Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Coastal Culture Inc. à la demande no 1,144,955 produite par Wood Wheeler Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce DIRT SHIRT

                                                                                                                 

 

Le 27 juin 2002, Wood Wheeler Inc. (la requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce DIRT SHIRT (la marque). La demande est fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis le 20 mai 1997 en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

Marchandises : Vêtements, nommément tee-shirts, polos de golf, chemises de nuit, shorts, vêtements de soleil, pulls d’entraînement, chaussettes; linge de maison, nommément serviettes de golf, serviettes de plage, tabliers, désincrustants, bavettes de bébés; accessoires à cheveux, nommément chouchous et chapeaux, grosses tasses, cartes postales, affiches, stylos, visières; et sacs, nommément fourre-tout.

 

Services : Fabrication à façon et vente de vêtements, nommément tee-shirts, polos de golf, chemises de nuit, shorts, vêtements de soleil, pulls d’entraînement, chaussettes; linge de maison, nommément serviettes de golf, serviettes de plage, tabliers, désincrustants, bavettes de bébés; accessoires à cheveux, nommément chouchous et chapeaux, grosses tasses, cartes postales, affiches, stylos, visières; et sacs, nommément fourre-tout.

 

La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot SHIRT séparément de la marque.

 

La demande a été publiée à des fins d’opposition dans le numéro du 13 août 2003 du Journal des marques de commerce. À cette date, Coastal Culture Inc. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition.

 

Comme premier motif d’opposition, l’opposante allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi). Elle fait valoir comme deuxième motif d’opposition :

 

[traduction] « La présente demande contrevient aux dispositions des alinéas  12(1)b) et c) de la Loi. Quand la marque DIRT SHIRT est employée sous forme graphique, écrite ou sonore relativement aux vêtements énumérés dans la demande visée par l’opposition,elle donne une description claire, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises à l'égard desquelles on projette de l'employer, des conditions de leur production ou du lieu d'origine de ces marchandises.

 

      L’opposante fait valoir que DIRT SHIRT est un concept répandu dans l’industrie nord-américaine des tee-shirts souvenirs. Le nom DIRT SHIRT décrit simplement des marchandises d’un type particulier, indiquant leur dessin, couleur, motif, méthode de fabrication, allure générale, style, composantes, qualité et lieu d’origine. La marque DIRT SHIRT fait référence à la couleur de la terre/du sol de l’Île-du-Prince-Édouard. L’opposante affirme que la requérante n’a pas le droit d’adopter et d’employer ce mot pour son usage exclusif puisqu’il constitue un simple terme descriptif.

 

L’opposante fait également valoir que la requérante n’a pas démontré un achalandage ou une réputation relativement à la marque DIRT SHIRT et qu’elle n’a pas employé au Canada la marque en titre DIRT SHIRT de façon à ce qu’elle devienne distinctive à la date de production de la demande d’enregistrement. En 1997, la requérante a enregistré RED DIRT SHIRT à titre de nom commercial, mais n’a pas exercé ses activités sous ce nom ni employé ce nom en liaison avec ses marchandises et/ou services. La requérante a uniquement employé la marque P.E.I. DIRT SHIRT en liaison avec ses marchandises et services; l’opposante fait valoir que cet emploi ne peut être assimilé à un emploi de la marque DIRT SHIRT et que, pour cette raison, l’emploi ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 12(2) de la Loi. »

 

Le troisième motif d’opposition porte que la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque suivant le paragraphe 16(3) de la Loi puisque, à la date de la demande, la marque créait de la confusion avec la marque RED DIRT SHIRT de l’opposante employée en liaison avec des tee-shirts souvenirs. Le dernier motif d’opposition est que la marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

 

La requérante a présenté une contre-déclaration niant les motifs d’opposition et contenant de nombreuses allégations, la majorité étant soit des arguments, soit des observations liées à des éléments de preuve. Toutefois, les renseignements relatifs à la preuve ne peuvent être retenus comme éléments de preuve présentés selon la forme prescrite par le Règlement sur les marques de commerce (1996). Je tiens à souligner que la requérante allègue que la déclaration d’opposition n’est pas suffisamment détaillée pour lui permettre de répondre à l’allégation selon laquelle DIRT SHIRT est un concept répandu dans l’industrie nord-américaine des articles de souvenirs. La requérante affirme par ailleurs qu’elle avait présumé que l’opposante voulait se reporter au paragraphe 16(1) de la Loi et non pas au paragraphe 16(3) à l’appui du troisième motif d’opposition.

 

La preuve soumise par l’opposante est constituée de l’affidavit de M. Chris Cudmore, souscrit le 20 novembre 2003, et la preuve soumise par la requérante est constituée de l’affidavit de M. Michael Wheeler, souscrit le 16 décembre 2003. Les deux parties ont présenté des observations écrites, mais aucune n’a demandé la tenue d’une audience.

