Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE D'UNE OPPOSITION formée par Parmalat Food Inc., Parmalat Dairy & Bakery Inc. et Lactantia Ltée à la demande no 875721, déposée par Natrel Inc., visant l'enregistrement de la marque de commerce NATREL FINE FILTERED MILK et dessin ___________________________________

 

 

I           La demande

 

 

Le 20 avril 1998, Natrel Inc. (Natrel) a déposé une demande d'enregistrement de la marque de commerce NATREL FINE FILTERED MILK et la conception graphique (dessin) illustrée ci-dessous :

NATREL FINE-FILTERED MILK & DESIGN

 

la demande no 875721, en liaison avec les boissons laitières, nommément lait aromatisé, lait renforcé, boissons de lactosérum, lait gazéifié, laits frappés, lait enrichi, lait faible en lactose, lait de consommation, lait filtré (les marchandises). La demande repose sur un emploi projeté. En réponse à une mesure administrative, Natrel a renoncé à l’usage exclusif des mots « fine-filtered milk » en dehors de la marque de commerce.

 

La demande a été annoncée le 15 mars 2000 dans le Journal des marques de commerce, aux fins de la présentation d'oppositions.

 

II Historique des personnes morales en cause

 

Pour bien comprendre les allégations présentées dans la déclaration d'opposition et les raisons pour lesquelles il y a trois opposantes distinctes en l'espèce, il faut se reporter à quelques renseignements généraux sur chacune des personnes morales en cause. Les renseignements qui suivent sont tirés de la preuve non contestée.

 

Avant le 3 octobre 1997, Parmalat Food Inc. (Parmalat Food) portait le nom d'Ault Foods Limited (Ault). Elle poursuit ses activités commerciales à titre de distributrice, transformatrice et fabricante de produits laitiers dans la province du Québec. Lactantia Ltée (Lactantia) est une filiale à cent pour cent de Parmalat Food et détenait les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin. Parmalat Dairy and Bakery Inc. (Parmalat Dairy) transforme des produits laitiers et les commercialise à l'échelle de l'Ontario et dans d'autres régions, mais pas au Québec.

 

En 1991, Ault a mis au point un processus de microfiltration utilisé avant la pasteurisation du lait. Grâce à ce procédé, le lait transformé a une durée de conservation plus longue. En janvier 1995, Ault a décidé de commercialiser ce lait transformé en liaison avec la marque de commerce PURFILTRE, en vertu d'une licence accordée par Lactantia.

 

Le 1er décembre 2000, Natrel a vendu ses actifs, y compris la présente demande, à Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire, qui a par la suite modifié sa dénomination, laquelle est devenue Coopérative Agropur (Natrel et/ou la Coopérative Agropur seront ci-après désignées sous le nom de « requérante », selon le cas).

 

III Licences conventionnelles

 

Le 1er mars 1997, Ault a vendu son entreprise ontarienne de lait de consommation à Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire. Dans le cadre de cette vente, Lactantia et Ault (à titre de concédants de licence) et Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire (à titre de licencié) ont convenu d'une licence conventionnelle pour la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE et dessin (licence exclusive) et la marque de commerce PURFILTRE (licence non exclusive) pour une période de trois ans. En parallèle à cette licence conventionnelle, Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire et Natrel ont convenu d'une sous-licence conventionnelle visant l'usage de ces marques de commerce.

 

Voici une des dispositions de la licence conventionnelle :

[traduction]

4. Reconnaissance des droits des concédants par le licencié

 

Le licencié [Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire] reconnaît que les marques de commerce [incluant les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin] sont la propriété exclusive du concédant de licence [Lactantia et Ault], qu'aucun élément de la présente entente n'accorde au licencié un droit, un titre ou un intérêt se rapportant aux marques de commerce, sauf le droit d'utiliser les marques de commerce conformément aux modalités de la présente entente, et que tout usage des marques de commerce par le licencié profitera au concédant de licence. Le licencié n'agira pas, directement ou indirectement, ni ne fera en sorte qu'un autre agisse d'une manière qui puisse compromettre ou nuire au caractère distinctif ou à la propriété des marques de commerce, à la validité ou au caractère exécutoire de tout enregistrement des marques de commerce ou à l’achalandage associé aux marques de commerce.

