Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’ OPPOSITION des
Confiseries Cadbury Canada inc. (maintenant
Cadbury Trebor Allan inc.) à la demande
numéro 865,511 produite par Duncan Valliant-Saunders
en vue de l’enregistrement de la marque de commerce
CANNABIS CRUNCH
Le 2 janvier 1998, le requérant, Duncan Valliant-Saunders, a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce CANNABIS CRUNCH fondée sur l’emploi projeté au Canada. La demande a été modifiée afin d’inclure un désistement à l’égard du mot CANNABIS et a subséquemment été annoncée à des fins d’opposition le 4 novembre 1998. La demande, telle qu’elle a été annoncée, porte sur les marchandises [traduction] « tablettes de chocolat contenant principalement des graines de cannabis ».
L’opposante, Les Confiseries Cadbury Canada inc. (maintenant Cadbury Trebor Allan inc.), a produit une déclaration d’opposition le 6 avril 1999, dont copie a été transmise au requérant le 30 avril 1999. L’opposante a ultérieurement demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition en vertu de l’article 40 du Règlement sur les marques de commerce. Cette autorisation a été accordée le 5 octobre 2000.
Le premier motif d’opposition repose sur l’argument voulant que la demande ne réponde pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce du fait que le requérant ne pouvait être convaincu qu’il avait le droit d’employer la marque de commerce au Canada. À cet égard, l’opposante allègue que le requérant savait que les marchandises projetées ne pouvaient être vendues au Canada [traduction] « ... en vertu de la législation et de la réglementation canadiennes... ».
Le second motif d’opposition pose que la marque faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle créerait de la confusion avec la marque de l’opposante, CRISPY CRUNCH, enregistrée sous le numéro 129, 096 pour des [traduction] « tablettes de chocolat et chocolats » et « crèmes glacées » et sous le numéro 479, 863 pour des [traduction] « laits fouettés réfrigérés ».
Le troisième motif fait valoir que le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi. Selon l’opposante, à la date de production de la demande par le requérant, la marque faisant l’objet de la demande créait de la confusion avec la marque CRISPY CRUNCH, laquelle était déjà employée au Canada par l’opposante. Le quatrième motif veut que la marque du requérant n’est pas distinctive puisqu’elle crée de la confusion avec la marque CRISPY CRUNCH employée par l’opposante.
Le requérant a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle il affirme que les graines de cannabis stérilisées peuvent être employées légalement au Canada. De plus, il soutient qu’un certain nombre de marques inscrites au registre pour ce qui est des confiseries et des grignotines comportent le mot CRUNCH ou une variation de cette appellation. Cependant, aucun de ces enregistrements n’a par la suite été prouvé.
En preuve, l’opposante a déposé les affidavits de Ludmila Spaleny et Tannis Critelli; le requérant a déposé son propre affidavit. En réplique, l’opposante a déposé les affidavits de Jennifer McKenzie et Nikita Nanos. Les deux parties ont produit des observations écrites. De plus, elles étaient toutes deux représentées à l’audience tenue le 7 janvier 2002. Au début de l’audience, j’ai jugé que les trois annexes des observations écrites du requérant constituaient des éléments de preuve et que, en conséquence, ils étaient inadmissibles.
La preuve de l’opposante
Dans son affidavit, Mme Critelli se présente comme étant la directrice de la fiscalité et des affaires juridiques chez Les Chocolats Cadbury Canada inc. (« Les Chocolats Cadbury ») et Les Confiseries Cadbury Canada inc. (« Les Confiseries Cadbury »). La première entité est une filiale à cent pour cent de la seconde. Dans le document, Mme Critelli relate l’histoirique de la propriété et de l’emploi de la marque CRISPY CRUNCH. Elle déclare que Les Chocolats Cadbury a été autorisée par Les Confiseries Cadbury à employer la marque CRISPY CRUNCH. Elle ajoute par ailleurs que les ventes et la publicité de la marque CRISPY CRUNCH, en liaison avec les tablettes de chocolat, ont été massives. De fait, pour la période s’échelonnant de 1995 à 1999, les ventes en gros ont atteint 83 millions de dollars et les dépenses publicitaires pour les années 1995 à 1998 dépassaient les 6 millions de dollars.
Toujours dans l’affidavit, Mme Critelli décrit le réseau des ventes au détail par lequel les tablettes de chocolat CRISPY CRUNCH sont vendues, notamment les épiceries, les dépanneurs, les distributrices, les pharmacies, les magasins à rayons et les cinémas. La publicité se fait par l’intermédiaire de différents médias, en particulier par des campagnes de publicité télévisuelle partout au pays. Mme Critelli dépeint aussi l’emploi récent de la marque de commerce CRISPY CRUNCH pour les crèmes glacées et les laits fouettés.
