Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de George V Restauration à la demande no 1225610 produite par La Maison du Café (St. Denis) Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce BUDDHA CAFÉ __________________________________________

 

 

I Les actes de procédure

 

[1]   Le 28 juillet 2004, La Maison du Café (St. Denis) Inc. (la « Requérante ») a produit une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce BUDDHA CAFÉ (la « Marque »), basée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec des marchandises pour aliments, nommément café, thé, épices (les « Marchandises »), et l’exploitation de restaurants, cafés et cafés‑restaurants (les « Services »).

 

[2]   La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 23 novembre 2005. George V Restauration (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition le 17 janvier 2006. Le registraire a transmis cette déclaration à la Requérante le 14 février 2006.

 

[3]   L’Opposante a produit l’affidavit de Tarja Visan et la Requérante, ceux de Micheal Stern, Cheryl Goldman et Micheal Logothetis. L’Opposante a produit l’affidavit de Claire Cébron à titre de contre‑preuve, ainsi qu’une copie certifiée conforme de l’enregistrement LMC662480.

 

[4]   Seule l’Opposante a produit des observations écrites. Les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

II La déclaration d’opposition

 

[5]   L’Opposante soulève les motifs d’opposition suivants :

1. la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la « Loi »), parce que la Requérante a déjà employé la Marque ou, subsidiairement ou cumulativement, n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque au Canada, en totalité ou en partie;

2. la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi parce que c’est faussement que la Requérante a déclaré être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada, compte tenu de ce qui précède, notamment de sa connaissance des droits de l’Opposante et de l’illégalité d’un tel emploi qui violerait ces droits;

3. la Marque n’est pas enregistrable compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée BUDDHA‑BAR de l’Opposante, certificat d’enregistrement LMC662480 pour des services de restauration;

4. la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque compte tenu des alinéas 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce BUDDHA-BAR antérieurement employée au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre en liaison avec des disques compacts et des services de divertissement, de production et d’édition musicale, des services de discothèque, des services d’impresario, la location d’enregistrements sonores, le montage de programmes radiophoniques et de télévision, des services d’orchestres, la production de spectacle et des services de studio d’enregistrement;

5. la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque compte tenu des alinéas 38(2)c) et 16(3)b) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce BUDDHA‑BAR et BUDDHA‑BAR à l’égard desquelles des demandes d’enregistrement (nos 1148691 et 1151620 respectivement) avaient été antérieurement produites au Canada;

6. la Marque ne distingue pas les Marchandises et les Services de ceux de l’Opposante et n’est pas adaptée à les distinguer au sens de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi étant donné :

i) ce qui a été mentionné ci‑dessus au sujet de l’adoption, de l’emploi et de la révélation de la marque de commerce de l’Opposante,

ii) que la Requérante a permis à des tiers d’employer la Marque dans d’autres circonstances que celles permises par la licence d’emploi visée à l’article 50 de la Loi,

iii) que, par suite du transfert de la Marque, il subsistait des droits, chez deux ou plusieurs personnes, à l’emploi de la Marque et ces droits ont été exercés par ces personnes, contrairement au paragraphe 48(2) de la Loi.

 

III Les principes généraux régissant les procédures d’opposition

 

[6]   C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. L’Opposante doit toutefois d’abord produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois cette preuve faite, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

[7]   Les dates suivantes sont pertinentes pour l’analyse des motifs d’opposition :

 

  respect des exigences de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande (28 juillet 2004) [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469];

  enregistrabilité de la Marque compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)];

  droit à l’enregistrement de la Marque lorsque la demande est basée sur l’emploi projeté : la date de production de la demande (28 juillet 2004) [voir le paragraphe 16(3) de la Loi];

  caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition est généralement considérée comme la date pertinente (17 janvier 2006) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

IV Les questions préliminaires

 