 

De même, la sous-licence conventionnelle renferme la disposition suivante :

 

[traduction]

3. Reconnaissance des droits par le sous-licencié

 

Le licencié [Natrel]  reconnaît que les marques de commerce [incluant les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin] sont la propriété exclusive d'Ault, qu'aucun élément de la présente entente n'accorde au sous-licencié un droit, un titre ou un intérêt se rapportant aux marques de commerce, sauf le droit d'utiliser les marques de commerce conformément aux modalités de la présente entente, et que tout usage des marques de commerce par le sous-licencié profitera à Ault. Le sous-licencié n'agira pas, directement ou indirectement, ni ne fera en sorte qu'un autre agisse d'une manière qui puisse compromettre ou nuire au caractère distinctif ou à la propriété des marques de commerce, à la validité ou au caractère exécutoire de tout enregistrement des marques de commerce ou à l’achalandage associé aux marques de commerce.

 

 

IV La procédure d'opposition

 

Parmalat Food Inc., Parmalat Dairy & Bakery Inc. et Lactantia Ltée (désignées collectivement ou individuellement sous le nom de « opposante », selon le cas) ont déposé, le 15 août 2000, une déclaration d'opposition dans laquelle elles font valoir, après certains amendements, les motifs d'opposition suivants :

1)      la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C, 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que ni la requérante originale, soit Natrel Inc., ni la requérante actuelle, soit la Coopérative Agropur, ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’utiliser la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises, dans la mesure où une telle utilisation contrevenait aux obligations de la requérante actuelle, à titre de licenciée aux termes  de la deuxième phrase du paragraphe 4 de la LICENCE D'UTILISATION DES MARQUES DE COMMERCE DE LACTANTIA, en date du 1er mars 1997, entre les opposantes Parmalat Food Inc., Lactantia Ltée et Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire, et aux obligations de la requérante originale [Natrel] à titre de sous-licenciée aux termes de la deuxième phrase du paragraphe 3 de la LICENCE D'UTILISATION DES MARQUES DE COMMERCE DE LACTANTIA, en date du 1er mars 1997, entre Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire et la requérante originale. La requérante actuelle, soit la Coopérative Agropur, portait autrefois le nom d'Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire.

2)      La requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce étant donné que, à la date de la présentation de la demande, la marque créait de la confusion avec les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin, qui avaient été utilisées précédemment au Canada en liaison avec le lait par l'opposante Lactantia Ltée elle-même et par ses licenciées, les opposantes Parmalat Food Inc. et Parmalat Dairy & Bakery Inc.

3)      La marque de commerce n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées PURFILTRE (certificat d'enregistrement TMA496848) et LACTANTIA PURFILTRE et conception graphique connexe (certificat d'enregistrement TMA491453), toutes les deux enregistrées au nom de l'opposante Lactantia Ltée en liaison avec des « produits laitiers, nommément le lait ».

 

Le 12 janvier 2001, Natrel a déposé une contre-déclaration d’opposition réfutant les motifs d'opposition exposés dans la déclaration d'opposition. Les deux parties ont présenté des observations écrites et une audience a été tenue.    

 

V Question préliminaire

 

L'opposante fait valoir que la requérante et son prédécesseur en titre Natrel étaient des parties aux ententes de licence et de sous-licence et, par conséquent, étaient tenues d’en respecter les modalités et conditions. À l’ouverture de l’audience, j'ai indiqué aux deux parties qu'elles devaient me présenter des observations sur la question suivante : un manquement à une obligation contractuelle pouvait-il constituer un motif d'opposition aux termes de l’alinéa 30i) de la Loi? Si la réponse est négative, le premier motif d'opposition serait rejeté du fait qu'il ne s'agit pas d'un motif d'opposition valable, même si tous les faits exposés par l'opposante dans sa déposition par affidavit s'avéraient fondés. Si la réponse est affirmative, alors j'aurais à décider si la requérante était en mesure de déclarer qu'elle était convaincue d'avoir le droit d’utiliser la marque de commerce au Canada malgré l'existence des clauses des ententes de licence et de sous-licence reproduites ci-dessus.

 

L'opposante m'a signalé trois décisions du registraire, soit World Tableware International Inc. c. Heritage Silversmiths Inc. (non publiée, demande no 484059, 30 avril 1992 (C.O.M.C.)), Super Seer Corp. c. 546401 Ontario Ltd. (2000), 6 C.P.R. (4th) 560 (C.O.M.C.), et David Crystal Inc. and Izod c. La Chemise Lacoste (1975), 22 C.P.R. 78 (C.O.M.C.), à titre de précédents établissant qu'un manquement à une obligation contractuelle pouvait fonder un motif d'opposition aux termes de l’alinéa 30i) de la Loi. Dans l'affaire World Tableware International Inc., l'opposante a fait valoir que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’utiliser la marque de commerce demandée parce qu'elle était tenue, en vertu d'une entente contractuelle, de ne pas acquérir cette marque pour elle-même. Dans sa décision, le membre de la Commission D. Martin a conclu, à la lumière de la preuve présentée, que l'opposante avait satisfait à son obligation initiale et que la requérante ne s’était pas acquittée de sa charge ultime de démontrer qu'elle avait respecté les dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi.

