Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 132

Date de la décision : 2010-08-26

 

TRANSLATION/TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Meubles Léon Limitée à l’encontre de la demande d’enregistrement n1304316 pour la marque de commerce PAY NOOO MONEY EVENT au nom de Bad Boy Furniture Warehouse Limited

[1]               Le 6 juin 2006, Bad Boy Furniture Warehouse Limited (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PAY NOOO MONEY EVENT. La demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les services suivants, selon leur description révisée : « Exploitation de points de vente au détail de meubles et d’appareils ménagers, d’appareils électroniques, de tapis et de moquettes, et leur installation, garnitures de fenêtre. »

[2]               La demande a été annoncée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 janvier 2007. Le 26 janvier 2007, Meubles Léon Limitée (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition qui a subséquemment été révisée. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

         La Marque n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 [la Loi], parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante DON’T PAY A CENT EVENT, portant le no d’enregistrement LMC293916, et NO MONEY MIRACLE, portant le nd’enregistrement LMC319107.

         La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement conformément à l’alinéa 16(3)a) parce que, à la date de production de la demande, sa marque créait de la confusion avec les deux marques susmentionnées que l’Opposante avait antérieurement employées ou révélées au Canada en liaison avec les services d’exploitation d’un magasin de détail fournissant au public des meubles et articles pour la maison depuis respectivement novembre 1983 et juillet 1985 ou avant.

         La Marque n’est pas distinctive, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées susmentionnées de l’Opposante, que celle-ci a enregistrées, employées et révélées au Canada en liaison avec l’exploitation d’un magasin de détail fournissant au public des meubles et articles pour la maison depuis une date antérieure à la date de production de la demande de la Requérante, soit le 6 juin 2006.

         La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi, car la Requérante connaissait l’existence des marques susmentionnées de l’Opposante lorsqu’elle a produit sa demande à l’égard de services à peu près identiques, de sorte qu’elle ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque en liaison avec les services décrits dans la demande.

[3]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié chacun des motifs d’opposition susmentionnés.

[4]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Robert James McNally. Pour sa part, la Requérante a produit l’affidavit de Tony Balasingham. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[5]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue et les deux parties y étaient représentées.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[6]               Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298]. 

[7]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         Alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         Paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le par. 16(3)];

         Absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)];

         Article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475].

La preuve de l’Opposante

[8]               Monsieur MacNelly, qui est vice-président de la commercialisation chez l’Opposante, décrit dans son affidavit les caractéristiques générales de l’entreprise de celle-ci ainsi que l’ampleur et la nature de l’emploi des marques de commerce NO MONEY MIRACLE et DON’T PAY A CENT EVENT par ladite Opposante. Selon M. MacNelly, l’Opposante a exploité des magasins de vente au détail de meubles au Canada dès 1909 ou avant et possède actuellement 63 magasins de détail un peu partout au Canada.

[9]               Les marques de commerce de l’Opposante ont été employées en liaison avec des services relatifs aux magasins de vente au détail de meubles dans le cadre de programmes de vente permettant au consommateur d’acheter des meubles et de différer le paiement de l’achat. L’Opposante emploie la marque de commerce DON’T PAY A CENT EVENT depuis 1983 et la marque de commerce NO MONEY MIRACLE depuis 1985. Depuis l’année 2000, plus de 1,3 million de clients ont eu recours à chacun des programmes de vente de l’Opposante pour faire des achats aux magasins de celle-ci.

[10]           L’Opposante a dépensé plus de 32 millions de dollars pour faire la promotion de ces programmes de vente depuis l’année 2000. À cette fin, elle utilise principalement des dépliants et des annonces publiées dans des journaux locaux et M. McNally joint des exemples de ces annonces à son affidavit. Dans toutes les pièces en question, les marques figurent en liaison avec la marque maison « LEON’S », par exemple, LEON’S DON’T PAY A CENT EVENT. L’Opposante a également annoncé ses marques par l’entremise de chaînes de radio et de télévision dont la programmation est diffusée un peu partout au Canada, ainsi que sur son propre site Web en 2006 et en 2007.