[8]   L’Opposante a demandé la permission de modifier sa déclaration d’opposition alors que la Requérante avait déjà déposé une contre‑déclaration. La déclaration d’opposition originale ne traitait pas de la question de l’enregistrabilité de la Marque compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, mais incluait un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) car l’Opposante s’appuyait sur deux demandes produites antérieurement, notamment la demande no 1148691 concernant la marque de commerce BUDDHA‑BAR. Cette marque a été enregistrée sous le numéro LMC662480 le 11 avril 2006. Aussi, l’Opposante a produit, le 11 octobre 2006, une demande de modification de sa déclaration d’opposition afin d’y alléguer que la Marque n’était pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) car elle créait de la confusion avec la marque de commerce déposée susmentionnée. La Requérante ne s’est pas opposée à la demande de modification et, par une décision rendue le 10 janvier 2007, le registraire a permis à l’Opposante d’ajouter ce motif d’opposition. Le registraire a précisé que, si la Requérante voulait modifier sa contre‑déclaration, elle devait demander la permission de le faire, conformément à l’article 40 du Règlement sur les marques de commerce (le « Règlement »). La Requérante n’ayant pas produit de demande de modification de sa contre‑déclaration, elle n’a pas expressément contesté ce nouveau motif d’opposition.

 

[9]   L’Opposante soutient que, vu l’absence de contestation formelle, ce motif d’opposition devrait être réputé admis, de sorte que l’opposition devrait être accueillie. L’Opposante n’a pas exposé cette thèse dans le détail dans son plaidoyer écrit, mais elle l’a fait valoir à l’audience. Dans son plaidoyer écrit, elle a simplement allégué qu’elle avait demandé et obtenu la permission de modifier sa déclaration d’opposition et que la Requérante n’avait pas modifié sa contre‑déclaration. À l’audience, l’Opposante s’est référée à trois décisions du registraire pour étayer son affirmation selon laquelle le fait de ne pas avoir contesté un motif d’opposition porte un coup fatal à la Requérante.

 

[10]           La Requérante faisait valoir à l’audience qu’il ressortait clairement d’une lecture de la contre‑déclaration qu’elle contestait, pour différentes raisons examinées dans la présente décision, le fait qu’il y avait une probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante, notamment la marque BUDDHA‑BAR. En fait, la Requérante a contesté le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) qui faisait expressément référence à la demande no 1148691. Par conséquent, la Requérante ne devrait pas se trouver dans la position où sa demande serait rejetée en raison d’une omission de produire une contre‑déclaration modifiée dans le but de contester le motif d’opposition additionnel fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi. Le nouveau motif d’opposition est une conséquence logique de l’enregistrement de la marque de commerce de l’Opposante à l’égard de laquelle une demande avait déjà été produite et alléguée à l’appui d’un motif d’opposition, mais contestée par la Requérante. Je suis d’accord avec cette dernière. Les circonstances en l’espèce sont différentes de celles décrites dans les décisions invoquées par l’Opposante.

 

[11]           Dans Café Mozart Ltd. c. Spillopoulos (1987), 17 C.P.R. 447, il s’était avéré que la requérante n’avait pas contesté dans sa contre‑déclaration le motif d’opposition fondé sur l’allégation de l’opposante selon laquelle elle avait antérieurement employé et révélé sa marque de commerce. En l’espèce, la Requérante a nié toute probabilité de confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, notamment avec la marque BUDDHA‑BAR qui a été alléguée au regard des motifs concernant le droit à l’enregistrement et le caractère distinctif. Dans Especialidades Luminotecnicas, S.A. c. Rambridge Structure & Design Ltd. (2008), 69 C.P.R. (4th) 474, le registraire a conclu que la contre‑déclaration produite ne constituait pas une contestation générale d’une partie ou de la totalité des motifs d’opposition étant donné qu’aucun des motifs n’avait été directement ou indirectement contesté. En l’espèce, la Requérante a nié, dans sa contre‑déclaration, toute probabilité de confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, peu importe le motif d’opposition invoqué à l’origine (droit à l’enregistrement ou caractère distinctif). Enfin, l’Opposante s’appuie sur Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (2009), 74 C.P.R. (4th) 391, où la déclaration d’opposition avait été modifiée pour y ajouter un motif d’opposition. Celui‑ci n’avait cependant aucun rapport avec ceux qui étaient invoqués à l’origine. L’opposante a ajouté que la marque visée par la demande n’était pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)a) de la Loi. En outre, le registraire a souligné que la requérante n’avait pas produit de preuve ni de plaidoyer écrit et n’était pas présente à l’audience, ce qui témoignait manifestement d’un manque d’intérêt de sa part.