 

Dans l'affaire Super Seer Corp, l'opposante fondait elle aussi sa démarche sur une licence conventionnelle dans laquelle la requérante s'engageait, si la licence était résiliée, à mettre fin à tout usage de la marque de commerce et à reconnaître qu'elle n'aurait plus le droit d'utiliser la marque de commerce ou toute variante de cette dernière. L'opposante a allégué que, dans de telles circonstances, la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’utiliser la marque de commerce demandée. Le président de la Commission des oppositions des marques de commerce (à l'époque), G.W. Partington, a accueilli, à la lumière de la preuve présentée, ce motif d'opposition. Quant à l'affaire David Crystal Inc., le registraire a examiné un motif d'opposition fondé sur un manquement à des obligations contractuelles, mais a rejeté ce motif du fait que la preuve n'avait pas démontré les manquements allégués par l'opposante.

 

Je conclus, à la lumière de ces décisions, que le premier motif d'opposition mis de l'avant par l'opposante peut être invoqué aux termes de l’alinéa 30i) de la Loi. Je ne suis pas prêt à conclure que tout type de manquement à une obligation contractuelle pourrait entraîner l'acceptation d'un motif d'opposition aux termes de l’alinéa 30i) de la Loi. Toutefois, comme dans les affaires World Tableware International Inc. et Super Seer Corp, les obligations contractuelles visées par le premier motif d'opposition sont directement liées à une question ayant trait à l'enregistrement de la marque de commerce.

 

VI La preuve de l'opposante

 

L'opposante a présenté, à titre de preuve, l'affidavit de M. Peter Ferraro et ce dernier a fait l'objet d'un contre-interrogatoire. Elle a aussi produit, à titre de preuve supplémentaire, l'affidavit de P. Claire Gordon.

 

M. Ferraro est vice-président, avocat général et secrétaire de Parmalat Food, Lactantia et Parmalat Dairy (anciennement Beatrice Foods Inc.). Il a décrit la structure organisationnelle de ces entités, telle qu'exposée ci-dessus.

 

Jusqu'au 1er mars 1997, Ault a utilisé les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin, numéros d'enregistrement TMA496848 et TMA491453 respectivement, détenues par Lactantia conformément aux certificats d'enregistrement présentés en preuve. Cette utilisation était conforme aux modalités d'une licence conventionnelle avec Lactantia et des extraits pertinents de cette licence ont également été présentés en preuve.

 

Le souscripteur d'affidavit a communiqué le volume des ventes au Québec du lait vendu par Parmalat Food en liaison avec la marque de commerce PURFILTRE de 1995 à août 2001. Ault vendait en Ontario en liaison avec la marque de commerce PURFILTRE entre 1995 et mars 1997, après quoi elle a vendu son commerce de lait de consommation en Ontario à Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire. Le souscripteur a annexé à son affidavit divers échantillons de boîtes et de sacs à lait portant la marque de commerce PURFILTRE ou LACTANTIA PURFILTRE et dessin. Toutefois, nous ne disposons d'aucune indication concernant laquelle ou lesquelles des entités commercialisaient le lait dans ces contenants. Toutefois, la plupart comportent un avis signalant que les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin sont la propriété de Lactantia Ltée.

 

M. Ferraro a présenté des communiqués de presse dans lesquels on décrit la nature du produit PURFILTRE. Il semble qu'Ault a publié la plupart de ces communiqués, sinon la totalité, mais nous ne disposons d'aucune information sur leur distribution (volume, moment, destinataires).

 

Le dossier comprend aussi des copies d'articles au sujet du lait vendu en liaison avec les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE, publiés entre décembre 1994 et février 1995 dans divers journaux et magazines canadiens, tels que le Globe and Mail, le Toronto Star, le Ottawa Citizen, le London Free Press, le Montreal Gazette, Maclean’s et le Financial Post. On a aussi versé au dossier des publicités placées dans les journaux canadiens de janvier à mars 1995.

 

M. Ferraro affirme que, en juin 1998, Parmalat Dairy a commencé à commercialiser le lait micro-filtré en Ontario sous la marque BEATRICE. Il a présenté des échantillons de boîtes et de sacs à lait portant les marques de commerce BEATRICE et PURFILTRE. Nous ne disposons d'aucune information concernant l'entité qui est propriétaire de la marque de commerce BEATRICE. Quoi qu'il en soit, l'utilisation de cette marque de commerce ne fait pas partie des motifs d’opposition présentés dans la déclaration d'opposition. Le souscripteur d'affidavit a aussi indiqué le volume des ventes de lait atteint par Parmalat Dairy en liaison avec la marque de commerce PURFILTRE en Ontario pendant la période de juin 1998 à décembre 2001. Cette utilisation de la marque de commerce PURFILTRE par Parmalat Dairy était conforme aux modalités et conditions d'une licence conventionnelle conclue avec Lactantia (des extraits pertinents de cette licence ont été versés au dossier).

