Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 26

Date de la décision : 2012‑02‑14

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Roca Sanitario, S.A. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 251 967 pour la marque de commerce PORCELLANA DI ROCCA & Dessin produite par Porcellana Di Rocca S.p.A.

 

 

 

Le dossier

[1]               Le 24 mars 2005, Porcellana Di Rocca S.p.A. a produit la demande no 1 251 967 pour l’enregistrement de la marque de commerce PORCELLANA DI ROCCA & Dessin, illustrée ci-dessous :

PORCELLANA DI ROCCA & Design (coloured)(la Marque)

Les mots PORCELLANA DI ROCCA sont en blanc, l’arrière-plan rectangulaire est en gris et l’élément vertical apparaissant entre les mots PORCELLANA et DI est en orange. Ces couleurs sont revendiquées comme caractéristiques de la Marque. La Requérante a informé le registraire que la traduction anglaise de la Marque est « porcelain of Rocca » [porcelaine de Rocca].

[2]               À la suite d’un rapport de l’examinateur, la Requérante a produit une demande modifiée. Au cours de la procédure d’opposition, la Requérante a soumis une autre version modifiée de sa demande d’enregistrement. Dans la présente décision, je désignerai uniquement cette deuxième version modifiée en date du 12 juin 2008 comme étant la Demande, à moins d’indication contraire.  

[3]               La Demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 4 juin 2004 en liaison avec des carreaux en grès, en céramique et en marbre pour planchers, des murs et des plafonds de bâtiment, faits en Italie (les Marchandises). La Requérante revendique une date de priorité de production en vertu de l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), du fait qu'elle a produit une demande d'enregistrement pour la même marque de commerce ou pour une marque presque identique, en Italie ou pour l'Italie, le 16 mars 2005.

[4]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 27 septembre 2006. Le 27 novembre 2006, Roca Sanitario, S.A. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition que le registraire a fait parvenir à l’Opposante [sic] le 7 décembre 2006.

[5]               Le 10 avril 2007, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition. Le 4 octobre 2009, l’Opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition. Le registraire a refusé cette demande dans une décision rendue le 4 décembre 2009.

[6]               L’Opposante a produit comme preuve un certificat d’authenticité pour l’enregistrement no LMC287139 afférent à la marque de commerce ROCA & Dessin ainsi que l’affidavit de M. Esteban Altarriba Sanpons, alors que l’Opposante [sic] a produit les affidavits de Shannon Young, Elena Gravina et Luigi Bedeschi.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties ont demandé une audience. Une audience a été prévue, mais elle a ensuite été reportée. Une fois la nouvelle date confirmée, les deux parties ont informé le registraire qu’elles ne seraient pas représentées à l’audience, laquelle n’a donc pas eu lieu.

Les motifs d’opposition

[8]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent se résumer ainsi :

1.      La Demande, qu’elle soit fondée sur l’emploi allégué au Canada ou sur l’enregistrement et l’emploi allégués à l’étranger, n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, pour les motifs suivants :

a)  la Requérante n’a jamais employé la Marque en liaison avec les Marchandises au Canada;

b)  la Requérante n’est pas la propriétaire de l’enregistrement allégué à l’étranger;

c)  à la date de production de la Demande, la Marque n’était pas employée dans le pays spécifié dans la Demande;

d) la Marque n’était pas dûment enregistrée en Italie et, antérieurement à l’annonce de la Demande, la Requérante n’a pas fourni une copie certifiée conforme par l’Officio Italiano Brevetti e Marchi, de l’enregistrement italien allégué pour la marque de commerce;

e)  l’état déclaratif des marchandises auquel la Requérante fait référence dans sa Demande couvre un éventail de marchandises plus large que celui figurant dans l’enregistrement allégué correspondant de la marque de commerce italienne;

f)       la marque de commerce qui aurait été employée n’est pas la Marque;

g)      subsidiairement ou cumulativement, l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises n’a pas été continu;

h)      la Requérante a faussement déclaré être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada, compte tenu des motifs invoqués dans la présente opposition, notamment de la connaissance qu’elle avait des droits de l’Opposante allégués dans la présente procédure et de l’illégalité d’un tel emploi, si emploi il y a eu.

