Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION formulée par ADVANCE MAGAZINE PUBLISHERS INC. à la demande no 795,348 concernant la marque de commerce VICTORIA VOGUE produite par VICTORIA VOGUE INC.
Le 20 octobre 1995, la requérante, VICTORIA VOGUE, INC., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce VICTORIA VOGUE fondée sur l’emploi de cette marque au Canada depuis au moins aussi tôt que 1960 en liaison avec les marchandises suivantes : « pinceaux, houppettes, éponges, tampons nettoyants [sic] et cotons-tiges ». La requérante a modifié l’état déclaratif des marchandises à l’étape de l’examen de manière à viser les produits suivants : « applicateurs, tampons et pinceaux pour cosmétiques, nommément pinceaux, houppettes, éponges, tampons nettoyants [sic] et cotons-tiges ».
La présente demande a été annoncée aux fins d’une opposition dans le Journal des marques de commerce du 11 décembre 1996 et, le 12 mai 1997, l’opposante, ADVANCE MAGAZINE PUBLISHERS INC., a produit une déclaration d’opposition dont une copie a été envoyée à la requérante le 23 mai 1997. En réponse à cette déclaration d’opposition, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration le 23 juin 1997. L’opposante a déposé en preuve les affidavits de Josie McGehee et de Janice Quinn accompagnés de photocopies des enregistrements de ses marques de commerce : VOGUE, enregistrement no TMDA42009; ULTRA EZ BY VOGUE, enregistrement no 468,713; VOGUE, enregistrement no UCA04268; VOGUE CAREER, enregistrement no 346,637; VOGUE DECORATION, enregistrement no 388,687; VOGUE dessin, enregistrement no TMDA19676; et VOGUE HOMBRE, enregistrement no 398,729. L’opposante a aussi déposé une photocopie de sa demande d’enregistrement de la marque de commerce VOGUE, no de série 856,582. La requérante a déposé en preuve les affidavits de Norman Tahler, Jeremy Want et Herbert McPhail, de même que des copies certifiées conformes des enregistrements nos 174,361, 245,656, 145,114 et 370,201. L’opposante a obtenu une ordonnance lui permettant de contre-interroger chacun des déposants, mais a négligé de procéder à ces contre-interrogatoires en temps utile. Seule la requérante a présenté un plaidoyer écrit, mais les deux parties étaient représentées à l’audience.
Après que la date d’audience a été fixée, l’opposante a demandé une prorogation rétroactive du délai pour déposer une preuve supplémentaire consistant en l’affidavit de Stephen Dilworth. Comme l’opposition était déjà rendue au stade de l’audience, la Commission a refusé d’accorder la prorogation de délai demandée, mais a informé les parties qu’elle considérerait la correspondance de l’opposante comme une demande prévue par le paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce en vue d’obtenir l’autorisation de présenter une autre preuve. Comme aucune décision n’avait été prise avant l’audience au sujet de la demande de l’opposante et que la requérante a fait savoir, lors de l’audience, qu’elle ne s’opposait pas à la production de l’affidavit de M. Dilworth, la présente décision confirme que l’opposante a, conformément au paragraphe 44(1) du Règlement, obtenu l’autorisation de produire l’affidavit de M. Dilworth à titre de preuve supplémentaire.
Dans ses deux premiers motifs d’opposition, l’opposante fait valoir que la présente demande ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30b) et i) de la Loi sur les marques de commerce. Bien qu’il incombe à la requérante de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, l’opposante a la charge initiale de produire des éléments de preuve admissibles suffisants pour permettre d’étayer la véracité des faits allégués à l’appui des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 [voir la décision Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330]. En outre, la date déterminante pour apprécier les circonstances concernant cette inobservation de l’article 30 de la Loi est la date de la production de la demande [voir la décision Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R.(3d) 469, à la page 475].