La preuve de la Requérante

[11]           Monsieur Balasingham atteste qu’il est le président de la Requérante, dont l’entreprise est spécialisée dans la vente au détail de meubles, d’appareils ménagers et d’appareils électroniques et qui compte huit magasins de détail situés à Scarborough, North York, Whitby, Mississauga, Barrie, Burlington, London et Kitchener. Dans son affidavit, il décrit l’entreprise générale de la Requérante, notamment l’emploi par celle-ci de la Marque et d’autres marques de commerce, dont NOOOBODY, NOBODY’S BETTER...NOOOBODY!, NOBODY’S BETTER THAN BAD BOY...NOOOBODY!

[12]           Monsieur Balasingham déclare que, depuis au moins 18 ans, la quasi-totalité de la publicité de la Requérante arbore au moins une des marques de commerce NOOOBODY de celle-ci. Au moins une de ces marques figure sur chacun des magasins de la Requérante, sur les étiquettes de prix des marchandises de celle-ci, sur les cartes professionnelles du personnel de vente, sur les documents propres aux points de vente et sur d’autres enseignes du magasin. Chacune des annonces de la Requérante arbore au moins une des marques et l’élément auditif de chaque annonce diffusée à la radio et à la télévision fait mention d’au moins une des marques en question. Lorsque le mot « NOOOBODY » est prononcé, l’accent est mis sur la première syllabe de la façon prolongée évoquée par l’orthographe de ce mot. Entre 2000 et 2007, la Requérante a consacré à la publicité une somme variant de 3,1 millions de dollars à 5,3 millions de dollars. Des modèles représentatifs de dépliants et d’encarts ainsi que d’annonces diffusées à la radio et à la télévision sont joints à l’affidavit de M. Balasingham. Le chiffre d’affaires total découlant de l’exploitation des magasins de la Requérante en Ontario a oscillé entre 42 millions de dollars en 2000 et 52 millions de dollars en 2007.

[13]           Monsieur Balasingham explique que la Requérante a lancé sa Marque PAY NOOO MONEY EVENT en 2006. La Marque a été choisie de façon à ce que les clients puissent la reconnaître instantanément comme marque provenant de Bad Boy, en raison de l’élément NOOO allongé.

[14]           La Marque est employée en liaison avec la promotion d’un programme de paiement différé, qui permet au client d’acheter des meubles ou des appareils ménagers et de reporter le paiement de son achat pendant un certain temps. Le déposant explique que les programmes de paiement différé sont très courants dans son domaine. Depuis 2006, la Requérante a dépensé une somme de plus d’un million de dollars pour promouvoir son programme de vente PAY NOOO MONEY EVENT au moyen de brochures, de dépliants, de panneaux-réclames et d’annonces publiées dans des journaux ou diffusées à la radio et à la télévision. Monsieur Balasingham a joint à son affidavit des exemples représentatifs de chaque type de promotion. Il déclare que 40 millions de dépliants ont été distribués au Canada depuis 2006 et que 112 millions d’annonces ont été publiées dans différents journaux qui ont été distribués aux Canadiens.

[15]           Depuis le lancement de la Marque en 2006, les ventes de meubles et d’appareils ménagers en liaison avec celle-ci ont dépassé 3,2 millions de dollars à la date de l’affidavit de M. Balasingham.

Question préliminaire

[16]           Au paragraphe 33 ainsi qu’aux paragraphes 38 à 45 de son affidavit, M. Balasingham soutient qu’en raison de la grande réputation et de l’achalandage important rattachés aux marques de commerce NOOOBODY de la Requérante au Canada, l’utilisation de l’expression PAY NOOO MONEY EVENT serait associée à celle-ci, eu égard à l’aspect allongé de l’élément NOOO de la Marque. Il donne également son opinion au sujet de l’absence de confusion entre les marques de l’Opposante et la Marque de la Requérante. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à l’opinion de M. Balasingham car, en plus d’être intéressées, ses déclarations concernent des questions de droit qu’il appartient au registraire de trancher. Je n’ai pas tenu compte non plus des déclarations qui figurent dans l’affidavit de M. Balasingham et qui s’apparentent davantage à des arguments et à des conclusions de droit qu’à des déclarations de fait ou à des opinions d’expert.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[17]           Lorsque le requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans les cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi de la part dudit requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Étant donné qu’il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel de cette nature en l’espèce, puisqu’il n’y a pas de preuve de mauvaise foi, je rejette ce motif d’opposition.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[18]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable, parce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées DON’T PAY A CENT EVENT, portant le nd’enregistrement LMC293916, et sa marque NO MONEY MIRACLE, portant le no d’enregistrement 1304316, lesquelles marques sont déposées à l’égard des services d’exploitation d’un magasin de détail fournissant au public des meubles et articles pour la maison. L’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial en ce qui a trait au motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) car, comme le démontrent les pièces A et B jointes à l’affidavit de M. MacNelly, les enregistrements nos LMC293916 et LMC319107 sont tous les deux en règle.

