Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                        Référence : 2011 COMC 124

Date de la décision : 2011-07-20

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Formula One Licensing BV à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1200074 pour la marque de commerce F1EMPORIUM au nom de Formule 1 Emporium Inc.

 

 

 

Introduction

[1]               Le 19 décembre 2003, Formule 1 Emporium Inc. (la Requérante) produisait la demande d’enregistrement no 1200074 pour la marque de commerce F1EMPORIUM (la Marque) sur la base de son emploi au Canada depuis mars 2000. Cette marque se rapporte aux marchandises et services suivants :

Imprimés, nommément cartes d’affaires, sacs de plastique, papier à en-tête, brochures, dépliants, prospectus, autocollants, papier à écrire, enveloppes; publications, nommément périodiques en ligne, bulletins en ligne, répertoires en ligne (les Marchandises);

Fourniture de services de vente au détail de vêtements, accessoires et articles de course automobile de collection, exploitation d’une entreprise spécialisée dans la distribution d’articles de course de collection, nommément automobiles moulées sous pression, voitures moulées sous pression, camions moulés sous pression, chars d’assaut moulés sous pression, motocyclettes moulées sous pression, figurines, statuettes, casques de conducteur, casques de course, jouets rembourrés, pièces, autocollants, vidéos, DVD, images pour CD, estampes, photos, lithographies, peintures, dessins, épinglettes, porte-clés, chaines porte-clés, boutons de manchette, portefeuilles, sacs de voyage, sacs de sport, sacs à dos, sacs d’écolier, épingles, décalcomanies; sacs de plage, serviettes de plage, lunettes. Casquettes, chapeaux, visières cache-soleil, chemises de golf, t-shirts, maillots de rugby, vestes de pluie, pantalons de pluie, polos, chemises habillées, pulls d’entraînement, chandails, pantalons, chaussettes, jupes, shorts, vestes, gilet, vêtements d’enfant, vêtements d’équipe. Livres, affiches, magazines, programmes commémoratifs et livres ayant trait à la course automobile, stylos, crayons, papier à écrire, grosses tasses, verres, tasses et soucoupes, cartes postales, drapeaux;

services de publicité pour des tiers, nommément fourniture d’espace publicitaire dans des périodiques en ligne, des bulletins en ligne et des répertoires en ligne;

services de publicité pour des tiers dans le domaine de l’industrie automobile (les Services).

 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 1er décembre 2004 dans le Journal des marques de commerce. Le 3 février 2005, Formula One Licensing BV (l’Opposante) produisait une déclaration d’opposition; le registraire l’a transmise le 8 février de la même année à la Requérante. La déclaration a été modifiée le 14 avril 2009.

[3]               Le 8 mars 2005, la Requérante produisait une contre-déclaration niant en substance les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante.

[4]               L’Opposante a produit en guise de preuve l’affidavit de Patricia A. Heavey et la Requérante a produit celui de Michael Gardner, qui a été contre-interrogé. La transcription de ce contre-interrogatoire fait partie du dossier, tout comme les réponses aux engagements offertes à cette occasion.

[5]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées lors d’une audience.

Les motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante, tels qu’ils figurent dans sa déclaration d’opposition modifiée, peuvent être résumés ainsi :

1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), en ce que :

a) contrairement à la déclaration contenue dans la demande, la Requérante n’emploie pas la Marque au Canada depuis mars 2000 en liaison avec les marchandises et services énoncés dans la demande;

b) la Requérante ne peut et ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada compte tenu de l’emploi et/ou révélation antérieurs répandus et généralisés au Canada des marques de commerce mentionnées ci-après, par l’Opposante ou ses prédécesseurs, en rapport avec l’organisation, l’administration et la régie de courses automobiles, la fabrication et la vente de marchandises afférentes, les produits dérivés et la fourniture de services connexes;

2. La Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi car elle crée de la confusion avec la marque de commerce FIA FORMULA 1 WORLD CHAMPIONSHIP & Dessin, certificat d’enregistrement no LMC560060, se rapportant à des services de divertissement, nommément l’organisation et la promotion de courses automobiles;

3. La Requérante n’a pas le droit d’enregistrer la Marque suivant le paragraphe 16(1) de la Loi puisqu’à la date de premier emploi alléguée et revendiquée dans la demande, cette date n’étant pas admise mais contestée, et à toutes les dates pertinentes, la Marque créait et crée encore de la confusion avec les marques de commerce suivantes :

FORMULA ONE

FORMULA 1,

F1

F1 FORMULA 1 & Dessin

FIA FORMULA 1 WORLD CHAMPIONSHIP & Dessin

(ci-après, la famille de Marques F1)

qui avaient déjà été employées et/ou révélées au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en rapport avec l’organisation, l’administration et la régie de courses automobiles, la fabrication et la vente de marchandises afférentes, les produits dérivés et la fourniture de services connexes; par ailleurs l’Opposante n’avait pas abandonné les Marques de la famille F1 en date de l’annonce de la demande;

4. Suivant l’alinéa 38(1)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive car elle ne distingue pas véritablement les Marchandises et Services des marchandises, services ou activités commerciales d’autres entités, notamment ceux de l’Opposante, ni n’est-elle adaptée ou pas à même de le faire.