 

Preuve de l’opposante

 

M. Cudmore, le chef d’entreprise de l’opposante, affirme que celle-ci exploite une entreprise de vente et de distribution de vêtements saisonniers dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.‑P.‑É.). Ses produits sont vendus dans quatre points de vente au détail répartis sur l’Î.‑P.‑É. La majeure partie de la clientèle de l’opposante est constituée de touristes visitant l’Î.-P.-É. et, compte tenu de ce fait, son entreprise est principalement fondée sur l’industrie des vêtements souvenirs de l’Î.-P.-É. L’opposante distribue une grande variété d’articles de vêtements souvenirs, notamment des tee-shirts, polos de golf, chemises de nuit, pulls d’entraînement, shorts, robes de soleil, chapeaux, linges de maison et serviettes de plage.

 

M. Cudmore, qui indique être dans le secteur de la vente au détail de vêtement et de la vente d’articles souvenirs de l’Î.‑P.‑É. depuis vingt ans, explique comme suit le concept du « Dirt Shirt », un tee-shirt teint selon un processus spécial :

 

[traduction]

11.          En me fondant sur mon expérience dans le secteur des tee-shirts souvenirs, j’estime que le concept du tee-shirt teint selon un processus spécial appelé « Dirt Shirt » est répandu dans l’industrie, car il décrit un type de tee-shirt, indiquant le dessin, la couleur, le motif, la méthode de fabrication, l’allure générale, le style, les composantes, la qualité et le lieu d’origine. Il fait souvent référence à la couleur de la terre/du sol du lieu géographique particulier où se vend le tee-shirt.

 

12.          Je suis également d’avis que les termes « Dirt Shirt » décrivent divers types de tee-shirts offerts sur le marché nord-américain.

 

En l’absence de contre-interrogatoire, les affirmations de M. Cudmore contenues aux paragraphes 11 et 12 de son affidavit demeurent incontestées. J’estime néanmoins que ces affirmations, à elles seules, sont loin de démontrer que les termes « dirt shirt » sont largement employés au Canada par d’autres personnes pour décrire la couleur de la terre/du sol du lieu géographique où les tee-shirts sont offerts en vente.

 

M. Cudmore a indiqué que, il y a plusieurs années, on lui avait parlé d’un produit appelé « Dirt Shirt » qui était vendu par Paradise Sportswear, une entreprise située à Kalaheo dans l’État d’Hawaii (États-Unis). Selon lui, cette entreprise fabrique une gamme de produits appelée « Dirt Shirt » qui sont des tee-shirts commercialisés comme des vêtements dont la teinture entièrement naturelle est fabriquée, à 100 %, de terre rouge hawaiienne. Le dessin récurent figurant sur les tee‑shirts, qui sont tous de couleur orangée, indique les termes « Red Dirt ». M. Cudmore a fourni une copie de la brochure de Paradise Sportswear (pièce 1), mais nous ne savons pas quand la brochure a été publiée ni si une preuve admissible démontre sa diffusion au Canada. De plus, il a affirmé que les produits de Paradise Sportswear, offerts en vente à travers l’Amérique du nord, peuvent être commandés en ligne sur le site Web de la compagnie (pièce 2). M. Cudmore a également indiqué que Planet Earth Trading Company, située au Texas, fabrique et distribue différents modèles de « Dirt Shirts » qui peuvent être commandés en ligne sur le site de la compagnie (pièce 3). Il a ajouté que, quelque temps après avoir pris connaissance des produits de Paradise Sportswear, il avait appris l’existence d’une ligne de produits de la compagnie Crazy Shirts qui fabrique des tee-shirts teints selon un processus spécial. On retrouve, parmi ces tee-shirts, un « Coffee Shirt », un « Chocolate Shirt » et un « Beer Shirt » qui sont de même nature et ont un dessin similaire au « Dirt Shirt » et qui sont offerts en Amérique du Nord par le biais du site Web de la compagnie (pièce 4). Selon les dates indiquées dans le coin inférieur droit des copies des pages de ces sites Web, ces pages ont été imprimées soit le 20 novembre 2003 (pièces 2 et 3) ou le 22 juillet 2002 (pièce 4). Bien que les pièces 2 et 4 puissent démontrer l’existence de ces sites sur le World Wide Web à ces dates respectives, elles n’appuient pas les allégations qui y sont liées. Par ailleurs, ces sites Web appartiennent manifestement à des entreprises faisant affaire à l’extérieur du Canada. L’opposante n’a pas présenté de preuve directe à l’appui de l’allégation de M. Cudmore concernant la disponibilité en ligne des produits ni d’éléments de preuve démontrant dans quelle mesure les Canadiens ont accès à ces sites Web. Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’aucun poids important ne peut être accordé aux pièces 1 à 4.

