Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

Référence : 2010 COMC 027

 

 

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS de la Société canadienne des postes aux demandes nos 1123342 et 1123350 produites par G3 Worldwide Mail N.V. en vue de l’enregistrement des marques de commerce SPRING et SPRING et Dessin

 

 

[1].                         Le 28 novembre 2001, The Name Works B.V. a produit des demandes d’enregistrement pour les marques de commerce SPRING et SPRING et Dessin (les Marques), fondées sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec différents services de livraison et de distribution de courrier. Dans ces demandes, elle revendique la priorité des demandes d’enregistrement correspondantes produites le 31 octobre 2001 au Benelux sous les numéros 999851 et 999814 respectivement. Par conséquent, la date effective de production des demandes canadiennes est le 31 octobre 2001. Les demandes sont maintenant au nom de G3 Worldwide Mail N.V., par suite de l’inscription, par le registraire, d’une cession des Marques le 28 novembre 2002. The Name Works B.V. et G3 Worldwide Mail N.V. seront collectivement appelées la Requérante.

 

[2].                         L’état déclaratif des services de chaque demande a été modifié une première fois le 20 mai 2003, en réponse à une demande de l’examinateur pour l’obtention de détails. Les états déclaratifs des services modifiés et annoncés aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 juillet 2003 étaient libellés ainsi :

 

Services de distribution exprès par bicyclette, par motocyclette, [traduction] automobile, camion, train, bateau et avion; entreposage et emballage de marchandises; transport de marchandises par bicyclette, motocyclette, [traduction] automobile, camion, train, bateau et avion; services de livraison de courrier par bicyclette, motocyclette, camion, train, bateau et avion; prise, chargement, expédition et promotion de marchandises, colis, lettres, documents, valeurs, magazines et périodiques; transport et livraison de marchandises, colis, lettres, documents, valeurs, magazines et périodiques par bicyclette, motocyclette, [traduction] automobile, camion, train, bateau et avion; services de messagerie.

 

[3].                         Le 15 février 2005, la Société canadienne des postes (l’Opposante) a produit des déclarations d’opposition essentiellement identiques relativement aux deux demandes, dans lesquelles elle prétend que celles‑ci ne satisfont pas aux exigences des alinéas 30a) et i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), parce que la Requérante ne pouvait pas avoir employé les Marques ou avoir eu l’intention de les employer et qu’elle ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit de les employer en liaison avec les services décrits dans les demandes étant donné que cet emploi serait et est illégal et contraire au paragraphe 14(1) et à l’article 56 de la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C‑10 (la LSCP).

 

[4].                         La Requérante a produit et signifié, dans les deux affaires, une contre‑déclaration dans laquelle elle conteste les motifs d’opposition.

 

[5].                         Le 23 août 2005, la Requérante a produit, dans les deux affaires, une demande modifiée, qui a été acceptée par le registraire et qui renfermait l’état descriptif des services suivant (les ajouts sont en caractères gras) :

 

[traduction]

Services de distribution exprès par bicyclette, par motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion; entreposage et emballage de marchandises; transport de marchandises par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion; livraison, par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion, de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes; prise, chargement, expédition et promotion de marchandises, colis, courrier et lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes, documents, valeurs, magazines et périodiques; transport et livraison de marchandises, colis, courrier et lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes, documents, valeurs, magazines et périodiques par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion; services de messagerie.

 

[6].                         L’Opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition dans les deux affaires afin de l’adapter aux modifications apportées aux demandes. Le registraire a accordé l’autorisation le 22 juin 2006 afin qu’un autre motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a), selon lequel les services ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce puisque l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » n’est pas une expression ordinaire du commerce, soit ajouté aux déclarations d’opposition. La Requérante a ensuite demandé et obtenu l’autorisation de modifier sa contre‑déclaration dans les deux affaires afin de pouvoir contester ce nouveau motif d’opposition et de déclarer que l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » ne change rien à la description des services, mais précise davantage le type de produits faisant partie des services.

 

[7].                         Dans les deux affaires, l’Opposante a produit, à titre de preuve, un affidavit de Patrick J. Bartlett, son vice‑président du marketing direct, signé le 21 mars 2006. J’utiliserai le singulier lorsque je parlerai des deux affidavits de M. Bartlett, lesquels sont organisés de la même façon. La Requérante a produit, pour les deux oppositions, un seul exemplaire des affidavits de Lou Laforest, le président du conseil d’administration et directeur de G3 Worldwide (Canada) Inc., signé le 20 novembre 2006, et de Zeina Waked, une technicienne juridique au service du cabinet d’agents de marques de commerce agissant pour son compte, signé le 22 novembre 2006. M. Laforest a été contre‑interrogé sur son affidavit le 26 juin 2007; la transcription de ce contre‑interrogatoire et les réponses aux engagements font partie du dossier. La Requérante a aussi produit dans chacune des affaires l’affidavit de Jennifer Petras, une technicienne juridique au service du cabinet d’agents de marques de commerce agissant pour son compte, signé le 15 octobre 2007. J’utiliserai le singulier lorsque je parlerai des deux affidavits de Mme Petras, lesquels sont organisés de la même façon.