 

[12]           Compte tenu des allégations contenues dans la contre‑déclaration, je conclus qu’il ne fait aucun doute que la Requérante conteste l’allégation selon laquelle la Marque est susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante mentionnées dans la déclaration d’opposition originale, notamment la marque BUDDHA‑BAR qui a ensuite été enregistrée. J’aimerais ajouter que je ne tiens pas compte, pour les besoins de la présente décision, des arguments juridiques détaillés contenus dans la contre‑déclaration produite par la Requérante. Le fait que celle‑ci nie toute probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante était suffisant pour justifier ma décision sur cette question.

 

V Le premier motif d’opposition

 

[13]           Je ne dispose d’aucune preuve étayant l’allégation selon laquelle la Requérante a employé la Marque avant la date de production de sa demande. Quant à l’allégation selon laquelle la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque, l’Opposante s’appuie sur le fait qu’une première demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 27 juin 2000, sous le numéro 1064928. Cette demande a été abandonnée le 23 juin 2004 parce que la Requérante a omis de produire la déclaration d’emploi exigée par le paragraphe 40(3) de la Loi. La Requérante a produit une nouvelle demande – celle en cause en l’espèce – peu de temps après, mais elle n’avait pas encore commencé à employer la Marque en liaison avec les Services et les Marchandises à cette date. L’Opposante aimerait que je conclus de ces faits que la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque.

 

[14]           Je ne suis pas disposé à tirer une telle conclusion. L’intention de ne pas employer la marque de commerce visée par une demande doit être claire. Il se pourrait bien que la Requérante ait omis de produire une déclaration d’emploi, après quoi elle a décidé de produire une nouvelle demande. En fait, le président de la Requérante, M. Logothetis, a déclaré dans son affidavit que cette omission était attribuable à une erreur et que la Requérante avait bien l’intention d’employer la Marque (voir les paragraphes 15 et 22 de son affidavit).

 

[15]           Par conséquent, le premier motif d’opposition est rejeté.

 

VI L’enregistrabilité de la Marque compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

 

[16]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en produisant une copie certifiée conforme de l’enregistrement LMC662480 concernant la marque de commerce BUDDHA‑BAR, enregistrée en liaison notamment avec des services de restauration. J’aimerais faire remarquer que l’Opposante s’est appuyée seulement sur ces services pour ce qui est de ce motif d’opposition. De toute façon, les marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante n’ont aucun rapport avec les Marchandises et les Services. Je tiendrai donc compte seulement des services de restauration de l’Opposante dans mon analyse de ce motif d’opposition.

 

[17]           Je dois déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque déposée BUDDHA‑BAR de l’Opposante. Le test en matière de confusion est prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, et je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce qui sont pertinentes, dont celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire de donner le même poids à chacun de ces facteurs [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je me réfère également à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, où le juge Binnie a fait des observations sur l’appréciation des facteurs prévus au paragraphe 6(5) de la Loi lorsqu’il faut déterminer s’il existe une probabilité de confusion entre deux marques de commerce.

 

[18]           La Marque et la marque de commerce déposée BUDDHA‑BAR de l’Opposante ont le même caractère distinctif inhérent. Le premier élément est le même et le mot « Buddha » n’évoque d’aucune façon les Marchandises et les Services, ni les services de l’Opposante spécifiés dans le certificat d’enregistrement. L’ajout des mots « bar » et « café » tend cependant à indiquer le type de services ou de marchandises qui sont ou seront offerts en liaison avec ces marques.

 

[19]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par l’usage ou la révélation de la marque au Canada. Il n’y a aucune preuve de l’emploi de la Marque au Canada. Une bonne partie de la preuve de l’Opposante vise à démontrer que la marque de commerce BUDDHA‑BAR est connue. Il faut se demander si la preuve démontre que la marque de commerce BUDDHA‑BAR est connue au Canada et, si c’est le cas, si cette marque est connue en liaison avec les services de l’Opposante ou avec d’autres marchandises. J’examinerai minutieusement la preuve produite par l’Opposante sur cette question.