 

M. Cudmore a déclaré qu’[traduction] « il y a de cela plusieurs années », la prédécesseure de l’opposante, 100340 P.E.I. Inc., offrait en vente sur l’Î.‑P.‑É. une gamme de produits constituée de tee-shirts de couleur orangée appelée « P.E.I. Red Mud Shirts » et que, sur ces tee-shirts semblables aux « Dirt Shirt », il était écrit le nom « Authentic P.E.I. Red Mud » sous lequel il y avait un dessin de la forme de l’Î.‑P.‑É.  accompagné des mots [traduction] « teint avec de la vraie boue de l’Î.‑P.‑É. ». M. Cudmore a joint, à titre de pièce 5, une [traduction] « copie du dessin apposé sur ces tee-shirts », pièce constituée d’une photocopie d’une carte d’affaire qui montre le dessin. Il soutient également que les « P.E.I. Red Mud Shirt », les « Island Clay Company Shirt » et les « P.E.I. Earth Shirt » sont d’autres tee-shirts souvenirs concurrents que l’on retrouve sur l’Î.‑P.‑É. Je suis manifestement disposée à admettre que les parties à la présente procédure ne sont pas les seuls fabricants de tee-shirts souvenirs à l’Î.‑P.‑É. Cependant, les allégations de M. Cudmore ne démontrent pas que la prédécesseure de l’opposante avait employé les termes « dirt shirt » pour décrire un type de tee‑shirt ni que les termes « dirt shirt » sont employés pour décrire les tee-shirts souvenirs « P.E.I. Red Mud Shirt », « Island Clay Company Shirt » et « P.E.I. Earth Shirt ». J’ajouterais que ces allégations ne constituent pas, en soi, la preuve de l’emploi des noms allégués comme marque de commerce ou employés d’une quelconque autre façon en liaison avec des tee-shirts.

 

M. Cudmore a affirmé, concernant la création des « Red Dirt Shirts » de l’opposante, que les discussions relatives à la production de tee-shirts 100% coton, teints de couleur orangée, avaient commencé en septembre 2001; un échantillon de tee-shirt avait été reçu entre la fin d’avril et le début de mai 2002 et, à la fin du mois de mai 2002, l’opposante avait approuvé trois dessins du nom « Red Dirt Shirt » devant être apposés sur les tee-shirts, et la production avait débuté peu après. Ces trois dessins de « Red Dirt Shirt » ont été mis en vente dans les quatre points de vente au détail de l’opposante sur l’Î.‑P.‑É. dès le 20 juin 2002. Je souligne à nouveau que les allégations de M. Cudmore ne démontrent pas l’emploi de la marque RED DIRT SHIRT par l’opposante en liaison avec des tee‑shirts, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. De toute manière, même si j’acceptais sans réserve le témoignage de M. Cudmore parce qu’il n’a pas été contre-interrogé, je devrais conclure que la date la plus ancienne à laquelle l’opposante aurait employé la marque RED DIRT SHIRT en liaison avec des vêtements, au sens du paragraphe 4(1), serait le 20 juin 2002.

 

M. Cudmore a allégué que la marque de commerce [traduction] « employée par la requérante pour identifier ses marchandises est en fait “P.E.I. Dirt Shirt” plutôt que “Dirt Shirt” », appuyant sa prétention sur une lettre de mise en demeure envoyée par le cabinet d’avocats Barry Spalding Richard, représentant M. Michael Wheeler, en date du 25 juin 2002, dont il a fourni une copie à titre de pièce 6. Il a souligné qu’il est prétendu, dans la lettre, que M. Michael Wheeler est le fabricant d’origine et le propriétaire des appellations « P.E.I. Dirt Shirt » et « Red Dirt Shirt », qui sont toutes deux protégées par des marques de commerce, et que leur usage par l’opposante viole ces droits. Bien que la pièce 6 puisse servir à démontrer que l’opposante a reçu une lettre de mise en demeure d’un cabinet d’avocats agissant pour le compte de M. Wheeler, elle ne peut servir à démontrer la véracité des allégations qui y sont contenues. De plus, M. Cudmore, qui a fourni des copies de la déclaration (pièce 10) et des documents (pièce 11) concernant l’action en commercialisation trompeuse introduite par la requérante devant la Cour suprême de l’Î.‑P.‑É., a souligné que la requérante tentait d’obtenir une ordonnance la déclarant propriétaire des marques « P.E.I. Dirt Shirt » et « Red Dirt Shirt », mais non « Dirt Shirt ».

