Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE‑MARKS

Référence : 2011 COMC 81

Date de la décision : 2011‑06‑23

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par AES Properties, LLC à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1303704 pour la marque de commerce POWERSHIELD au nom de Les Industries Harnois Inc.

[1]               Le 1er juin 2006, Les Industries Harnois Inc. (la Requérante) a déposé une demande d’enregistrement pour la marque de commerce POWERSHIELD (la Marque) fondée sur son emploi au Canada depuis au moins le 1er juin 2002 en liaison avec les marchandises suivantes : « [t]oile tissée pour recouvrir les structures d’acier préfabriquées, pour la construction de bâtiments polyvalents » (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 mai 2007. Le 2 octobre 2007, AES Properties LLC (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Le 22 novembre 2007, la Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

[3]               L’Opposante a produit un affidavit souscrit par Azhar Janjua et la Requérante, un affidavit souscrit par Caroline Forest. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit, mais les deux parties étaient représentées à l’audience.

[4]               La déclaration d’opposition commence par un énoncé des faits servant de préambule dans lequel l’Opposante énumère [traduction] « les marques représentatives de la famille de marques de commerce », qui sont reproduites ci‑dessous :

Marque de commerce

No d’enregistrement

POLAR 10

473,956

POLAR CAP

LMC518,248

POLARFLEECE

LMC292,776

POLARKIDS

LMC451,401

POLARPILE

LMC384,704

POLARPLUS

LMC360,832

POLARQUEST

LMC428,002

POLARSTRETCH

LMC461,681

POLARSYSTEM

LMC386,359

POLARTEC POWERSTRETCH

LMC478,955

POLARTEC

LMC394,303

POLARTEK

LMC369,114

POLARTUFF

LMC369,115

[5]               Voici comment l’Opposante a formulé le motif d’opposition fondé sur l’al. 38(2)b : [traduction] « la maque de commerce n’est pas enregistrable parce que, contrairement aux prescriptions de l’al. 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, elle crée de la confusion avec les marques de commerce détenues, enregistrées et utilisées par l’Opposante en liaison avec des produits identiques, comme il est indiqué ci‑dessus [italiques ajoutés]. L’Opposante allègue qu’elle est un chef de file dans la fabrication de biens identiques (à ceux de la Requérante), mais les listes des marchandises respectives des parties n’ont pas été reproduites dans la déclaration d’opposition. Toutefois, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au registraire, je constate que les marchandises visées par ces enregistrements sont des articles vestimentaires particuliers et/ou des pièces de tissus utilisés pour « fabriquer » des vêtements ou « avec » des vêtements; dans certains cas, des vêtements ainsi que des tissus utilisés pour confectionner des vêtements font partie des marchandises.

[6]               L’Opposante a aussi fait valoir en application de l’al. 38(2)a) de la Loi que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’art. 30. Selon elle, la Requérante ne peut être convaincue comme l’exige l’al. 30i) qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises énumérées dans la demande étant donné que [traduction] « les Marchandises de l’Opposante, et les marques de commerce de l’Opposante susmentionnées sont bien connues au Canada et partout aux États‑Unis » [italiques ajoutés].

[7]               L’Opposante a aussi fait valoir en application de l’al. 38(2)c) que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’[traduction] « il s’agit d’un cas prévu au par. 16(3), en ce qu’à la date de la production de la demande, elle créait de la confusion avec les [traduction] « marques de commerce susmentionnées, qui avaient été antérieurement utilisées au Canada par l’Opposante ». À cet égard, il importe de souligner que le par. 16(3) régit le droit à l’enregistrement fondé sur un emploi projeté; or, la présente demande se fonde sur un emploi antérieur de la Marque au Canada, de sorte que ce motif d’opposition ne s’applique pas et qu’il ne sera donc pas pris en compte.

[8]               Enfin, l’Opposante fait valoir au titre de l’al. 38(2)d) que la Marque n’est pas distinctive [traduction] « parce qu’elle ne distingue pas véritablement ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises et services d’autres propriétaires ou des marchandises et services de l’Opposante en liaison avec lesquels ses marques de commerce comportant l’élément POLAR sont utilisées ».