 

[8].                         Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées de manière compétente à l’audience dans les deux affaires.

 

[9].                         Avant d’examiner chacun des trois motifs d’opposition, j’aimerais résumer brièvement l’historique et les faits.

 

Bref résumé de l’historique et des faits

 

[10].                     Les parties en l’espèce se connaissent. Elles ont eu, avec d’autres membres de l’industrie, quelques différends portant notamment sur la question de droit suivante : « le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires [au Canada] » octroyé à l’Opposante à l’article 14 de la LSCP doit‑il être interprété comme s’il interdisait à d’autres de relever ou de transmettre des lettres au Canada en vue de leur distribution à des adresses situées à l’extérieur du Canada, en plus de celles situées au Canada? Bien que les questions juridiques en litige dans ces affaires soient différentes de celles qui se posent en l’espèce, les faits qui leur ont donné naissance sont essentiellement les mêmes et peuvent être résumés de la façon suivante.

 

[11].                     L’Opposante est une société d’État constituée par le Parlement afin d’assurer un service postal universel au Canada. Elle a remplacé le ministère des Postes. Depuis la Confédération, le Canada a accordé une protection légale à son service postal national afin de faciliter le relevage du courrier et sa distribution à tous les Canadiens, sans égard à leur lieu de résidence, à des taux uniformes. Le taux uniforme que l’Opposante exige pour ses différents types de services est une tradition de l’administration postale canadienne depuis ses débuts et constitue toujours un élément fondamental du système de l’Opposante [affidavit de M. Bartlett, paragraphes 9 à 11].

 

[12].                     L’obligation d’assurer un service de distribution du courrier partout au Canada, même dans les régions éloignées, a été énoncée dans toutes les lois relatives au ministère des Postes et, plus récemment, dans la LSCP qui régit l’Opposante [affidavit de M. Bartlett, paragraphe 13]. Le système de distribution du courrier de l’Opposante et, avant elle, du ministère des Postes a toujours été protégé par des dispositions législatives imposant des restrictions aux activités de distribution de courrier des entreprises de messagerie privées [affidavit de M. Bartlett, paragraphe 2]. La protection accordée à l’Opposante est prévue actuellement à l’article 14 de la LSCP. Cette protection a été prévue sous différentes formes dans toutes les lois relatives au système postal canadien depuis la Confédération [affidavit de M. Bartlett, paragraphe 18]. Sous réserve des exceptions énumérées à l’article 15 de la LSCP, l’article 14 de la LSCP confère à l’Opposante « le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires [au Canada] ».

 

[13].                     Ce privilège exclusif a pour but de permettre à l’Opposante d’offrir un service de distribution du courrier ordinaire à un taux uniforme partout au pays, malgré les nombreux obstacles géographiques. Le coût relativement bas du service qui est assuré à 80 % de la population vivant en grande partie dans des centres urbains à forte densité de population qui sont situés dans une bande de 150 km le long de la frontière avec les États‑Unis compense le coût relativement élevé du service qui est assuré à l’autre partie de la population (20 %) qui habite dans les régions plus éloignées du Canada et permet à l’Opposante d’appliquer un taux uniforme à ses différents services partout au Canada [affidavit de M. Bartlett, paragraphe 19].

 

[14].                     La Requérante est une coentreprise internationale formée de TPG N.V., Royal Mail et Singapore Post. Ces trois sociétés sont responsables, directement ou par l’entremise de filiales, des services postaux nationaux des Pays‑Bas, du Royaume-Uni et de Singapour, respectivement. La Requérante est la société mère de G3 Worldwide (Canada) Inc., une entreprise faisant affaire sous le nom de Spring Canada [affidavit de M. Laforest, paragraphes 4 et 5]. Spring Canada est titulaire d’une licence relativement aux Marques de la Requérante [transcription du contre‑interrogatoire de Lou Laforest, pages 12 à 14, et réponses au premier et au deuxième engagements]. La Requérante et Spring Canada seront parfois appelées collectivement Spring.

