Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 93

Date de la décision : 2012‑05‑18

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Nautica Apparel, Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1354711 pour la marque de commerce NAUTIC au nom de Tekna B.V.B.A.

 

 

 

Dossier

[1]               Le 6 juillet 2007, Tekna B.V.B.A. (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement no 1354711 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NAUTIC (la Marque) fondée sur son emploi projeté au Canada. À la suite d’un rapport de l’examinateur, la Requérante a produit une demande révisée qui renvoie aux marchandises et aux services suivants :

Armatures pour appareils d’éclairage; supports de lampe; réflecteurs de lampe; abat-jour; ampoules; gradateurs de lumière; diodes électroluminescentes; ballasts d’appareils d’éclairage; appareils d’éclairage; papier d’impression; papier photographique; carton; imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits); photographies; stylos; crayons (les Marchandises);

Vente au détail d’appareils et d’installations d’éclairage; installation et réparation d’appareils et d’installations d’éclairage (les Services).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 27 août 2008. Nautica Apparel, Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition le 27 octobre 2008, laquelle a été transmise à la Requérante par le registraire le 9 décembre 2008.

[3]               La Requérante a nié tous les motifs d'opposition dans une contre-déclaration produite le 5 février 2009.

[4]               À titre de preuve, l’Opposante a produit les affidavits de Margaret Bizzari, de Dane Penney et de Peter Woods, alors que la Requérante a produit l’affidavit de Jean‑François Journault.

[5]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et il n’y a pas eu d’audience.

Motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent se résumer ainsi :

1.      La demande d'enregistrement ne satisfait pas aux dispositions de l'alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi), parce qu’à la date de production de la demande, la Requérante devait être bien au courant des marques de commerce de l’Opposante employées et connues antérieurement et identifiées ci‑après, et parce que les consommateurs associeraient nettement NAUTIC avec les marques de commerce bien connues NAUTICA de l'Opposante et, par conséquent, la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque.

2.      La demande d'enregistrement ne satisfait pas aux dispositions de l'alinéa 30e) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Requérante n'avait pas véritablement l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec toutes les Marchandises et tous les Services.

3.      La Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi en ce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce NAUTICA et Dessin, no d’enregistrement LMC627433; NAUTICA, no d’enregistrement LMC693272; et NAUTICA, demande d’enregistrement no 1312702 de l'Opposante.

4.      La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce NAUTICA de l’Opposante que celle-ci avait antérieurement largement employées et fait connaître au Canada.

5.      Eu égard aux dispositions de l'alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n'est pas distinctive et n'est pas adaptée à distinguer les Marchandises et les Services de la Requérante de ceux d'autres prorpiétaires, en particulier de ceux de l’Opposante, compte tenu de l'emploi antérieur et de l'enregistrement par l’Opposante des marques de commerce NAUTICA semblables au point de créer de la confusion.

Le fardeau de la preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[7]               Le fardeau d’établir que sa demande d'enregistrement satisfait aux exigences de la Loi incombe à la Requérante, mais l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits allégués sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d'opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), et Wrangler Apparel Corp. c The Timberland Company, 2005 CF 722].

Droit à l’enregistrement

[8]               Afin de s'acquitter de son fardeau initial à l'égard de ce motif d'opposition, l’Opposante doit démontrer qu'elle a employé ou fait connaître la marque de commerce NAUTICA au Canada au sens de l'article 4 de la Loi avant la date de production de la présente demande d'enregistrement, soit le 6 juillet 2007, et qu'elle n'a pas abandonné cet emploi à la date de l’annonce de la demande, soit le 27 août 2008 [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. Dans sa déclaration d'opposition, l’Opposante a allégué l'emploi antérieur de sa marque de commerce NAUTICA au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