2.      La Marque n’est pas enregistrable, en application de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante, enregistrée sous le numéro LMC287139.

3.      La Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant les dispositions de l’article 16 de la Loi sur la base de l’emploi allégué au Canada, pour les motifs suivants :

a)      à la date d’emploi réel et à n’importe quelle période pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce ROCA de l’Opposante, antérieurement employée ou révélée au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec des matériaux de construction, ce qui la fait tomber sous le coup de l’alinéa 16(1)a) de la Loi;

b)      à la date d’emploi réel et à n’importe quelle période pertinente, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial ROCA de l’Opposante, antérieurement employé au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec des marchandises, des services et des entreprises ayant trait aux matériaux de construction, ce qui la fait tomber sous le coup de l’alinéa 16(1)c) de la Loi;

c)      pour les motifs exposés ci-dessus, la Demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi; la Marque n’a pas été employée comme l’a déclaré la Requérante, et elle n’est pas enregistrable ou ne peut être considérée comme une marque de commerce suivant la partie introductive du paragraphe 16(1) de la Loi.

4.      La Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16 de la Loi sur la base de l’enregistrement et de l’emploi allégués à l’étranger, pour les motifs suivants :

a)      à la date de production de la Demande et à n’importe quelle période pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce ROCA de l’Opposante, antérieurement employée ou révélée au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec des matériaux de construction, ce qui la place sous le coup de l’alinéa 16(2)a) de la Loi;

b)      à la date de production de la Demande et à n’importe quelle période pertinente, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial ROCA de l’Opposante, antérieurement employé au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec des marchandises, des services et des entreprises ayant trait aux matériaux de construction, ce qui la place sous le coup de l’alinéa 16(1)c) de la Loi;

c)      pour les motifs exposés ci-dessus, la Demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi; la Marque n’a pas été employée ou dûment enregistrée ainsi que la Requérante l’a déclaré, et la Marque n’est pas enregistrable ou ne peut être considérée comme une marque de commerce suivant la partie introductive du paragraphe 16(2) de la Loi.

5.      En application de l’alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive de ses Marchandises et ne peut l’être pour les motifs suivants :

a)      la marque ne distingue pas véritablement les marchandises ou les services en liaison avec lesquels la Marque est employée ou avec lesquels la Requérante projette de l’employer, des marchandises ou des services de tiers, dont ceux de l’Opposante, et elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi;

b)      la Marque est employée en dehors du cadre de la licence d’emploi prévu par l’article 50 de la Loi, notamment par Premier Floor Covering et Southampton Brick & Tile;

c)      par suite du transfert de la Marque, il subsiste des droits chez deux ou plusieurs personnes, dont Premier Floor Covering et Southampton Brick & Tile, à l’emploi de marques de commerce créant de la confusion avec la Marque, et ces droits ont été exercés par ces personnes, aux termes des dispositions du paragraphe 48(2) de la Loi.

 

Le fardeau ultime et le fardeau de preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[9]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir que la Demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne font pas obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

Les dates pertinentes

[10]           La date pertinente pour l’analyse de chacun des motifs d’opposition varie selon le motif à examiner :

  non-conformité aux dispositions de l’article 30 de la Loi : la date de production de la Demande (24 mars 2005);

  enregistrabilité de la Marque, compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F. ), à la page 424];

  droit à l’enregistrement de la Marque, dans le cas où la demande est fondée sur l’emploi : la date de premier emploi alléguée (4 juin 2004) [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

  caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (27 novembre 2006) [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la page 130; Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Les motifs d’opposition rejetés sommairement

[11]           L’Opposante doit satisfaire à un fardeau initial lorsqu’elle allègue la non‑conformité à l’article 30 de la Loi. L’Opposante n’a produit aucune preuve à l’appui de ses motifs d’opposition fondés sur l’inobservation des exigences de l’article 30. De plus, comme il ressortira d’un résumé détaillé de la preuve de la Requérante, aucun élément de la preuve de la Requérante ne peut étayer ces motifs d’opposition. Par conséquent, les motifs d’opposition 1a) à g) inclusivement sont rejetés, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial à cet égard.