 

M. Cudmore a affirmé avoir [traduction] « demandé qu’une recherche soit effectuée parmi les marques de commerce déposées au Canada, à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, eu égard aux noms « P.E.I. Dirt Shirt », « Dirt Shirt » et « Red Dirt Shirt » (paragraphe 25). Il a fourni des copies de la demande n858,583, présentée par M. Michael Wheeler le 15 octobre 1997 pour la marque de commerce DIRT SHIRT (pièce 7), et de la demande n808,824, présentée par Blair Gaudette le 2 avril 1996 pour la marque de commerce RED DIRT SHIRT (pièce 8), toutes deux aujourd’hui abandonnées. Les deux pièces semblent avoir été imprimées à partir de la banque de données Strategis que l’on retrouve sur le site Internet de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). M. Cudmore a aussi indiqué avoir [traduction] « demandé que des recherches soient effectuées relativement aux noms commerciaux « P.E.I. Dirt Shirt » et « Red Dirt Shirt » à la Consumer, Corporate and Insurance Service Division du Bureau du procureur général de l’Î.‑P.‑É. » (paragraphe 26). Il fait valoir que ces recherches ont permis de constater que la requérante avait enregistré le nom commercial « P.E.I. Dirt Shirt » le 19 juillet 1999 et le nom commercial « Red Dirt Shirt » le 25 juin 2002. Il a fourni des copies des pages Web du registre des noms d’entreprise/commerciaux que l’on retrouve sur le site Internet du procureur général (pièce 9), apparemment imprimées le 20 novembre 2003. Peu importe que M. Cudmore ait la compétence nécessaire pour interpréter les résultats obtenus de ses recherches effectuées parmi les ressources disponibles sur l’Internet, je n’accorde pas un poids significatif à ses opinions quant aux résultats des recherches. Bien que les pièces 7 et 8 puissent démontrer que les demandes ont étés, selon les dossiers de l’OPIC, abandonnées, elles n’appuient aucune des prétentions qui y sont contenues. En ce qui concerne la pièce 9, elle est peu pertinente puisqu’on en ignore la provenance et la fiabilité. Même si je ne contestais pas la fiabilité de la source, je noterais que l’opposante n’a pas produit d’élément de preuve en ce qui concerne la loi provinciale régissant l’enregistrement des noms commerciaux à l’Î.-P.-É. J’ajouterais que tout emploi de « P.E.I. Dirt Shirt » en liaison avec les activités de la requérante n’équivaut pas pour autant à un emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises conformément au paragraphe 4(1).

 

La présente procédure n’a pas pour but de permettre de déterminer si l’opposante peut employer la marque de commerce RED DIRT SHIRT, mais plutôt si la requérante peut obtenir l’enregistrement de la marque. En conséquence, je conclus que les affirmations de M. Cudmore (paragraphe 29) en réponse aux allégations de commercialisation trompeuse de la requérante ne sont pas pertinentes. Néanmoins, je tiens à souligner que la pièce 12, à l’appui de son opinion concernant les différences entre la marque de commerce de la requérante, « P.E.I. Dirt Shirt », et la marque de l’opposante, « Red Dirt Shirt », est uniquement constituée d’illustrations de logos et, comme tel, ne démontre pas un emploi de la marque en liaison avec les marchandises. Enfin, les allégations de M. Cudmore (paragraphe 30) selon lesquelles la requérante n’avait pas droit à l’exclusivité de l’emploi du nom « Dirt Shirt » sont inadmissibles comme conclusions de droit.

 

Pour résumer mon analyse de la preuve présentée par l’opposante, je constate que l’allégation de M. Cudmore selon laquelle la requérante n’a pas employé la marque en liaison avec ses marchandises et services, mais qu’elle a plutôt employé la marque de commerce ORIGINAL P.E.I DIRT SHIRT ou P.E.I. DIRT SHIRT est récurrente dans les arguments écrits de l’opposante. Comme l’opposante semble faire valoir un motif d’opposition fondé sur le non‑emploi de la marque par la requérante depuis la date du premier emploi indiquée dans la demande ou sur un emploi de la marque diffère de celui demandé dans l’enregistrement, j’estime qu’un tel motif aurait été plaidé à juste titre si elle avait allégué que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b). Toutefois, j’estime qu’un tel motif d’opposition n’a pas été soulevé dans la déclaration d’opposition et je ne peux donc en tenir compte [voir Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Limited (1984), 79 C.P.R. (2d) 12 (C.F.1re inst.)].

 

Preuve de la requérante

 

M. Wheeler, le président et unique actionnaire de la requérante, a affirmé que la requérante fabrique et commercialise, directement ou indirectement en son propre nom, des tee-shirts, polos de golf, chemises de nuit, shorts, vêtements de soleil, pulls d’entraînement, chaussettes, serviettes de golf, serviettes de plage, tabliers, désincrustants, bavettes de bébés, accessoires à cheveux, chapeaux, grosses tasses, cartes postales, affiches, stylos, visières et fourre-tout sur le marché du détail et du gros de l’Î.-P.-É. depuis 1997. Il a ajouté que les marchandises de la requérante, en particulier les tee-shirts, sont fabriquées de coton et teintes avec la terre rouge de l’Î.-P.-É. Selon M. Wheeler, le marché visé par la requérante est constitué pour l’essentiel des touristes en visite sur l’Î.-P.-É., et la marque laisse entendre aux consommateurs que les marchandises sont liées à la terre rouge de l’Î.‑P.‑É. et sont de vrais souvenirs de l’Î.‑P.‑É.