 

[15].                     Spring exploite au Canada une entreprise de distribution de courrier international à destination de l’étranger (c’est‑à‑dire qu’elle prend du courrier au Canada et le transmet ou le distribue à l’extérieur du Canada) [affidavit de M. Laforest, paragraphes 8 à 14]. Depuis qu’elle a démarré ses activités en janvier 2002 [transcription du contre‑interrogatoire de Lou Laforest, page 16], elle s’occupe principalement du courrier d’entités institutionnelles et de sociétés, qui expédient de grandes quantités d’envois [affidavit de M. Bartlett, paragraphe 38; affidavit de M. Laforest, paragraphe 8].

 

[16].                     En 2003, l’Opposante a informé Spring qu’elle contrevenait à l’article 14 de la LSCP et que, si elle ne restreignait pas ses activités de son plein gré, l’Opposante engagerait une action en justice. Spring ayant refusé de limiter ses activités, une poursuite judiciaire a été intentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario afin de mettre fin à celles‑ci [affidavit de M. Bartlett, paragraphes 45 à 49].

 

[17].                     Le privilège exclusif de relever, de transmettre et de distribuer des lettres, y compris celles destinées à des adresses à l’extérieur du Canada, qui est octroyé à l’Opposante a été confirmé pour la première fois par la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 12 août 2004 dans Canada Post Corp. c. Key Mail Canada Inc., [2004] O.J. no 3446 (Key Mail Canada). Key Mail a porté cette décision en appel à la Cour d’appel de l’Ontario et Spring Canada a été constituée intervenante dans le cadre de cet appel. Le 15 avril 2005, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel et a confirmé le privilège exclusif octroyé à l’Opposante à l’article 14 de la LSCP. L’autorisation d’interjeter appel de cette décision a été refusée par la Cour suprême du Canada le 22 décembre 2005. Comme je l’expliquerai plus loin, la Requérante a modifié l’état déclaratif des services dans ses demandes d’enregistrement afin d’y ajouter [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes », après que la Cour d’appel de l’Ontario a rendu sa décision dans Key Mail Canada.

 

Motifs d’opposition

 

[18].                     J’analyserai maintenant les motifs d’opposition, sans nécessairement respecter l’ordre dans lequel ils sont invoqués dans les déclarations d’opposition, en tenant compte de la preuve versée au dossier.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) – les services ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce

 

[19].                       La Requérante soutient que les demandes ne sont pas conformes aux alinéas 38(2)a) et 30a) de la Loi parce que [traduction] « les services ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce comme l’exige l’alinéa 30a) de la Loi. En particulier, l’expression [traduction] “qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes”, employée à plusieurs reprises dans les demandes, n’est pas une expression ordinaire du commerce. »

 

[20].                     En règle générale, la date pertinente au regard des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi est la date de production de la demande. Cependant, lorsqu’une demande a été modifiée pour la rendre conforme aux termes ordinaires du commerce en réponse à une demande préliminaire de l’examinateur, la date de la demande modifiée est réputée être la date pertinente en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30a) [Eaton Williams (Millbank) Ltd. c. Nortec Air Conditioning Industries Ltd. (1982), 73 C.P.R. (2d) 70 (C.O.M.C.)]. La date pertinente en l’espèce est donc le 23 août 2005, soit la date à laquelle les demandes ont été modifiées la dernière fois.

 

[21].                     L’état déclaratif des services contenu dans chaque demande décrit sept catégories de services qui sont séparées par des points‑virgules. Il est notamment question, dans trois de ces catégories, de [traduction] « courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes ». L’Opposante s’oppose seulement à l’inclusion de ces types d’articles dans l’état déclaratif des services. Elle ne s’oppose pas aux autres catégories de services ni aux autres types d’articles qui sont mentionnés.

 

[22].                     L’Opposante soutient que l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » n’est pas une expression ordinaire du commerce. S’appuyant sur l’ouvrage Odutola on Canada Trade-mark Practice (Toronto, Carswell, 2008, p. 3‑32), elle fait valoir que l’expression « termes ordinaires du commerce » est généralement interprétée comme si elle signifiait une description claire et non technique des marchandises ou des services qui est habituellement employée dans le commerce à l’égard des marchandises ou des services et qui est comprise comme telle par une personne ordinaire. En l’espèce, l’Opposante affirme que le sens de [traduction] « courrier et lettres » dans les états déclaratifs des services dépend d’exclusions qui sont incorporées par renvoi dans des documents juridiques externes. Elle soutient non seulement que ces exclusions ne sont pas définies dans les termes ordinaires du commerce, mais que l’intervention des tribunaux (qui a été résumée ci‑dessus) a été nécessaire pour déterminer la portée de son privilège exclusif en ce qui concerne le courrier international destiné à l’étranger.