L’opposante a présenté en preuve, au moyen de l’affidavit de Spaleny, des passages d’une publication de Santé Canada intitulée « Lignes directrices sur le chanvre industriel », et a aussi produit des copies de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et du Règlement sur le chanvre industriel, lequel régit l’usage et la vente du chanvre industriel et des produits de cannabis au Canada. Les graines de cannabis non viables ou stérilisées ne sont pas prohibées par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et sont, par voie de conséquence, exclues du Règlement. Les graines viables ne sont pas prohibées si elles contiennent au plus 10 microgrammes par gramme de THC. Dans ce dernier cas, la personne qui fabrique des produits à partir de ces graines a besoin d’une licence et doit utiliser l’étiquetage approprié sur ses produits.
La preuve du requérant
Dans son affidavit, M. Valliant-Saunders affirme qu’il est le seul propriétaire qui ait mis au point une tablette de chocolat faite de graines de chanvre stérilisées. Il expose, de façon détaillée, le fruit de sa recherche concernant l’usage de graines de chanvre. Il fait observer que les graines stérilisées sont autorisées au pays par la Loi. Plusieurs extraits tirés de documents joints à l’affidavit de Spaleny sont annexés à l’affidavit de M. Valliant-Saunders. Est annexé comme pièce 6 un sac de graines de chanvre stérilisées acheté par M. Valliant-Saunders dans un magasin de vente au détail d’Ottawa.
La pièce 36, jointe à l’affidavit de M. Valliant-Saunders, est une copie du prototype de l’emballage pour son produit portant la marque projetée CANNABIS CRUNCH. Les pièces 39 et 40 comptent 111 questionnaires remplis dans le cadre d’un sondage d’opinion informel mené par M. Vaillant-Saunders le 24 avril 2000 au Collège Algonquin d’Ottawa. On a demandé aux personnes choisies de remplir un questionnaire d’une page, lequel comportait des représentations en noir et blanc d’un emballage CRISPY CRUNCH et du prototype d’emballage du requérant. On leur a demandé s’ils [traduction] « confondraient à l’achat CANNABIS CRUNCH et CRISPY CRUNCH ». Hormis six personnes, tous ont répondu par la négative.
L’affidavit de Valliant-Saunders a aussi permis de présenter en preuve des exemples d’emploi par des tiers du mot CRUNCH et autres variations de cette appellation. Les pièces 9 à 11 présentent divers types de tablettes de chocolat vendues sous la marque NESTLE CRUNCH. M. Valliant-Saunders affirme que de ces tablettes sont vendues dans les dépanneurs partout au Canada. La pièce 14 est un emballage portant la marque NESTLE BUNCHA CRUNCH. La pièce 13 est un emballage pour une présumée tablette énergétique portant la marque CARBO-CRUNCH. La pièce 15 est un emballage portant la marque SECOND CUP et ALMOND BRITTLE CRUNCH destiné à une tablette de confiseries qui peut être achetée dans les cafés SECOND CUP selon M. Valliant-Saunders. La pièce 16 est un emballage pour une tablette de chocolat portant la marque REESE CRUNCHY PEANUT BUTTER CUPS. M. Valliant-Saunders affirme que ce produit est en vente dans les dépanneurs partout au Canada.
La réplique de l’opposante
L’affidavit de McKenzie présente en preuve une publication de Santé Canada intitulée « Hemp: Interim Position » (Chanvre: position provisoire) en date du 17 avril 2000 et une copie du règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues relatif aux « aliments nouveaux ». La publication mentionne que l’usage dans l’alimentation de graines de chanvre industriel stériles est autorisé au Canada, mais que preuve doit être faite de leur stérilité. Elle indique également que les graines viables peuvent être employées dans l’alimentation si le taux de THC est inférieur à 10 parties par million, qu’une autorisation est accordée et qu’un étiquetage approprié est employé.
Dans son affidavit, Mme Nanos se présente comme la présidente de SES Canada Research, une firme qui conçoit et effectue des études de marché. Elle décrit sa formation et son expérience, laquelle établit sa compétence pour entreprendre des études de marché. On lui a demandé d’examiner le sondage d’opinion mené par M. Vailliant-Saunders . Elle l’a considéré « méthodologiquement imparfait et gravement lacunaire ». Parmi les problèmes relevés par Mme Nanos, on note ce qui suit :
(1) M. Valliant-Saunders n’a ni précisé comment il a élaboré son sondage d’opinion ni décrit sa méthodologie .