 

M. Wheeler a indiqué avoir déposé, le 15 octobre 1997, la demande no 858,583 (pièce A) en vue de l’enregistrement de la marque de commerce DIRT SHIRT en liaison avec la fabrication et la commercialisation de vêtements, de linge de maison et d’articles de sport qu’il fabrique et commercialise depuis au moins le 20 mai 1997. Il a également allégué :

 

[traduction]

« 5.            Lorsque j’ai déposé la demande initiale, je savais qu’une demande avait été déposée sous le no 808,824 à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, relativement à l’emploi projeté de la marque "RED DIRT SHIRT". Je comprenais que cela signifiait que le requérant projetait d’employer la marque de commerce "RED DIRT SHIRT", mais qu’il n’avait pas, à la date de production de la demande, commencé à employer la marque. Je joins, à titre de pièce B, une copie de la demande n808,824.

 

6.               J’ai ensuite appris que la demande n808,824 avait été accueillie. J’ai donc abandonné ma demande initiale. Malgré cette décision, j’ai continué à surveiller le statut de la demande n808,824 et ai appris plus tard que le requérant de celle-ci n’avait pas enregistré une déclaration d’emploi et que la demande visant l’enregistrement de la marque RED DIRT SHIRT avait été abandonnée.

 

7.   Depuis le 20 mai 1997, je fabrique et commercialise de façon continue les marchandises portant le logo "DIRT SHIRT" pour Wood Wheeler Inc. et j’ai fait en sorte que la requérante dépose sa demande d’enregistrement en cours pour la marque de commerce "DIRT SHIRT" le 27 juin 2002, conformément à l’article 30 de la Loi puisqu’elle employait, personnellement et par le biais de son actionnaire majoritaire, actionnaire unique, dirigeant et administrateur, la marque DIRT SHIRT depuis le 20 mai 1997 relativement à certaines marchandises et services. »

 

M. Wheeler a affirmé que, depuis le 20 mai 1997, la marque figure sur certaines des marchandises et qu’une étiquette, de la forme d’un tee-shirt, est apposée sur chacun des produits au moment de la vente. L’étiquette, qui porte le mot « Î.‑P.‑É. » et l’impression de la marque, explique que le processus de teinture du produit est basé sur l’emploi de la terre rouge de l’Î.‑P.‑É. Il a joint deux photographies montrant des tee-shirts (pièce C) et un exemple d’étiquette apposée sur les tee-shirts (pièce D). M. Wheeler a indiqué que les marchandises portant la marque sont vendus dans les magasins de vente au détail de l’ensemble de l’Î.‑P.‑É. depuis le 20 mai 1997 et a fourni des factures en date des 12 mai 1999 et 12 juin 2000 montrant des ventes de tee-shirts portant la marque (pièce E).

 

Les marchandises de la requérante font l’objet de publicité dans les médias et dans diverses brochures touristiques et informatives de l’Î.‑P.‑É. depuis mai 1997, notamment dans le guide touristique publié par le Tourist Department de l’Î.-P.-É. et dans les programmes distribués par le Confederation Center of the Arts. Des extraits des programmes de théâtre de l’année 2002 (pièces F à H) ainsi qu’une copie du guide touristique de l’Î.‑P.‑É. 2003 (pièce I) sont fournis à titre d’exemples de publicité.

 

M. Wheeler a indiqué que, depuis sa constitution, la requérante a dépensé environ  60 000 $ en publicité pour ses marchandises. Des copies de factures pour des publicités sur les stations radios locales en août 1999 ont été fournies à titre de pièce J. Bien que M. Wheeler ait affirmé que tous les revenus de la requérante proviennent de la vente de ses marchandises, il n’a pas indiqué la valeur des ventes des marchandises en liaison avec la marque de commerce. Il a fourni un graphique des ventes mensuelles de la requérante pour l’année 2001 (pièce K), mais celui-ci ne permet pas de déterminer la valeur des ventes puisqu’il montre les ventes mensuelles sans préciser la valeur pécuniaire ou les quantités.

 

M. Wheeler a allégué que, à la date de production de la demande, il n’y avait pas d’autre marque de commerce déposée ni de nom commercial déposé semblables à la marque et que la demande n808,824 pour la marque de commerce RED DIRT SHIRT était fondée sur un emploi proposé et avait été abandonnée. Il a ajouté qu’il ne savait pas si d’autres personnes employaient la marque DIRT SHIRT, ou une marque semblable, au Canada avant qu’il n’ait commencé lui‑même à l’utiliser en mai 1997. L’affidavit de M. Wheeler contient des allégations selon lesquelles la requérante avait établi un achalandage et une réputation en ce qui concerne la marque avant tout tiers, y compris l’opposante qui avait commencé à employer la marque RED DIRT SHIRT, et des allégations relatives à l’emploi de cette marque par l’opposante. Je reconnais que certaines allégations sont inadmissibles comme conclusions de droit. Toutefois, une interprétation raisonnable de l’affidavit dans son ensemble me permet de conclure que M. Wheeler est d’avis qu’un tiers qui emploie une marque de commerce semblable à la marque de la requérante au point de créer de la confusion fait un emploi illégal de la marque de commerce si cet emploi  a commencé après le mois de mai 1997.