Les fardeaux de preuve dans les procédures d’opposition aux marques de commerce

[7]               Le fardeau d’établir que sa demande satisfait aux dispositions de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

Les dates pertinentes

[8]               La date pertinente pour l’analyse des motifs d’opposition varie selon le motif :

  Non-respect des exigences de l’article 30 de la Loi : date de la production de la demande (19 décembre 2003);

  enregistrabilité de la Marque suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi : date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la p. 424 (C.A.F.)];

  droit à l’enregistrement de la Marque, lorsque la demande est fondée sur son emploi : date du premier emploi revendiquée dans la demande (mars 2000) [voir paragraphe 16(1) de la Loi];

  caractère distinctif de la Marque : date de la production de la de la déclaration d’opposition (3 février 2005) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la p. 130, et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[9]               C’est à l’Opposante alléguant le non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi qu’incombe le fardeau de la preuve, mais celui-ci a été qualifié de peu exigeant. De plus, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve produite par la Requérante elle-même [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156]. Cependant, cette preuve doit soulever des doutes sérieux quant à l’exactitude des déclarations faites par la Requérante dans sa demande [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.).].

[10]           L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve susceptible d’appuyer l’allégation portant que la Requérante n’a pas utilisé la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Elle se fonde toutefois sur la preuve de la Requérante et le contenu du contre-interrogatoire de M. Gardner pour soutenir que la Marque n’a pas été utilisée depuis la date revendiquée de premier emploi en mars 2000, le 30 plus exactement. Pour l’examen de ce motif d’opposition, je résumerai la partie pertinente de la preuve sur laquelle l’Opposante s’est fondée.

[11]           Monsieur Gardner affirme qu’il est le propriétaire, gestionnaire et actionnaire de la Requérante. Il explique que la Requérante a été constituée en personne morale le 20 mars 2000 et qu’il a produit une copie du certificat de constitution. Il dit que le point de vente de détail de la Requérante situé sur la rue Crescent à Montréal était au cœur des festivités entourant un événement connu sous le nom de Grand Prix du Canada, qui a lieu tous les ans dans cette ville et sur lequel nous reviendrons plus longuement ci-après. Cet emplacement avait été stratégiquement choisi au début de l’année 2000 parce qu’il était le plus susceptible de permettre à la Requérante de réaliser son projet d’ouverture d’un magasin offrant aux amateurs de course automobile une large sélection de modèles moulés, de vêtements et d’autres objets de collection de marques liés à la course automobile (voir la page 71 de la transcription du contre-interrogatoire de M. Gardner (la transcription)).

[12]           Monsieur Gardner a confirmé durant son contre-interrogatoire que la Requérante a commencé à exploiter son magasin de la rue Crescent à Montréal le 1er avril 2000, et que sa première vente remontait à cette date (voir les pages 27 et 97 de la transcription). Il a également reconnu dans son contre-interrogatoire que la Requérante n’avait commencé à distribuer ses bulletins, répertoires et périodiques en ligne que durant l’été 2000 (voir les pages 29 et 95 de la transcription).

[13]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que [traduction] « […] même si le magasin a ouvert ses portes le 1er avril 2000, cela n’empêchait pas la Requérante d’utiliser sa marque de commerce avant cette date (durant le mois de mars 2000) en rapport avec des services, si elle employait ou montrait cette marque dans l’exécution ou l’annonce de ces services ». La Requérante ajoute que M. Gardner a indiqué durant son contre-interrogatoire qu’ils avaient bombardé de courriels tous les gens [traduction] « à qui nous pouvions penser et que nous connaissions ». La Requérante invite à déduire que cela n’a pu se produire qu’avant la date d’ouverture du 1er avril 2000. Par conséquent, la Marque aurait été utilisée au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, en liaison avec les Services, avant la date pertinente.

[14]           Enfin, la Requérante soutient que même si le magasin [traduction] « a officiellement ouvert ses portes le 1er avril 2000, cela ne veut pas dire qu’il n’était pas accessible au public avant cette date, et tel était le cas en l’occurrence ». Cependant, le dossier ne contient aucune preuve de cette affirmation.