 

Dans le cadre de son contre-interrogatoire, M. Ferraro a affirmé que, depuis 1997, la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE n'est plus utilisée en Ontario.

 

P. Claire Gordon est une technicienne juridique à l'emploi du cabinet de l'opposant. Elle a effectué une recherche sur le site Web de l'Inspecteur général des institutions financières du Québec afin de relever de l'information sur la Coopérative Agropur. Sa recherche, menée le 13 décembre 2002, a révélé que cette entité était connue sous le nom d'Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire durant la période du 1er novembre 1980 au 29 novembre 2000.

 

VI La preuve de la requérante

 

Mme Larone est une secrétaire à l'emploi du cabinet du requérant. On lui a demandé d'effectuer une recherche dans la base de données de Strategis afin de relever toutes les marques de commerce comportant le terme NATREL. Le résultat de cette recherche, joint à son affidavit, est qu'il y avait 25 marques de commerce comportant ce terme; les renseignements liés à chacune de ces marques ont également été déposés en preuve.

 

M. Clément est le Chef de l'emballage et de la mise en marché à la Coopérative Agropur depuis le 1er décembre 2001. Il affirme que Natrel a été constituée en personne morale en 1990 et est une filiale de la Coopérative Agropur, anciennement connue sous le nom d'Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire.

 

Le 1er décembre 2000, les actifs de Natrel ont été vendus à la Coopérative Agropur, y compris les enregistrements et les demandes de marque de commerce énumérées dans son affidavit, dont neuf enregistrements de marque de commerce comportant le terme NATREL et huit demandes en instance. En février 2003, la Coopérative Agropur a accordé une licence à Natrel visant l'utilisation de diverses marques de commerce, dont la marque visée par la présente procédure. Agropur est également propriétaire de sept autres demandes de marque de commerce visant l'enregistrement de marques de commerce comportant le terme NATREL. Elles sont énumérées au paragraphe 9 de son affidavit. Ci-après, j'utiliserai l'expression « les marques de commerce NATREL » pour renvoyer aux marques de commerce comportant le terme NATREL.

 

Il maintient que la Coopérative Agropur, par l'entremise de son licencié Natrel, utilise la marque depuis avril 1998 au Canada en liaison avec le lait. Pour corroborer son affirmation, il a présenté en preuve un échantillon des emballages portant la marque.

 

Il maintient que la Coopérative Agropur a utilisé les marques de commerce NATREL et a présenté en preuve des échantillons de contenants portant une des marques de commerce NATREL. Il soumet une liste d'activités de marketing tenues entre le printemps de 1998 et le printemps de 2001 en liaison avec les marques de commerce NATREL. Nous ne disposons d'aucune information concernant les marques de commerce précises ayant fait l'objet de chacune de ces campagnes de promotion. Enfin, il signale les sommes d'argent consacrées depuis 1996 à la promotion des marques de commerce NATREL, mais sans répartition en fonction des diverses marques de commerce. Il n'y a aucun renvoi aux montants consacrés spécifiquement à la marque.

 

Greg Turcot est le Chef du développement de catégorie, une division de la Coopérative Agropur. La marque a été adoptée afin d'identifier les marchandises produites au moyen d'un processus de micro-filtration. Il a présenté en preuve un sac de lait d'un litre portant la marque de commerce BEATRICE, qu'on peut se procurer sur le marché au Canada, avec un insigne où se lisent les mots « Pure », « Fresh », « filtered » et « Nutritious » (pur, frais, filtré et nutritif).

 

La pièce B englobe des échantillons de contenants qu'on peut se procurer sur le marché au Canada et qui portent les marques de commerce suivantes :

MICROFILTERED, de Dairyland

MICROFILTRÉ, de Neilson

MICROFILTERED, de Neilson.

 

Il croit que Neilson utilise, au Canada, les marques de commerce MICROFILTRÉ et MICROFILTERED depuis le milieu de 1995, et que Dairyland utilise la marque de commerce MICROFILTERED sur ses contenants de lait depuis 1996.

 

Je ne tiens pas compte de la preuve se rapportant à l'utilisation du terme PUR dans le marché en liaison avec d'autres marchandises, telles que les filtres à eau et les vodkas, estimant qu'elle est sans rapport avec les questions à trancher en l'espèce.