 

Je vais maintenant examiner les motifs d’opposition.

 

Article 30

 

Pour des raisons de commodité, je reproduis ci-dessous le motif d’opposition indiqué dans la déclaration d’opposition comme fondé sur l’alinéa 38(2)a) de la Loi :

 

[traduction] « La présente demande contrevient aux dispositions de l’alinéa 30i). À la date de production de la demande faisant l’objet de l’opposition, soit le 27 juin 2002, la requérante connaissait les droits de l’opposante à la marque de commerce (qui crée de la confusion) employée abondamment en liaison avec les tee-shirts (marchandises) offerts en vente dans les points de vente au détail de l’opposante sur l’Î.-P.-É. La tentative de la requérante visant à enregistrer la marque de commerce constitue un effort en vue de tirer avantage du dessin créé et employé par l’opposante en liaison avec sa marque de commerce RED DIRT SHIRT, ce qui suggérera aux consommateurs que les marchandises offertes sont en quelque sorte liées à l’opposante ou endossées par cette dernière. La requérante ne produit ni n’a produit la demande exigée par l’alinéa 30i) de la Loi, car elle ne pouvait être convaincue, lors de la production de sa demande, qu’elle avait droit à l’emploi de la marque demandée au Canada, compte tenu des droits existants de l’opposante à sa marque de commerce dans ce domaine. »

 

La date pertinente pour l’examen des circonstances qui ont trait à ce motif d’opposition est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)]. Le fardeau initial de preuve incombe à l’opposante, qui doit établir les faits invoqués à l’appui du motif d’opposition. Lorsque celle-ci s’est acquittée de son fardeau, la requérante doit démontrer que ce motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Limited c. Seagram Real Estate Ltd. (1984) 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.1re inst.)].

 

L’opposante s’est déchargée de son fardeau en démontrant que, au moment de la demande, la requérante savait que l’opposante avait commencé à employer la marque RED DIRT SHIRT en liaison avec des tee-shirts. Toutefois, ce seul fait n’empêche pas la requérante de faire une déclaration véridique suivant l’alinéa 30i). À mon avis, le témoignage écrit de M. Wheeler est conforme à l’allégation de la requérante selon laquelle elle avait le droit d’employer la marque au Canada en liaison avec les marchandises et services indiqués dans la demande. Aucun élément ne démontre la mauvaise foi de la requérante [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myer Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Je rejette donc le premier motif d’opposition.

 

Article 12

 

Avant de me pencher sur le motif d’opposition, je désire revenir sur l’affirmation de la requérante en ce qui concerne l’allégation de l’opposante portant que DIRT SHIRT est un concept répandu dans l’industrie nord-américaine des tee-shirts souvenirs. À mon avis, cette allégation doit être interprétée de concert avec l’allégation de l’opposante voulant que la marque est contraire aux alinéas 12(1)b) et 12(1)c) de la Loi. Quoi qu’il en soit, comme l’opposante n’a fait aucun effort pour clarifier l’allégation contestée par la requérante dans sa contre-déclaration, je ne suis pas disposée à conclure qu’elle vise un motif d’opposition autre que ceux visés par l’alinéa 38(2)b), soit que la marque contrevient aux alinéas 12(1)b) et 12(1)c) de la Loi.

 

Je tiens également à souligner que l’argumentation sur le motif d’opposition a été limitée aux [traduction] « vêtements indiqués dans la demande faisant l’objet de l’opposition ». En conséquence, j’estime que le motif d’opposition a été soulevé uniquement à l’égard des marchandises suivantes : « vêtements, nommément tee-shirts, polos de golf, chemises de nuit, shorts, vêtements de soleil, pulls d’entraînement, chaussettes ».

 

Je désire également ajouter que, bien que les termes [traduction] « de leur production » contenus dans l’allégation selon laquelle que la marque donne une description claire soient utilisés de façon un peu confuse, il est raisonnable de conclure que l’opposante fait valoir que la marque donne une description des conditions de production des marchandises. Cela dit, je tiens à souligner qu’il y a bien peu de jurisprudence en matière de marques qui donnent une description claire des conditions de production des marchandises ou services. La décision le plus citée est Staffordshire Potteries Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976), 26 C.P.R. (2d) 134 (C.F.1re inst.) dans laquelle l’enregistrement de la marque de commerce KILNCRAFT à été refusé au motif que le nom donnait une description claire des marchandises produites par un processus de cuisson au four. Fait intéressant, l’opposante n’a pas tenté dans ses observations écrites de soutenir que la marque donne une description claire des conditions de production, avançant plutôt qu’elle avait établi que la marque donne une description claire de la nature, de la qualité et du lieu d’origine des marchandises.