 

[20]           Mme Visan est la présidente et la directrice générale de l’Opposante, ainsi que la directrice de George V Records, une filiale de l’Opposante. Elle décrit les activités de l’Opposante concernant les services de restauration en liaison avec la marque de commerce BUDDHA‑BAR. Elle nomme quatre restaurants qui sont exploités par l’Opposante ou ses licenciés; tous ces restaurants sont situés à l’extérieur du Canada, plus précisément à Paris, Beyrouth, Dubaï et New York. Elle produit des exemples d’articles publiés dans différents magazines ou journaux qui, selon elle, sont distribués au Canada. Aucune preuve de la distribution de l’un ou l’autre des magazines dans lesquels ces articles ont été publiés n’a été produite. Je prends toutefois connaissance d’office du fait que le New York Times est distribué dans une certaine mesure au Canada [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 540, Milliken & Co. c. Keystones Industries (1970) Ltd., 12 C.P.R. (3d) 166, à la page 168, et Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. c. Anheuser-Busch, Inc., 4 C.P.R. (3d) 216, à la page 224)]. Il ne s’agit pas cependant d’une publicité du restaurant de l’Opposante situé à New York, mais d’un article sur ce restaurant. On ne peut pas considérer qu’il s’agit d’un emploi de la marque de commerce de l’Opposante au Canada au sens du paragraphe 4(2) de la Loi. En outre, je ne peux conclure sur la foi d’un seul article publié dans le New York Times que la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante est connue au Canada en liaison avec des services de restauration.

 

[21]           Mme Visan explique ensuite que la filiale de l’Opposante offre en vente et vend sous la marque de commerce BUDDHA‑BAR des albums de musique qui reflètent l’ambiance des restaurants de l’Opposante. Elle affirme que plus de 65 000 copies de ces disques compacts ont été vendus au Canada entre 2003 et 2006, et elle précise la somme dépensée pour en faire la promotion au Canada.

 

[22]           Je conclus de la preuve produite par l’Opposante que sa marque de commerce BUDDHA‑BAR était connue au Canada dans une mesure limitée, non pas en liaison avec des services de restauration, mais uniquement en liaison avec des albums de musique.

 

[23]           Je ne dispose d’aucune preuve de l’emploi au Canada de la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante en liaison avec des services de restauration. La demande qui a mené à l’enregistrement de cette marque était basée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger. Je ne peux donc pas conclure que la marque de commerce a été employée au Canada. Ce facteur n’est favorable à aucune des parties.

 

[24]           En ce qui concerne le genre des services des parties et leurs voies de commercialisation, je dois comparer les Services définis dans la demande avec les services spécifiés dans le certificat d’enregistrement de l’Opposante [voir Sears Canada c. K.C. Masterpiece Products Inc. (1990), 3 C.P.R. (3d) 489]. La Requérante a grandement insisté sur le fait que la preuve montre que l’Opposante exploite un restaurant haut de gamme de type oriental, alors que M. Logothetis explique dans son affidavit que la Requérante exploite des cafés et des cafés‑restaurants sous diverses marques de commerce. Il a produit un exemple de menu portant la marque de commerce BRÛLERIE ST‑DENIS pour montrer que les Services seraient différents de ceux offerts dans les restaurants exploités par l’Opposante. Le menu montre que la Requérante offre à ses cafés‑restaurants exploités sous la marque de commerce BRÛLERIE ST‑DENIS des sandwiches, des salades, des soupes, du café et des desserts à moins de 10 $ chacun. La Requérante fait valoir en conséquence que le genre des services offerts par les parties et leurs voies de commercialisation seraient différents.

 

[25]           Comme je l’ai mentionné précédemment, je dois comparer les Services et les Marchandises avec les services visés par le certificat d’enregistrement de l’Opposante. Rien dans la demande ne limiterait les Services à ceux offerts en liaison avec la marque de commerce BRÛLERIE ST‑DENIS. Ce facteur et les voies de commercialisation jouent en faveur de l’Opposante uniquement en ce qui concerne les Services. Il n’y a aucun chevauchement, à mon avis, entre les Marchandises et les services de l’Opposante.