[15]           L’Opposante allègue que rien ne confirme l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises en mars 2000, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, puisqu’aucun élément de preuve n’établit que la Marque était apposée sur les Marchandises ayant fait l’objet d’un transfert de propriété avant le 1er avril 2000. Quant aux Services, l’Opposante affirme que même en admettant que l’annonce les concernant ait eu lieu en mars 2000, ils devaient nécessairement être disponibles au Canada à ce moment-là pour constituer un emploi de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi.

[16]           Dans International Academy of Design And Technology, Toronto Ltd. c. TFC Group Canada Inc. (2007), 64 C.P.R. (4th) 187 (C.O.M.C.), ma collègue Jill W. Bradbury déclarait ce qui suit :

18. Selon le paragraphe 4(2) de la Loi, « [u]ne marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services. » Il sera donc satisfait aux exigences du paragraphe 4(2) si la marque en question est employée dans des publicités au Canada et si les services en question sont effectivement disponibles au Canada. Il n’est donc pas nécessaire que le propriétaire de la marque de commerce démontre que les services en question ont effectivement été fournis au Canada, mais il lui faut démontrer que ces services étaient à tout le moins disponibles. [Wenward (Canada) Ltd. c. Dynaturf Co. (1976), 28 C.P.R. (2d) 20 (Règlement sur les marques de commerce)]

19. Aucune preuve ne démontre en l’espèce que le 21 novembre 2001, la Requérante était à même d’assurer les services en question. Elle a plutôt fait valoir que [traduction] « dans ce secteur d’activité, afin de persuader les étudiants de s’inscrire aux classes et aux ateliers une fois ceux-ci commencés, il faut engager au préalable des efforts considérables afin de bâtir la réputation de l’établissement et de la faire valoir auprès du public. » Cela est peut-être vrai, mais il n’en reste pas moins qu’on ne saurait invoquer l’emploi d’une marque en liaison avec certains services si le propriétaire de la marque n’était pas à l’époque en mesure d’assurer lesdits services au Canada. Comme le démontrent les pièces jointes à l’affidavit de Mme Zuniga, le Toronto Film College de la Requérante a officiellement ouvert ses portes le 25 novembre 2004. Ajoutons qu’aucune des preuves présentées par Mme Zuniga n’est antérieure à l’année 2003 (à l’exception bien sûr de l’autorisation, qui remonte au 3 juillet 2002).

 

[17]           En appliquant le même principe à l’espèce, je conclus que l’Opposante s’est acquittée, en s’appuyant sur la preuve de la Requérante, du fardeau initial qui lui incombe d’établir que la Marque n’était pas employée en mars 2000, au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, en liaison avec la fourniture de services de détail se rapportant à des objets de collection de course automobile ou à leur distribution, tel que le décrit la demande. Quant aux services de publicité en ligne, M. Gardner a reconnu lors du contre-interrogatoire que ceux-ci n’étaient disponibles qu’après la fin septembre 2000 (page 204 de la transcription).

[18]           En ce qui a trait aux Marchandises, M. Gardner a admis durant son contre-interrogatoire que la Requérante n’a jamais vendu d’imprimés, tels que définis dans sa demande (voir les pages 93 et 94 de la transcription).

[19]           Enfin, pour ce qui est des publications, M. Gardner a déclaré durant le contre-interrogatoire que la Requérante n’en avait jamais vendu (voir la page 94 de la transcription). En fait, ces publications étaient gratuites. La Marque n’a donc pas pu être employée en mars 2000 en rapport avec les publications, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi [voir Fetherstonaugh & Co. c. Pharmasave Drugs Ltd. (2006), 56 C.P.R. (4th) 472 (C.O.M.C.)].

[20]           Par conséquent, je retiens la première partie du premier motif d’opposition eu égard à l’ensemble des Marchandises et Services.

Le droit à l’enregistrement de la Marque

[21]           Pour examiner un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi, il incombe initialement à l’Opposante de prouver qu’au moins l’une de ses familles de Marques F1 avait été utilisée ou révélée au Canada avant la date revendiquée de premier emploi de la Marque au Canada, à savoir mars 2000.