[19]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises ou les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail, louées ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour appliquer le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.

[20]           Dans Polo Ralph Lauren, L.P. c. United States Polo Assn. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.), aux pages 58 et 59, le juge Malone, de la Cour d’appel fédérale, résume les critères à appliquer au moment d’évaluer la probabilité de confusion :

L’examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d’une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n’en a qu’un vague souvenir, la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S’agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l’idée dont il est question à l’alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c’est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n’est pas correct, pour l’application du critère de la confusion, de placer les marques l’une en regard de l’autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quand il s’agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d’établir qu’il n’y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu’on accorde plus d’importance à l’un de ces critères.

 

 

Dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. , 2006 CSC 22, 49 C.P.R. (4th) 321, que la Cour suprême du Canada a récemment prononcé, le juge Binnie a donné à la page 348 les explications suivantes au sujet du consommateur en question :

De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention. Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678.  Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur mythique, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails.  Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.). Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat. Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.), ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (à la page 661). La norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), à la page 717. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

 

Analyse des facteurs visés au paragraphe 6(5)

Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[21]           Les trois marques évoquent fortement l’existence d’un plan de paiement différé. En conséquence, elles ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent prononcé en ce qui a trait aux services. La Marque est plus distinctive en soi que les marques de l’Opposante en raison de l’orthographe unique du mot « NO », qui donne lieu à une prononciation allongée de celui‑ci.

[22]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, l’Opposante a établi qu’elle avait annoncé et utilisé abondamment ses deux marques déposées. Cependant, étant donné que les marques de commerce figurent toujours en liaison avec la marque maison LEON’S, je conviens avec la Requérante que la façon dont l’Opposante emploie et annonce ses marques de commerce diminue le degré de réputation que celles-ci auraient pu acquérir [voir Simmons I.P. Inc. c. Regal Bedding 1977 Ltd. (1992), 42 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.), et Simmons I.P. Inc. c. Park Avenue Furniture Corp. (1996), 74 C.P.R. (3d) 404 (C.O.M.C.)]. Je ne partage donc pas l’avis de l’Opposante selon lequel chacune de ses marques est une marque bien connue ayant droit à un degré élevé de protection.

[23]           De même, étant donné que la Requérante a admis que la Marque a toujours été employée en liaison avec sa marque maison BAD BOY, la réputation que la Marque a elle-même acquise est également amoindrie. En conséquence, ce facteur ne favorise aucune des deux parties, car aucune de leurs marques n’a acquis une grande réputation en soi (c’est-à-dire indépendamment de sa marque maison) au Canada.

Alinéa 6(5)b) – La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[24]           Étant donné que les marques de l’Opposante sont en usage respectivement depuis 1983 et 1985, tandis que la Requérante n’a commencé à employer sa marque qu’en 2006, ce facteur favorise l’Opposante.

Alinéas 6(5) c) et d) – Le genre de services ou d’entreprises et la nature du commerce

[25]           En ce qui a trait aux services et aux entreprises des parties, il convient de s’en remettre à l’état déclaratif de services de la Requérante et à celui de l’Opposante qui figure dans les enregistrements nos LMC293916 et LMC319107 : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.), aux pages 10 et 11; Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.), à la page 112; et Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), aux pages 390 à 392. Cependant, il faut lire ces états déclaratifs dans le but de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce que les parties avaient l’intention d’exploiter et non de répertorier tous les commerces que le texte pourrait englober. À cet égard, la preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile : voir la décision rendue dans McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.), à la page 169. 