Couvertures de lit, draps, nappes autres qu’en papier, linge de table, literie, taies d’oreiller, draps, nappes, serviettes; accessoires de bain, nommément gants de lavage, débarbouillettes, tapis de bain en tissu et pièces murales en textile; oreillers pour lits, oreillers, couvre‑matelas, couettes, housses de couette, taies d’oreiller et protège-oreillers; couverts, nommément fourchettes, couteaux et cuillères; articles pour boissons en verre et en plastique; articles de table, nommément bols, tasses et assiettes; sous-verres; chandeliers, porte-serviettes de table, ronds de serviette, plats de service, cuillères à servir, carafes, agitateurs, mélangeurs à cocktails ainsi que gobelets et assiettes en carton; mobilier de salle de séjour, de salle à manger et de chambre; mobilier rembourré ou non, nommément lits, commodes, coffres, miroirs, tables, armoires, buffets, vaisseliers, serveurs, chaises, bancs, étagères, mobilier de rangement mural, bars, meubles audio‑vidéo, bureaux, bibliothèques, canapés, causeuses, ottomanes, canapés‑lits, berceuses et fauteuils inclinables; linge de lit, couvre‑lits, draps, matelas de lit, couvertures, édredons, couvre‑oreillers, linge de toilette, serviettes, gants de lavage, débarbouillettes, tapis de bain en tissu, pièces murales en tissu, rideaux en toile pour la maison, linge de table, nappes, dessous‑de‑plat, napperons, serviettes de table, linges à vaisselle; carpettes, papier peint, revêtement mural; taies d'oreiller; tissus d'ameublement, flanelle; [traduction] éclairage.

[9]               Madame Bizzari est la gestionnaire des marques de commerce au service juridique de VF Sportswear, Inc, la société mère de l’Opposante. Elle est la personne responsable de la gestion du portefeuille de marques de commerce de l’Opposante et de la tenue des dossiers relatifs à l'emploi et à l'octroi de licences des marques de l’Opposante.

[10]           Elle déclare que l’Opposante a été créée en 1983 et qu'à l'origine, l'Opposante vendait des manteaux et des vestes pour hommes sous la marque de commerce NAUTICA. En 1987, la marque NAUTICA s'est étendue aux produits de parfumerie. Au cours des 24 dernières années, elle allègue que la marque NAUTICA s'est développée et a évolué pour devenir ce qu'elle appelle une [traduction] « marque de style de vie ». Selon sa définition, il s'agit d'une marque comportant une identité forte qui peut s'étendre à presque tous les types de produits, sinon tous, pourvu que ces produits ne soient pas incompatibles avec l'image de base de la marque. En conséquence, les marques de style de vie ont tendance à couvrir une vaste gamme de produits de consommation utilisés par les gens dans leur vie de tous les jours et comprennent généralement des vêtements, des articles de lunetterie et des accessoires, de même que des produits et du mobilier pour la maison.

[11]           Madame Bizzari allègue que, à l’heure actuelle, des vêtements, des produits de parfumerie, des produits de lunetterie, des montres, des bijoux, des valises, du mobilier et des articles d'éclairage pour la maison, des articles de literie, des parapluies, des sacs à main, des tissus, des bateaux et des dispositifs de flottaison sont offerts en vente en liaison avec la marque de commerce NAUTICA. Au paragraphe 4 de son affidavit, elle fournit la date du premier emploi de chaque catégorie de marchandises énumérées précédemment et toutes ces dates sont antérieures à la date de production de la demande d'enregistrement.

[12]           Elle fait valoir que l’Opposante détenait plus de 1 800 marques de commerce NAUTICA enregistrées ou des demandes d'enregistrement en instance dans plus de 65 pays dans le monde. Elle a joint à son affidavit des extraits de la base de données sur les marques de commerce canadiennes à l'égard des enregistrements no LMC627433 et LMC693272 et de la demande d'enregistrement no 1312702 visés dans la déclaration d'opposition.

[13]           Selon Mme Bizzari, au cours de chacune des dix dernières années, la valeur mondiale totale des ventes au détail des marchandises de la marque NAUTICA faites par l’Opposante aux détaillants et distributeurs dans le monde a été supérieure à 1,5 milliard de dollars. Elle fournit les chiffres de vente annuels (en dollars américains) au Canada des marchandises de la marque NAUTICA aux détaillants canadiens de 2004 à 2008 et ceux‑ci varient de plus de 23 millions de dollars à plus de 36 millions de dollars pour un total de plus de 150 millions de dollars.

