Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2010 COMC 36

Date de la décision : 2010-03-30

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Royal Scenic Holidays Limited à la demande no 1190587 produite au nom de Scenic Holidays (Vancouver) Ltd. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SL HOLIDAYS

[1]               Le 10 septembre 2003, Scenic Holidays (Vancouver) Ltd. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SL HOLIDAYS (la Marque). La demande est fondée sur l’emploi au Canada depuis le 10 mars 2000 au moins, en liaison avec les services suivants, tels qu’ils ont été modifiés : services d’agence de voyage, y compris vente en gros, vente au détail, réservations, services de billetterie, location d’automobiles, transport, services de réservations d’hébergement et de divertissements, croisières, planification et organisation de voyages de groupe et organisation du transport des passagers et des marchandises par route, chemin de fer, mer et air. Le droit à l’emploi exclusif du mot HOLIDAYS en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 11 août 2004. Le 11 octobre 2006, Royal Scenic Holidays Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition invoquant des motifs fondés sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi). La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

[3]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit souscrit par Hallee Lauriola. La Requérante a décidé de ne pas produire de preuve. Elle n’a pas non plus contre‑interrogé Mme Lauriola sur son affidavit.

[4]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties étaient représentées. 

Fardeau de la preuve et date pertinente

[5]               C'est à la Requérante qu'il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d'enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l'Opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d'éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[6]               Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande d’enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.) à la page 475];

         alinéa 38(2)b)/alinéa 12(1)d) – la date de la décision sur l’opposition [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         alinéa 38(2)c)/paragraphe 16(1) – la date de premier emploi par la Requérante [voir le paragraphe 16(1)];

         alinéa 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Preuve fournie par l’Opposante en application de l’article 41 du Règlement

[7]               Mme Lauriola se présente comme une adjointe employée par le cabinet d’avocats et d’agents de marque de commerce représentant l’Opposante. La pièce 1 jointe à son affidavit réunit des copies générées par ordinateur des trois demandes d’enregistrement et de l’enregistrement suivants de l’Opposante. 

Marque de commerce

No de demande ou d’enregistrement

ROYAL SCENIC HOLIDAYS

Demande no 1128430

SCENIC HOLIDAYS

Demande no 1128431

ROYAL SCENIC

Demande no 1194044

ROYAL SCENIC CERTIFIED ASIA SPECIALIST

Enregistrement no LMC599063

 

[8]               La pièce 2 jointe à l’affidavit de Mme Lauriola est la copie d’un affidavit (sans pièces) souscrit le 9 novembre 2006 par Mme Ivy Yeung, présidente-directrice générale et administratrice de Royal Scenic Holidays Limited, affidavit produit dans le cadre des oppositions élevées contre les demandes no 1,128,430 et 1,128,431 présentées par l’Opposante pour l’enregistrement des marques ROYAL SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAYS, respectivement. Mme Lauriola n’atteste pas de la véracité ou de l’exactitude des déclarations qu’il contient pas plus qu’elle n’explique pourquoi l’affidavit de Mme Yeung est présenté en annexe au sien plutôt que par Mme Yeung elle‑même. 

[9]               La pièce 2 jointe à l’affidavit de Mme Lauriola est une page tirée du registre des sociétés de la Colombie‑Britannique, dont il appert que, le 25 octobre 2000, Scenic Holidays Ltd. a changé son nom pour celui de Scenic Holidays (Vancouver) Ltd. La déposante reconnaît que la pièce provient de l’affidavit de M. Elton Leung en date du 3 mars 2004, produit dans le cadre des oppositions élevées contre les demandes no 1,128,430 et 1,128,431 présentées par l’Opposante pour l’enregistrement des marques ROYAL SCENIC HOLIDAYS et SCENIC HOLIDAYS, respectivement. Elle reconnaît également que les extraits de l’annuaire téléphonique de la Colombie‑Britannique joints comme pièce 4 à son affidavit provenaient également de l’affidavit de M. Leung. Enfin, la pièce 5 jointe à son affidavit est constituée de pages obtenues du site Web de la Requérante. 