En ce qui concerne le motif fondé sur l’alinéa 30b), l’opposante soutient que la requérante, soit n’a pas employé la marque de commerce VICTORIA VOGUE au Canada depuis la date de premier emploi alléguée, soit ne l’a jamais employée. Le fardeau de la preuve qui incombe à l’opposante relativement à l’inobservation de l’alinéa 30b) de la Loi n’est pas très exigeant [voir la décision Tune Masters c. Mr. P's Mastertune, 10 C.P.R.(3d) 84, à la page 89]. En outre, l’alinéa 30b) exige un emploi ininterrompu de la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé dans la pratique normale du commerce depuis la date revendiquée [voir la décision Brasserie Labatt Ltée c. Benson & Hedges (Canada) Ltée, 67 C.P.R.(3d) 258, à la page 262 (C.F. 1re inst.)]. Enfin, l’opposante peut s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe non seulement par renvoi à sa propre preuve, mais aussi à celle qui est produite par la requérante [voir, à cet égard, la décision Brasserie Labatt Co. Ltée c. Molson, société en nom collectif, 68 C.P.R.(3d) 216, à la page 230]. Toutefois, l’opposante, même si elle peut invoquer la preuve de la requérante pour s’acquitter de son fardeau de la preuve relativement à ce motif, doit démontrer que la preuve de la requérante est « manifestement » incompatible avec les allégations que contient sa demande.
Dans son affidavit, Janice Quinn, une technicienne juridique employée par les agents des marques de commerce de l’opposante, déclare qu’entre septembre 1997 et février 1998, elle s’est rendue dans les boutiques Shoppers’ Drug Mart et Trade Secrets, toutes deux situées dans le Centre Eaton de Toronto, puis chez Pharma Plus à Burlington et dans les boutiques Toronto Barber et Beauty Supply à Toronto et qu’elle n’a vu aucun produit VICTORIA VOGUE offert en vente à ces endroits. À mon avis, cette preuve est insuffisante pour permettre à l’opposante de s’acquitter du fardeau qui lui incombe relativement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b). En outre, bien que l’affidavit de M. Tahler ne soit pas très clair quant à savoir si la requérante a employé la marque VICTORIA VOGUE de manière ininterrompue au Canada de 1985 à 1993, la preuve de la requérante n’est pas « manifestement » incompatible avec l’emploi de sa marque de commerce qu’elle allègue avoir fait au Canada depuis au moins aussi tôt que 1960 en liaison avec les marchandises visées par la présente demande. De plus, l’opposante a obtenu une ordonnance lui permettant de contre-interroger M. Tahler sur son affidavit, mais a négligé de le faire en temps utile. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b).
Dans le deuxième motif qu’elle invoque, l’opposante soutient que la requérante, à la date de la production de la présente demande, ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer sa marque de commerce VICTORIA VOGUE au Canada parce qu’elle savait ou aurait dû savoir quel emploi faisait l’opposante, quels enregistrements elle avait obtenus et quelle était sa notoriété, et parce qu’une recherche effectuée dans le registre des marques de commerce lui aurait permis de découvrir l’existence des marques invoquées dans l’opposition. L’opposante n’a produit aucune preuve à l’appui de sa prétention selon laquelle la requérante ne pouvait avoir été convaincue qu’elle avait le droit d’utiliser la marque de commerce VICTORIA VOGUE au Canada. J’ajouterais que la preuve de la requérante établit qu’elle a effectivement employé sa marque au Canada. En outre, et même si la requérante avait été au courant de l’existence des marques de commerce de l’opposante avant la production de la présente demande, la requérante aurait encore pu affirmer qu’elle était convaincue qu’elle avait le droit d’employer sa marque de commerce au Canada parce que, entre autres, elle considérait que sa marque ne créait pas de confusion avec les marques de l’opposante. Je rejette donc ce motif d’opposition.
L’opposante allègue aussi que la marque de commerce VICTORIA VOGUE de la requérante n’est pas enregistrable et n’est pas distinctive, et que la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement, parce que sa marque crée de la confusion avec les marques déposées VOGUE et VOGUE CAREER, dont les numéros d’enregistrement sont : UCA4268, UCA42009, UCA19676 et 346,637; VOGUE DECORATION, dont le numéro d’enregistrement est 388,687 et VOGUE HOMBRE, dont le numéro d’enregistrement est 398,729, qu’elle a antérieurement employées souvent au Canada et qui sont bien connues et même célèbres au Canada en liaison avec les marchandises pour lesquelles elles ont été enregistrées ainsi qu’avec des marchandises et des services qui y sont reliés.