 

[26]           En ce qui concerne le degré de ressemblance, le juge Cattanach a déclaré, dans Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 :

 

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

[27]           Les marques en cause en l’espèce se ressemblent sur le plan du son et sur le plan de la présentation, principalement parce que leur premier élément est identique. Le premier élément d’une marque de commerce est souvent considéré comme étant plus important au regard du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183; Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413; Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109]. En l’espèce, le premier élément est le terme distinctif « Buddha ». La Requérante prétend cependant que la deuxième partie est différente dans la présentation et le son, et dans les idées suggérées.

 

[28]           L’Opposante a produit à titre de contre‑preuve l’affidavit de Claire Cébron, une étudiante en droit travaillant pour le cabinet qui représente l’Opposante. Celle‑ci produit au moyen de cet affidavit différentes définitions des mots « bar » et « café » tirées de dictionnaires.

 

[29]           Dans Le Petit Larousse, le mot « bar » est défini de la manière suivante : « Débit de boisson où l’on consomme debout, ou assis sur de hauts tabourets ». Le mot « café » est défini ainsi : « lieu public où l’on consomme des boissons ». La signification de ces termes se ressemble dans une certaine mesure car tous deux désignent un endroit où des boissons sont servies. La Marque ressemble donc à la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante en ce qui concerne la présentation, le son et les idées suggérées. J’aimerais ajouter que, même si cette preuve n’était pas considérée comme une contre‑preuve appropriée, je pourrais exercer mon pouvoir discrétionnaire et consulter moi‑même des dictionnaires afin de vérifier la signification des mots. Au bout du compte, le résultat serait le même.

 

[30]           La Requérante soulève deux autres points qu’elle estime pertinents : l’état du registre et le retrait d’une opposition de l’Opposante à une demande produite précédemment par la Requérante pour la même marque de commerce concernant les mêmes marchandises et services.

 

[31]           Micheal Stern était un avocat du cabinet représentant la Requérante. On lui a demandé d’effectuer une recherche dans le registre afin de retracer des demandes et des enregistrements actifs de marque de commerce contenant le mot « Buddha » et ne prévoyant aucune restriction quant à des marchandises ou des services particuliers. M. Stern fait état de 16 entrées de ce genre. Seulement sept d’entre elles sont pertinentes car elles ont trait à des services de restauration ou à des services semblables. Ces demandes ou enregistrements appartiennent à cinq entités différentes :

 

Marque de commerce              No de demande ou      Propriétaire                              Services

                                                d’enregistrement

 

Smilin’ Buddha Cabaret         LMC480888               Robert RavinderPaul, Jir         Restauration

Smilin’ Buddha Cabaret         LMC482008               Robert RavinderPaul, Jir         Restauration

et Dessin

Buddha Dog                           1316554                     Buddha Foodha Inc.              Commandes

à emporter

Buddha (dessin fantaisiste       1316751                     Buddha Foodha Inc.               Commandes

d’un homme)                                                                                                               à emporter

Sitting Buddha (dessin)          LMC434872               Sara Lee, Inc.                          Épices

Bodai (dessin)                         LMC434872               Bodhi  Restaurant                   Restauration

                                                                                    Vegetarian Restaurant Ltd

Budda Boom Budda Bing      LMC493371               Prime Restaurant                     Restauration

                                                                                    Licensing Inc.

 

[32]           Il a été décidé que, si la preuve relative à l’état du registre révèle un grand nombre de marques de commerce comportant un même élément dans une industrie particulière, on peut en déduire que certaines de ces marques sont employées au Canada et que le consommateur canadien serait donc en mesure de les distinguer [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et T. Eaton Co. c. Viking GmbH & Co. (1998), 86 C.P.R. (3d) 382]. Or, le nombre de marques retracées qui sont pertinentes en l’espèce est insuffisant pour tirer une telle conclusion.