[9]               Voici les trois points principaux autour desquels s’articule la déclaration d’opposition : premièrement, le non‑respect de l’al. 30i), deuxièmement, l’existence d’une confusion avec les marques de commerce POLAR de l’Opposante au sens de l’al. 12(1)d) et du par. 6(5) de la Loi et, troisièmement, le caractère distinctif de la Marque au sens de l’art. 2 de la Loi. On comprendra pourquoi, précédemment, j’ai mis certains termes figurant dans les actes de procédure de l’Opposante en italiques lorsqu’il sera question de l’enregistrement d’une autre marque de commerce, ayant été mis en preuve par l’Opposante, sans qu’elle en ait au préalable fait mention dans sa déclaration d’opposition.

Preuve de l’Opposante – Affidavit d’Azhar Janjua

[10]           M. Janjua est un recherchiste pigiste qui offre ses services au cabinet juridique de l’Opposante. Son affidavit porte principalement sur l’enregistrement d’une marque de commerce dont il n’est pas question dans la déclaration d’opposition; toutefois, une partie de son témoignage porte sur l’une des marques de commerce POLAR de l’Opposante, la marque POLARTEC.

[11]           Plus précisément, M. Janjua joint à son affidavit les détails de l’enregistrement au Canada de la marque de commerce POWER SHIELD, sous le nLMC642,028, ainsi que de la demande n76/204,749 présentée aux États‑Unis à l’égard de cette même marque, dans les deux cas en liaison avec les marchandises suivantes :

Tissus textiles pour utilisation dans la fabrication de vêtements et d’articles d’ameublement pour la maison, meubles rembourrés et articles ménagers, nommément meubles et ameublement, tapis et couvre‑planchers, revêtements de murs, tissus et produits en tissu, couvertures, oreillers et literie et linge de bain et de cuisine; tissus à la pièce vendus comme éléments vestimentaires et vêtements, nommément manteaux, vestes, parkas, imperméables, pulls, chemises, chandails sport, pantalons, pantalons, robes, jupes, pyjamas, sous‑vêtements, foulards, châles, gants, mitaines, couvre‑chefs, nommément chapeaux, casquettes, serre‑têtes et visières, articles chaussants, nommément chaussures de sport et de repos, pantoufles, chaussettes, collants, mi‑chaussettes et bonneterie.

[12]           Comme il a déjà été signalé, l’Opposante ne fait aucunement mention de cet enregistrement dans ses motifs d’opposition. À ce stade, j’estime aussi utile de souligner que dans ses actes de procédure l’Opposante renvoie de façon constante à la liste de ses marques de commerce POLAR (l’énoncé en question est reproduit ci‑dessus, avec des italiques en sus).

[13]           À l’audience, l’Opposante a fait valoir qu’il faut considérer que les motifs invoqués dans l’opposition reposent sur d’autres marques appartenant à l’Opposante. À cet égard, elle semble s’appuyer sur le libellé du paragraphe introductif qui précède la liste des marques de commerce POLAR, et qui se lit comme suit : [traduction] « les marques représentatives de la famille de marques de commerce sont reproduites ci‑dessous ». L’Opposante soutient que le terme « représentatives » indique qu’elle possède d’autres marques de commerce outre celles qui sont énumérées. Elle fait aussi valoir que son allégué relatif à l’absence de distinctivité fondé sur l’art. 2 indique que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce d’autres propriétaires, ce qui devrait inclure la marque de commerce POWER SHIELD. Enfin, l’Opposante fait valoir que la Requérante était au courant de cet enregistrement étant donné qu’on en a signalé l’existence dans le cadre de la procédure de demande : en raison des doutes suscités par la demande, l’OPIC a notifié, en application du par. 37(3), l’annonce de la demande à l’Opposante.

[14]           Je ne peux accepter l’argument voulant que la déclaration d’opposition vise des enregistrements dont elle ne fait pas mention, étant donné que le fait de ne pas être informé de la preuve devant être réfutée serait fortement préjudiciable à la partie requérante. Cela est particulièrement vrai dans un cas comme celui qui nous occupe où une liste de marques de commerce exhaustive (décrites comme constituant une « famille de marques de commerce ») est fournie par l’Opposante, et que celle‑ci s’y réfère de façon constante dans les actes de procédure. Je suis d’avis que dans une telle situation, la Requérante devrait pouvoir s’attendre à ce que la liste fournie soit complète. De toute manière, je vois mal comment en toute logique on pourrait considérer que la marque POWER SHIELD fait partie de famille des marques de commerce énumérées ci‑dessus.