 

À sa connaissance, l'opposante n'a jamais utilisé la marque de commerce PURFILTRE de manière isolée. Elle a toujours été utilisée de pair avec une autre marque de commerce telle que LACTANTIA ou BEATRICE.

 

Il signale le chiffre des ventes de lait (par litre) au Canada en liaison avec la marque entre 1998 et 2002, et présente en preuve un CD-Rom sur lequel sont enregistrées deux publicités télévisuelles diffusées en Ontario en 1999, 2002 et 2003. Enfin, il présente en preuve du matériel destiné à la promotion de la marque. À l'exception des coupons-rabais qui portent une date d'expiration, nous ne disposons d'aucune information concernant les dates et les lieux de leur utilisation.

 

VIII Analyse des motifs de l'opposition

 

Il est généralement accepté que la requérante a le fardeau de démontrer que sa demande satisfait aux dispositions de l'article 30 de la Loi; cependant, l'opposante a la charge de présentation initiale d'établir les faits sur lesquels reposent ses motifs d'opposition. Une fois qu'elle a satisfait à cette charge initiale, il incombe à la requérante d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que les motifs d'opposition présentés ne devraient pas empêcher l'enregistrement de la marque demandée [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, p. 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, Christian Dior, S.A. and Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155].

 

En ce qui concerne les motifs d'opposition fondés sur l'article 30 de la Loi, même si l'opposante a le fardeau initial, il s'agit d’un léger fardeau. [Voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.) et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd. (1999), 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)].

 

La date cruciale pour l'évaluation de tels motifs d'opposition est la date de présentation de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), et Dic Dac Holdings (Canada) Ltd., précité].

 

La date pertinente pour l'examen de la question de la non-admissibilité à l’enregistrement de la marque, lorsque la demande est fondée sur l'emploi projeté de la marque, est la date de présentation de la demande [voir le paragraphe 16(3) de la Loi]. Enfin, la date pertinente pour décider de l'enregistrabilité de la marque est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F.)].

 

L'opposante a présenté en preuve des extraits pertinents de la licence conventionnelle et de la sous-licence conventionnelle afin d'appuyer son premier motif d'opposition. Ce faisant, elle a satisfait à son fardeau de preuve initial en ce qui a trait au premier motif d'opposition. Elle a présenté en preuve des copies des certificats d'enregistrement de ses marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin; par conséquent, il incombe maintenant à la requérante de démontrer que la marque est enregistrable. Enfin, la preuve de l'utilisation des marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin, signalée ci-dessus, font en sorte qu'il incombe à la requérante d'établir qu'elle a le droit d'enregistrer la marque.

 

Les deuxième et troisième motifs d'opposition soulèvent la question de la confusion possible entre la marque et les marques de commerce déposées de l'opposante. La marque de commerce PURFILTRE est une marque verbale, tandis que la marque LACTANTIA PURFILTRE et dessin est reproduie ci-dessous :

LACTANTIA PURFILTRE & DESIGN

Le critère applicable pour décider si une marque créera de la confusion est exposé au paragraphe 6(2) de la Loi et je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il n'est pas nécessaire d'accorder à chacun de ces éléments le même poids [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Dans l’arrêt Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), le juge Linden a défini le caractère distinctif inhérent d'une marque de commerce comme suit :

Le premier élément énuméré au paragraphe 6(5) est la solidité ou le caractère bien établi de la marque. Cet élément se divise en deux: le caractère distinctif inhérent de la marque et le caractère distinctif qu'elle a acquis. Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n'aiguille le consommateur vers une multitude de sources. La marque qui peut faire allusion à de nombreuses choses ou qui, comme je l'ai fait remarquer précédemment, se limite à décrire les marchandises ou leur origine géographique, jouira d'une protection moindre. Inversement, si la marque est un nom unique ou inventé, de sorte qu'elle ne peut faire référence qu'à une seule chose, la portée de sa protection sera plus grande.

 

Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinctif acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d'une source en particulier. Dans la décision Cartier, Inc. c. Cartier Optical Ltd./Lunettes Cartier Ltée21, le juge Dubé a conclu que le nom Cartier possédait peu de caractère distinctif inhérent, puisqu'il n'était qu'un nom de famille, mais qu'il avait néanmoins acquis un caractère distinctif considérable grâce à la publicité. De la même manière, dans la décision Coca-Cola Ltd. c. Fisher Trading Co.22, le juge a conclu que le mot "Cola" en scriptes était devenu si célèbre qu'il avait acquis un sens secondaire très spécial distinct de la boisson et qui méritait donc d'être protégé.