 

[33]           Il reste le contenu de l’affidavit de Cheryl Goldman. Celle‑ci a fait un stage dans le cabinet représentant la Requérante lorsqu’elle était étudiante. Elle a effectué une recherche dans Internet à l’aide des engins de recherche Google et Yahoo afin de trouver des sites Web utilisant le mot « Buddha ». Elle a aussi essayé de retracer des sites Web où figureraient les marques de commerce mentionnées dans l’affidavit de Micheal Stern. Je présume que la Requérante essaie, avec cette preuve, d’établir que ces marques sont employées au Canada. Or, le fait qu’une marque de commerce figure sur une page Web ne signifie pas nécessairement qu’elle est employée au Canada en liaison avec des services. Dans le groupe des sept entrées dont il a été question ci‑dessus, je suis en mesure de retracer Buddha (le dessin fantaisiste d’un homme), no de demande 1316751, sur la pièce E jointe à l’affidavit de Mme Goldman. Il s’agit toutefois seulement d’une illustration de la marque de commerce et aucune information ne nous est donnée sur la nature des services offerts au Canada en liaison avec cette marque. Enfin, il y a seulement deux autres entrées qui sont pertinentes : Buddha’s Veggie Restaurant (pièce I de l’affidavit de Mme Goldman) et Smiling Buddha Bar (pièce P de l’affidavit de Mme Goldman).

 

[34]           Mme Goldman a aussi effectué une recherche sur le site Web des Pages jaunes. Elle prétend avoir trouvé dix entrées dans lesquelles le mot « Buddha » est un élément d’un nom commercial ou d’une marque de commerce employé en liaison avec des services de restauration. La preuve n’indique pas que ces restaurants sont en exploitation et seuls les noms de quelques‑uns d’entre eux semblent figurer également au registre.

 

[35]           Même si je considérais qu’il s’agit d’une preuve appropriée de l’emploi de ces marques de commerce ou de ces noms commerciaux au Canada, le nombre d’entrées pertinentes trouvées dans le registre et le résultat des recherches effectuées dans Internet ne me permettent pas de conclure qu’il y a de nombreux restaurants au Canada qui sont exploités sous une marque de commerce ou un nom commercial comportant le mot « Buddha » et qui feraient en sorte que les consommateurs canadiens auraient l’habitude de voir cet élément et seraient ainsi en mesure de les distinguer.

 

[36]           En ce qui concerne le retrait de l’opposition de l’Opposante à la demande no 1064928 qui a été produite par la Requérante en vue de l’enregistrement de la même marque de commerce, je ne considère pas qu’il s’agit d’une admission défavorable à l’Opposante en l’espèce. Nous ne savons rien des motifs d’opposition invoqués par l’Opposante dans l’autre affaire. De toute façon, l’opposition a été retirée avant qu’une preuve ne soit produite. Nous ne pouvons pas émettre d’hypothèses sur les raisons pour lesquelles l’Opposante a retiré son opposition.

 

[37]           Cette analyse m’amène à conclure que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y aurait aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée BUDDHA‑BAR de l’Opposante pour ce qui est des Services. Ma conclusion est fondée sur le fait que les Services sont identiques à ceux visés par le certificat d’enregistrement LMC662480, que les voies de commercialisation seraient les mêmes et que les marques en cause se ressemblent. En ce qui concerne les Marchandises, je donne gain de cause à la Requérante car la différence entre les Marchandises et les services de l’Opposante fait en sorte qu’il n’existe aucune probabilité de confusion.

 

[38]           Par conséquent, j’accueille le troisième motif d’opposition relativement aux Services seulement et je le rejette en ce qui concerne les Marchandises.

 

VII Le droit à l’enregistrement compte tenu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi

 

[39]           Comme je l’ai mentionné précédemment, l’emploi de la marque de commerce BUDDHA‑BAR au Canada en liaison avec des disques compacts a été établi, mais non son emploi en liaison avec les services spécifiés dans le quatrième motif d’opposition, nommément des services de divertissement, de production et d’édition musicale, des services de discothèque, des services d’impresario, la location d’enregistrements sonores, le montage de programmes radiophoniques et de télévision, des services d’orchestres, la production de spectacle et des services de studio d’enregistrement. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial en établissant l’emploi antérieur de sa marque de commerce BUDDHA‑BAR au Canada en liaison avec des disques compacts.

 

[40]           Je dois apprécier les facteurs prévus au paragraphe 6(5) de la Loi afin de déterminer si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante.