[26]           La Requérante soutient que la nature de l’entreprise dans le cadre de laquelle les marques des parties sont employées est telle qu’il n’y a aucune probabilité de confusion. À cet égard, elle fait valoir que, pour acheter un produit de la Requérante, le consommateur doit se rendre en personne dans un magasin BAD BOY de celle-ci. Une fois à l’intérieur du magasin, le consommateur verrait les marques de commerce BAD BOY et NOOOBODY partout. En conséquence, il ne serait pas raisonnable de supposer que le consommateur se rendrait dans le magasin de la Requérante et croirait qu’il se trouve chez Léon ou dans un magasin appuyé ou approuvé par Léon ou associé d’une façon ou d’une autre à celle-ci. La Requérante ajoute que, étant donné que l’Opposante emploie ses marques uniquement en liaison avec la marque de commerce LEON’S, les clients sauraient immédiatement que les promotions DON’T PAY A CENT EVENT et NO MONEY MIRACLE proviennent de Léon.

[27]           Pour sa part, l’Opposante allègue que les services, les clients ciblés et la nature de l’entreprise ainsi que les voies de commercialisation des deux parties sont identiques. Elle ajoute que les services visés par la demande ne se limitent pas à ceux qui sont offerts dans les magasins BAD BOY.

[28]           À mon avis, eu égard au lien important qui existe entre les services associés à chaque marque et leur marque maison, il est peu probable que les services seraient offerts en vente dans les mêmes magasins. Cependant, même si c’est peut-être le cas en l’espèce, la façon dont les parties poursuivent actuellement leurs activités n’est pas déterminante quant aux voies de commercialisation dans le contexte de l’examen de la probabilité de confusion relative au motif d’opposition visé à l’alinéa 12(1)d). Tel qu’il est mentionné plus haut, dans une procédure d’opposition, le registraire doit tenir compte des services respectifs visés par la présente demande et par les enregistrements de l’Opposante, car les états déclaratifs de services en question déterminent l’ampleur du monopole que l’Opposante exerce à l’égard de ses marques de commerce déposées ou que la Requérante recherche à obtenir relativement à sa Marque.

[29]           Bien que les deux parties offrent peut-être actuellement leurs services respectifs dans des magasins de détail affichant leurs propres noms commerciaux, ni la demande de la Requérante non plus que les enregistrements de l’Opposante ne sont restreints à cet égard. En d’autres termes, rien n’empêche les parties à l’avenir d’offrir leurs services respectifs dans des magasins de détail sans y afficher leurs marques maisons respectives. En conséquence, étant donné que les services visés par la présente demande et par les enregistrements de l’Opposante sont à peu près identiques, je dois tenir compte de la possibilité qu’il y ait chevauchement entre les voies de commercialisation que les parties utilisent pour offrir les services en question.

Alinéa 6(5)e) – Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent

[30]           En ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques, il faut examiner celles‑ci comme un tout; il ne convient pas de placer les marques de commerce l’une en regard de l’autre et de comparer ou d’observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. Néanmoins, le premier élément d’une marque est souvent considéré comme celui qui sert le plus à établir son caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), et Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. De plus, lorsqu’un mot est courant ou descriptif, il a droit à une protection plus étroite qu’un mot inventé ou unique [Laurentide Chemicals Inc. c. Les Marchands Deco Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357 (C.F. 1re inst.), à la page 365].

[31]           Dans la présente affaire, tel qu’il est mentionné plus haut, les idées suggérées par la marque DON’T PAY A CENT EVENT de l’Opposante et par la marque PAY NOOO MONEY EVENT de la Requérante sont semblables. Toutefois, il existe des différences importantes entre les marques dans la présentation et dans le son. Les seuls éléments communs des marques sont les mots PAY et EVENT et aucun de ceux-ci ne constitue un élément dominant des marques examinées dans leur ensemble. À mon avis, l’élément dominant de la marque de la Requérante est le mot NOOO.