[15]           De plus, il n’est pas pertinent que la Requérante ait peut‑être eu connaissance de l’existence de l’enregistrement de la marque de l’Opposante POWER SHIELD. Je ne vois pas comment le fait d’être au courant de l’existence d’une marque de commerce puisse d’emblée supposer qu’elle est visée par une procédure, sachant qu’un opposant pourrait choisir dans certaines circonstances de ne pas invoquer l’une de ses marques de commerce. Cela pourrait être le cas notamment lorsqu’une marque de commerce fait l’objet d’un litige et que l’Opposante veut éviter qu’une décision soit rendue à son égard, et/ou lorsque l’Opposante procède au transfert de la Marque. Sur ce point, je constate, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au registraire de confirmer le statut de l’enregistrement de la marque POWER SHIELD, qu’elle a été cédée à un tiers le 12 mars 2007; le transfert de titre été enregistré le 25 février 2010. L’Opposante n’a pas confirmé le transfert ni donné de précisions à ce sujet et bien que M. Janjua cherche à établir que cette marque a été utilisée, rien ne permet de conclure que le titulaire d’une licence en a fait usage.

[16]           Quoi qu’il en soit, il va de soi selon moi que l’Opposante devait faire mention dans ses actes de procédure de toutes les marques de commerce sur lesquelles elle entendait s’appuyer; la Requérante n’a pas à « deviner » ce que l’Opposante risque d’invoquer ni comment ses allégations pourraient être interprétées. Par conséquent, je ne puis accepter que l’enregistrement de la marque POWER SHIELD soit invoqué à l’appui du motif d’opposition relatif à la confusion fondé sur l’al. 12(1)d) ou du motif d’opposition relatif à l’absence de caractère distinctif fondé sur l’art. 2. À cet égard, je tiens à souligner que l’Opposante a amplement eu l’occasion de solliciter l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition pour y faire mention de l’enregistrement en question.

[17]           Je poursuis mon analyse de l’affidavit de M. Janjua, étant donné qu’il y est aussi question d’une des marques de commerce POLAR mentionnée dans les actes de procédure et qu’il contient des renseignements concernant la nature des Marchandises et des activités commerciales de l’Opposante. Un bref résumé de la preuve relative à la marque de commerce POWER SHIELD de l’Opposante suit également, étant donné que même si je faisais erreur en écartant l’enregistrement susmentionné, j’estime, au vu de cette preuve, que l’issue de la présente affaire demeurerait inchangée.

[18]           M. Janjua indique que l’Opposante a conclu un certain nombre de contrats de licence suivant lesquels les tissus de l’Opposante portant la marque de commerce POWER SHIELD sont utilisés par des tiers dans la fabrication d’une [traduction] « vaste gamme de produits » vendus au Canada. Il joint à son affidavit un tableau [traduction] « contenant le nom de plusieurs entreprises ». Je note qu’y sont énumérées des listes de [traduction] « noms de clients », des « no de licence » et des « dates d’expiration »; et il semble que certaines des ententes sont actuellement en vigueur. Bien que ces renseignements tendent à confirmer l’existence de contrats de licence, rien ne permet conclure que les entités concernées ont utilisé la marque conformément à l’art. 50 de la Loi, c’est‑à‑dire que leur usage était assujetti au contrôle, direct ou indirect, de l’Opposante. De plus, comme il a déjà été mentionné, aucun élément de preuve n’indique qu’après sa cession (le 12 mars 2007) la marque de commerce POWER SHIELD a été utilisée par l’Opposante en vertu d’un contrat de licence et conformément à l’art. 50 de la Loi. Quoi qu’il en soit, je note que M. Janjua n’est pas un employé de l’Opposante; il effectue des recherches pour le compte du cabinet juridique de l’Opposante. Il n’a pas expliqué comment il a obtenu la liste des titulaires de licence ou comment il a eu connaissance de l’existence des contrats de licence; j’estime donc qu’il s’agit d’une preuve par ouï‑dire et qu’en conséquence on ne peut guère lui accorder de poids.