En ce qui concerne le motif fondé sur l’alinéa 16(1)a), l’opposante a le fardeau de prouver, compte tenu des dispositions des paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi sur les marques de commerce, qu’elle a employé ses marques de commerce VOGUE, VOGUE CAREER, VOGUE DECORATION et VOGUE HOMBRE au Canada avant le 31 décembre 1960; elle doit en outre démontrer qu’elle n’avait pas abandonné sa marque de commerce à la date de l’annonce de la présente demande [le 11 décembre 1996]. La seule preuve que contient l’affidavit de Mme McGehee et qui précède la date de premier emploi revendiquée par la requérante est l’affirmation de celle-ci selon laquelle elle a été informée que les prédécesseurs de sa compagnie ont publié le magazine VOGUE sans interruption depuis au moins 1892. Outre le fait que Mme McGehee n’a pas indiqué comment et par qui elle a été informée de la publication du magazine VOGUE depuis 1892, il n’y a aucune preuve que ce magazine a été distribué au Canada avant 1965, la première année indiquée dans la pièce « A » de son affidavit. Ainsi, l’opposante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a). Par conséquent, je rejette le motif fondé sur l’absence de droit.
L’opposante a aussi allégué que, selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, la marque de commerce VICTORIA VOGUE de la requérante n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce qui ont été énoncées précédemment. Pour apprécier s’il existe une possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce en litige, le registraire doit examiner toutes les circonstances de l’espèce, dont les critères qui sont précisément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. Il doit aussi garder à l’esprit que la charge ultime repose sur la requérante de prouver qu’il n’existe pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties à la date de sa décision, la date déterminante pour l’appréciation du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) [voir la décision Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].
En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en litige [alinéa 6(5)a)], la marque de commerce VICTORIA VOGUE de la requérante, employée en liaison avec des « pinceaux, houppettes, éponges, tampons nettoyants [sic] et cotons-tiges », possède un certain caractère distinctif si on la considère dans son ensemble, et ce, même si le mot VICTORIA a le sens d’un prénom et d’un nom géographique et même si le mot VOGUE en liaison avec les marchandises de la requérante suggère l’idée que l’utilisateur des marchandises de la requérante est une personne qui se préoccupe d’être chic ou à la mode. Quant aux marques de l’opposante, la marque de commerce VOGUE employée en liaison avec des magazines et des patrons possède au moins un certain caractère distinctif même si elle suggère l’idée d’être chic ou à la mode. De même, la marque VOGUE DECORATION de l’opposante suggère un magazine orienté surtout sur la décoration intérieure à la mode et possède donc un degré limité de caractère distinctif inhérent. D’un autre côté, les deux marques de l’opposante, VOGUE CAREER qui vise des patrons de papier et des livres et VOGUE HOMBRE qui vise des magazines, possèdent un certain degré de caractère distinctif inhérent si on les considère dans leur ensemble.
Si l’on examine la mesure dans laquelle les marques de commerce en litige sont devenues connues [alinéa 6(5)a)], l’affidavit de Mme McGehee établit que la marque de commerce VOGUE de l’opposante est devenue bien connue au Canada en liaison avec des magazines. Toutefois, l’opposante n’a pas démontré que sa marque de commerce VOGUE, employée en liaison avec des patrons, ou ses autres marques de commerce, employées en liaison avec les marchandises visées dans les enregistrements respectifs, sont devenues connues au Canada dans une certaine mesure. L’affidavit de M. Tahler établit que la marque de commerce VICTORIA VOGUE de la requérante est devenue connue au Canada avec des ventes qui, de 1971 à 1985, ont dépassé 3 370 000 $ (U.S.) et des ventes qui, de 1993 à 1998, ont dépassé 440 000 $ (U.S.). Toutefois, l’affidavit de M. Tahler ne précise pas quelles marchandises sont associées à ces ventes ni s’il y a eu des ventes de produits VICTORIA VOGUE de la requérante au Canada entre 1985 et 1993. En outre, bien que le mot VOGUE soit écrit en lettres un peu plus grosses que le mot VICTORIA dans les pièces jointes en annexe à l’affidavit de M. Tahler, je ne trouve pas que la requérante insiste sur le mot VOGUE d’une manière notable dans ces pièces. De toute façon, la mesure dans laquelle les marques de commerces sont devenues connues est nettement en faveur de l’opposante en ce qui concerne sa marque de commerce VOGUE dans la mesure où elle s’applique à des magazines.