 

[23].                     L’Opposante soutient que, dans la mesure où le service est une [traduction] « exception » à son privilège exclusif, la façon dont il constitue une exception ou n’est pas visé par le privilège exclusif doit être définie avec précision; dans une demande d’enregistrement d’une marque de commerce, la description d’un service sous la forme d’une exclusion indiquant que celui‑ci [traduction] « n’est pas assujetti au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » constitue une erreur. La description est imprécise et ambiguë et ne définit pas avec précision et certitude le service qui sera fourni par la Requérante.

 

[24].                     Au soutien de ses prétentions, l’Opposante rappelle en outre que M. Laforest a admis, au cours de son contre‑interrogatoire, que la Requérante n’emploie pas l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » pour décrire ses services sur son site Web ou dans d’autres documents de marketing ou matériel publicitaire [transcription du contre‑interrogatoire de Lou Laforest, pages 66 et 67]. M. Laforest a admis également que cette expression dépend d’exclusions, qu’il n’était pas au courant de toutes les exclusions et qu’il y a des personnes dans l’industrie qui ne sauraient pas où trouver les exclusions [transcription du contre‑interrogatoire de Lou Laforest, pages 83 et 84].

 

[25].                     L’Opposante rappelle en outre que M. Laforest a déclaré clairement que l’ajout de l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » ne change rien à la nature des services ou aux détails qu’une personne au Canada obtiendrait en lisant cette expression [transcription du contre‑interrogatoire de Lou Laforest, page 87]. Elle affirme que cette déclaration contredit l’affirmation faite par la Requérante au moment de modifier les demandes. Selon l’Opposante, si l’expression n’a aucun effet, l’exécution des services décrits contrevient aux dispositions de la LSCP.

 

[26].                     La Requérante soutient quant à elle que l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » signifie, en termes simples, [traduction] « qui ne relève pas du monopole de la Société canadienne des postes ». Elle fait valoir que cette expression ne change rien à la nature très spécifique des services qu’elle fournit, soit [traduction] « la distribution, la prise, le chargement, l’expédition et la promotion, ainsi que le transport et la livraison de différents types d’articles ». Elle affirme que l’expression s’applique au courrier et aux lettres, des termes clairs et faciles à comprendre; le fait qu’un lecteur ne saurait pas exactement ce qui est visé par le « privilège exclusif » n’a aucune incidence sur la conclusion selon laquelle le lecteur sait quels services sont fournis et ne fait pas en sorte que l’état déclaratif des services n’est pas conforme à l’alinéa 30a) de la Loi. La Requérante souligne que l’Opposante elle‑même, lorsqu’elle parle de son « privilège exclusif », emploie le même langage que lorsqu’elle communique avec le public, comme le montre l’affidavit de Zeina Waked, qui a constaté que l’expression « privilège exclusif » était employée à différents endroits sur le site Web de l’Opposante, www.canadapost.ca, à savoir dans les catalogues, les rapports annuels, les conditions générales et le Guide des postes du Canada.

 

[27].                     S’appuyant sur l’affidavit de Jennifer Petras, la Requérante soutient en outre que le Registre des marques de commerce renferme de nombreuses marques dont l’état déclaratif des marchandises ou des services comprend des renvois semblables à des lois. Les exemples concernaient essentiellement des systèmes de loterie autorisés en vertu du Code criminel ou d’une autre loi canadienne. La Requérante fait valoir que cela ne signifie pas que toute personne comprend et peut réciter le Code criminel ou une autre loi. Le renvoi à un texte de loi sert à préciser la portée des produits ou des services qui sont décrits dans des termes familiers, que tous peuvent comprendre, comme c’est le cas des états déclaratifs des services de la Requérante. Celle‑ci soutient qu’il n’y a parfois pas de meilleure façon de décrire les services. En lisant la description des services, on comprend chacun des services énumérés dans les demandes; on comprend également que les lettres et le courrier doivent satisfaire à certains critères découlant de l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes ». La Requérante estime qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elle produise un état déclaratif plus précis. Bien que cette thèse ait une certaine valeur, je n’y souscris pas.

 

[28].                     Comme je l’ai indiqué précédemment, l’article 15 de la LSCP prévoit expressément des exceptions au privilège exclusif octroyé à l’Opposante à l’article 14 de la LSCP. L’Opposante ne jouit pas d’un monopole absolu sur le relevage, la transmission et la distribution de tous les types de lettres aux destinataires se trouvant au Canada, mais plutôt d’un privilège exclusif limité, comme l’Opposante elle‑même l’a souligné dans son plaidoyer écrit.

 

[29].                     L’article 14 prévoit :

Privilège exclusif

14. (1) Sous réserve de l’article 15, la Société a, au Canada, le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires.

Autres envois

(2) La présente loi n’a pas pour effet d’imposer à quiconque la transmission postale de journaux, revues, livres, catalogues ou marchandises.