(2) Les résultats du sondage d’opinion ne sont représentatifs d’aucune fraction de population déterminée.
(3) Les étudiants du Collège Algonquin ne constituent pas un échantillon complet ou précis aux fins d’une juste représentation de la clientèle cible.
(4) Aucun échantillon n’a été produit. Les personnes choisies ont rempli elles-mêmes le questionnaire.
(5) Les questionnaires autoadministrés ne sont pas aussi fiables que les sondages téléphoniques parce que l’ordre des questions ne peut être contrôlé.
(6) Les questions du sondage d’opinion orientaient les personnes choisies vers des représentations graphiques des marques en question plutôt que vers la marque enregistrée et la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement.
(7) Les reproductions en noir et blanc des deux emballages montrés dans le questionnaire les faisaient paraître dissemblables.
(8) Parmi les personnes choisies, plus de six sur dix ont considéré que les marques ne créaient pas de confusion en raison de la différence entre les représentations graphiques.
(9) Il est possible qu’il y ait eu un parti pris de la part du chercheur puisque M. Valliant-Saunders supervisait son sondage d’opinion et était particulièrement intéressé par les résultats.
(10) Le sondage d’opinion a été mené en un seul jour à un moment précis.
Le paragraphe 26 de l’affidavit de Mme Nanos résume son évaluation du sondage d’opinion :
[traduction] 26. En analysant l’information présentée dans l’affidavit de Valliant-Saunders et les résultats du sondage d’opinion, je crois que le sondage était gravement lacunaire et qu’il n’attestait pas une absence de confusion entre les marques Crispy Cruch TM et Cannabis CrunchTM. La question de savoir si les deux noms créaient de la confusion n’a pas été posée directement. La confusion repose sur une présentation visuelle des emballages qui accompagnaient un questionnaire empreint de parti pris avec des questions suggestives. Ce constat est renforcé par l’existence d’un échantillon non représentatif et un parti pris du chercheur découlant de la mise en oeuvre par Valliant-Saunders de son propre sondage. En raison d’une série d’imperfections dans les dessins et de lacunes dans la mise en oeuvre, on ne peut extrapoler sur l’apparence de confusion entre les deux marques de commerce fondée sur le sondage d’opinion peu objectif présenté par Valliant-Saunder.
Les motifs d’opposition
Pour ce qui a trait au premier motif d’opposition, le requérant a la charge ultime de démontrer le respect des prescriptions de l’article 30 de la Loi : voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); Canadian National Railway Co. c. Schwauss (1991), 35 C.P.R. (3d) 90 (C.O.M.C.) et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.). Toutefois, l’opposante porte la charge de présentation à l’égard des allégations de fait à l’appui du motif de non-respect de l’alinéa 30 i) de la Loi qu’elle invoque.
Dans la présente affaire, le requérant a formellement rempli les conditions de l’alinéa 30 i) de la Loi en joignant à sa demande la déclaration requise. Dès lors, la question est de savoir si le requérant a, quant au fond, respecté cet alinéa. En d’autres mots : la déclaration était-elle exacte quand la demande a été faite ? Les oppositions antérieures fondées sur le non-respect de l’alinéa 30 i) de la Loi sur les marques de commerce ont été accueillies dans les cas où l’opposant a établi une preuve prima facie que l’emploi projeté par le requérant constituait une violation potentielle d’une loi fédérale : voir, par exemple, les décisions E. Remy Martin & Co. S.A. c. Magnet Trading Corp. (HK) Ltd. (1988), 23 C.P.R.(3d) 242 (C.O.M.C.) et Co-operative Union of Canada c. Télé-Direct (Publications) Inc. (1991), 38 C.P.R. (3d) 263 (C.O.M.C.).
En l’espèce, l’opposante soutient que la déclaration du requérant portant qu’il était convaincu qu’il avait le droit d’employer au Canada la marque faisant l’objet de la demande ne pouvait être vraie parce que le requérant savait que les graines de cannabis viables ne peuvent être utilisées dans des produits alimentaires en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et du Règlement sur le chanvre industriel. Toutefois, tel qu’il a été admis par l’opposante, la loi applicable indique que la vente et l’utilisation de graines de cannabis stériles sont autorisées au Canada. De plus, les documents mis en preuve laissent croire que même des graines viables contenant moins de 10 parties par million de THC peuvent être utilisées dans des produits alimentaires dans la mesure où certaines conditions sont respectées.