[22]           Patricia Heavey affirme qu’elle est la directrice responsable des marques de commerce pour Formula One Management Limited (FOM), l’une des entreprises dont l’Opposante est copropriétaire. Elle travaille pour FOM depuis juillet 2001. Ses responsabilités l’amènent à superviser la protection et l’exploitation des marques de commerce de l’Opposante, de même que les poursuites qui s’y rattachent. Elle prétend que l’Opposante est propriétaire des marques de commerce suivantes :

F1 (la marque F1)

 

FORMULA 1 (la marque FORMULA 1)

 

GRAND PRIX (la marque GRAND PRIX)

FIA FORMULA 1 WORLD CHAMPIONSHIP & DESIGN (le logo FIA)

 

FI FORMULA 1 & DESIGN(le logo F1 FORMULA 1)

Toutes ces marques de commerce seront collectivement désignées ci-après comme les marques de l’Opposante.

[23]           Elle a produit en pièce 2 une liste de renseignements particuliers se rapportant au certificat canadien d’enregistrement no LMC560060 de l’Opposante, ainsi que des demandes se rapportant à la marque FORMULA 1 et au logo F1 FORMULA 1.

[24]           D’autres entreprises dont l’Opposante est copropriétaire (le Groupe de l’Opposante) ont été autorisées pendant de nombreuses années à employer ses marques, en rapport avec des événements de course automobile et des marchandises et services liés à ce sport, et ce, avant la date du dépôt effectué par la Requérante et celle qu’elle a revendiquée pour le premier emploi de la Marque. La déposante soutient par exemple que l’Opposante utilise au Canada son logo FIA protégé par une marque de commerce (certificat d’enregistrement no LMC560060) depuis aussi tôt que 1985.

[25]           Elle explique que la Fédération internationale de l’automobile (FIA) réglemente une série internationale de courses automobiles connue sous le nom de Championnat. Le Groupe de l’Opposante organise la série de courses du Championnat depuis 1980 sous les marques FORMULA 1, F1 et GRAND PRIX, en vertu de droits octroyés par la FIA. Le Championnat a eu lieu tous les ans au Canada depuis 1967, à l’exception de 1978 et 1987. La course canadienne, connue sous le nom de GRAND PRIX DU CANADA, se déroule sur la piste Notre-Dame à Montréal (rebaptisée Circuit Gilles-Villeneuve en 1982). En 2005, plus de 330 000 personnes ont assisté au GRAND PRIX DU CANADA.

[26]           Elle allègue que le Championnat est la série de courses automobiles la plus prestigieuse du monde et qu’on y voit les équipements et les automobiles les plus sophistiqués. Ces équipements de pointe ne sont pas bon marché : en 2002, les coûts d’exploitation annuels normaux pour une écurie du GRAND PRIX se chiffraient entre 40 et 400 millions de dollars. Il en allait de même les années précédentes.

[27]           Elle explique qu’à chaque course du Championnat depuis les vingt dernières années, le Groupe de l’Opposante nomme un promoteur chargé de s’assurer que le circuit, les installations et l’infrastructure sont prêts et conformes aux normes et directives du Groupe de l’Opposante et à la réglementation de la FIA. À chaque course, le promoteur doit respecter les directives et critères énoncés par le Groupe de l’Opposante concernant le nom de l’événement, où figurent les marques de l’Opposante. Le nom de l’événement et les marques de l’Opposante sont inscrits sur le programme de course, les billets, les publications et le podium, comme le montrent les pièces 14, 15 et 30 de l’affidavit de Mme Heavey.

[28]           Le promoteur doit également promouvoir la course et en faire la publicité. Il emploie pour ce faire les marques de l’Opposante, en vertu d’une licence octroyée par son groupe. Le Groupe de l’Opposante impose à chaque promoteur des directives et des instructions concernant le dessin pour assurer l’emploi cohérent des marques de l’Opposante et maximiser leur visibilité durant les courses. Madame Heavey a produit un exemple de ces directives en pièce 8 de son affidavit. Le promoteur est tenu d’ériger un certain nombre de structures autour du circuit, sur lesquelles sont apposées les marques de l’Opposante, comme le podium du gagnant et les studios de télévision où se déroulent les entrevues après la course.

[29]           Elle affirme que seuls les commanditaires officiels de chaque course du Championnat peuvent afficher leurs logos en liaison avec le Championnat, pour mieux mettre en valeur les marques de l’Opposante et faire en sorte que le public réalise qu’elles sont à l’origine des courses.

[30]           Avant d’utiliser les marques de l’Opposante sur le moindre matériel promotionnel comme les prospectus, les billets, les publicités imprimées, télévisées ou destinées aux sites Web, les promoteurs doivent recevoir l’approbation écrite du Groupe de l’Opposante. Des échantillons de chaque article lui sont envoyés aux fins de contrôle de la qualité et pour assurer le bon emploi de ses marques. Elle a produit en pièce 10 de son affidavit des exemples divers d’iconographies produites par le promoteur entre 1996 et 2003 en rapport avec l’événement connu sous le nom de GRAND PRIX DU CANADA qui se déroule à Montréal.