 

Alinéa 12(1)b)

 

La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est la date de production de la demande [voir Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005) 41 C.P.R. (4th) 450 (C.F.1re inst.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F.1re inst.)]. La question de savoir si la marque donne une description claire doit être examinée du point de vue du consommateur moyen qui achète les vêtements liés à la marque. Le terme « claire » employé à l’alinéa 12(1)b) a été interprété comme signifiant facile à comprendre, évident en soi ou ordinaire [voir G.W.G. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1981), 55 C.P.R. (2d) 1 (C.F.1re inst.)]. De plus, afin de déterminer si la marque donne une description claire, celle-ci ne doit pas être décortiquée en ses éléments constitutifs et examinée soigneusement, devant plutôt être examiné dans son ensemble selon la première impression qu’elle donne [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F.1re inst.); Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F.1re inst.)].

 

D’entrée de jeu, je tiens à souligner que le fait que les vêtements de la requérante, en particulier les tee-shirts, soient teints avec de la terre rouge que l’on retrouve sur l’Î.‑P.‑É. ne donne pas une description claire du lieu d’origine des marchandises suivant l’alinéa 12(1)b). Comme les termes « terre » ou « tee-shirt » n’ont pas de connotation géographique, je conclus que la marque ne donne pas une description claire du lieu d’origine des marchandises et que, à ce titre, elle ne contrevient pas aux dispositions de l’alinéa 12(1)b) à cet égard.

 

J’ajouterais à mes remarques précédentes concernant les pièces 1 à 4 jointes à l’affidavit de M. Cudmore, que les pièces 2 à 4 ont été réunies après la date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition. Je ne suis pas convaincue que l’opposante a démontré que les termes « dirt shirt » ont été employés de façon descriptive au Canada au moment de la demande. De toute manière, la question qui doit être tranchée relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est de savoir si les termes « dirt shirt » donnent une description claire, en langue anglaise, de la nature, de la qualité ou des conditions de production des vêtements.

 

Le simple fait de suggérer qu’il pourrait y avoir un lien entre la terre rouge de l’Î.‑P.‑É. et les vêtements liés à la marque n’est pas suffisant pour faire obstacle à l’enregistrement de celle-ci en vertu de l’alinéa 12(1)b). Comme il n’est pas habituel que les vêtements soient faits à base de terre ou fabriqués avec de la terre, je ne crois pas qu’on puisse affirmer que le terme « dirt » (« terre » en français) donne une description claire ou évidente de la nature, de la qualité ou des conditions de production des vêtements. À mon sens, le consommateur moyen doit franchir deux étapes d’analyse avant de se rendre compte de la façon dont le terme « dirt » est lié aux vêtements. Cela signifie que le lien entre les vêtements et la marque n’est pas facile à comprendre, évident en soi ou ordinaire et, pour cette raison, il ne satisfait pas au critère de la description « claire ». Donc, je conclus que le consommateur moyen n’aurait pas, comme première impression, réagi à la marque comme donnant une description claire de la nature, de la qualité ou des conditions de production des vêtements de la requérante. En outre, bien que l’allégation de M. Cudmore concernant les tee-shirts souvenirs concurrents « P.E.I. Red Mud Shirt », « Island Clay Company Shirt » ou « P.E.I. Earth Shirt » n’établit pas en soi qu’un des noms allégués est employé comme marque de commerce ou autrement, cette allégation pourrait démontrer que d’autres commerçants n’ont pas besoin d’employer les termes « dirt shirt » pour décrire des vêtements teints avec de la terre rouge de l’Î.‑P.‑É., ce qui appuie ma conclusion selon laquelle la marque ne contrevient pas aux dispositions de l’alinéa 12(1)b).

 

Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b).

 

Alinéa 12(1)c)

 

Le fait qu’une marque soit constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services fait complètement obstacle à l’enregistrement tout comme le fait qu’une marque crée de la confusion avec une marque de commerce déposée. Je suis donc d’avis que la date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)c) doit être la date de la décision. Quoi qu’il en soit, peu importe la date pertinente en l’espèce, je ne suis pas convaincue que l’opposante s’est déchargée du fardeau qui lui incombait, soit de démontrer que la marque a, au Canada, une définition reconnue comme étant le nom de tee-shirts. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)c .