[12]           Quant au motif d’opposition plaidé à l’alinéa 1h), il ne constitue pas un motif d’opposition valable tel qu’il est rédigé. L’alinéa 30i) de la Loi exige seulement que la Requérante se déclare convaincue qu’elle a droit à l’enregistrement de la Marque. La demande comporte une telle déclaration. L’allégation selon laquelle la Requérante connaissait l’existence des droits de l’Opposante ne peut constituer le fondement d’un motif d’opposition s’appuyant sur l’alinéa 30i) de la Loi. L’alinéa 30i) peut servir de fondement à un motif d’opposition dans certains cas précis, comme lorsqu’il est allégué que la Requérante a commis une fraude [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. La déclaration d’opposition ne comporte aucune allégation de cette nature, et il n’existe au dossier aucune preuve à cet effet.

[13]           Dans les circonstances, le premier motif d’opposition est rejeté intégralement.

[14]           L’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer les allégations formulées dans les alinéas b) et c) de son cinquième motif d’opposition. Ceux-ci sont donc également rejetés, car l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial.

La preuve de l’Opposante

[15]           M. Sanpons est conseiller juridique au sein de l’entreprise de l’Opposante. Il soutient qu’en raison de son titre, de ses responsabilités et du poste qu’il occupe, il connaît bien en général les circonstances et les évènements entourant cette affaire, puisqu’il a accès à tous les documents et renseignements qui s’y rapportent. Cependant, M. Sanpons ne précise pas quels sont les renseignements, dans son affidavit, dont il a une connaissance directe, ni quels renseignements lui ont été fournis et par qui. De plus, M. Sanpons n’indique pas depuis quand il est conseiller juridique pour l’Opposante. Toute ambiguïté résultant de ce type de lacunes doit être interprétée contre l’Opposante [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)].

[16]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que le document présenté par l’Opposante n’a pas été souscrit sous serment par M. Sanpons, et qu’il ne s’agit donc pas d’un affidavit. Le document est intitulé « Affidavit », et on peut lire [traduction] « déclare solennellement », avant les paragraphes qui le composent, ainsi que [traduction] « Déclaré solennellement devant moi à Barcelone, en Espagne », à la fin du document. Le document a été passé devant M. Joseph M. Calmet, consul honoraire. La Requérante s’appuie sur les dispositions de l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada pour étayer son allégation selon laquelle le document présenté par M. Sanpons n’est pas un affidavit. Si la Requérante voulait contester la validité du document à titre d’affidavit en soutenant que M. Calmet n’est pas autorisé à faire prêter serment suivant les dispositions de l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada, il lui incombait de le prouver. Je ne dispose d’aucune preuve portant que les fonctions occupées par M. Calmet ne l’autorisent pas légalement à faire prêter serment. En l’absence de toute preuve à l’effet contraire, je considère que le document passé devant M. Calmet est un affidavit valide.

[17]           M. Sanpons soutient que l’Opposante exploite une entreprise de fabrication, de vente et de distribution de matériaux de construction comme des dalles, des carreaux en mosaïque pour planchers, des mosaïques, des carreaux de plancher, des carreaux et d’autres matériaux de construction en liaison avec des mosaïques (les Produits Roca).

[18]           M. Sanpons affirme que les Produits Roca sont vendus au Canada et dans le monde entier par l’Opposante ou par l’entremise de licenciés, sous la marque de commerce ROCA, depuis au moins 1996. Il déclare qu'aujourd'hui, les Produits Roca sont vendus dans plus de 70 pays, incluant le Canada et les États‑Unis.

[19]           Il allègue également que l’Opposante a obtenu l’enregistrement de la marque de commerce ROCA au Canada, et de fait, l’Opposante a produit un certificat d’authenticité pour l’enregistrement no LMC287139 afférent à la marque de commerce ROCA & Dessin, illustrée ci-après :

ROCA & DESIGN

Cet enregistrement vise les marchandises suivantes : [traduction] dalles, carreaux en mosaïque pour planchers, mosaïques, carreaux de plancher et carreaux.