[14]           Ces chiffres de vente ne sont pas ventilés par catégorie de marchandises, sauf que Mme Bizzari estime que les ventes de marchandises portant la marque NAUTICA se rapportant à des articles de décoration pour la maison, y compris le mobilier et les lampes représentent plus de 20 à 25 % du total des ventes des marchandises portant la marque NAUTICA. Elle fournit le total des ventes canadiennes (en dollars américains) des articles de décoration pour la maison de marque NAUTICA pour les années 2006 à 2008 exclusivement, que l’Opposante a réalisées avec des détaillants canadiens. Les ventes varient d'environ six millions de dollars à près de huit millions de dollars.

[15]           Elle déclare que des vêtements, des parfums et des articles de décoration pour la maison NAUTICA sont vendus chez de nombreux détaillants nationaux, notamment des magasins au détail exploités par la Compagnie de la Baie d’Hudson, soit La Baie, Zellers et Home Outfitters, de même que les chaînes nationales de magasins Homesense, Winners, Toy’R’Us et Babies’R’Us.

[16]           Madame Bizzari affirme que les produits de l’Opposante peuvent être exposés avec des marchandises régulières ou peuvent être présentés dans un endroit désigné ou dans un [traduction] « magasin à l'intérieur d'un magasin ». Elle a produit des photographies prises dans différents magasins La Baie situés à Toronto, Montréal et Vancouver pour illustrer le concept du [traduction] « magasin à l'intérieur d'un magasin » où la marchandise portant la marque de commerce NAUTICA est offerte en vente. Il y a des affiches portant la marque de commerce NAUTICA dans un tel endroit. La plupart de ces photographies présentent des vêtements offerts en vente en liaison avec la marque de commerce NAUTICA. Il y a une photographie illustrant du linge de maison offert en vente en liaison avec la marque de commerce NAUTICA de même qu'une affiche NAUTICA.

[17]           Madame Bizzari a également produit des photographies d'échantillons d'étiquettes et d'emballages montrant comment la marque de commerce NAUTICA est présentée sur des chaussettes, de l'eau de Cologne pour hommes, des chemises et du linge de maison.

[18]           Plus important encore dans la présente affaire, elle déclare que l’Opposante vend des lampes portant la marque de commerce NAUTICA depuis plus de quatre ans au Canada. Il s'agit principalement de lampes pour des chambres d'enfants. Elle affirme que depuis 2006, plus de 3 100 lampes portant la marque de commerce NAUTICA ont été vendues au Canada, représentant une valeur au détail d'environ 140 000 $US. Elle a produit une photographie de l'emballage d'une telle lampe sur lequel apparaît la marque de commerce NAUTICAKIDS, ainsi qu'une image du pied de la lampe auquel est attachée une étiquette portant la marque de commerce NAUTICA.

[19]           Madame Bizzari fournit ensuite le détail des montants d'argent que l'Opposante a dépensé en publicité pour promouvoir la marque de commerce NAUTICA à l'échelle mondiale. Elle énumère les montants annuels dépensés au Canada de 2004 à 2008, qui ne sont pas inférieurs à 300 000 $ et qui peuvent atteindre plus de 570 000 $. Elle déclare que la promotion de la marque de commerce NAUTICA est réalisée au moyen d'annonces dans des revues et des journaux qui sont diffusés au Canada. Je n'ai cependant aucune preuve que les publications énumérées au paragraphe 21 de son affidavit sont diffusées au Canada. En ce qui concerne la commandite d'événements, tous les événements énoncés au paragraphe 20 de son affidavit ont eu lieu à l'extérieur du Canada. Elle affirme que certains événements étaient radiodiffusés au Canada, mais cela constitue une preuve par ouï‑dire inadmissible. Enfin, elle allègue que l’Opposante a un site Web sur lequel des produits portant la marque NAUTICA sont présentés. Elle a produit des extraits de ce site Web, incluant une page contenant la liste des détaillants nationaux canadiens.

[20]           Compte tenu de cette preuve, je suis convaincu que l’Opposante s'est acquittée de son fardeau initial d’établir l’emploi de sa marque de commerce NAUTICA avant le 6 juillet 2007 en liaison avec des vêtements, du linge de maison et des lampes et qu'elle n'avait pas abandonné cet emploi le 27 août 2008. Par conséquent, il s'ensuit qu'il incombe maintenant à la Requérante de faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que l'emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services n'est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce NAUTICA de l'Opposante.