 

La marque de commerce PURFILTRE est un mot inventé, mais cela ne signifie pas automatiquement qu'elle possède un caractère distinctif inhérent très prononcé puisqu'elle est formée du préfixe « pur » et du suffixe « filtre ». Elle suggère que le lait vendu en liaison avec cette marque de commerce a été filtré et qu'il est pur. La marque LACTANTIA PURFILTRE et dessin ont un certain degré de caractère distinctif inhérent en raison de sa portion graphique. La marque de la requérante possède un degré de caractère distinctif inhérent similaire à celui de la marque de l'opposante (LACTANTIA PURFILTRE et dessin), étant donné que l'élément « FINE FILTERED MILK » est descriptif.

 

La date pertinente pour l'évaluation de l'admissibilité à l'enregistrement de la marque est la date de présentation de la demande; ainsi, on ne peut tenir compte des faits survenus après cette date. La demande est fondée sur l'utilisation projetée et, par conséquent, la marque ne pouvait être connue avant la date pertinente. L'opposante fait valoir que les échantillons de contenants présentés en preuve en association avec l'affidavit de M. Ferraro confirme son affirmation qu'elle utilise la marque de commerce PURFILTRE depuis janvier 1995. La marque PURFILTRE figure sur certains contenants sans être précédée du terme LACTANTIA, mais chacun de ces  échantillons porte la marque LACTANTIA PURFILTRE et dessin. Par conséquent, ces pièces constituent également une preuve de l'utilisation de la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE et dessin. Dans son affidavit, M. Ferraro a signalé les volumes des ventes, exprimés en litres, de lait portant la marque PURFILTRE dans les provinces du Québec et de l'Ontario durant la période pertinente; ces volumes sont assez impressionnants. De cette preuve, je conclus que les marques PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE, et dessin, étaient connues au moins au Québec et en Ontario à la date pertinente (le 20 avril 1998).

 

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage favorise l'opposante, car ses deux marques sont en usage depuis janvier 1995.

 

La requérante reconnaît dans ses observations écrites que les deux parties vendent le même genre de marchandises et ont le même genre de commerce.

 

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce en litige est souvent le facteur le plus important à examiner pour décider de la probabilité d'une confusion entre ces marques, particulièrement si les marchandises sont similaires ou identiques. [Voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding &Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, p. 149 (C.F. 1re inst.)]. Le critère applicable est celui de la première impression d'un consommateur moyen ayant un vague souvenir des marques de commerce de l'opposante. [Voir Miss Universe c. Bohna (1995), 58 C.P.R. (3d) 381, p. 387]. Il ne s'agit pas de procéder à une comparaison attentive des marques en vue de relever les similarités et les différences. Dans la décision Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1, le juge Cattanach a décrit le critère en matière de confusion de la manière suivante :

 

Lorsqu'il s'agit de dire si deux marques de commerce peuvent être confondues, il faut prendre en considération les personnes qui achèteront vraisemblablement les marchandises, c'est-à-dire les personnes qui forment habituellement le marché, à savoir les consommateurs. Il ne s'agit pas de l'acheteur impulsif, négligent ou distrait ni de la personne très instruite ni d'un expert. On cherche à savoir si une personne moyenne, d'intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale peut être trompée. Le registraire des marques de commerce ou le juge doit évaluer les attitudes et les réactions normales de telles personnes afin de mesurer la possibilité de confusion. Une jurisprudence constante a établi que la technique appropriée pour l'étude de marques de commerce semblables ne consistait pas à les placer côte à côte et à analyser d'un oeil critique leurs ressemblances et leurs différences, mais bien à trancher la question dans l'ensemble au premier abord.

 

Dans la décision Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, p. 369, le juge Deneault a résumé ce critère d'une manière similaire :

 

Le critère de la confusion tient de la première impression. Les marques de commerce devraient être examinées dans l'optique du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente. En conséquence, les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d'apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Au contraire, elles devraient être regardées globalement et évaluées selon leur effet sur l'ensemble des consommateurs moyens (Ultravite Laboratories Ltd. c. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] R.C.S. 734, p. 737; Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29, p. 35 (C.A.F.); Cantine Torresella S.R.L. c. Carbo (1987), 16 C.P.R. (3d) 137, p. 146 (C.F. 1re inst.)).

 

L'opposante fait valoir que la marque ressemble à la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE  et graphisme, dans la mesure où :

  elle renferme le mot « filtered » (filtré), alors que sa marque de commerce comprend le mot « filtre » (filtre);

  elle a une conception graphique ovale avec une bordure double similaire à celle de sa marque de commerce, avec la même proportion et la même orientation;

  elle comporte une bannière horizontale et de couleur sombre similaire à sa marque de commerce;

  elle utilise une combinaison d'une conception ovale et d'une bannière qui est similaire à la conception graphique de sa marque de commerce;

  l'un des éléments graphiques est superposé à l'autre, comme c'est le cas pour la conception graphique de sa marque de commerce.