En ce qui concerne la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage [alinéa 6(5)b)], Mme McGehee déclare que le magazine de l’opposante est publié depuis 1892, mais elle ne dit rien quant au moment où la marque de commerce VOGUE a commencé à être employée au Canada. Il reste que, dans la pièce « A » jointe à son affidavit, on trouve un tableau de la diffusion du magazine VOGUE au Canada de 1965 à 1997. Par ailleurs, bien que l’affidavit de M. Tahler établisse que la requérante vend des produits VICTORIA VOGUE au Canada depuis 1956, il est loin d’être clair, comme je l’ai mentionné précédemment, que la requérante a employé sa marque de commerce au Canada sans interruption. C’est pourquoi je conclus que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage est un élément qui ne penche en faveur ni de l’une ni de l’autre partie.
En ce qui concerne le genre de marchandises des parties [alinéa 6(5)c)] et la nature du commerce associé à leurs marchandises respectives [alinéa 6(5)d)], mentionnons que les « applicateurs, tampons et pinceaux pour cosmétiques, nommément pinceaux, houppettes, éponges, tampons nettoyants [sic] et cotons-tiges » de la requérante diffèrent des magazines, patrons et livres que les enregistrements de l’opposante couvrent. Toutefois, l’affidavit de Mme McGehee établit que les magazines VOGUE de l’opposante comprennent régulièrement des articles, des chroniques et de la publicité portant sur la haute couture, la mode et la beauté et incluent toujours de la publicité et des chroniques sur les produits de beauté, les soins de la peau et des cheveux et la toilette. Par conséquent, il existe au moins un certain lien entre le magazine VOGUE de l’opposante et les applicateurs, tampons et pinceaux pour cosmétiques VICTORIA VOGUE de la requérante. Par ailleurs, l’opposante a cherché à invoquer le patron d’accessoires VOGUE, qui peut être utilisé pour fabriquer une mallette d’accessoires [voir la pièce « A » de l’affidavit de Mme Quinn], pour faire valoir qu’il existait un autre lien entre les marchandises des parties. Je ne trouve pas, cependant, que cette preuve établit un lien entre les marchandises de la requérante et les patrons de l’opposante et, de toute façon, la preuve de l’opposante n’établit pas que les patrons VOGUE ont acquis une quelconque notoriété au Canada.
La marque de commerce VICTORIA VOGUE de la requérante possède un certain degré de ressemblance dans la présentation et dans le son avec la marque de commerce VOGUE de l’opposante, étant donné que la marque déposée de l’opposante constitue le deuxième élément de la marque de la requérante. Ces marques, toutefois, ne semblent pas suggérer les mêmes idées. D’un autre côté, la marque de commerce de la requérante ressemble peu, tant pour ce qui est de sa présentation que du son ou des idées qu’elle suggère, aux marques de commerce VOGUE DECORATION, VOGUE CAREER et VOGUE HOMBRE de l’opposante.
Comme autre circonstance de l’espèce se rapportant à la question de la confusion, la requérante a invoqué l’absence de preuve d’une véritable confusion entre sa marque de commerce et la marque de commerce VOGUE de l’opposante. Bien que, pendant la période où les produits VICTORIA VOGUE de la requérante ont été vendus au Canada, ces ventes n’aient pas été particulièrement importantes, j’estime, compte tenu de la preuve d’un usage concurrent des marques de commerce en litige pendant plus de vingt ans, que l’absence de preuve de cas de confusion réels entre les marques des parties constitue une circonstance pertinente dans la présente affaire.
Comme autre circonstance concernant la question de la confusion, la requérante a soumis en preuve les résultats de recherches et d’enquêtes entreprises par Herbert McPhail et Jeremy Want. Dans son affidavit, M. McPhail avance en preuve les résultats d’une recherche informatisée des marques de commerce des dossiers du Bureau des marques de commerce destinée à relever la coexistence d’enregistrements incluant les mêmes mots dans la classe internationale 16, pour les périodiques. Des copies d’enregistrements trouvés par M. McPhail et qui contiennent les mots ALLURE, GLAMOUR, CHATELAINE, ELLE ET MS sont annexées à son affidavit. Toutefois, la requérante n’a fourni aucune preuve démontrant que l’une de ces marques associée à des périodiques est bien connue au Canada. En outre, je ne suis pas convaincu que le fait qu’il existe, sur le marché, un magazine ALLURE et un parfum ALLURE démontre que le public est habitué à la coexistence de magazines et de produits qui portent le même nom. Par conséquent, je trouve que cette preuve n’est guère utile à la requérante.