[31]           Elle précise que les marques de l’Opposante sont également bien mises en évidence sur l’ambulance et la voiture de sécurité lors de chaque course, et ce, depuis aussi tôt que 1997. En outre, depuis 1998, le Groupe de l’Opposante a octroyé à chacune des écuries en lice dans le Championnat des licences les autorisant à employer les marques FORMULA 1, FORMULA ONE ou F1 dans le nom officiel de leur écurie (p. ex., ÉCURIE LUCKY STRIKE BAR HONDA FORMULA 1). Les écuries ayant choisi d’inclure certaines des marques de l’Opposante dans leur nom peuvent aussi les arborer sur leurs uniformes, sur l’équipement de transport, sur les caravanes automobiles ou encore sur les panneaux d’affichage dans les puits de ravitaillement. 

[32]           De plus, le Groupe de l’Opposante accorde des licences relativement à de nombreux biens et services destinés à être vendus ou proposés à l’occasion de chaque course, en liaison avec les marques de l’Opposante, notamment pour les programmes de course, des jeux informatiques, des téléphones portables, des vêtements et des services de billetterie.

[33]           Madame Heavey affirme aussi que le Groupe de l’Opposante est un fournisseur de services de diffusion en liaison avec les marques de l’Opposante. Le Groupe de l’Opposante est le producteur d’un « signal de diffusion internationale » permettant la retransmission des courses partout dans le monde et qui sert encore de vitrine aux marques de l’Opposante.

[34]           Elle indique que pour que le Groupe de l’Opposante soit clairement reconnu comme la source de diffusion de ces courses, la retransmission du signal ne doit comporter ni sous-titres, ni chansons, ni mots ni logos ni autre matériel graphique non autorisé. Près de cent diffuseurs autorisés ont obtenu du Groupe de l’Opposante le droit de relayer le signal de diffusion internationale. Chaque diffuseur doit téléviser l’événement jusqu’à dix minutes au moins après la fin de la course pour montrer les marques de l’Opposante durant la cérémonie du podium, et dans certains cas, durant les conférences de presse consécutives à la course.

[35]           Les courses du Championnat sont télévisées chaque année depuis aussi tôt que 1987, dans 170 pays n’importe où le monde, et notamment au Canada. En 2000, année durant laquelle la Requérante allègue avoir commencé à employer la Marque, le nombre de téléspectateurs pour les courses du Championnat s’élevait à plus de 11 millions de personnes au Canada. Dans le monde, ce chiffre dépassait les 5,95 milliards de téléspectateurs

[36]           En 2003, année où la Requérante a produit sa demande d’enregistrement pour la Marque, le nombre de téléspectateurs des courses du Championnat au Canada s’élevait à plus de 7,5 millions de personnes; dans le monde, ce chiffre dépassait les 2,6 milliards de téléspectateurs.

[37]           En plus de la couverture des réseaux de télévision, la cérémonie du podium qui suit chaque course suscite un intérêt médiatique considérable et offre une importante visibilité aux marques de l’Opposante. La pièce 15 de son affidavit contient des photographies de cérémonies de podium ayant eu lieu après les courses du GRAND PRIX canadien de 1997 à 2005 : on y voit de quelle manière les marques de l’Opposante étaient affichées.

[38]           Le Groupe de l’Opposante produit ses propres marchandises et fournit ses propres services en liaison avec les marques de l’Opposante. Il a également octroyé un grand nombre de licences pour l’emploi des marques F1, FORMULA 1, FORMULA ONE et GRAND PRIX. Les catégories de biens et services vendus en liaison avec les marques de l’Opposante (que ce soit par son Groupe ou par ses licenciés) incluent :

Jeux informatisés [pièces 20 et 21];

Vidéos depuis 1992 [pièce 22];

Photographies [pièce 23];

Publications électroniques [pièce 24];

Services d’information dans les domaines commercial et sportif, sites Web de commerce de détail en ligne avec minutage en direct [pièces 25 à 27];

Publications imprimées, nommément des magazines, le livre de la saison annuelle et les programmes de course [pièces 28 à 30]; la pièce 30 est constituée de couvertures de programmes de courses ayant eu lieu au Canada entre 1990 et 2002 sur lesquelles figurent les marques de l’Opposante;

Marchandises telles que des vêtements, notamment des vêtements de sport, des chaussures, des bonnets, des vêtements pour dormir, des sous-vêtements, des survêtements et des accessoires vestimentaires, des jouets, des sacs, des bijoux, des articles de papeterie, des accessoires de fête, des cartes de souhaits, du mobilier d’intérieur, des produits d’hygiène et de beauté, des lunettes, des chaînes porte-clés, des jumelles, des caméras, des médailles, des épingles, des montres, des stylos, des tasses, des parapluies, des serviettes, des drapeaux et articles pour fumeur sous licence de Specialized Licensing Services SA (SLS) [pièces 31 à 40].