 

Sauf le respect que je dois au représentant de l'opposante, l'analyse décrite ci-dessus correspond exactement à ce que les tribunaux ont à maintes reprises signalé qu'il ne faut pas faire. Pour un consommateur moyen ayant un vague souvenir de la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE et de sa conception graphique, le mot LACTANTIA, écrit à l'intérieur d'un ruban,  serait vraisemblablement l'élément dominant de la marque de commerce dont il se souviendrait. Dans une certaine mesure, il pourrait aussi avoir un vague souvenir du terme PURFILTRE. La caractéristique dominante de la marque est le mot NATREL, écrit à l'intérieur d'une conception graphique ovale. Les mots « fine filtered milk » sont écrits à l'intérieur d'un ruban, mais les caractères sont très petits en comparaison avec la taille des lettres du mot NATREL. Quoi qu'il en soit, ces mots sont utilisés d'une manière descriptive. À mon avis, les similarités entre les conceptions graphiques des marques des deux parties ne suffisent pas à conclure que la marque ressemble à la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante. Les caractéristiques dominantes de ces marques sont si différentes que je ne vois pas de quelle manière un consommateur moyen, avec un vague souvenir de la marque de commerce de l'opposante, pourrait penser que les marchandises vendues en liaison avec la marque proviennent de l'opposante.

 

Il n'y a pas de ressemblance entre la marque et la marque de commerce PURFILTRE de l'opposante. Toute autre conclusion équivaudrait à accorder à l'opposante un monopole sur le mot « filtre », qui est de nature descriptive. Ce facteur favorise la requérante.

 

L'opposante fait aussi valoir que, depuis juin 1998, l'opposante Parmalat Dairy utilise en Ontario la marque BEATRICE de concert avec la marque de commerce PURFILTRE. L'usage par Parmalat Dairy de la marque de commerce PURFILTRTE [sic] est régi par les modalités et conditions d'une licence conventionnelle conclue avec Lactantia. Par conséquent, le lait commercialisé en liaison avec les marques de commerce LACTANTIA PURFILTRE et BEATRICE PURFILTRE aurait une source commune. L'opposante avance que le consommateur associerait le lait commercialisé en liaison avec la marque à cette même source.

 

Premièrement, la déclaration d'opposition ne comporte aucun renvoi à l'utilisation de la marque de commerce BEATRICE PURFILTRE. Deuxièmement, au paragraphe 29 de son affidavit, M. Ferraro renvoie aux ventes en Ontario, à compter de juin 1998, de lait en liaison avec la marque de commerce PURFILTRE, et non BEATRICE ou BEATRICE PURFILTRE. L'ambiguïté que comporte l'affidavit de M. Ferraro concernant l'ampleur de l'utilisation de la marque de commerce BEATRICE PURFILTRE doit être interprétée à l'encontre de l'opposante. Je ne dispose d'aucune preuve concernant l'ampleur de l'utilisation de la marque de commerce BEATRICE PURFILTRE par l'opposante. Troisièmement, toute preuve ayant trait à l'utilisation de la marque de commerce BEATRICE PURFILTRE, s'il y en a, serait postérieure à la date pertinente. Pour en finir avec cette question, la marque de commerce de la requérante n'est pas NATREL PURFILTRTE, mais NATREL FINE FILTERED MILK et sa conception graphique connexe, qui ne créent pas de confusion avec BEATRICE PURFILTRE pour les mêmes motifs exposés ci-dessus, quand on compare la marque avec la marque de commerce LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante.

 

Même si les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE de l'opposante étaient connues dans une certaine mesure au Canada au moment de la présentation de la demande et même si les marchandises et les commerces des parties sont les mêmes, je conclus que la requérante s'est acquittée du fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il est peu probable qu'on confonde la marque et les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante, car il n'y a pas de ressemblance entre ces marques. Par conséquent, je rejette le deuxième motif d'opposition.

 

La différence entre les dates pertinentes des deuxième et troisième motifs d'opposition n'a pas d'impact significatif sur le résultat de mon analyse des circonstances de l'espèce, pour ce qui est de décider s'il y a un risque de confusion entre les marques. La période additionnelle (de la date de présentation de la demande à la date de ma décision) ne pourrait avoir d'incidence sur mon analyse des critères exposés aux alinéas 6(5) a) à e) de la Loi. Même si j’étais autorisé à tenir compte de la preuve concernant l'utilisation des marques de commerce PURFILTRE et BEATRICE PURFILTRE après juin 1998, en raison de l'ambiguïté signalée ci-dessus de la preuve présentée par l'opposante, je ne peux conclure qu'il existe une preuve claire de la l'utilisation par l'opposante de la marque de commerce BEATRICE PURFILTRE au Canada après juin 1998. La preuve additionnelle de l'utilisation de la marque de commerce PURFILTRE ne modifie pas ma conclusion que la marque ne crée pas de confusion avec cette marque de commerce. Pour ces raisons, je rejette également le troisième motif d'opposition.