[21]           Le test applicable pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Il me faut prendre en considération toutes les circonstances pertinentes de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[22]           Ces critères ne sont pas exhaustifs et ils n’ont pas nécessairement le même poids. Dans l'arrêt récent Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc. et al, 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[23]           La Marque et la marque de commerce de l’Opposante sont toutes deux des mots inventés. Elles ont un caractère distinctif inhérent, même si elles peuvent évoquer l'idée de la navigation ou de marins. Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut s’accroître par l’usage ou la promotion dont elle fait l’objet au Canada.

[24]           Il n'y a aucune preuve de l'emploi de la Marque au Canada et, quoi qu'il en soit, la date pertinente est la date de production de la demande d'enregistrement. La demande est fondée sur l'emploi projeté. En conséquence, à la date pertinente, la Marque n'était pas connue au Canada.

[25]           L’Opposante soutient que sa marque de commerce NAUTICA est une marque de commerce célèbre ou sinon, à tout le moins une marque de commerce bien connue et qu'elle devrait bénéficier d'une plus large protection. Comme je l'ai mentionné précédemment, la date pertinente est le 6 juillet 2007. Tout élément de preuve d'emploi postérieur à cette date ne peut pas être pris en compte.

[26]           Je désire mentionner que la preuve de M. Woods, un étudiant en droit employé par l'agent de l’Opposante, porte en partie sur des achats de marchandises portant la marque de commerce NAUTICA effectués à La Baie. Ces achats ont cependant été faits le 29 juillet 2009 et sont par conséquent postérieurs à la date pertinente.

[27]           Monsieur Woods a également effectué une recherche sur Internet pour trouver des articles publiés dans des journaux et des revues mentionnant la marque de commerce NAUTICA. Il a cherché des ressources canadiennes et utilisé les mots de recherche « Nautica and Decorating » [Nautica et décoration] et « Nautica and Housewares » [Nautica et articles de maison]. En ce qui concerne les mots « Nautica and Decorating », il a produit 31 articles différents. Toutefois, les huit premiers articles sont postérieurs à la date pertinente; 14 articles parmi ceux qui restent mentionnent la marque de commerce NAUTICA en liaison avec des vêtements et cinq articles étaient publiés dans des revues ou des journaux et, sans preuve de leur diffusion au Canada, je ne peux présumer de ce fait. En conséquence, il ne reste que quatre articles qui concernent des meubles et du linge de lit. En ce qui concerne la recherche au moyen des mots « Nautica and Housewares », le premier article a été publié après la date pertinente. Onze articles mentionnent la marque de commerce NAUTICA en liaison avec des vêtements et parmi les huit articles qui restent, cinq articles étaient publiés dans des revues ou des journaux dont je ne peux prendre connaissance d’office de leur diffusion au Canada, laissant ainsi trois mentions pertinentes.

[28]           Eu égard au contenu de l'affidavit de Mme Bizarri et de celui de M. Woods, je conclus que la marque de commerce de l’Opposante était connue dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente. Je ne peux cependant pas conclure que cette preuve établit que la marque de commerce NAUTICA de l'Opposante est une marque de commerce célèbre. Je dispose uniquement des chiffres de vente au Canada pour les trois années qui précèdent la date pertinente. Au mieux en ce qui concerne l’Opposante, sa marque de commerce NAUTICA peut être bien connue, mais en liaison avec des vêtements. Il y a des éléments de preuve de ventes de lampes, de mobilier et de linge de maison avant la date pertinente, démontrant ainsi que l’Opposante n’employait pas sa marque de commerce NAUTICA exclusivement en liaison avec des vêtements.

[29]           Dans l'ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[30]           Eu égard à la preuve décrite ci‑dessus, l’Opposante emploie sa marque de commerce NAUTICA au Canada depuis au moins 2004, alors que la présente demande est fondée sur l'emploi projeté. Ce facteur favorise nettement l’Opposante.