[32]           De plus, il existe une similitude entre la marque NO MONEY MIRACLE de l’Opposante et la Marque quant aux idées qu’elles suggèrent, car toutes deux évoquent un événement où aucune somme d’argent n’est nécessaire. Cependant, il n’existe guère de similitude entre les marques dans la présentation ou dans le son. À cet égard, le seul élément commun des deux marques est le mot MONEY. Bien que le mot NOOO de la marque de la Requérante soit une variation du mot NO qui figure également dans la marque de l’Opposante, le mot NOOO est différent sur le plan de la présentation et du son en raison de son orthographe unique.

Les circonstances de l’espèce

Famille de marques de commerce

[33]           À titre de circonstance touchant la question de la confusion, la Requérante a invoqué l’adoption et l’emploi d’une famille de marques de commerce renfermant le mot NOOO. La Requérante allègue que, puisqu’elle a établi l’existence d’une famille de marques NOOO à l’égard de services similaires, il est vraisemblable que les consommateurs supposent qu’une nouvelle marque comportant le même préfixe qui serait utilisée en liaison avec des services semblables appartient à la Requérante plutôt qu’à l’Opposante.

[34]           Il est vrai que, lorsque des marques de commerce ayant un élément commun ou une caractéristique commune sont toutes enregistrées au nom d’un seul propriétaire, il est permis de présumer que ces marques constituent une famille de marques employées par le propriétaire en question [voir McDonald's Corp. c. Alberto-Culver Co. (1995), 61 C.P.R. (3d) 382 (C.O.M.C.); McDonald's Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.)). Dans la présente affaire, la Requérante a démontré l’emploi des marques NOOOBODY, NOOOBODY’S BETTER… NOOOBODY!, NOOOBODY’S BETTER THAN BAD BOY, NOOOBODY! et NOOOBODY’S BETTER THAN BAD BOY & Dessin sur le marché. L’élément commun de chacune de ces marques est le mot « NOOOBODY ». Étant donné que la Marque ne contient pas le mot NOOOBODY, je conviens avec l’Opposante qu’elle ne peut être considérée comme une marque faisant partie de cette famille de marques de commerce. En conséquence, je ne suis pas convaincue que l’existence de la famille de marques NOOOBODY de la Requérante constitue un facteur particulièrement pertinent en ce qui a trait à la question de la confusion dans la présente procédure d’opposition. Si la Requérante avait établi l’existence d’une famille de marques NOOO, j’aurais peut-être tiré une autre conclusion.

Absence de preuve de confusion réelle

[35]           Une autre circonstance à examiner est peut-être l’absence de confusion malgré le fait que les marques auraient coexisté pendant plus de deux ans. Monsieur Balasingham affirme dans son affidavit que la Requérante n’a reçu du public aucune demande de renseignements permettant de croire à la moindre confusion entre les programmes de paiement différé de l’Opposante et de la Requérante.

[36]           Bien entendu, il n’est pas nécessaire que l’Opposante prouve qu’il y a confusion pour que je conclus à l’existence d’une probabilité à cet égard. Néanmoins, l’absence de confusion au cours d’une période pertinente peut permettre de tirer une conclusion négative au sujet de la probabilité de confusion [voir Monsport Inc. c. Vetements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.), Mercedes-Benz A.G. c. Autostock Inc. (formerly Groupe T.C.G. (Québec) Inc.), 69 C.P.R. (3d) 518 (C.O.M.C.)].

[37]           En l’espèce, les marques n’ont coexisté que pendant une période relativement courte, étant donné, surtout, que les programmes de paiement différé proposés en liaison avec la marque de chaque partie ne semblent avoir été offerts qu’à certains moments au cours de l’année. Cela étant dit, eu égard à l’importance des ventes et de la publicité rattachées à la Marque de la Requérante et au fait que les deux parties ont exploité leur entreprise en même temps dans le sud de l’Ontario, je suis disposée à accorder une certaine importance à cette circonstance.