Compte tenu de ce qui précède, il appert que le requérant peut faire usage légalement de certains types de graines de cannabis dans sa tablette de chocolat projetée. Rien dans l’affidavit de Valliant-Saunders ne donne à penser que le requérant a l’intention de faire usage de graines de cannabis prohibées dans ses marchandises. Dans un tel cas, j’estime qu’il est raisonnable de tenir pour acquis que le requérant respectera les lois, règlements et directives applicables à la fabrication et à la vente de son produit projeté : voir Ontario Lottery Corp. c. Arkay Marketing Associates Inc. (1993), 47 C.P.R.(3d) 398, à la p. 402 (C.O.M.C.). En l’absence de preuve contraire, je conclus que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de présentation de la preuve qui lui incombait. Le premier motif est donc rejeté.
Quant au deuxième motif d’opposition, le moment pertinent à considérer afin d’apprécier les circonstances relatives à la question de la confusion pour une marque enregistrée correspond à la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R.(3d) 538, aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). Le requérant a le fardeau ultime de prouver qu’il n'existe aucun risque probable de confusion entre les marques en cause. Au surplus, en appliquant le critère de la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, on doit considérer toutes les circonstances de l’espèce dont celles spécifiquement prévues au paragraphe 6(5) de la Loi.
S’agissant de l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de l’opposante, CRISPY CRUNCH, comportent deux mots qui sont descriptifs ou indicatifs lorsqu’ils sont employés en liaison avec des tablettes de chocolat ou des chocolats. Ainsi, la marque est en soi fragile lorsqu’elle est employée avec de telles marchandises. Elle l’est moins quand elle est employée avec les autres marchandises enregistrées, à savoir les crèmes glacées et les laits fouettés.Vu l’affidavit de Critelli, j’arrive à la conclusion que la marque de commerce de l’opposante est maintenant très connue partout au Canada relativement à ses tablettes de chocolat. Dans une mesure beaucoup moindre, elle s’est forgée une réputation en liaison avec les laits fouettés. La preuve démontre peu d’attestation d’utilisation de la marque en liaison avec les crèmes glacées.
La marque du requérant est elle aussi formée de deux mots qui sont descriptifs ou indicatifs quand ils sont employés en liaison avec des tablettes de chocolat. (On se souviendra que le requérant s’est désisté à l’égard de l’élément CANNABIS.) Sa marque est donc elle aussi fragile en soi. Il n’y a pas la moindre preuve de réputation acquise au Canada relativement à la marque du requérant.
La période de temps pendant laquelle les marques ont été en usage joue nettement en faveur de l’opposante. S’agissant des alinéas 6(5)c) et 6(5)d)de la Loi, les marchandises des parties sont les mêmes en liaison avec les tablettes de chocolat. À cet égard, les marques des parties pourraient aussi vraisemblablement être les mêmes ou pourraient se chevaucher. La tablette de chocolat du requérant se distingue des crèmes glacées et laits fouettés de l’opposante et les commerces afférents seraient vraisemblablement différents.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e) de la Loi, j’estime qu’il y a une certaine ressemblance entre les marques en cause. Néanmoins, cette ressemblance tient presque exclusivement à l’emploi commun de l’élément constituant CRUNCH. En preuve, il a été démontré que cet élément a généralement été employé par d’autres négociants de l’industrie des confiseries pour désigner des tablettes de chocolat et autres confiseries du même genre. C’est pourquoi les consommateurs concentreront vraisemblablement leur attention sur l’élément des marques qui les distingue. En l’espèce, CANNABIS diffère totalement de CRISPY. Au surplus, même si les marques ne sont pas scrutées dans les moindres détails en matière de confusion, il a été statué que la première partie d’une marque de commerce est la plus significative pour distinguer une marque d’une autre : voir Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. (1990), 28 C.P.R. (3d) 457 (C.F. 1re inst.).
Selon le requérant, les marques de commerce au registre, qui comprennent l’élément constitutif CRUNCH ou tout autre du même genre et qui sont enregistrées comme grignotines, constituent une circonstance additionnelle de l’espèce. Comme je l’ai indiqué précédemment, le simple fait que le requérant ait fait allusion à de telles marques dans sa contre-déclaration n’en fait pas une preuve. En conséquence, je ne peux tenir compte de l’état du registre dans le présent litige.