Le genre de marchandises et leurs voies de commercialisation

[31]           L’Opposante soutient qu'il existe clairement un chevauchement en ce qui concerne les armatures pour appareils d’éclairage, les supports de lampe, les réflecteurs de lampe, les abat‑jour, les ampoules, les gradateurs de lumière, les diodes électroluminescentes, les ballasts d’appareils d’éclairage, les appareils d’éclairage et les services de vente au détail d’appareils et d’installations d’éclairage, l’installation et la réparation d’appareils et d’installations d’éclairage. Cette conclusion découle de l'emploi antérieur de la marque de commerce NAUTICA de l’Opposante en liaison avec des lampes.

[32]           La Requérante renvoie au contenu de l'affidavit de M. Journeault, un étudiant employé par le cabinet de l'agent de la Requérante. Il a consulté le site Web de la Requérante et a imprimé des pages de ce site Web. La Requérante fait valoir que ces pages illustrent le type de produits qu'elle offre en vente ainsi que la fourchette de prix. La Requérante soutient de plus que la preuve de l’Opposante démontre que l’Opposante vend des lampes destinées aux enfants et que celles‑ci seraient vendues par des voies de commercialisation différentes.

[33]           La recherche réalisée par M. Journeault a été effectuée le 4 décembre 2009, après la date pertinente. En outre, l'adresse du site Web se termine par les lettres « be » qui désignent la Belgique, le pays d'origine de la Requérante. Aucune preuve n'indique que des Canadiens ont consulté ce site Web. Aucune preuve n'indique que la Requérante a l'intention de vendre les mêmes produits au Canada. De plus, la production de ces pages par une personne qui n'est pas à l'emploi de la Requérante ne fait pas foi de leur contenu, mais établit simplement l'existence de ces pages au moment de la recherche. Enfin, le fait que l’Opposante vend des lampes destinées aux enfants n'écarte pas l'argument du chevauchement des voies de commercialisation. Aucune preuve n'indique que la Requérante vendrait des lampes pour enfants et les appareils d'éclairage énumérés ci‑dessus par des voies de commercialisation différentes. Le fardeau incombe à la Requérante et cette dernière ne s'en est pas acquittée concernant cette question.

[34]           Ce facteur favorise nettement l’Opposante en ce qui concerne les marchandises et les services mentionnés ci‑dessus. Il n'y a pas de chevauchement concernant ce qui suit : « papier d’impression; papier photographique; carton; imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits); photographies; stylos; crayons ». Je discuterai cependant ci‑après de la possibilité de rendre une décision partagée.

Degré de ressemblance

[35]           Les marques se ressemblent beaucoup dans la présentation, le son et les idées qu'elles suggèrent, car la seule différence est l'absence, dans la Marque, de la voyelle « a » à la fin de « Nautica ». Ce facteur favorise également l’Opposante.

Autres circonstances de l’espèce

[36]           L’agent de l’Opposante a employé M. Penney comme recherchiste. Le 4 août 2009, il a effectué une recherche dans le registre canadien des marques de commerce pour trouver des marques de commerce actives contenant les mots [traduction] « lampe, abat‑jour, appareil d'éclairage, lumière, ampoule, papier, carton, brochures imprimées, photographie, stylo et crayon » détenues par huit sociétés, notamment Calvin Klein Trademark Trust, Tommy Bahama Group, Inc, The Polo/Lauren Company LP et Giorgio Armani. L’Opposante fait valoir que les propriétaires de [traduction] « marques de style de vie » étendent les marques de leurs vêtements pour inclure une vaste gamme de produits de consommation, dont du mobilier pour la maison, des articles ménagers et des produits d'éclairage. Toutefois, en l'absence de preuve de l'emploi des marques de commerce visées par les enregistrements trouvés en liaison avec ces marchandises, je ne peux pas présumer de l'existence d'un tel emploi.

Conclusion

[37]           La Requérante n'a pas réussi à s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités que l’emploi de la Marque n'était pas, à la date de production de la demande d'enregistrement, susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante lorsque la marque est utilisée en liaison avec ce qui suit : armatures pour appareils d’éclairage, supports de lampe, réflecteurs de lampe, abat‑jour, ampoules, gradateurs de lumière, diodes électroluminescentes, ballasts d’appareils d’éclairage, appareils d’éclairage; vente au détail d’appareils et d’installations d’éclairage, installation et réparation d’appareils et d’installations d’éclairage.