 

[30].                     L’article 15 indique :

 

15. (1) Le privilège exclusif octroyé au paragraphe 14(1) ne s’applique pas aux documents suivants :

      [...]

c) les lettres licitement apportées au Canada et aussitôt postées;

[...]

e) les lettres urgentes transmises par porteur moyennant une rétribution au moins égale à trois fois le port exigible pour la distribution au Canada de lettres de destination comparable pesant cinquante grammes;

[...]

 

[31].                     L’article 2 du Règlement sur la définition de lettre définit le mot « lettre » aux fins de l’application de la LSCP et de ses règlements d’application; le mot « lettre » désigne :

 

[u]n ou plusieurs messages ou renseignements d’une forme quelconque dont la masse globale, s’il y a lieu, ne dépasse pas 500 g, déposés ou non dans une enveloppe et destinés à être relevés, transmis ou livrés comme objet unique à un destinataire donné. La présente définition exclut :

a) un message ou des renseignements transportés à titre occasionnel et livrés au destinataire par l’expéditeur qui est également son ami;

b) un message ou des renseignements à caractère urgent transportés par un employé, dont le coût moyen de livraison, en salaire, pour l’employeur, représente au moins trois fois le tarif de port habituel exigible pour la distribution au Canada d’objets analogues de 50 g;

c) un message ou des renseignements qui ne portent comme adresse que la mention « Au chef de ménage », « Au détenteur de case postale », « À l’occupant », « Au résident » ou une autre expression semblable;

d) un message ou des renseignements qui se rapportent aux fonctions officielles d’une mission diplomatique ou d’un consulat ou qui sont visés par les privilèges et les immunités prévus dans les conventions internationales auxquelles le Canada est partie;

e) les chèques, les mandats et les effets de paiement émis par le receveur général;

f) une bande, un microfilm, un disque ou un autre dispositif semblable ayant une grande capacité de mémoire, sur lequel un message ou des renseignements sont enregistrés par des moyens électroniques ou optiques;

g) un journal, une revue, un livre, un catalogue, une formule en blanc, un manuscrit ou une partition musicale;

h) une facture ou un autre document se rapportant

(i) à un objet visé à l’alinéa g),

(ii) à un prélèvement pour analyse médicale ou scientifique, ou

(iii) à des marchandises,

et livré avec l’objet, le prélèvement ou les marchandises par le même individu;

i) une facture ou un autre document se rapportant à la fourniture de marchandises ou de services et livré

(i) par le fournisseur au destinataire, à l’établissement habituel du fournisseur,

(ii) par le destinataire

(A) à un établissement financier désigné par le fournisseur, ou

(B) à l’établissement habituel du fournisseur, ou

(iii) par l’individu qui a fourni les services;

j) une facture ou un autre document destiné à un destinataire et qui a été établi à partir de renseignements obtenus chez ce destinataire au moment de sa distribution;

k) les lettres de change, les billets à ordre, les traites, les pièces justificatives de règlement, les mandats, les ordonnances de paiement du receveur général et tout autre ordre de paiement ou instruction de paiement d’une somme d’argent, ou tout document analogue ou connexe en transit dans ou entre :

(i) un ou plusieurs établissements qui acceptent des dépôts transférables par ordre à un tiers, ou leurs succursales ou bureaux,

(ii) l’Association canadienne des paiements ou ses succursales ou bureaux,

(iii) l’un des établissements visés aux sous-alinéas (i) et (ii),

à des fins de traitement, d’échange, de compensation ou de règlement;

l) un ordre ou une instruction de paiement donné à un établissement visé au sous‑alinéa k)(i), par suite d’une transaction comportant l’usage d’une carte de paiement, de débit, de crédit, de compte ou d’une carte d’accès à un compte;

m) un instrument, un certificat ou tout autre document établissant ou visant l’existence d’intérêts dans des valeurs mobilières ou des marchandises négociées à la bourse, en passe dans ou entre

(i) les bourses des valeurs mobilières, les bourses des marchandises, les chambres de compensation, leurs membres ou leurs succursales ou bureaux,

(ii) les organismes régissant le commerce des valeurs mobilières ou des marchandises négociées à la bourse, leurs membres ou inscrivants, ou leurs succursales ou bureaux,

(iii) les banques et autres institutions financières ou leurs succursales ou bureaux, ou

(iv) l’un des établissements visés aux sous-alinéas (i), (ii) ou (iii).