La combinaison des deux marques de l’Opposante

[38]           L’Opposante a fait valoir, pour la première fois à l’audience, qu’une autre circonstance pertinente en l’espèce est le fait que la Marque constitue une combinaison des deux marques de l’Opposante, ce qui rehausse le degré de ressemblance entre chacune des marques de celle-ci et celle de la Requérante. L’Opposante ajoute que, étant donné qu’elle a employé chacune de ses marques de commerce de façon continue et sur une large échelle au Canada pendant de nombreuses années en liaison avec un programme de paiement différé, le consommateur moyen est habitué de voir les marques de commerce de l’Opposante. En conséquence, en apercevant la marque de commerce de la Requérante, le consommateur moyen ayant un souvenir imparfait supposera logiquement qu’il s’agit d’une nouvelle marque que l’Opposante a lancée et qui réunit simplement des éléments provenant des marques de commerce bien reconnues de celle-ci.

[39]           Le fait qu’une partie opposante a employé deux marques dont chacune se compose de la moitié d’une marque d’une partie requérante a été considéré comme une circonstance importante dans plusieurs décisions [voir Mini Togs Inc. c. Sierbruck Hosiery Ltd. (2000), 7 C.P.R. (4th) 153 (C.O.M.C.); Truefoam Ltd. c. Nova Perma Coating Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 128 (C.O.M.C.); Dataline Inc. c. Dyonix Greentree Technologies Inc. (1989), 24 C.P.R. (3d) 378 (C.O.M.C.); Data Accessories Corp. c. Dainolite Ltd. (1993), 51 C.P.R. (3d) 538 (C.O.M.C.)]. Cependant, il est permis de distinguer la présente affaire d’avec les décisions susmentionnées au motif que les marques de l’Opposante en l’espèce ne sont pas composées de la moitié de la marque de la Requérante. L’Opposante tente plutôt de se fonder sur des éléments non distinctifs de chacune de ses marques pour faire valoir que les consommateurs considéreraient la marque de la Requérante comme une nouvelle marque de l’Opposante. Étant donné que l’Opposante n’a démontré aucune réputation acquise en liaison avec les mots individuels « PAY », « NO », « MONEY » OU « EVENT » et que je considérerais ces marques comme des mots couramment utilisés dans l’industrie, je ne crois pas que cet argument constitue une circonstance pertinente en l’espèce.

La conclusion au sujet de la probabilité de confusion

[40]           Lorsque j’ai appliqué le test en matière de confusion, j’ai tenu compte du fait qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, je suis d’avis qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Le facteur prédominant dans l’appréciation de la question de la confusion est celui du degré de ressemblance entre les marques de commerce, et les différences marquées entre les marques en l’espèce rendent la confusion peu probable, indépendamment de la réputation que les marques de l’Opposante auraient acquise [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), à la page 149, confirmée dans 60 C.P.R. (2d) 70.]. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) n’est pas retenu.

[41]           Les commentaires suivants que le juge Cattanach a formulés dans Questor Commercial Inc. c. Discover Services Ltd. (1979), 46 C.P.R. (2d) 58 (C.F. 1re inst.), à la page 62, s’appliquent bien à la présente affaire :

Pour que la marque de l'appelante crée de la confusion avec celle de l'intimée, l'intimée ne peut se fonder sur la caractéristique que l'appelante, les autres commerçants et elle-même ont en commun mais, bien sur quelque chose de particulier à l'intimée que l'appelante s'est approprié. Il s'ensuit que la marque de l'appelante ne crée pas de la confusion avec celle de l'intimée puisque l'appelante ne s'est pas approprié quelque chose de particulier à l'intimée.

Les autres motifs d’opposition

[42]           L’Opposante a invoqué deux autres motifs qui concernent la probabilité de confusion entre la marque visée par la demande et les marques susmentionnées de l’Opposante. Comme il est expliqué plus haut, les dates pertinentes en ce qui a trait à ces motifs d’opposition sont les suivantes : droit à l’enregistrement selon l’article 16 – la date de production de la demande de la Requérante; absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)].

[43]           La Requérante n’a pas démontré que la Marque avait été employée à l’une ou l’autre des dates pertinentes aux fins des motifs en question. En conséquence, l’absence de preuve de confusion réelle ne serait pas une circonstance pertinente selon ces motifs. Cependant, les autres conclusions que j’ai tirées au sujet du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) s’appliquent à ces motifs d’opposition. En conséquence, pour des raisons semblables à celles qui sont exposées au sujet du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité, les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et sur l’absence de caractère distinctif sont rejetés.

Décision

[44]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre de la Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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