[19]           Pour ce qui est de la preuve relative à l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce, M. Janjua indique qu’il a consulté le site Web de l’Opposante le 23 juin 2008 à l’adresse www.polartec.com, et il joint des copies papier tirées du site, où figurent des détails techniques concernant le tissu POWER SHIELD de l’Opposante utilisé pour confectionner des vêtements. La marque de commerce POWER SHIELD apparaît sur les pages Web en liaison avec une foule d’articles vestimentaires et de renseignements décrivant le tissu avec lequel les vêtements sont confectionnés. Sont également joints à l’affidavit des copies papier tirées de divers autres sites Web dont certains appartiennent, selon l’auteur de l’affidavit, à l’Opposante et qui contiennent des renseignements similaires. Je note que la marque de commerce apparaît en liaison avec des articles vestimentaires qui semblent être vendus par l’entremise des sites Web en question. Dans la plupart des cas, la marque POWER SHIELD® y figure avec la marque POLARTEC®, quoiqu’elle soit à quelques occasions utilisée seule. On ne sait trop si les articles vestimentaires en tant que tels portent la marque POWER SHIELD ou si la marque de commerce figure uniquement sur les pages des sites Web. À cet égard, je constate en outre que bien que les sites Web semblent être des sites interactifs et qu’ils offrent la possibilité de faire des achats en ligne, aucune preuve n’indique que des vêtements ou des tissus portant la marque POWER SHIELD ou la marque POLARTEC POWER SHIELD ont été effectivement été vendus à des personnes se trouvant au Canada.

Preuve de la Requérante – Affidavit de Caroline Forest

[20]           Mme Forest est la vice‑présidente, communications et marketing, de la Requérante. La Requérante conçoit et construit des bâtiments et des structures temporaires, et ce, depuis 1965. La Requérante utilise la Marque depuis au moins avril 2002 en liaison avec des toiles servant à couvrir des bâtiments et structures temporaires. Mme Forest joint à son affidavit, comme pièce 2, deux brochures décrivant le produit vendu en liaison avec la Marque; la Marque figure un peu partout dans les brochures, et il est clair que les produits sont des membranes de polyéthylène utilisées pour recouvrir des structures utilisées à diverses fins industrielles et commerciales.

[21]           Mme Forest indique que les clients auxquels sont destinés les produits de la Requérante sont des services ou des ministères municipaux, provinciaux ou fédéraux ainsi que d’autres utilisateurs, notamment des fermes agricoles ou équestres. Les structures et les membranes sont utilisées à diverses fins, entre autres pour entreposer du sable et du gravier, pour abriter le bétail, pour entreposer des aliments pour animaux et de l’engrais, de l’équipement ou de la machinerie ainsi que pour recouvrir des ateliers, des chantiers ainsi que des terrains de sport intérieurs, des manèges équestres intérieurs et des patinoires.

[22]           Mme Forest joint à son affidavit une liste de plus de 250 clients ayant acheté le produit en 2008; plusieurs d’entre eux semblent être des sociétés ou des organisations canadiennes. Deux exemples de garanties de produits sont également joints; l’une est datée du 6 juin 2002 et l’autre est en vigueur depuis 2008. Les garanties s’appliquent lors de la vente des Marchandises et le certificat de garantie est remis à l’acheteur en même temps que le produit; je note que la Marque figure à plusieurs et divers endroits dans les certificats de garantie.

Analyse des motifs d’opposition

Alinéas 38(2)a) et 30i)

[23]           La date pertinente pour examiner les motifs d’opposition fondés sur l’art. 30 est la date de production de la demande, soit le 1er juin 2006 [voir Delectable Publications Ltd. c. Famous Events Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 274 (C.O.M.C.); Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)].

[24]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

[25]           En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi, aucun élément de preuve au dossier n’établit que la Requérante connaissait les droits antérieurs de l’Opposante lorsqu’elle a produit sa demande. Même si la Requérante savait que l’Opposante employait ses marques de commerce au Canada, ce fait, à lui seul, ne devrait pas l’empêcher de faire de bonne foi la déclaration requise. Lorsque la Requérante fournit la déclaration prescrite par l’al. 30i), ce motif d’opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque des éléments de preuve démontrent la mauvaise foi du requérant. [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Or, l’Opposante n’a démontré aucune mauvaise foi de la part de la Requérante; par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Alinéas 38(2)b) et 12(1)d)

[26]           Il est bien établi que la date pertinente pour évaluer le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) est la date à laquelle le registraire rend sa décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[27]           L’Opposante allègue dans sa déclaration d’opposition que la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées appartenant à sa famille de marques de commerce POLAR; l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne ce motif d’opposition étant donné que les enregistrements en cause sont en règle. Ainsi, il appartient maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et chacune des marques de commerce POLAR de l’Opposante.