Question préliminaire

[10]           La preuve de l’Opposante est en majeure partie constituée de ouï‑dire. L’agente de l’Opposante fait valoir que si problème il y a, relativement à cette preuve, il influera sur le poids à lui accorder mais non sur son admissibilité. Pour ce qui est des pièces 3 et 4 de l’affidavit de Mme Lauriola, il s’agit selon elle de documents publics dont il n’y a pas de raison de mettre la fiabilité en doute. Quant à la pièce 5, tout en concédant qu’il puisse s’agir de ouï‑dire, elle fait valoir qu’elle relèverait d’une exception à la règle en tant qu’aveu contraire à l’intérêt. Elle signale, à cet égard, que les pages tirées du site Web de la Requérante indiquent une date de premier emploi différente de celle qui figure dans la demande et montrent que les services en liaison avec lesquels la Requérante emploie véritablement la Marque diffèrent de ceux qui sont énumérés dans la demande. 

[11]           Pour sa part, la Requérante, affirmant que l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve expliquant pourquoi il fallait que l’affidavit de Mme Yeung sans pièces et seulement les pièces de l’affidavit de M. Leung soient présentés en annexe à l’affidavit de Mme Lauriola, alors que les déposants eux‑mêmes ou une autre personne ayant une connaissance personnelle de la preuve auraient pu la présenter, fait valoir que l’affidavit de Mme Yeung et les pièces de l’affidavit de M. Leung constituent du ouï‑dire et devraient être jugés inadmissibles. Elle ajoute, relativement à la pièce 5, que les pages censées provenir du site Web de la Requérante ne sont pas des aveux contraires à l’intérêt et qu’elles devraient donc elles aussi être considérées comme du ouï‑dire inadmissible.

[12]           Je conviens avec la Requérante que la pièce 2 jointe à l’affidavit de Mme Lauriola est inadmissible dans son intégralité. En effet, dans l’instance en opposition au cours de laquelle l’affidavit de Mme Yeung a été produit (qui en est à l’étape de la décision), les rôles des parties sont inversés par rapport à la présente instance, et l’affidavit de Mme Yeung (accompagné de pièces) a été produit à l’égard d’autres marques de commerce que celles qui nous concernent en l’espèce. De plus, Mme Lauriola n’a pas indiqué que le contenu de l’affidavit de Mme Yeung était vrai ou exact ou qu’elle en avait une connaissance personnelle, de sorte que la Requérante ne pouvait contre‑interroger Mme Lauriola sur ce contenu. Si l’Opposante avait produit un affidavit faisant le pont avec celui de Mme Yeung, ce dernier aurait peut‑être été jugé acceptable. Je considère donc que la pièce 2 de l’affidavit de Mme Lauriola est inadmissible dans la présente instance.

[13]           Pour ce qui est des pièces 3 et 4 de l’affidavit de Mme Lauriola, rien ne permet de mettre en doute la fiabilité des renseignements figurant dans ces documents. Toutefois, l’Opposante a omis d’expliquer pourquoi Mme Lauriola ne pouvait effectuer elle‑même les recherches. Autrement dit, l’Opposante n’a pas expliqué pourquoi il fallait que Mme Lauriola joigne à son affidavit les pièces annexées à celui de M. Leung. J’estime donc que ces documents constituent eux aussi du ouï‑dire inadmissible.

[14]           Quant à la photocopie d’une page du site Web de la Requérante – la pièce 5 jointe à l’affidavit de Mme Lauriola – il s’agit là encore de ouï‑dire. On ne m’a pas convaincue, en effet, que cette preuve relève de l’exception visant les aveux contraire à l’intérêt. En conséquence, j’estime que la pièce 5 ne peut faire preuve de la véracité de son contenu. Je ne l’accepterai donc qu’à titre de preuve de l’existence du site Web à la date indiquée par Mme Lauriola. Je ne puis considérer comme éléments de preuve les déclarations faites dans le site Web.

Les motifs d’opposition

[15]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard des quatre motifs d’opposition suivants :

         alinéa 30i) : aucun élément de preuve n’établit que la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada;

         alinéa 16(1)a) : aucun élément n’établit que l’Opposante a employé ou révélé ses marques avant la date de premier emploi déclarée par la Requérante;

         alinéa 16(1)b) : l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve parce que les demandes d’enregistrement no 1128430, 1128431 et 1194044 n’ont pas été produites avant la date de premier emploi déclarée par la Requérante;

         alinéa 16(1)c) : aucun élément n’établit que l’Opposante a employé l’un quelconque de ses noms commerciaux avant la date de premier emploi déclarée par la Requérante.