[38]           En ce qui concerne les marchandises suivantes, soit « papier d’impression; papier photographique; carton; imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits); photographies; stylos; crayons », la différence concernant la nature de ces marchandises pourrait m’amener à rendre une décision partagée. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de décider de le faire ou non. Les marchandises « imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits) » visent la promotion des appareils d'éclairage de la Requérante en liaison avec la Marque selon ce que laisse entendre sa description. Ces marchandises sont subordonnées à l'existence des produits d'éclairage portant la Marque. En conséquence, je ne suis pas disposé à rendre une décision partagée dans les circonstances de la présente affaire favorisant la Requérante dans la mesure où ces marchandises sont concernées [voir Anheuser-Bush Inc. c. Upper Canada Brewing Co., 1998 CarswellNat 3278]. Je ne peux pas conclure de la même manière en ce qui a trait au « papier photographique, carton, photographies, stylos et crayons ». Aucune preuve ne démontre que ces marchandises sont accessoires aux produits d'éclairage.

[39]           Les marques se ressemblent effectivement. La marque NAUTICA de l’Opposante est connue dans une certaine mesure au Canada et il y a un chevauchement en ce qui a trait au genre de certaines marchandises et à leurs voies de commercialisation. En conséquence, j'ai conclu en faveur de l’Opposante sous ce motif d'opposition à l'égard de toutes les Marchandises et de tous les Services sauf en ce qui concerne les marchandises suivantes : « papier photographique, carton, photographies, stylos et crayons ».

Caractère distinctif

[40]           En ce qui concerne ce motif d'opposition, l’Opposante a le fardeau initial de prouver que sa marque de commerce NAUTICA était devenue suffisamment connue au Canada au 24 octobre 2008, soit la date de production de la déclaration d'opposition, pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc. c No 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2d) 44, à la page 58, et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst.)]. Une fois que l’Opposante a satisfait à ce fardeau initial de la preuve, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce NAUTICA de l'Opposante, de sorte que, à la date pertinente, elle était adaptée à distinguer ou distinguait véritablement, partout au Canada, les Marchandises et les Services de ceux de l'Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272].

[41]           La preuve de l'emploi de la marque de commerce NAUTICA par l'Opposante, avant le 24 octobre 2008, qui a été résumée lorsque j'ai traité du motif d'opposition précédent, est suffisante pour permettre de conclure que l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial de la preuve.

[42]           La date pertinente ultérieure me permet de prendre en compte tout fait supplémentaire prouvé qui a eu lieu entre le 6 juillet 2007 et le 24 octobre 2008. Il n'existe aucun autre fait supplémentaire qui puisse appuyer la Requérante. En ce qui concerne l’Opposante, l'ajout de ventes pendant une année supplémentaire au Canada ne serait pas suffisant pour permettre de conclure que sa marque de commerce NAUTICA était célèbre au 24 octobre 2008.

[43]           Dans ces circonstances, je tire les mêmes conclusions que celles décrites sous le motif d'opposition précédent. Il est donc maintenu en partie.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30e) de la Loi

[44]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient les marchandises suivantes sont des articles promotionnels :

papier d’impression; papier photographique; carton; imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits); photographies; stylos; crayons.

Ainsi, la Requérante n'utilise pas et ne pourrait pas avoir l'intention d'utiliser la Marque au Canada au sens de l'article 4 de la Loi en liaison avec ces marchandises. Sans me prononcer sur la validité de cet argument, j'ai déjà conclu en faveur de l’Opposante en ce qui concerne les « imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits) ». En ce qui a trait aux marchandises « papier d’impression, carton; papier photographique, stylos; crayons », rien dans leur description ni dans la preuve produite n'indique que ces marchandises seraient des articles promotionnels. Dans ces circonstances, ce motif d'opposition serait, au mieux pour l’Opposante, maintenu uniquement à l'égard des « imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits) ». L’Opposante a cependant été favorisée dans deux motifs d'opposition distincts à l'égard de ces marchandises. En conséquence, il n'est pas nécessaire que j'examine ce motif d'opposition plus en profondeur.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i) de la Loi