[20]           M. Sanpons affirme que Ceramicas del Foix, S.A. est la licenciée de l’Opposante pour le Canada et que l’Opposante, aux termes de la licence, contrôle directement les caractéristiques ou la qualité des Produits Roca vendus en liaison avec la marque de commerce ROCA. Il explique que Roca Corporación Empresarial, S.A. est la société mère, propriétaire de l’Opposante et de Ceramicas del Foix, S.A. Je souligne que le déposant fait référence à la marque de commerce ROCA et non à la marque de commerce déposée ROCA & Dessin. Dans aucun des motifs soulevés, l’Opposante ne s’appuie sur le mot ROCA servant de marque. En fait, lorsqu’il est question de ROCA comme marque de commerce, c’est toujours relativement à l’enregistrement numéro LMC287139.

[21]           M. Sanpons fournit les chiffres d’affaires annuels, en euros, de l’exploitation des Produits Roca par Ceramicas del Foix, S.A., pour la période de 2000 à 2006. Il produit aussi des exemples de factures établies par Ceramicas del Foix, S.A. entre 1996 et 2006 pour la vente au Canada de certains Produits Roca portant la marque de commerce ROCA. Cependant, nous ne savons pas si le déposant fait référence au mot ROCA servant de marque, à la marque de commerce ROCA & Dessin telle qu’elle est déposée ou à toute autre forme de la marque de commerce ROCA & Dessin.

[22]           La Requérante fait valoir que la marque de commerce qui figure sur les factures postérieures à août 2003 est différente de celle enregistrée, de sorte que l’Opposante aurait abandonné l’emploi de sa marque de commerce ROCA & Dessin, à tout le moins à partir de cette date. Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous la marque de commerce figurant sur les factures au dossier dont la date est subséquente à juillet 2003 :

 

                                                                                                      

 Il convient de signaler que seuls les caractères constituent la marque de commerce, puisque le rectangle fait partie de la brochure reproduite pour illustrer la marque de commerce ROCA & Dessin telle qu’elle est maintenant employée. Je ne considère pas que cet écart dans la Marque [sic] constitue l’emploi d’une marque de commerce différente de celle enregistrée et illustrée plus tôt [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.)]. En conséquence, je désignerai indifféremment les deux versions sous le nom de ROCA & Dessin, à moins d’indication contraire.

[23]           M. Sanpons énumère ensuite certains des distributeurs canadiens qui vendent les Produits Roca. Il produit des exemples de catalogues distribués au Canada par Ceramicas del Foix entre 2004 et 2007, dans lesquels figure soit la marque de commerce ROCA & Dessin telle qu’elle est enregistrée, soit la nouvelle marque de commerce ROCA & Dessin.

[24]           Il fait ensuite état du site Web de l’Opposante, qui est exploité depuis 2004 et a été consulté par des Canadiens, mais il ne fournit aucun renseignement quant au nombre de Canadiens qui ont visité ce site. Il produit des exemples de pages du site Web sur lesquelles on peut voir la nouvelle version de la marque de commerce ROCA & Dessin.

L’enregistrabilité de la Marque suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[25]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit prouver l’existence de l’enregistrement invoqué au soutien de ce motif d’opposition. J’ai vérifié le registre, et l’enregistrement numéro LMC287139 est bien inscrit [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats Ltée c. Manu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410].

[26]           Par conséquent, l’Opposante a satisfait à son fardeau initial. Il incombe dès lors à la Requérante de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante. Le test applicable pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[27]           Cette liste de critères n’est pas exhaustive, et il n’est pas nécessaire d’attribuer à chacun le même poids. Dans le récent arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al., 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important, parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[28]           M.. Gravina [sic] est un avocat exerçant dans le domaine des marques de commerce, dans un cabinet de Turin, en Italie. Ce cabinet représente la Requérante pour les questions touchant son portefeuille de marques de commerce en Italie et ailleurs dans le monde. M. Gravina [sic] est l’avocat responsable de donner des instructions aux agents canadiens de marque de commerce relativement à la présente demande et à l’opposition à laquelle elle a ensuite donné lieu.