 

[32].                     Le nombre et la nature technique des exceptions décrites ci‑dessus peuvent, à première vue, justifier l’emploi, par la Requérante, de l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes ». Lorsqu’on examine de plus près les exceptions qui s’appliquent en l’espèce cependant, on se rend compte que celles‑ci sont essentiellement limitées aux services de messagerie et au relevage, à la transmission et à la livraison de marchandises et de magazines (qui sont décrits dans les demandes et auxquels l’Opposante ne s’oppose pas) ainsi qu’au relevage, à la transmission et à la distribution de lettres de plus de 500 g.

 

[33].                     Compte tenu de la nature et de la portée du privilège exclusif de l’Opposante concernant le relevage, la transmission et la distribution de lettres, le type de [traduction] « courrier et de lettres » dont il est question dans l’état déclaratif des services et auquel s’oppose l’Opposante aurait dû être défini avec précision afin que l’étendue de ces services soit claire.

 

[34].                     Il n’est pas possible de savoir avec certitude ce que visent les services contestés par l’Opposante. Le sens de l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » dépend des exclusions. Comme je l’ai indiqué précédemment, M. Laforest a reconnu qu’il ne connaissait pas toutes les exclusions et que des personnes dans l’industrie ne sauraient pas où les trouver.

 

[35].                     Aux termes de l’alinéa 30a) de la Loi, une demande doit renfermer un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque sera employée. Je suis d’avis que les exclusions qui sont décrites par la Requérante en l’espèce ne permettent pas de connaître les services spécifiques qui sont visés par les demandes.

 

[36].                     Les deux affaires en cause en l’espèce sont différentes des exemples tirés du Registre des marques de commerce qui ont été mentionnés précédemment parce que, dans tous ces cas, les marchandises ou les services avaient déjà été définis sans qu’il soit nécessaire de recourir à un texte de loi incorporé par renvoi pour comprendre leur nature ou leur portée.

 

[37].                     Par conséquent, la Requérante ne s’est pas conformée aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi pour ce qui est des services suivants :

 

         livraison, par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion, de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

         prise, chargement, expédition et promotion de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

         transport et livraison de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes.

 

[38].                     Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) est accueilli relativement à ces services.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

[39].                       La Requérante soutient que les demandes ne sont pas conformes aux alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi parce que, [traduction] « à la date de production des demandes au Canada, la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer [les Marques] en liaison avec les services décrits dans les demandes étant donné que cet emploi serait et est illégal. Tout emploi [des Marques] en liaison avec les services décrits dans les demandes serait et est illégal parce qu’il contrevient au paragraphe 14(1) et à l’article 56 de la LSCP. »

 

[40].                     La date pertinente au regard d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi est la date de production de la demande [Canadian Olympic Association c. Les Méthodes Sportives Gaétan Ménard Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 544 (C.O.M.C.); E. Remy Martin & Co. S.A. c. Magnet Trading Corporation (HK) Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 242 (C.O.M.C.); Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.O.M.C.)]. La date pertinente en l’espèce est donc le 31 octobre 2001, soit la date effective de production des demandes canadiennes, comme il a été indiqué précédemment.

 

[41].                     La Requérante s’est conformée, sur le plan de la forme, aux dispositions de l’alinéa 30i) en incluant dans ses demandes la déclaration portant qu’elle était convaincue qu’elle avait droit d’employer chacune des marques dont elle demandait l’enregistrement. Il faut cependant déterminer si elle s’est conformée, sur le fond, à cette disposition, c’est‑à‑dire si la déclaration était véridique lorsque la demande a été produite. Il faut ensuite se demander si la véracité de la déclaration doit être évaluée à l’aide d’une norme « subjective » qui tient compte de la connaissance ou de la conviction de la Requérante au moment de la production des demandes ou à l’aide d’une norme « objective » qui concerne la légalité des demandes.

 

[42].                     Il n’y avait aucun litige entre les parties à la date de production des demandes canadiennes. Comme je l’ai mentionné précédemment, ce n’est qu’en 2003 que l’Opposante a informé Spring que ses activités contrevenaient à l’article 14 de la LSCP. Les tribunaux de l’Ontario ont rendu des décisions défavorables à l’égard de Spring, mais cela est survenu beaucoup plus tard.

 

[43].                     Les actes commis par l’Opposante jusqu’en 2003 appuient la prétention de la Requérante selon laquelle elle était convaincue, à la date de production de ses demandes, qu’elle avait droit d’employer les marques visées par celles‑ci en liaison avec des services de distribution de courrier international à destination de l’étranger car elle croyait que de tels services n’étaient pas assujettis au privilège exclusif octroyé à l’Opposante à l’article 14 de la LSCP.