 

Absence de droit à l’enregistrement

 

La contestation du droit à l’enregistrement d’une marque de commerce doit s’appuyer sur une allégation portant que, à la date pertinente, la marque de commerce faisant l’objet de la demande créait de la confusion avec a) une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada; b) une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été antérieurement produite au Canada; c) un nom commercial qui avait été antérieurement employé ou révélé au Canada. Bien que j’aie tenu compte de l’argument de l’opposante selon lequel, même si la requérante a fait valoir qu’elle avait des droits acquis pour employer la marque, elle n’avait pas employé la marque au Canada et n’avait aucun droit de propriété à cet égard, l’opposante ne peut se fonder sur l’article 16 pour soutenir que la requérante n’a pas satisfait aux exigences de l’article 30 de la Loi.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) n’est pas applicable en l’espèce parce que la demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi de la marque au Canada et non sur un emploi projeté. L’erreur commise par l’opposante, qui a fondé son motif d’opposition sur l’alinéa 16(3)a) plutôt que l’alinéa 16(1)a), a été signalée à celle‑ci lors de la production de la contre-déclaration de la requérante. Même si l’opposante a eu la possibilité de demander l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée pour corriger ce vice avant de présenter sa preuve, elle n’a fait aucun effort en ce sens. Les observations écrites de l’opposante me portent à croire qu’elle s’est appuyée sur l’alinéa 16(3)a) et non sur l’alinéa 16(1)a) vu sa prétention selon laquelle la requérante n’avait pas employé la marque au Canada. Je suis de toute manière disposée à considérer le renvoi à l’alinéa 16(3)a) comme une erreur technique étant donné que la requérante a indiqué dans sa contre-déclaration qu’elle présumait que l’opposante voulait se reporter au paragraphe 16(1) plutôt qu’au paragraphe 16(3).

 

En vertu de l’alinéa 16(1)a), la date pertinente pour l’évaluation du motif d’opposition fondé sur le risque de confusion entre la marque et la marque de commerce de l’opposante RED DIRT SHIRT est la date du premier emploi alléguée dans la demande. L’opposante a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce était employée à la date pertinente et que son emploi n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la demande [paragraphe 16(5)].

 

Je conclus que l’opposante ne s’est pas déchargée du fardeau qui lui incombait, soit démontrer qu’elle a employé la marque de commerce RED DIRT SHIRT au Canada avant le 20 mai 1997. Je dois répéter mon commentaire précédent, c’est-à-dire que le témoignage écrit de M. Cudmore laisse plutôt entendre qu’aucun emploi, au sens du paragraphe 4(1), de la marque de commerce RED DIRT SHIRT par l’opposante n’a pu avoir lieu avant le 20 juin 2002. Je rejette donc le troisième motif d’opposition.

 

Caractère distinctif

 

Je suis bien au fait de la jurisprudence établissant que, même si le caractère distinctif est fréquemment considéré comme faisant partie de l’évaluation visant à déterminer si la marque faisant l’objet de la demande crée de la confusion avec une autre marque, il est possible de refuser une demande en raison de l’absence de caractère distinctif indépendamment de la question de la confusion. Cependant, il serait inapproprié de me prononcer sur un motif d’opposition qui n’a pas été soulevé.

 

J’estime que le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif qu’a soulevé l’opposante, que je reproduis ci-dessous pour plus de commodité, se rapporte uniquement à l’allégation selon laquelle la marque n’a pas un caractère distinctif puisqu’elle crée de la confusion avec sa marque de commerce alléguée RED DIRT SHIRT.

 

[traduction] « La marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas et ne peux pas être distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. L’emploi antérieur par l’opposante de sa marque de commerce RED DIRT SHIRT au Canada en liaison avec des tee‑shirts souvenirs vendus par celle-ci dans ses points de vente au détail de l’Î.‑P.‑É. fait en sorte que la marque de commerce faisant l’objet de la demande ne permet pas d’établir une distinction entre les marchandises de la requérante et les marchandises et/ou services d’autres personnes, en particulier les services et produits de l’opposante. »

 

La date pertinente pour ce motif d’opposition est généralement acceptée comme étant la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro Goldwyn Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.1re inst.)]. L’opposante a le fardeau initial d’établir les faits sur lesquels elle appuie ce motif d’opposition. Dès lors qu’elle s’en est acquitte, il incombe à la requérante de démontrer que la marque est adaptée à distinguer ou distingue effectivement ses marchandises et services de ceux d’autres personnes au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)].

 

Suivant mon analyse de la preuve, j’arrive à la conclusion que je n’ai été saisie d’aucune preuve directe appuyant les allégations de M. Cudmore relativement à l’emploi de la marque de commerce RED DIRT SHIRT de l’opposante en liaison avec des tee-shirts. Comme les allégations de M. Cudmore ne démontrent pas en soi un tel emploi, je conclus que l’opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau, qui consistait à démontrer que, le 13 août 2003, elle avait employé la marque de commerce RED DIRT SHIRT à tel point et de telle manière que celle‑ci était devenue suffisamment connue pour nier le caractère distinctif de la marque. Je refuse donc le dernier motif d’opposition.

 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède et conformément aux pouvoirs qui m’ont été conférés en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), CE 5 OCTOBRE 2005.

 

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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