[39]           Madame Heavey a produit le contrat de licence passé avec SLS. Cette entreprise a désigné une série de sous-titulaires de licence dans un grand nombre de pays, notamment au Canada. Un aperçu de ces sous-licences figure en pièce 33. Les catalogues de sous-titulaires de licence de SLS pour la période 1995-1998, représentant les marchandises décrites plus haut sur lesquelles sont apposées les marques de l’Opposante, ont été produites en pièce 35. Madame Heavey a également produit la marchandise des écuries pour illustrer la manière dont elles emploient les marques F1, FORMULA 1, FORMULA ONE [voir pièce 41].

[40]           Elle a aussi produit en pièce 37 un document préparé en 1998 qu’elle croit être un rapport des chiffres de vente de vêtements, de pièces de collection et de serviettes de plage au Canada.

[41]           Le Groupe de l’Opposante permet également à ceux qui le souhaitent de s’associer au Championnat en achetant des commandites : cela concerne notamment le titre officiel de commanditaire pour chaque course, les publicités autour de la piste, les programmes globaux de partenariat, les commanditaires et fournisseurs d’écuries, les publicités télévisées (pendant la diffusion des courses) et imprimées (à paraître dans les magazines et programmes).

[42]           Toutes les utilisations possibles des marques de l’Opposante par les commanditaires sont soigneusement définies dans le contrat de licence; chaque étape de production de la marchandise ou du matériel est minutieusement contrôlée et soumise à l’approbation du Groupe de l’Opposante [voir les pièces 15, 42 à 46 et 49 à 53].

[43]           Le site Web du Groupe de l’Opposante www.formula1.com a attiré plus de 5 000 000 d’utilisateurs uniques pendant la saison 2003 et accumulé 90 000 000 de visites. Ces chiffres sont passés à 9 000 000 d’utilisateurs uniques et à 140 000 000 de visites en 2004. Malheureusement, dit-elle, les données par pays ne sont pas disponibles [voir la pièce 26].

[44]           Elle affirme que le Groupe de l’Opposante autorise également l’emploi de la marque F1 sur le site Web des écuries si elles se souhaitent [voir la pièce 27].

[45]           Compte tenu de cette preuve exhaustive, je conclus sans hésiter que les marques de l’Opposante F1, le logo F1 FORMULA 1, FORMULA 1 et le logo FIA sont bien connus, sinon célèbres, au Canada. En fait, M. Gardner a reconnu durant son contre-interrogatoire que les courses FORMULA ONE sont parmi les plus prestigieuses au monde [voir la page 16 de la transcription].

[46]           De plus, la preuve évoquée plus haut montre que l’Opposante n’avait pas renoncé à employer les marques de l’Opposante à la date de l’annonce de la présente demande (1er décembre 2004) [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. À ce titre, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[47]           Par conséquent, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et Services n’est pas susceptible de créer de la confusion avec les marques de l’Opposante. Le test qui servira à trancher cette question est énoncée au paragraphe 6(2) de la Loi. Il me faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles qui sont énoncées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[48]           Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n’est pas nécessaire de leur accorder un poids égal. Dans le récent arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27, la Cour suprême du Canada a bien indiqué que le facteur le plus important parmi ceux qui sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est le degré de ressemblance entre les marques. La Cour suprême a également souligné que chacune des marques de l’Opposante devait être comparée à celles de la Requérante. Comme la marque F1 est celle qui ressemble le plus à la Marque, je m’emploierai à les comparer dans l’analyse détaillée qui suit. Si l’Opposante n’a pas gain de cause eu égard à ce motif d’opposition avec sa marque F1, elle n’obtiendra aucun résultat favorable avec ses autres marques.

[49]           La Requérante fait valoir que le terme F1 est très répandu et qu’il est devenu générique. Elle a repris cet argument dans ses plaidoyers, dans sa preuve, durant le contre-interrogatoire de M. Gardner et dans ses observations écrites. Cette conclusion doit toutefois découler de faits avérés. Pour étayer cette affirmation, la Requérante se réfère à la preuve de l’état du registre et à une décision rendue au Royaume-Uni.

