Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : FOREVER 21

NO D’ENREGISTREMENT : TMA 569,326

 

Le 4 novembre 2005, à la demande de Forever 21, Inc. (la « partie requérante »), le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce à 3103-2964 Québec Inc., la propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

 

La marque de commerce FOREVER 21 est enregistrée en liaison avec :

 

Marchandises : vêtements pour femmes et filles, nommément : hauts, blouses, robes, jupes et pantalons.

           

L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, exige que le propriétaire inscrit d'une marque de commerce indique, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l'espèce aux fins de la preuve d’emploi est tout moment entre le 4 novembre 2002 et le 4 novembre 2005. L’article 4 de la Loi définit ce qui constitue un emploi de la marque de commerce.

 

Un « emploi » en liaison avec des marchandises est défini comme suit aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi :

(1)   Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

(3)  Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En l’espèce, seul le par. 4(1) s’applique.

 

En réponse à l’avis du registraire, la propriétaire de l’enregistrement a produit l’affidavit de Freddy Twik, président et administrateur de 3103-2964 Québec Inc. (ci-après « Québec Inc. »). Ni l’une ni l’autre des parties n’a produit d’observations écrites. Les deux parties ont été représentées à une audience.

 

Au paragraphe 2 de son affidavit, M. Twik affirme qu’il a une connaissance générale des activités de sa société, et qu’il a une connaissance particulière de la présente instance, ayant accès à tous les documents et renseignements qui s’y rapportent.

 

À titre de question préliminaire, j’examinerai le paragraphe 5 de l’affidavit. M. Twik identifie Modes Corwik Inc. (aussi appelée le « Groupe Corwik ») comme la licenciée de la marque de commerce au cours de la période pertinente. En outre, au paragraphe 6, M. Twik affirme : [traduction] « Au cours de la période pertinente, Québec Inc. a exercé un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques et la qualité des vêtements vendus par Modes Corwik en liaison avec la MARQUE DE COMMERCE. » À l’audience, la partie requérante a soutenu que cette affirmation n’indiquait pas clairement si Modes Corwik détenait une licence l’autorisant à employer la marque de commerce FOREVER 21 en liaison avec les marchandises que spécifie l’enregistrement; la partie requérante a soutenu qu’en conséquence, l’enregistrement devrait être radié en entier.

 

Je trouve l’argument de la partie requérante excessivement technique sur ce point. L’affidavit doit être lu comme un tout, et non découpé en différents éléments comme la partie requérante invite le registraire à le faire. Le terme « vêtements » au paragraphe 5 est défini avec précision au paragraphe précédent comme un terme général englobant toutes les marchandises enregistrées. L’auteur de l’affidavit a indiqué que la propriétaire de l’enregistrement exerçait un contrôle direct sur les caractéristiques et la qualité des « vêtements » vendus par Modes Corwik Inc. en liaison avec la marque de commerce; cela est suffisant aux fins de l’article 45 pour me permettre de conclure que l’emploi par Modes Corwik Inc. satisfait aux exigences du par. 50(1) de la Loi [voir Gowling Strathy & Henderson c. Samsonite Corp., 66 C.P.R. (3d) 560 (C.O.M.C.)].  

 

La preuve

Au paragraphe 8, l’auteur de l’affidavit affirme que la propriétaire de l’enregistrement ou sa licenciée a vendu au Canada, depuis au moins aussi tôt que 2001, les marchandises enregistrées sous la marque FOREVER 21. Il précise en outre au paragraphe 10 que Québec Inc. ou sa licenciée ont employé la marque de commerce au Canada, dans la pratique normale du commerce, en liaison avec les marchandises enregistrées au cours de la période pertinente.

 

M. Twik explique ensuite que les marchandises enregistrées vendues au Canada sous la marque FOREVER 21 sont toujours identifiées par la marque de commerce au moyen soit d’une étiquette volante ou d’une étiquette cousue. J’observe que sur la reproduction de l’étiquette cousue fournie, la marque de commerce FOREVER 21 est clairement visible. En outre, les pièces « FT-2 », « FT-5 », « FT-7 » et « FT-9 », qui sont respectivement des photos d’un haut, d’une jupe, d’un pantalon et d’une robe, montrent toutes ces vêtements portant l’étiquette FOREVER 21. M. Twik affirme que ces photos illustrent la manière dont la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente. 

 

Un ensemble d’échantillons de bons de commande et de factures afférentes produits comme pièces « FT-1 », « FT-3 », « FT-4 » et « FT-6 » aussi jointes à l’affidavit démontre des  ventes au Canada de « hauts », de « blouses », de « jupes » et de « pantalons » par la licenciée susmentionnée à Winners Apparel Ltd. Seuls les bons de commande et factures afférentes produits comme pièce « FT-1 » (« hauts ») et les quatre bons de commande et factures afférentes produits comme pièce « FT-6 » (« pantalons ») portent des dates comprises dans la période pertinente.

 

Enfin, au paragraphe 16 de l’affidavit, M. Twik explique que la propriétaire de l’enregistrement a été [traduction] « incapable de récupérer des bons de commande ou des factures afférentes démontrant un emploi de la MARQUE DE COMMERCE en liaison avec des robes au cours de la période pertinente. » Il affirme en outre : [traduction] « Cependant, je sais que nous avons vendu de telles robes. » La pièce « FT-8 » jointe à l’affidavit est une lettre, datée du 20 avril 2006, d’un acheteur (Winners Merchants Inc.), qui énonce que Winners a acheté des volumes importants de vêtements portant l’étiquette FOREVER 21 de la licenciée de la propriétaire de l’enregistrement au cours des cinq dernières années, et que les vêtements ainsi achetés comprenaient des « pantalons, chandails, blouses, pulls, hauts, robes, vestes, vestons, jupes ainsi que des accessoires. »

 

Analyse

La partie requérante a soutenu que si je concluais que l’emploi avait profité à la propriétaire de l’enregistrement (ce que j’ai fait aux paragraphes préliminaires), alors subsidiairement, l’enregistrement devrait être modifié par la suppression des marchandises décrites comme des « blouses », des « jupes » et des « robes »; la partie requérante n’a pas contesté l’emploi démontré relativement aux marchandises décrites comme des « pantalons » et des « hauts ».