 

[44].                     Bien que M. Bartlett déclare, dans son affidavit, que l’Opposante est devenue de plus en plus consciente, à la fin de 2002 et au début de 2003, de l’étendue des activités de relevage et de transmission de courrier international des entreprises de messagerie, les faits exposés par M. Laforest m’amènent à conclure que l’Opposante était au courant de la situation et était en concurrence avec les entreprises de distribution de courrier international destiné à l’étranger depuis au moins 1990, si ce n’est depuis plus longtemps. De plus, l’Opposante a entretenu pendant une période particulièrement longue des liens étroits avec le prédécesseur de Spring (TNT); elle détenait notamment une participation dans les activités du prédécesseur de Spring dans le domaine de la distribution de courrier transfrontalier. Comme la Requérante l’a fait remarquer, l’Opposante n’a pas contredit le témoignage de M. Laforest.

 

[45].                     À ce sujet, je reproduis un passage de la décision rendue par le juge Morawetz de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Canada Post Corp. c. G3Worldwide (Canada) Inc., 2006 CarswellOnt 3121, [2006] O.J. no 2035 [confirmée par 2007 ONCA 348, 85 O.R. (3d) 241] (G3Worldwide), qui résume bien les relations que les parties ont entretenues dans le passé dans le domaine de la distribution de courrier international à destination de l’étranger dont il est question dans l’affidavit de M. Laforest :

 

[traduction]

9. Spring a soutenu que les relations entre la Société canadienne des postes et TNT (une entité dont les actifs servant aux activités de distribution de courrier international à l’étranger ont été vendus à Spring quand celle‑ci a été créée en 2001) avaient débuté dans les années 1980, lorsqu’un certain nombre de compagnies privées, dont TNT, ont commencé à faire des affaires au Canada dans le domaine de la distribution de courrier international destiné à l’étranger. La Société canadienne des postes était non seulement au courant de ces activités, mais elle a réagi à cette concurrence, par exemple en offrant des prix concurrentiels et d’autres services, comme le ramassage du courrier sur demande et des services de poste prioritaire, afin de récupérer la distribution de courrier à l’étranger qu’elle avait perdue aux mains de ses concurrents. En outre, Spring a soutenu que la Société canadienne des postes a fait partie d’une coentreprise visant à partager les services de distribution exprès du courrier avec les services des postes de la France, de l’Allemagne, de la Suède et des Pays-Bas au cours des années 1992 à 1996 et que TNT était l’un des partenaires de cette coentreprise. […]

 

[46].                     Les demandes de la Requérante n’étaient toutefois limitées d’aucune façon à la date de leur production. En effet, elles prévoyaient que les Marques allaient être employées en liaison avec le relevage, la transmission et la distribution de courrier et de lettres dans les termes suivants :

 

[traduction]

Services de distribution exprès par bicyclette, par motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion; entreposage et emballage de marchandises; transport de marchandises par bicyclette, motocyclette, automobile. camion, train, bateau et avion; services de livraison de courrier par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion; prise, chargement, expédition et promotion de marchandises, colis, lettres, documents, valeurs, magazines et périodiques; transport et livraison de marchandises, colis, lettres, documents, valeurs, magazines et périodiques par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion; services de messagerie.

 

[47].                     Décrites de cette façon, les activités ne tiennent pas compte du privilège exclusif octroyé à l’Opposante relativement au relevage, à la transmission et à la distribution des lettres. Elles englobent non seulement des activités relatives au courrier international à destination de l’étranger, mais aussi des [traduction] « activités relatives au courrier international à destination du Canada », c’est‑à‑dire le relevage de lettres destinées au Canada à l’étranger, ainsi que leur transmission et leur distribution au Canada.

 

[48].                     La Requérante a mentionné à maintes reprises qu’elle ne distribuait pas du courrier international à destination du Canada et qu’elle ne se livrait pas à des activités qu’elle croyait être illégales [transcription du contre‑interrogatoire de Lou Laforest, pages 24 et 25 – [traduction] « Nous ne faisons pas ce genre de choses parce que, selon moi, c’est illégal. » La Requérante ne distribue pas de courrier à des adresses situées au Canada (page 33, lignes 11 à 13 de la transcription)]. Elle ne pouvait donc pas être convaincue, à la date de production des demandes, qu’elle avait droit d’employer les marques dont elle demandait l’enregistrement en liaison avec les services qui avaient initialement été définis en termes généraux. La Requérante savait dès le départ que la partie de ses services qui avait trait au courrier et aux lettres était assujettie au privilège exclusif de la Société canadienne des postes. Elle aurait dû dès lors limiter ses services à ceux qui n’étaient pas assujettis à ce privilège, malgré le fait que la portée de ce privilège en ce qui concerne le courrier international destiné à l’étranger n’était pas en litige entre les parties à l’époque.