[29]           Il [sic] affirme parler couramment l’italien et assure que le mot « rocca » en italien signifie en anglais « stronghold; fortress, fort » [bastion; forteresse, fort] ou pourrait aussi signifier « rock » [roc]; pour étayer son allégation, il produit des extraits d’un dictionnaire en ligne italien-anglais.

[30]           Toutefois, aucune preuve n’indique que le consommateur canadien moyen intéressé à acheter les Marchandises serait en mesure de traduire la Marque de l’italien à l’anglais ou au français. J’estime que la Marque dans l’ensemble possède un caractère distinctif inhérent.

[31]           Quant à la marque de commerce de l’Opposante, la Requérante a tenté de démontrer, au moyen de l’affidavit de Shannon Young, que le mot « Roca » est un prénom [sic] et est également le nom de lieux géographiques en de nombreux pays du monde, de sorte que la marque de commerce serait faible.

[32]           En ce qui a trait à l’argument relatif au prénom [sic], la preuve ne démontre pas qu’il s’agit d’un prénom [sic] courant au Canada. En effet, selon les résultats de la recherche effectuée pour le Canada sur le site Web Canada411, annexés à l’affidavit de Mme Young, seulement 9 personnes portent le nom de famille « Roca ». L’autre résultat de recherche annexé à cet affidavit contient les renseignements concernant 10 personnes, mais il semble que certaines personnes soient répertoriées dans les deux rapports de recherche. Mme Young a aussi produit un rapport provenant du site Web Poke my Name. Les résultats sont constitués à partir de la population des États-Unis : ils sont donc dépourvus de pertinence en l’espèce. Quant aux enregistrements d’entreprises qui incluent le mot « Roca », les résultats répertoriés comprennent non seulement les noms d’entreprises comportant le mot « Roca », mais aussi des noms composés de l’élément « Roca », par exemple « Rochad », « Rocand » et « Proca », qui ne sont pas pertinents en l’espèce.

[33]           En ce qui a trait à l’argument selon lequel le mot « Roca » désigne différents lieux géographiques dans le monde, les listes produites à titre de pièces D et E de l’affidavit de Mme Young ne relèvent que trois villes, toutes situées au Brésil. Les autres villes comprennent le mot « Roca », auquel s’ajoute toutefois un élément distinctif.

[34]           Finalement, Mme Young produit un extrait d’un dictionnaire espagnol-anglais, dans lequel le mot espagnol « roca » est traduit par « reef » [récif].

[35]           Dans l’ensemble, j’estime que la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante possède également un certain caractère distinctif inhérent.

[36]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accentué par la promotion ou l’emploi qui en sont faits au Canada. La preuve de l’Opposante exposée ci‑dessus indique que la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante est connue dans une certaine mesure au Canada. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime que la nouvelle version de la marque de commerce ROCA & Dessin constitue un emploi de la version déposée de la marque de commerce ROCA & Dessin.

[37]           M. Bedeschi est le président de la Requérante et il occupe ce poste depuis le 14 juin 2000, soit depuis la date de constitution de la société Porcellana Di Rocca S.p.A. Il soutient que la Requérante a commencé à expédier des carreaux faits en Italie en liaison avec la Marque à son distributeur canadien au début de juin 2004. M. Bedeschi joint à son affidavit les chiffres d’affaires annuels en euros de la vente des Marchandises portant la Marque pour les années 2004 à 2007 inclusivement. Il fournit aussi les nom et adresse des distributeurs de la Requérante au Canada depuis juin 2004.

[38]           À l’appui de son allégation concernant la vente de Marchandises portant la Marque à des distributeurs canadiens depuis juin 2004, M. Bedeschi produit des rapports étayant les ventes depuis cette date. Enfin, il produit des copies numérisées d’emballages de Marchandises portant la Marque.