 

À l’audience, la propriétaire de l’enregistrement a concédé que l’affidavit ne démontrait pas d’emploi en liaison avec les marchandises décrites comme des « blouses » et des « jupes ». En conséquence, je conviens que les marchandises décrites comme des « blouses » et des « jupes » devraient être radiées de l’enregistrement.

 

J’examinerai cependant les éléments de preuve pour déterminer s’ils démontrent que la marque a été employée en liaison avec les autres marchandises, à savoir des « hauts », des « pantalons » et des « robes ».

 

Un examen des éléments de preuve m’amène à conclure que les bons de commande et factures (produits comme pièces « FT-1 » et « FT-6 ») qui portent des dates comprises dans la période pertinente confirment clairement que la licenciée de la propriétaire de l’enregistrement a réalisé des ventes de « hauts » et de « pantalons » au Canada au cours de la période pertinente. En outre, je suis disposée à admettre que l’avis de liaison exigé aux termes de l’article 4 de la Loi a été donné, puisqu’il ressort clairement des affirmations de M. Twik et des photos des marchandises auxquelles se rapportent les pièces « FT-2 » et « FT-7 », que la marque de commerce est apparue sur les marchandises au cours de la période pertinente.

 

La question qui reste à trancher est celle de savoir si un emploi a été démontré en liaison avec des « robes » au cours de la période pertinente. La partie requérante soutient que la lettre (pièce « FT-8 »), qui mentionne des ventes de robes à Winners, constitue du ouï‑dire inadmissible. Elle soutient en outre que l’affirmation de M. Twik lorsqu’il dit [traduction] « Je sais que nous avons vendu de telles robes » (paragraphe 16) n’indique pas expressément à quel moment de telles robes ont été vendues, et qu’en l’absence d’une preuve de transfert (transaction commerciale) au cours de la période pertinente, les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer un emploi au cours de cette période. 

 

Je conviens avec la partie requérante que la lettre jointe comme pièce « FT-8 » constitue du ouï-dire. La lettre n’est adressée à personne en particulier, aucune précision n’est fournie quant à savoir comment la propriétaire de l’enregistrement l’a obtenue, et celle-ci a omis d’établir que l’admission en preuve de la lettre satisfaisait aux critères de la fiabilité et de la nécessité énoncés dans Labatt Brewing Co. Ltd. c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216.   En outre, même si je devais accorder du poids à cette lettre, il demeure qu’elle ne comporte pas une affirmation sans équivoque selon laquelle les marchandises (dont des robes) ont été vendues au cours de la période pertinente; la lettre ne fait qu’évoquer des ventes [traduction] « au cours des cinq dernières années ». Compte tenu de ce qui précède, je ne puis inférer de cette pièce que des ventes de robes ont été réalisées au cours de la période pertinente. 

 

Bien que je conclue (contrairement à ce que soutient la partie requérante) que, prises ensembles, les affirmations relatives aux « robes » au paragraphe 16 peuvent raisonnablement être lues ensemble comme signifiant que M. Twik dit avoir connaissance de ventes de robes au cours de la période pertinente, je dois convenir avec la partie requérante que les affirmations de M. Twik relativement à sa connaissance de ventes sont des affirmations non étayées qui sont inacceptables aux fins de l’art. 45 et du par. 4(1) de la Loi; et ce, malgré l’affirmation de M. Twik selon laquelle [traduction] « les robes vendues sont illustrées par la photo d’une robe », dont il dit qu’elle portait la marque de commerce au cours de la période pertinente. À mon avis, il aurait été plus simple pour M. Twik d’expliquer comment il avait su que des robes avaient été vendues au cours de la période pertinente, c.-à-d. quels documents il a consultés, ou peut-être qu’est-ce qu’il a vu à l’entrepôt, ou peut-être des renseignements acquis lors d’une réunion (voir Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registrar of Trade-marks, 63 C.P.R.(2d) 56).  En outre, une explication quant à savoir pourquoi aucune facture relative à des robes n’était disponible, alors qu’il semblait y en avoir relativement aux autres marchandises, aurait été utile. Bien qu’il ait été statué qu’un affidavit auquel aucune facture n’est jointe n’est pas présumé inutile (voir Lewis Thomson & Sons Ltd. c. Rogers, Bereskin & Parr, 21 C.P.R. (3d) 483), en l’espèce, en l’absence d’autres types de renseignements au soutien de l’affirmation de M. Twik selon laquelle il sait qu’il y a eu des ventes de robes, je ne puis conclure qu’un emploi a été démontré sur des « robes ».

 

Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincue qu’il y a eu emploi de la marque de commerce au sens de l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi sur des [traduction] « vêtements pour femmes et filles, nommément : hauts et pantalons ». Je ne puis conclure qu’il y a eu emploi sur aucune des autres marchandises que spécifie l’enregistrement. En conséquence, l’enregistrement no TMA 569,326 relatif à la marque de commerce FOREVER 21 sera modifié par la suppression des mots « blouses », « jupes » et « robes » en conformité avec les dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.

 

FAIT À GATINEAU, AU QUÉBEC, LE 14 FÉVRIER 2008.

 

 

P. Heidi Sprung

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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