 

Ayant déjà conclu que le premier motif d'opposition est valable, je dois décider si ce motif, tel que présenté, est fondé.

 

Aux termes de l’alinéa 30i) de la Loi, une requérante est tenue de déclarer qu'elle a droit   d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou les services décrits dans la demande. Une telle déclaration est incluse dans la présente demande. L'opposante fait valoir que la requérante et son prédécesseur en titre ont pris l'engagement, dans la licence conventionnelle et la sous-licence conventionnelle, de ne pas agir ou de ne pas faire en sorte qu'un autre agisse d'une manière qui puisse :

  compromettre ou nuire au caractère distinctif des marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante;

  ou compromettre ou nuire à l’achalandage associée aux marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante.

 

L'opposante avance que, en vertu de ces dispositions, la requérante ou son prédécesseur en titre n'est pas seulement tenu de ne pas enregistrer ou utiliser une marque de commerce pouvant créer de la confusion avec les marques de commerce de l'opposante. Toute activité qui aurait pour effet de diluer les marques de commerce de l'opposante ou qui nuirait de quelque manière que ce soit à l'aptitude de l'opposante à différencier ses marchandises commercialisées en liaison avec ses marques de commerce des marchandises de ses rivales, y compris la requérante et son prédécesseur en titre, serait interdite par les dispositions citées ci-dessus. La seule activité ayant un rapport avec la présente procédure est la tentative, de la part de la requérante, d'enregistrer la marque. L'opposante fait valoir que la requérante manquerait à ses obligations contractuelles, car la marque compromettrait le caractère distinctif de ses marques de commerce et l’achalandage qui y est associée.

 

J'ai déjà conclu qu'il est peu probable que la marque ne crée de la confusion avec les marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE de l'opposante. Toutefois, son enregistrement diluerait-il le caractère distinctif de ces marques? Dans la Loi, le caractère distinctif est défini comme suit :

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

En partant de cette définition, dans la décision Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 à la page 270, le juge Rouleau expose les trois conditions qu'il faut remplir pour conclure qu'une marque est distinctive :

On voit également que le caractère distinctif comporte trois conditions : 1) la marque doit être reliée à un produit (ou marchandise) ; 2) le « propriétaire » doit utiliser ce lien entre la marque et son produit, en plus de fabriquer et de vendre ce produit ; 3) ce lien permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui d’autres fabricants.

 

Je ne vois pas de quelle façon l'enregistrement de la marque pourrait soit nuire au lien entre les marques de commerce de l'opposante et ses produits laitiers, soit empêcher l'opposante d'utiliser ce lien entre ses marques de commerce et ses produits laitiers, soit faire en sorte que l'opposante ne soit plus en mesure de distinguer ses produits de ceux de ses rivales, y compris les produits de la requérante. La caractéristique distinctive de la marque de la requérante est NATREL et cette dernière a renoncé à l’usage exclusif des mots « fine-filtered milk ». L'opposante n'a présenté aucune preuve que la combinaison d'un ovale et d'un ruban soit une conception si unique que l'adoption de ces caractéristiques par la requérante aurait pour effet d'atténuer le caractère distinctif de sa marque LACTANTIA PURFILTRE et dessin. L'utilisation de la marque par la requérante n'aura aucune incidence sur le caractère distinctif de la marque PURFILTRE de l'opposante, car le mot « filtered » (filtré) est utilisé dans un sens descriptif.

 

L'opposante se fonde sur la déclaration incontestée de M. Ferraro dans son affidavit selon laquelle  la présente demande compromettra ou nuira au caractère distinctif des marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante. Cette déclaration est un avis juridique se rapportant à une question de droit que je dois trancher. Il n'y a pas de preuve attestant que M. Ferraro est un spécialiste du droit des marques de commerce et, par conséquent, je ne tiens pas compte d'une telle déclaration.

 

Enfin, le dossier ne renferme aucune preuve attestant que l'enregistrement de la marque aurait pour effet de compromettre ou de nuire à l’achalandage associée aux marques de commerce PURFILTRE et LACTANTIA PURFILTRE et dessin de l'opposante.

 

Pour tous les motifs exposés ci-dessus, je rejette le premier motif d'opposition.

 

III Conclusion

 

En vertu des pouvoirs que m'a délégués le registraire aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), CE 12E JOUR DE JUIN 2006.

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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