 

[49].                     Par conséquent, je ne suis pas convaincue, si j’applique la norme « subjective » dont il a été question précédemment, que la déclaration de la Requérante portant qu’elle était convaincue de son droit d’employer les Marques en liaison avec les services définis en termes généraux était véridique lorsque les demandes ont été produites.

 

[50].                     J’arrive à la même conclusion si j’applique la norme « objective ».

 

[51].                     Comme je l’ai indiqué précédemment, la dernière modification apportée par la Requérante à ses demandes d’enregistrement consistait à ajouter l’expression [traduction] « qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes » à l’égard de certains de ses services – ceux ayant trait à du [traduction] « courrier et [des] lettres » – après que la Cour d’appel de l’Ontario a rendu sa décision dans Key Mail Canada.

 

[52].                     Dans Key Mail Canada et dans G3Worldwide, les tribunaux ont conclu que, de fait, les activités de Spring concernant la fourniture de services de distribution de courrier international à destination de l’étranger violaient le privilège exclusif octroyé à l’Opposante. Selon la conclusion des tribunaux, voilà en quoi consiste et a toujours consisté le droit.

 

[53].                     Conformément au principe selon lequel la Loi sur les marques de commerce a pour objet de promouvoir et de réglementer l’utilisation licite des marques de commerce [McCabe c. Yamamoto & Co. (America) Inc. (1989), 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F. 1re inst.)], des services illégaux ne peuvent pas figurer dans les états déclaratifs en cause en l’espèce. Aussi, même si la Requérante croyait que ses services de distribution de courrier international à destination de l’étranger ne violaient pas le privilège exclusif de l’Opposante à la date de production de ses demandes, le fait que certains des services décrits dans les demandes étaient illégaux rend ces dernières illégales en ce qui a trait à ces services.

 

[54].                     Le fait que les demandes ont été modifiées par la Requérante afin qu’elles visent des services qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes étaye davantage la conclusion selon laquelle, dans leur forme originale, les demandes étaient illégales et contrevenaient à l’article 14 de la LSCP. La modification n’aurait aucun effet si j’arrivais à une autre conclusion.

 

[55].                     Compte tenu de ce qui précède, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial et a démontré que les demandes ne sont pas conformes à l’alinéa 30i) de la Loi. La Requérante ne s’étant pas acquittée de son fardeau de preuve, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est accueilli en ce qui concerne les services suivants :

 

         livraison, par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion, de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

         prise, chargement, expédition et promotion de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

         transport et livraison de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) – services illégaux

 

[56].                       La Requérante soutient que les demandes ne sont pas conformes aux alinéas 38(2)a) et 30a) de la Loi parce que, [traduction] « à la date de production des demandes au Canada, la Requérante ne pouvait pas avoir employé [les Marques] ou avoir eu l’intention de les employer en liaison avec les services décrits dans les demandes étant donné que cet emploi serait et est illégal. Tout emploi [des Marques] en liaison avec les services décrits dans les demandes serait et est illégal parce qu’il contrevient au paragraphe 14(1) et à l’article 56 de la LSCP ».

 

[57].                       Selon le raisonnement exposé précédemment, la date pertinente au regard de cet autre motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi est le 23 août 2005, soit la date à laquelle les demandes ont été modifiées la dernière fois.

 

[58].                       Conformément à la conclusion que j’ai tirée précédemment, les états déclaratifs des services, dans leur version modifiée, ne sont pas acceptables parce qu’ils ne sont pas dressés dans les termes ordinaires du commerce. Toutefois, comme le courrier et les lettres qui sont assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes sont exclus expressément, on ne peut pas dire que les états déclaratifs sont illégaux.

 

[59].                       Quoi qu’il en soit, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) n’est pas valable, à mon avis. La légalité des demandes en cause en l’espèce au regard de l’alinéa 30i) de la Loi a été correctement démontrée.

 

[60].                       Cet autre motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi est donc rejeté.

 

Décision

 

[61].                     Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse les demandes en ce qui a trait aux services suivants :

         livraison, par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion, de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

         prise, chargement, expédition et promotion de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

         transport et livraison de courrier et de lettres qui ne sont pas assujettis au privilège exclusif de la Société canadienne des postes;

et je rejette les oppositions en ce qui a trait aux autres services, à savoir :

         services de distribution exprès par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion;

         entreposage et emballage de marchandises;

         transport de marchandises par bicyclette, motocyclette, automobile, camion, train, bateau et avion;

         prise, chargement, expédition et promotion de marchandises, colis, documents, valeurs, magazines et périodiques;

         transport et livraison de marchandises, colis, documents, valeurs, magazines et périodiques par bicyclette, motocyclette, camion, train, bateau et avion;

         services de messagerie.

[Voir Produits Menagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.), qui permet les décisions partagées.]

 


FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 15 MARS 2010.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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