Dans son affidavit, M. McPhail produit également en preuve les résultats de recherches qu’il a effectuées dans : (i) la base de données Internet Canada411 des inscriptions téléphoniques canadiennes, afin de trouver des noms commerciaux commençant par le mot VOGUE; (ii) l’édition de 1996 de la base de données Canada Prophone sur CD-ROM, afin de trouver des inscriptions commençant aussi par le mot VOGUE; et (iii) l’édition de 1997 de la base de données appelée American Business Information CD-ROM, afin de trouver les inscriptions canadiennes contenant le mot VOGUE. En outre, dans son affidavit, M. Want signale que, dans les annuaires téléphoniques de Montréal, Toronto et Vancouver, il a relevé trente-deux inscriptions de compagnies qui utilisent le mot VOGUE dans leurs noms commerciaux. Bien que les résultats de ces recherches confirment que le mot VOGUE fait souvent partie des appellations et noms commerciaux au Canada, la requérante n’a produit aucune preuve démontrant que l’attention des consommateurs, sur le marché canadien, a été attirée par l’un de ces noms. En outre, il ressort de leurs appellations que la grande majorité des entreprises répertoriées dans les inscriptions se livrent à des activités qui sont sans rapport avec celles des parties. Ainsi, cette preuve n’est pas particulièrement pertinente à l’appréciation de la possibilité de confusion entre les marques de commerce en litige.
À part ce qui précède, M. Want a annexé à son affidavit un soutien-gorge portant la marque de commerce VOGUE BRA et une cravate portant la marque VOGUE, qu’il a tous deux achetés au magasin Sears du Centre commercial Saint-Laurent à Ottawa. Cette preuve montre que la marque VOGUE est employée par des tiers sur le marché canadien en liaison avec au moins des soutiens-gorge et des cravates. De même, l’affidavit de M. Want établit que Vogue Brassiere Incorporated est identifiée comme la titulaire de la marque de commerce VOGUE BRA et que Gentry Inc. est celle de la marque de commerce VOGUE ...CRAVAT DE LUXE dans la base de données des marques de commerce. M. Want mentionne en outre que des bracelets de montre VOGUESTRAP sont offerts en vente sur le site web Timeline, mais aucune preuve ne précise combien de Canadiens peuvent avoir commandé un bracelet de montre à partir de ce site ou combien peuvent même avoir eu accès à ce site.
Au cours de l’audience, les deux parties ont mentionné la décision rendue dans l’affaire Advance Magazine Publishers Inc. c. Masco Building Products Corp. et al., 86 C.P.R. (3d) 207 dans laquelle la Section de première instance de la Cour fédérale a infirmé la décision du président de la Commission des oppositions qui avait rejeté l’opposition formulée par l’opposante contre l’enregistrement de la marque de commerce VOGUE employée en liaison avec des « serrures de porte et des ferrures de porte » en raison de l’existence des marques de commerce VOGUE de l’opposante. À la page 218 de la décision publiée, le juge en chef adjoint fait les observations suivantes au sujet du genre de marchandises et de la nature du commerce associé aux marques de commerce en litige :
[36] En outre, notre Cour a jugé, dans une série de décisions4, que, dans le cas de marques fortes, les critères indiqués aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi (le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce) ne sont pas particulièrement déterminants.
[37] Dans des circonstances comme celles-ci, la Commission d’opposition [sic] est tenue d’examiner « les faits en cause en partant du principe qu’il fallait accorder à la marque de commerce de l’appelante une protection particulièrement étendue, et qu’il était particulièrement difficile à l’intimée de s’acquitter de son obligation d’écarter toute probabilité de confusion5 ».
[38] Lorsque l’opposant a une marque forte et que le requérant n’a pas présenté de preuve pour établir l’absence de rapport entre les produits ou services offerts par l’opposant et ceux qui sont offerts par le requérant, dans le sens que le public pourrait déduire que le requérant a obtenu de l’opposant une approbation, une licence ou un parrainage ou qu’il y avait quelque rapport commercial entre les deux parties, le requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve.
[39] En l’espèce, certains éléments de preuve établissaient un rapport entre les marchandises de l’intimée (serrures de porte) et les chroniques, les articles et la publicité trouvés dans les magazines de l’appelante VOGUE et VOGUE DECORATION au sujet de la décoration intérieure.
