHOP comporte un double sens qui correspond à une expression courante employée d’une manière originale pour donner à penser que les produits en cause servent à la réparation ou à l’amélioration du corps [voir le Canadian Oxford Dictionary (2e édition), pièce B de l’affidavit Thom; Body Shop International plc c. Bodyline Cosmetics Ltd. (1995), 61 C.P.R. (3d) 400 (C.O.M.C.), page 403]. En revanche, la Marque ne suggère pas la même chose puisque DELI a un sens très particulier comme l’indique l’affidavit de Byron Thom, un stagiaire d’été travaillant pour l’agent de l’Opposante. Les définitions du dictionnaire qui sont données montrent que le mot DELI est une abréviation du mot anglais « delicatessen » (épicerie fine), qui est défini comme un endroit où l’on vend des viandes cuites, des fromages et des aliments fins ou autres comestibles de choix [voir par exemple les extraits du Concise Oxford Dictionary (7e édition) et du Canadian Oxford Dictionary (2e édition), pièce B de l’affidavit Thom]. Par ailleurs, les photos de produits fins annexées à l’affidavit Thom montrent une présentation très particulière où les aliments sont exposés par genre, et sous verre. La Marque ne suggère donc pas la même idée que la marque THE BODY SHOP, elle suggère plutôt un ensemble de produits de fantaisie qui sont exposés et qui sont destinés au corps, de la même manière qu’une épicerie fine expose une diversité de produits alimentaires, y compris des aliments fins.

[19]           Dans ses observations écrites, et au cours de l’audience, l’Opposante a fait valoir que les marques se ressemblent parce que les mots DELI et SHOP évoquent tous deux des commerces de détail et qu’un DELI est un genre de SHOP. Je ne trouve pas ce raisonnement convaincant parce qu’une ressemblance résultant du fait qu’un « deli » est un genre de « shop » ne serait pas évidente sur la base d’une première impression.

[20]           Vu les différences de présentation, de son et de signification entre THE BODY DELI et THE BODY SHOP, lorsque l’on considère l’ensemble, sur la base d’une première impression, on ne saurait dire que les marques sont similaires.

Les facteurs restants de l’alinéa 6(5)e)

[21]           Dans l’arrêt Masterpiece, le juge Rothstein écrivait ce qui suit, au paragraphe 49 :

[…] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […]

[22]           Je suis d’avis que les marques des deux parties présentent un degré similaire de caractère distinctif inhérent. Je reconnais que les autres facteurs du paragraphe 6(5) militent en faveur de l’Opposante, mais ces facteurs ne permettent pas de conclure à une probabilité de confusion. Les marchandises des parties sont les mêmes et la marque THE BODY SHOP est connue, ainsi que l’attestent des ventes appréciables de plus de 90 millions de dollars par année (affidavit St. Clair, paragraphe 9), plus de 115 magasins situés sur d’importantes rues commerçantes et dans de grands centres commerciaux au Canada (paragraphes 5, 10), des dépenses annuelles de publicité de plus de 500 000 $ depuis 2001 (paragraphe 14), enfin un emploi de longue date de la marque au Canada, c’est-à-dire depuis 1980 (paragraphe 7), mais ces facteurs ne suffisent pas à compenser l’absence de similarité entre les marques.

Preuve de l’emploi de BODY par des tiers

[23]           La Requérante a produit comme preuve un affidavit d’Elenita Anastacio, une recherchiste en marques de commerce travaillant pour son agent. Comme pièce B, Mme Anastacio annexe quelques-uns des résultats d’une recherche préliminaire Nuans. Je relève que la Requérante n’a pas présenté de conclusions indiquant lesquels des noms commerciaux recensés étaient pertinents. L’examen d’un échantillon des résultats montre que la pièce B est d’une utilité restreinte, car la plupart des entrées semblent concerner des ateliers de tôlerie ou des entités du domaine de la santé et de la condition physique. Puisque j’ai conclu que cette pièce est d’une utilité très restreinte, il ne m’est pas nécessaire de considérer la preuve de Winnie Chan, auteur de l’un des affidavits de l’Opposante, qui a fait des recherches pour savoir si certains des noms commerciaux trouvés étaient en usage. Pareillement, la recherche de noms de domaines annexée comme pièce C à l’affidavit de Mme Anastacio, où l’on peut lire qu’il y a 136 894 noms de domaines comprenant le mot BODY, n’est pas pertinente car on n’y indique pas combien des sites web correspondants sont actifs et sollicités par des Canadiens.