[50]           Premièrement, en ce qui concerne la preuve de l’état du registre, M. Gardner a joint à son affidavit cinq enregistrements où figure le terme F1. L’Opposante fait valoir que deux de ces enregistrements ont été effectués par des licenciés à elle. Cependant, le dossier n’en contient aucune preuve.

[51]           La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des inférences sur l’état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. Celles-ci ne sont fondées que si la preuve de l’état du registre fait état d’un grand nombre d’enregistrements pertinents [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. Je dois donc identifier les références pertinentes et établir ensuite si le nombre d’entrées permet de conclure que les consommateurs sont habitués à associer le terme F1 à des marques de commerce de marchandises pertinentes qu’ils sont en mesure de distinguer entre elles. Cinq références pertinentes ne suffisent pas à tirer une telle inférence.

[52]           Quant à la décision étrangère, elle n’a pas été produite au dossier, même si la Requérante l’a citée dans son plaidoyer écrit. Le droit étranger et les décisions rendues dans d’autres pays sont considérés comme des faits devant être prouvés. En l’absence de telles preuves, il est difficile d’accorder le moindre poids à une décision rendue dans un autre pays.

[53]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante mentionne d’autres demandes visant des marques de commerce dont l’Opposante est censée être propriétaire. Ces demandes produites au dossier. Elles n’ont aucune pertinence dans cette procédure d’opposition.

[54]           Même si la marque F1 n’est pas en soi une marque forte, la preuve de l’Opposante établit qu’elle a acquis un caractère suffisamment distinctif pour devenir une marque de commerce célèbre.

[55]           La Marque comprend le mot « EMPORIUM » ce qui signifie [traduction] « un magasin de détail spécialisé », d’après The Canadian Oxford Dictionary. Par conséquent, ce terme n’ajoute pas grand-chose au caractère distinctif de la Marque.

[56]           Comme la date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de premier emploi revendiquée, je n’ai pas à tenir compte de la preuve concernant l’emploi de la Marque par la Requérante pour déterminer dans quelle mesure elle était connue au Canada à partir de cette date.

[57]           Je conclus que le premier facteur énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi est favorable à l’Opposante, tout comme le deuxième facteur pertinent, à savoir la période pendant laquelle les marques ont été utilisées. La preuve relative à l’emploi de la marque F1 de l’Opposante au Canada remonte aussi loin que 1990 [voir la pièce 30 jointe à l’affidavit de Mme Heavey – couvertures des programmes de courses qui se sont déroulées au Canada entre 1990 et 2002]. Madame Heavey déclare dans son affidavit que la marque F1 est utilisée depuis 1980, mais son emploi au Canada entre 1980 et 1989 n’est attesté par aucune preuve dans le dossier.

[58]           Quant à la nature des marchandises et services respectifs des parties, il y a assurément un chevauchement. D’après la preuve de l’Opposante, la marque de commerce apparaît sur des imprimés et publications (programmes de course). En ce qui concerne les services, l’Opposante vend, par le biais de programmes complets de licence, des catégories de marchandises offertes dans le magasin de détail de la Requérante. En fait, M. Gardner a reconnu durant son contre-interrogatoire que la Requérante vendait les produits autorisés de l’Opposante, notamment des vêtements et des vidéos [voir les pages 58 et suivantes de la transcription]. Monsieur Gardner a également précisé que la marque FORMULE 1 apparaît sur le sac de la Requérante pour souligner le fait que certaines des marchandises destinées à la vente et vendues dans son magasin de détail étaient en fait des produits d’écuries de Formule 1 dûment licenciés, comme le chandail de l’écurie Renault F1 par exemple [voir la pièce 1 jointe au contre-interrogatoire de M. Gardner].

[59]           Dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. [2006] 1 R.C.S. 772, le juge Binnie a déclaré ce qui suit au sujet des marques de commerce célèbres :

62      Dans Pink Panther, les juges majoritaires de la Cour d’appel fédérale ont fait droit à l’enregistrement de la marque de commerce « Pink Panther » en liaison avec une gamme de produits de beauté et de soins capillaires malgré l’opposition du titulaire d’une marque de commerce existante, qui avait produit une série de films à grand succès du même nom mettant en vedette Peter Sellers dans le rôle de l’inspecteur Clouseau. Le juge McDonald, dissident, a fait valoir que « c’est précisément en raison de la notoriété et du renom associés au nom “Pink Panther” que l’appelante l’a choisi pour son entreprise » (par. 58). Son objection a toutefois été écartée par les juges majoritaires, lesquels ont fait remarquer ceci, au par. 50 :

… il ne s’agit pas de savoir à quel point la marque est célèbre, mais de déterminer s’il existe un risque de confusion, dans l’esprit du consommateur moyen entre la marque de United Artists et la marque que l’appelante projette d’employer en liaison avec des biens et services déterminés. Il faut répondre à cette question par la négative. Il n’existe pas de probabilité de confusion quant à la source des produits. Le facteur décisif en l’espèce est l’énorme différence qui sépare le genre de marchandises et la nature du commerce. Ce n’est pas un fossé, c’est un abîme.