[28]           Le critère applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait d’un consommateur pressé. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[29]           Pour appliquer le critère en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles précisées au par. 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, de services ou d’entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[30]           Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte, le poids de chacun d’eux pouvant varier selon les circonstances [voir de façon générale Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349; Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.)]. Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est le facteur décisif [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), confirmé par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.A.F.)]. Je vais d’abord examiner ce facteur étant donné que c’est à la lumière de l’analyse s’y rapportant que je serai en mesure de déterminer si et dans quelle mesure il y a lieu d’examiner les autres facteurs.

[31]           Pour ce qui est de l’alinéa 6(5)e) et de la famille de marques de commerce de l’Opposante POLAR susmentionnée, il est clair qu’en ce qui concerne la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les marques de commerce se ressemblent fort peu. Aucune des marques de commerce de l’Opposante ne ressemble à la Marque, mis à part le fait qu’elles commencent toutes par la lettre P.

[32]           Pour ce qui est des autres facteurs, j’estime qu’il est permis d’inférer que la marque de la Requérante a acquis un caractère plus distinctif par l’usage, étant donné que selon la preuve fournie par l’Opposante des vêtements portant l’une de ses marques POLAR, à savoir POLARTEC, ont été annoncés sur un site Web; toutefois, rien ne permet de conclure que des produits liés à cette marque de commerce ont été vendus au Canada. De toute évidence, on ne peut considérer que l’Opposante a établi l’existence d’une famille de marques de commerce. Pour ce qui est des Marchandises et des voies de commercialisation, je conviens avec la Requérante que les marchandises de l’Opposante (des vêtements et/ou des tissus servant à confectionner des vêtements) ne ressemblent en rien à des toiles servant à couvrir divers types de bâtiments. Les Marchandises vendues par la Requérante sont vendues en vue d’être utilisées pour ériger ou construire des structures et des bâtiments industriels et commerciaux et, comme il ressort de la preuve qu’elle a présentée, ces marchandises ne semblent avoir aucun lien avec l’industrie vestimentaire. Par conséquent, faute de preuve établissant que les voies de commercialisation se chevaucheraient, j’estime qu’il est raisonnable de conclure qu’il n’y aurait aucun recoupement. Il n’est donc pas nécessaire de poursuivre l’analyse relative à la confusion en ce qui concerne POLARTEC et les autres marques de commerce POLAR. En ce qui concerne les marques de commerce énumérées ci‑dessus, ce motif d’opposition est rejeté.

[33]           Étant donné que j’ai déjà statué que l’Opposante ne peut s’appuyer sur sa marque de commerce POWER SHIELD, je n’ai pas à en traiter à ce stade. Toutefois, pour le cas où j’aurais tort de ne pas tenir compte de cette marque, je tiens à souligner qu’en l’absence de preuve contraire, la nature des Marchandises (tissus et produits en tissus pour vêtements et ameublements par contraste avec des toiles servant à recouvrir des bâtiments polyvalents) et les voies de commercialisation propres aux marchandises respectives des parties sont suffisamment différentes pour que ces facteurs l’emportent sur le fait que les marques de commerce sont pratiquement identiques. Je suis donc d’avis qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion à cet égard.

Motif fondé sur l’al. 38(2)d) et l’art. 2 – absence de caractère distinctif

[34]           L’Opposante a le fardeau initial de prouver les faits invoqués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. L’Opposante doit démontrer qu’à la date de la production de son opposition ses marques de commerce ou l’une d’entre elles étaient devenues suffisamment connues pour faire perdre à la marque demandée son caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.); Bojangles International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 C.P.R. (4th) 427)]. Vu les conclusions auxquelles j’arrive en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d), relatif à l’absence de similarité entre la Marque et les marques de commerce POLAR, et compte tenu du fait que la marque de commerce POWER SHIELD de l’Opposante ne peut être prise en compte, l’Opposante ne s’est manifestement pas acquittée de son fardeau de preuve, et ce motif d’opposition doit être rejeté.

[35]           Même si en l’espèce je devais tenir compte de la marque de commerce POWER SHIELD, compte tenu de mes observations concernant l’absence de risque de confusion, et vu l’absence de preuve d’emploi au Canada à la date de production l’opposition (ou en tout autre temps), je ne serais pas en mesure de conclure que ladite marque est devenue suffisamment connue au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif

Décision

[36]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du par. 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du par. 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

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