Le requérant a aussi prétendu que le sondage d’opinion accompagnant son affidavit permettait de conclure qu’il n’y a pas de confusion. La preuve du sondage d’opinion est admissible, mais on doit user de circonspection quant à sa fiabilité. Comme l’a affirmé le juge MacKay dans l’affaire Joseph Seagram & Sons c. Seagram Real Estate (1990), 33 C.P.R. (3d) 455 à la page 471 (C.F. 1re inst.) :
L’admissibilité et la fiabilité des sondages d’opinion publique ont fait l’objet de débats dans de nombreux arrêts sur les marques de commerce. Toutefois, après avoir lu la jurisprudence à cet effet, je comprends que le principe général consiste à accepter que l’admissibilité de cette preuve et sa valeur probante soient tributaires de la pertinence du sondage à l’égard des questions dont la Cour est saisie et de la façon dont il a été effectué; par exemple, il s’agit de la période visée par le sondage, des questions posées, de l’endroit où elles l’ont été et de la méthode de sélection des participants.
Le juge Pinard a aussi eu l’occasion de se pencher sur une preuve par sondage d’opinion dans la décision Opus Building Corporation c. Opus Corporation (1995), 60 C.P.R.(3d) 100. On peut lire aux pages 105 et 106 :
Je conclus que ce sondage est admissible pour les raisons suivantes :
a) le sondage a été effectué par un spécialiste de la recherche sur l’opinion publique;
b) l’échantillon a été tiré de la population statistique appropriée;
c) le sondage a été conçu et effectué d’une manière professionnelle, de façon tout à fait indépendante de la requérante et de ses avocats, et il en a été de même pour le traitement des données recueillies;
d) le sondage n’était pas restreint géographiquement;
e) le sondage a été effectué dans les deux langues officielles et était adressé à des hommes et des femmes;
f) la preuve par sondage est déposée pour indiquer le fondement à partir duquel le spécialiste a évalué le caractère reconnaissable du mot OPUS dans la population statistique choisie.
En l’espèce, le sondage d’opinion a une faible valeur probante. Pour les raisons énoncées par Mme Nanos dans son affidavit, le sondage d’opinion du requérant comportait des lacunes à plusieurs égards et ne satisfait pas aux normes établies par le juge Pinard. Je peux tout au plus déduire du sondage d’opinion qu’un nombre limité de personnes ne confondraient pas les deux marques de commerce en cause si on leur présentait les marques avec des dessins particuliers.
En appliquant le critère relatif à la confusion, je tiens compte de la question de la première impression et du souvenir imparfait. Vu mes conclusions précitées, particulièrement quant au choix commun des marques et descriptions CRUNCH par des négociants de ce secteur d’activité, à la faiblesse inhérente des deux marques et à leur faible ressemblance, j’estime que la marque CANNABIS CRUNCH ne crée pas de confusion avec la marque enregistrée CRISPY CRUNCH et ce, malgré la grande réputation associée à la marque de l’opposante. Le deuxième motif est donc rejeté.
Comme troisième motif, l’opposante a mis en preuve à la fois l’emploi préalable de sa marque CRISPY CRUNCH à la date de production de la demande du requérant et le non-abandon de sa marque à la date de l’annonce qu’il en a faite. Ainsi, le troisième motif subsiste toujours pour ce qui est de la confusion entre les marques des parties à la date du dépôt par le requérant. Pour l’essentiel, mes conclusions relatives à la question de la confusion énoncées au sujet du second motif valent également pour ce troisième motif. En conséquence, je suis d’avis que le requérant s’est acquitté du fardeau de démontrer que sa marque ne créait pas de confusion au regard de la marque CRISPY CRUNCH employée préalablement au Canada par l’opposante. Le troisième motif est conséquemment rejeté.
En ce qui a trait au quatrième motif, la charge ultime repose sur le requérant. Il doit démontrer que sa marque se distingue ou est adaptée à distinguer ses marchandises de celles des autres négociants partout au Canada : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R.(3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, le moment pertinent pour examiner les circonstances eu égard à cette question est la date de production de l’opposition (soit le 6 avril 1999) : voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R.(2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.).
Le quatrième motif porte essentiellement sur la question de la confusion entre les marques des parties. Considérant mes conclusions eu égard au second motif, j’estime que les deux marques ne créaient pas de confusion à la date de production de l’opposition. Par conséquent, le quatrième motif est aussi rejeté.
Considérant ce qui précède, en vertu du pouvoir qui m’est conféré au paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante.
FAIT À HULL (QUÉBEC) LE 28 JANVIER 2002.
David J. Martin,
Membre,
Commission des oppositions des marques de commerce