63.     Après avoir cité un nombre d’affaires dans lesquelles la marque de commerce célèbre l’avait emporté, le juge Linden a poursuivi :

… chaque que fois, on a conclu à l’existence d’un lien ou d’une similarité entre les produits ou les services. Faute d’établir un tel lien, il est très difficile de justifier toute extension des droits de propriété aux domaines du commerce qui ne touchent que de loin le titulaire de la marque de commerce. Si tel devait être le cas, ce ne sera que dans des circonstances exceptionnelles. [par. 46]

Je conviens avec l’appelante que, « [s]i tel devait être le cas », le critère des « circonstances exceptionnelles » place la barre trop haut et peut être vu comme une tentative d’imposer une certaine rigidité alors qu’il n’en existe pas. Dans le cas où l’emploi de la nouvelle marque aurait pour effet de créer de la confusion sur le marché, son enregistrement devrait être refusé, « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » (par. 6(2)). Ce qu’il importe de dire au sujet des marques célèbres, c’est que la notoriété de la marque peut passer d’une gamme de produits à une autre alors qu’une marque moins connue serait limitée à ses marchandises ou services traditionnels. Le critère qu’il convient d’appliquer est celui exposé précédemment par le juge Linden, au par. 33 :

C’est l’ensemble des circonstances qui déterminera le poids à accorder à chacun de ces éléments.

 

[60]           Quant à la nature du commerce, attendu qu’il y a chevauchement entre certains des services et marchandises proposés par les parties, et que certaines des marchandises vendues dans le magasin de détail de la Requérante sont effectivement des produits licenciés par l’Opposante, je conclus que ce facteur est également favorable à cette dernière.

[61]           La marque F1 de l’Opposante et celle de la Requérante F1 EMPORIUM se ressemblent. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, le terme EMPORIUM est descriptif. Le premier élément d’une marque de commerce est souvent celui qui sert le plus à établir son caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109(C.O.M.C.)]. En l’espèce, le premier élément est le terme distinctif F1. Qui plus est, la Requérante a intégré la marque de commerce entière de l’Opposante dans la Marque.

[62]           L’Opposante ajoute que le dessin de la Marque ressemble beaucoup au logo de la marque F1 FORMULA 1 de l’Opposante, que je reproduis par souci de commodité :

FI FORMULA 1 & DESIGN

La Requérante utilise la partie médiane du dessin ci-après reproduit :

Veuillez noter que le terme EMPORIUM apparaît immédiatement en-dessous de la voiture de course bien qu’il ne soit pas reproduit [voir la pièce G jointe à l’affidavit de M. Gardner].

L’Opposante a attiré mon attention sur le fait que la lettre F et le nombre 1 dans le dessin employé par la Requérante s’entremêlent de la même façon que dans le logo F1 FORMULA 1. De plus, le mot FORMULE suivi du nombre 1 apparaît sur le dessin de la Requérante.

[63]           La Marque est une marque nominale, la Requérante est donc libre de l’employer avec un dessin pour autant que cela constitue un emploi de la Marque. Je n’ai pas à décider, aux fins de la présente décision, si le dessin reproduit ci-dessus constitue un emploi de la Marque. Cependant, il est clair que la Requérante s’efforce de donner l’impression que l’Opposante est associée à son magasin de détail.

[64]           Comme je l’ai souligné durant l’audience, cette procédure ne vise pas à empêcher la Requérante de vendre des produits légitimes fabriqués ou licenciés par l’Opposante, mais d’exploiter un magasin de détail où ces produits sont offerts à la vente, en liaison avec une marque de commerce qui crée de la confusion avec celles de l’Opposante, notamment la marque F1.

[65]           La Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créerait vraisemblablement aucune confusion, à la date pertinente, avec la marque F1 de l’Opposante lorsqu’employée en rapport avec les Marchandises et Services. Par conséquent, je retiens le troisième motif d’opposition.

Les autres motifs d’opposition

[66]           Comme j’ai déjà statué en faveur de l’Opposante pour deux motifs d’opposition distincts, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur le deuxième volet du premier motif d’opposition ou sur le dernier motif d’opposition.

Décision

[67]           Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque de la Requérante, conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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