[24]           Les pièces A et D de l’affidavit de Mme Anastacio donnent des détails sur des demandes et enregistrements de marques de commerce comprenant le mot BODY. Parmi les enregistrements de marques annexés à l’affidavit de Mme Anastacio, une bonne vingtaine comprend le mot BODY comme élément dominant et vise un emploi en liaison avec des produits de soins corporels, par exemple BATH & BODY WORKS (LMC580,337); BODY & EARTH (LMC464,430); BODY AMERICA (LMC712,830); BODY CANDY (LMC657,474); BODY FITNESS (LMC524,547); BODY GELATO (LMC649,600) et BODY BISTRO (LMC660,529).

[25]           L’Opposante fait valoir que, s’agissant de déterminer le champ de la protection à accorder à la marque THE BODY SHOP, les seules marques de commerce et noms commerciaux pertinents sont ceux qui combinent les mots BODY ou THE BODY avec un mot dénotant un genre de commerce de détail et englobant les cosmétiques et les produits de soins corporels. Je reconnais que ce serait là les marques de commerce et noms commerciaux les plus pertinents, mais le fait que le mot BODY soit un élément dominant commun pour les marques de commerce visant des produits de soins corporels et produits connexes influencera le degré auquel les consommateurs prêteront attention au deuxième élément de la marque de commerce de chacune des parties, un deuxième élément qui réduit la probabilité de confusion [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.F. 1re inst.), pages 359 à 361; Bodyline Cosmetics, précité; RPM, A Partnership c. American Biltrite Intellectual Properties, (2011), 92 C.P.R. (4th) 329 (C.O.M.C.), au paragraphe 44]. Compte tenu de l’état du registre, je suis disposée à conclure que le mot BODY est communément employé comme élément dominant des marques de commerce relevant du domaine d’intérêt des parties et que les clients sont habitués à voir cet élément.

Décisions antérieures intéressant l’Opposante

[26]           Les parties ont invoqué plusieurs décisions antérieures du registraire concernant la marque THE BODY SHOP. Je n’entends pas m’y attarder puisque chaque cas doit être considéré comme un cas d’espèce et que la présente affaire se distingue de chacune des espèces antérieures compte tenu des marques ou des marchandises/services en cause.

Conclusion

[27]           Eu égard à la faiblesse des mots THE BODY, bien que la marque THE BODY SHOP ait été beaucoup employée, elle ne justifie pas une large protection. Par conséquent, de légères différences suffiront à distinguer la Marque de la marque de l’Opposante. Dans l’arrêt Molson, précité, la Cour d'appel fédérale donnait l’explication suivante :

Dans la présente affaire, l'appelante prétend que les mots « golden » et « gold » ont été beaucoup employés par la compagnie Molson sur ces produits et dans sa publicité, si bien qu'ils ont acquis un certain caractère distinctif qui leur vaut une large protection. À notre avis, bien que l'appelante s'en soit effectivement beaucoup servie au cours d'une longue période, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit de mots purement descriptifs.

Dans l'arrêt Office Cleaning Services, Ltd. v. Westminster Window and General Cleaners, Ltd., lord Simonds a clairement établi les limites intrinsèques auxquelles est soumis l'emploi d'un mot descriptif comme fondement de l'assertion qu'une marque de commerce possède un caractère distinctif et qu'il y a confusion entre elle et d'autres marques:

[TRADUCTION] La Cour prendra assurément en considération l'utilisation de longue durée d'un nom descriptif, mais ne perdra pas de vue que, compte tenu de ce caractère descriptif, des différences négligeables peuvent suffire.

[...] La conclusion est bien simple en fin de compte: lorsqu'un marchand utilise des mots communs pour en faire son nom commercial, le risque de confusion est inévitable. Mais c'est un risque à courir, à moins qu'on ne consente un monopole indu à celui qui s'en sert le premier. La Cour acceptera des différences pour éviter la confusion. On peut faire confiance au public pour faire la distinction quand un nom commercial est composé en tout ou en partie de mots qui décrivent les marchandises ou les services en cause.

Par conséquent, au vu des différences entre les marques des parties au chapitre de la présentation, du son et des idées qu’elles suggèrent, et compte tenu de la preuve de l’état du registre pour ce qui concerne le mot BODY en liaison avec des produits de soins corporels, je suis persuadée que la Requérante s’est acquittée de son obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque THE BODY SHOP.

Motifs restants d’opposition

Les motifs restants d’opposition intéressent eux aussi la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque et le nom commercial THE BODY SHOP de l’Opposante. Les dates à retenir pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne le motif de l’absence de droit de la Requérante à l’enregistrement et le motif de l’absence de caractère distinctif sont respectivement la date de premier emploi alléguée dans la demande et la date de l’opposition. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n’ont aucune incidence notable sur la question de la confusion entre d’une part la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante, et d’autre part la Marque. L’Opposante s’est acquittée de son obligation initiale, mais la Requérante s’est elle aussi acquittée de son obligation parce qu’il n’y a aucune probabilité de confusion pour les raisons exposées dans l’examen du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d).
Dispositif

[28]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen
Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 

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