[45]           Le motif d'opposition tel qu'il est rédigé n’est pas valablement invoqué. L’alinéa 30i) de la Loi exige seulement que la Requérante se déclare convaincue d’avoir le droit d’enregistrer la Marque. La demande d’enregistrement renferme cette déclaration. L'allégation selon laquelle la Requérante avait eu connaissance de l'existence des droits de l'Opposante ne peut servir de fondement à un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i) de la Loi. Il est possible de s'appuyer sur l'alinéa 30i) dans certains cas précis, notamment lorsqu'on invoque la fraude de la part de la Requérante [voir Sapodilla Co. Ltd. c Bristol Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. La déclaration d’opposition ne comporte aucune allégation de cette nature et le dossier ne renferme aucune preuve à cet effet. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi

[46]           Pour s'acquitter du fardeau initial de la preuve à l'égard de ce motif d'opposition, l’Opposante est tenue d'établir l'existence des enregistrements cités à l'appui de ce motif d'opposition.

[47]           Madame Bizzari a joint en annexe à son affidavit des extraits de la base de données sur les marques de commerce canadiennes pour les enregistrements nos LMC627433 et LMC693272. J'ai vérifié le registre et ces enregistrements sont toujours valides [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats Ltée. c Manu Foods Ltd., 11 CPR (3d) 410]. En ce qui a trait à la demande d'enregistrement no 1312702, elle ne peut servir de fondement pour un motif d'opposition en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu'il ne s'agissait pas d'une marque de commerce déposée à la date de production de la déclaration d'opposition. Même si la demande d’enregistrement a atteint l'étape de l'enregistrement depuis la date de production de la déclaration d'opposition, l’Opposante était tenue de modifier sa déclaration d'opposition pour tenir compte de ce changement et donner ainsi avis à la Requérante qu'elle avait l'intention de s'appuyer sur cet enregistrement [voir Ferrero SpA c Cantarella Bros Pty Limited, 2012 COMC 45].

[48]           L’Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait aux enregistrements nos LMC627433 et LMC693272. Ainsi, la Requérante a le fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que l'emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services n'est pas susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce déposées NAUTICA et NAUTICA & Dessin de l'Opposante.

[49]           La date pertinente est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 CPR (3d) 413, à la page 424 (CAF)]. Le test pour trancher cette question est le même que celui décrit plus tôt relativement au droit à l'enregistrement.

[50]           L'enregistrement no LMC627433 pour la marque de commerce

NAUTICA & DESIGN

vise les marchandises suivantes : couvertures de lit, draps, nappes autres qu’en papier, linge de table, literie, taies d’oreiller, draps, nappes, serviettes; accessoires de bain, nommément gants de lavage, débarbouillettes, tapis de bain en tissu et pièces murales en textile.

[51]           L'enregistrement no LMC693272 pour la marque de commerce

NAUTICA

vise les marchandises suivantes : oreillers pour lits, oreillers, couvre‑matelas, couettes, housses de couette, taies d’oreiller et protège-oreillers.

[52]           Aucun de ces enregistrements ne vise des marchandises d'un genre qui ressemble à ce qui suit : « papier d’impression; papier photographique; carton; photographies; stylos; crayons ». Je ne peux donc pas voir comment l’Opposante pourrait tout autant avoir gain de cause à l'égard de ce motif d'opposition qu'à l'égard du droit à l'enregistrement et du caractère distinctif. Ayant déjà eu gain de cause à l'égard de ces deux motifs d'opposition et compte tenu du fait qu'elle ne pourrait pas avoir gain de cause à l'égard du présent motif, il n'est pas nécessaire que j'approfondisse mon analyse de ce motif d'opposition.

Décision

[53]           Dans l'exercice des pouvoirs que m'a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en ce qui a trait aux marchandises suivantes :

Armatures pour appareils d’éclairage; supports de lampe; réflecteurs de lampe; abat‑jour; ampoules; gradateurs de lumière; diodes électroluminescentes; ballasts d’appareils d’éclairage; appareils d’éclairage; imprimés pour la publicité, nommément brochures sur l’éclairage (information sur les produits);

Vente au détail d’appareils et d’installations d’éclairage; installation et réparation d’appareils et d’installations d’éclairage;

et rejette l’opposition en ce qui concerne :

papier d’impression; papier photographique; carton; photographies; stylos; crayons;

le tout conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi [sur la question des décisions partagées, voir Produits Menagers Coronet Inc. c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 492 (C.F. 1re inst.)].

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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