[16]           En conséquence, les quatre motifs d’opposition susmentionnés sont rejetés.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a)

[17]           Dans son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a), l’Opposante soutient que la demande ne renferme pas d’état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, détaillant les marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la Marque a été ou est employée au Canada, et elle appuie cet argument sur l’affidavit de Mme Yeung (pièce 2 de l’affidavit de Mme Lauriola) et sur la pièce 5 de l’affidavit de Mme Lauriola. Comme on l’a vu, ces deux pièces ont été jugées inadmissibles parce qu’il s’agit de ouï‑dire. En supposant même que je puisse accorder du poids aux extraits du site Web de la requérante constituant la pièce 5, la promotion de certains services de la Requérante dans le site Web de celle‑ci ne veut pas nécessairement dire que ses services ne sont pas décrits correctement dans sa demande d’enregistrement. En outre, les mots « services d’agence de voyage » sont des termes ordinaires du commerce acceptables suivant le manuel des marchandises et services de l’OPIC. Ce motif est donc écarté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[18]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) allègue que la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec les services et que la date indiquée dans la demande d’enregistrement est inexacte. Je donne raison à la Requérante lorsqu’elle fait valoir qu’on ne saurait mettre en doute la fourniture de ses autres services depuis la date indiquée du seul fait que des services différents sont décrits dans son site Web.

[19]           Pour ce qui est du deuxième argument invoqué par l’Opposante à l’égard de ce motif, la Requérante fait valoir à bon droit, selon moi, que même si l’affidavit de Mme Lauriola était admissible, le fait qu’une société connue sous le nom de Scenic Holidays a pris le nom de Scenic Holidays / SL Holidays en 1998 n’est pas incompatible avec la déclaration de la Requérante qu’elle a employé la marque SL HOLIDAYS depuis le 10 mars 2000 au moins. Comme le signale la Requérante, une demande d’enregistrement peut renfermer une date de premier emploi postérieure à la date à laquelle l’emploi a effectivement commencé. Je relève toutefois qu’il appert de la pièce 3 de l’affidavit de Mme Lauriola que Scenic Holidays Ltd. n’est devenue Scenic Holidays (Vancouver) Ltd. que le 25 octobre 2000. Si cet élément de preuve avait été admissible, il aurait probablement été suffisant pour établir que les exigences de l’alinéa 30b) de la Loi n’avaient pas été respectées. Je constate à cet égard que la date de premier emploi déclarée par la Requérante est le 10 mars 2000, et que la Requérante n’a pas désigné Scenic Holidays Ltd. comme prédécesseur en titre (voir Avalon Sunsplash Ltd. c. Friendly Stranger Corp. (2007), 66 C.P.R. (4th) 16 (C.O.M.C.)).

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[20]           Suivant le quatrième motif d’opposition, la Marque crée de la confusion avec la marque déposée ROYAL SCENIC CERTIFIED ASIA SPECIALIST, enregistrée sous le no 599,063. 

[21]            L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif, parce que l’enregistrement no LMC599,063 est en règle.

Le test en matière de confusion

[22]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le test relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle ils ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il ne s’impose pas d’accorder un poids égal à ces facteurs.

[23]           La Cour suprême a indiqué comment procéder à l’appréciation de l’ensemble des circonstances afin de déterminer si deux marques de commerce créent de la confusion dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401. C’est en ayant ces principes généraux à l’esprit que j’examinerai les circonstances de l’espèce. 

[24]           Aucune des marques ne possède de caractère distinctif inhérent et, comme aucune des parties n’a produit de preuve d’emploi, la période d’emploi est sans pertinence.

[25]           Les services de la Requérante sont des services d’agence de voyage, tandis que ceux de l’Opposante sont des services de formation destinés à l’industrie du voyage. Bien qu’il ne s’agisse pas là, selon moi, de services similaires, je suis d’avis que leurs voies de commercialisation pourraient se recouper. 

[26]           Relativement au facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, je ne considère pas que les marques se ressemblent dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[27]           Ce qu’il faut se demander, c’est si un consommateur ayant un souvenir général et imparfait de la marque de l’Opposante pourrait croire, en voyant la marque de la Requérante, que les services des deux parties ont la même origine. Après examen de toutes les circonstances, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion à la date de production de sa demande d’enregistrement.


 

Décision

[28]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

Cindy Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

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