Le juge en chef adjoint Richard a ajouté également aux pages 219 et 220 :
[43] La Commission d’opposition [sic] « semble avoir négligé le fait que l’intimé était un nouveau venu dans un domaine dans lequel l’appelante occupait déjà une place considérable, et qu’il empruntait de la sorte la totalité d’un nom déjà bien établi par l’appelante précisément dans le domaine en question7 ».
[44] Ainsi que l’a écrit le juge Décary dans l’affaire Miss Universe à la page 626 :
L’intimé était tenu de choisir un nom avec soin, de façon à éviter toute confusion « comme l’exige la définition de l’expression “marque de commerce projetée” à l’article 2 de la Loi » et de façon à ne pas donner l’impression qu’il avait l’intention de tirer profit d’une marque déjà célèbre.
[45] Dans le présent appel, le président de la Commission d’opposition a souligné la non-ressemblance des marchandises, même face à une marque célèbre. On trouve une abondante jurisprudence qui donne gain de cause à une marque célèbre à l’égard de marchandises non concurrentes8.
État du registre
[46] Comme l’a relevé le président de la Commission d’opposition [sic], il y a environ dix-sept marques enregistrées comprenant ou incluant le mot VOGUE dans le registre, au nom de treize titulaires différents.
[47] L’intimée a complété cette preuve en y rajoutant d’autres marques enregistrées et en instance.
[48] Il ne s’agit pas d’un cas comme celui de l’affaire Kellogg9, où la marque avait été jugée faible et où il y avait un nombre significatif d’enregistrements au nom de tiers.
[49] On n’a rapporté aucune preuve d’un usage répandu dans le commerce de la marque identique.
[50] On n’a rapporté aucune preuve de l’emploi effectif des noms énumérés dans les annuaires téléphoniques, sur l’Internet ou dans les registres sur les sociétés, on nous a seulement invités à tirer cette déduction à partir des inscriptions.
[51] Je conviens que la preuve de noms commerciaux comprenant la marque dans les annuaires téléphoniques à l’échelle du Canada puisse nous autoriser à déduire qu’un certain nombre de ces entreprises sont exploitées activement, bien qu’une telle preuve soit loin d’être déterminante en l’espèce.
[52] Cette preuve n’a pas suffisamment de poids pour limiter l’étendue de la protection à accorder à une marque forte comme VOGUE.
Conclusion
[53] J’estime qu’il y a, en l’espèce, un lien entre les marchandises, particulièrement lorsque les marques sont identiques et que la marque enregistrée est une marque notoire. La requérante n’a pas limité son emploi de la marque aux produits qui ne tomberaient pas dans le domaine de protection que possède maintenant la marque VOGUE.
La requérante soutient que, contrairement à la situation dans l’affaire Masco, la marque de commerce VICTORIA VOGUE de l’opposante n’est pas une marque dont l’emploi est projeté et, de plus, elle n’est pas identique à la marque de commerce VOGUE de l’opposante. Pour sa part, l’opposante fait valoir que, dans la présente affaire, les marchandises de la requérante sont plus intimement liées avec la mode et le style que ne l’étaient les « serrures de porte et ferrures de porte » visées dans l’affaire Masco. Mentionnons, en outre, que l’absence de preuve de cas de confusion réels est une circonstance pertinente à la présente opposition, étant donné le nombre d’années pendant lesquelles les marques de commerce en litige ont été employées concurremment au Canada.
Compte tenu de ce qui précède, notamment des observations et conclusions du juge en chef adjoint dans l’affaire Masco, compte tenu des distinctions qui existent entre la présente opposition et celle de l’affaire Masco, notamment du fait que les marques de commerce en litige ont seulement une certaine ressemblance dans la présentation et le son, et compte tenu de l’absence de preuve de cas de confusion réels entre les marques des parties malgré le fait qu’elles ont été employées concurremment pendant plus de vingt ans, je conclus que la requérante s’est acquittée de la charge ultime de prouver qu’il n’existe pas de possibilité raisonnable de confusion entre sa marque VICTORIA VOGUE et les marques de commerce de l’opposante, y compris sa marque de commerce VOGUE employée en liaison avec des magazines. Je rejette donc les motifs d’opposition qui restaient.
Compte tenu de ce qui précède et des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette l’opposition de l’opposante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.
FAIT À HULL (QUÉBEC), LE 16E FÉVRIER 2001.
G.W. Partington,
Président
Commission des oppositions des marques de commerce