 

[41]           Mon analyse est similaire à celle que j’ai faite précédemment relativement à la question de l’enregistrabilité de la Marque, sauf pour ce qui est des points importants suivants. Lorsqu’on compare les Marchandises et les Services avec les marchandises de l’Opposante (disques compacts), il n’y a pas de chevauchement. Dans son affidavit, Mme Visan affirme que les disques compacts reflètent le type de musique que l’on peut entendre dans les restaurants exploités sous la marque de commerce BUDDHA‑BAR et que, de ce fait, il y a un lien entre les services de restauration de l’Opposante et les disques compacts. Or, je ne dispose d’aucune preuve de l’emploi de cette marque au Canada en liaison avec des services de restauration. J’ai déjà statué que la preuve produite ne me permet pas de conclure que la marque BUDDHA‑BAR est connue au Canada en liaison avec des services de restauration. Par conséquent, je ne vois pas comment le consommateur canadien moyen ferait un tel lien. Mme Visan fait référence dans son affidavit à un magazine d’une ligne aérienne brésilienne annonçant des produits exempts de droits de douane, notamment des disques compacts de l’Opposante, où il est question des restaurants de l’Opposante exploités sous la même marque de commerce. La preuve n’indique pas cependant que ce magazine a été distribué au Canada et a été lu par des Canadiens.

 

[42]           La différence concernant le genre des marchandises et des services des parties me permet de conclure qu’il n’existerait aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante qui est employée en liaison avec des disques compacts. Le quatrième motif d’opposition est rejeté.

 

VIII Le droit à l’enregistrement compte tenu de l’alinéa 16(3)b) de la Loi

 

[43]           Mme Visan a produit un relevé de la base de données canadienne Strategis contenant de l’information sur la demande no 1148691 concernant la marque de commerce BUDDHA‑BAR. Cette demande, qui concerne des services de restauration, a été produite le 1er août 2002 et était toujours pendante lorsque la demande en cause en l’espèce a été annoncée (le 23 novembre 2005). L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial. L’Opposante doit alors prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante.

 

[44]           J’ai déjà effectué cette analyse lorsque j’ai traité de l’enregistrabilité, et la différence dans les dates pertinentes ne change rien à ma conclusion. Par conséquent, pour les motifs que j’ai exposés en détail lorsqu’il a été question de l’enregistrabilité, j’accueille le cinquième motif d’opposition, mais seulement en ce qui concerne les Services.

 

IX Les autres motifs d’opposition

 

[45]           L’Opposante n’a produit aucune preuve au soutien des motifs d’opposition 6 ii) et 6 iii) exposés au paragraphe 5 ci‑dessus. Par conséquent, ces motifs sont rejetés car l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

 

[46]           Si l’on suppose que le deuxième motif d’opposition est invoqué correctement, la principale question en litige concerne toujours la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante. Je présume que celle‑ci fait référence à son emploi antérieur de cette marque en liaison avec des disques compacts au Canada et à la demande d’enregistrement 1148691 qu’elle a produite précédemment relativement à cette marque lorsqu’elle invoque ses droits acquis, étant donné qu’elle a obtenu l’enregistrement de sa marque après la date pertinente. De toute façon, ces droits sont les seuls droits acquis qui ont été établis en l’espèce. Je suis d’avis de tirer à l’égard de ce motif les mêmes conclusions que celles auxquelles je suis parvenu relativement aux alinéas 16(3)a) et 16(3)b).

 

[47]           Enfin, en ce qui concerne la première partie du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, l’Opposante a seulement établi l’emploi et la révélation antérieurs de sa marque de commerce BUDDHA‑BAR au Canada en liaison avec des disques compacts. Pour les motifs exposés relativement à l’alinéa 16(3)a), je suis d’avis de rejeter également ce motif d’opposition.

 

X Conclusion

 

[48]           La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce BUDDHA‑BAR de l’Opposante lorsqu’elle est employée en liaison avec l’exploitation de restaurants, de cafés et de cafés‑restaurants.

 

[49]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi et compte tenu des principes énoncés dans Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet Werke Heinrich Scherf GmbH, 10 C.P.R. (3d) 482, je repousse, en application du paragraphe 38(8), la demande d’enregistrement de la Marque produite par la Requérante en liaison avec l’exploitation de restaurants, de cafés et de cafés‑restaurants, et je rejette l’opposition en ce qui concerne les marchandises suivantes : marchandises pour aliments, nommément café, thé, épices.

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 16 DÉCEMBRE 2009.

 

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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