[39]           Les chiffres d’affaires annuels mentionnés dans l’affidavit de M. Sanpons pour la vente des produits portant la marque de commerce ROCA & Dessin sont moins élevés que les ventes de la Requérante pour les années 2004 à 2006. Cependant, l’Opposante a fourni des chiffres d’affaires remontant à 2000. Conséquemment, il est difficile de déterminer laquelle des deux marques de commerce est la plus connue.

 

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40]           Compte tenu de la preuve exposée ci-dessus, ce facteur favorise l’Opposante, parce qu’elle emploie la marque de commerce ROCA & Dessin au Canada depuis au moins 2000.

Le genre de marchandises et leurs voies de commercialisation

[41]           La Requérante fait valoir que les Marchandises ne visent que des carreaux « faits en Italie ». L’enregistrement no LMC287139 ne comporte pas une telle restriction : en conséquence, les marchandises de l’Opposante pourraient aussi provenir d’Italie. De par leur genre, les marchandises des parties se recoupent, tout comme le feraient leurs voie de commercialisation, comme l’admet d’ailleurs la Requérante dans son plaidoyer écrit [voir le paragraphe 36 du plaidoyer écrit de la Requérante].

Le degré de ressemblance

[42]           Comme il a été mentionné, ce facteur est le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. Son appréciation exige que l’on examine les marques dans leur intégralité; celles-ci ne doivent pas être disséquées en leurs éléments constitutifs.

[43]           Comme l’a reconnu Monsieur le juge Denault de la Cour fédérale dans la décision Pernod Ricard c. Brasseries Molson (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, c’est la première partie d’une marque de commerce qui est la plus importante au regard du caractère distinctif. La seule ressemblance entre les marques en cause est le fait que le troisième mot de la Marque est phonétiquement identique à la marque de commerce déposée ROCA de l’Opposante. Il est difficile de porter une appréciation sur les idées suggérées par les marques de commerce respectives des parties, parce ces marques sont composées de mots étrangers et que qu’aucune preuve n’indique qu’un consommateur canadien moyen associerait les mots « porcellana » à « porcelain » et « roca » à « rock ». Par ailleurs, même si les éléments graphiques des marques de commerce des parties n’en constituent une caractéristique dominante, ils sont tous de même différents.

[44]           La Marque, examinée dans son ensemble, est différente de la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante dans la présentation et dans le son.

[45]           En tenant compte de tous les facteurs pertinents, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante. J’arrive à cette conclusion parce que la Marque possède un caractère distinctif inhérent et qu’elle ne ressemble ni la présentation ni dans le son, à la marque de commerce déposée ROCA & Dessin de l’Opposante.

[46]           Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est rejeté.

Le droit à l’enregistrement et le caractère distinctif

[47]           Les troisième et quatrième motifs d’opposition ainsi que l’alinéa a) du cinquième motif d’opposition sont fondés sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce ROCA & Dessin de l’Opposante. La seule différence entre le motif d’opposition relatif à l’enregistrabilité fondé sur l’alinéa 12(1)d), d’une part, et celui concernant le droit à l’enregistrement fondé sur les paragraphes 16(2) ou (3) de la Loi et le caractère distinctif de la Marque fondé sur l’article 2 de la Loi, d’autre part, est que l’analyse des circonstances de l’espèce mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi se ferait par rapport à des dates plus anciennes (voir les dates pertinentes énoncées ci-dessus). Je ne pourrais statuer que la Marque était connue dans une certaine mesure à ces dates, mais les conclusions auxquelles je suis parvenu au terme de l’analyse des facteurs pertinents au regard du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité s’appliqueraient aussi à cette analyse, c’est-à-dire que la Marque possède un caractère distinctif inhérent et qu’elle ne ressemble ni dans la présentation ni dans le son à la marque de commerce ROCA & Dessin de l’Opposante. Quant au nom commercial Roca de l’Opposante comme fondement d’un motif d’opposition ayant trait au droit à l’enregistrement, la même conclusion s’appliquerait.

[48]           En conséquence, les troisième et quatrième motifs d’opposition ainsi que l’alinéa a) du cinquième motif d’opposition sont également rejetés.

La décision

[49]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à l’enregistrement de la Marque, conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, LL.L., trad. a.

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