Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION DE Restaurants Pacini Inc. à la demande n° 1190318 produite par Aulcorp Food Marketers & Distributors Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce PACHINO

 

 

Le 10 septembre 2003, Aulcorp Food Marketers & Distributors Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PACHINO (la « Marque ») basée sur l’emploi projeté de cette Marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : « Aliments et produits alimentaires, nommément pizza, pâtes alimentaires, légumes, fruits, mélanges de pâtes alimentaires, riz, mélanges de riz, nouilles, nouilles et sauces, huile d’olive, sauces à pizzas, olives, biscuits, gâteaux, baguettes de pain, chapelure, agents de glaçage de produits, croûtons, jus de fruits, nectars de fruits » (les « Marchandises »).

 

La demande a été publiée aux fins d’opposition le 1er septembre 2004 dans le Journal des marques de commerce.

 

Le 15 octobre 2004, Les Restaurants P & P Inc. (le prédécesseur en titre de Restaurants Pacini Inc. (l’« Opposante »)) a produit à l’encontre de la demande une déclaration d’opposition qui a été modifiée le 22 décembre 2004.

 

Les motifs d’opposition énoncés dans la déclaration d’opposition modifiée qui se trouve au dossier peuvent être résumés comme suit :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T-13, et ses modifications) (la « Loi »), étant donné que la description des marchandises figurant dans la demande, notamment les mots « agents de glaçage de produits, légumes, fruits » ne constitue pas une description dans les termes ordinaires du commerce et qu’il n’est pas possible non plus de discerner l’emploi de ces produits ou les voies de commercialisation de ceux-ci;
  2. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi, parce que la Requérante n’avait pas elle-même l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec la totalité des marchandises mentionnées dans sa demande;
  3. La Marque n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce suivantes de l’Opposante :

 

Marque de commerce

N° d’enreg./

Date d’enreg.

Marchandises/Services

PACINI

LMC312,775

28 mars 1986

Pâtes alimentaires, sauces, pizzas, condiments, confiseries, nommément bonbons au chocolat, pâtisseries, tartinades, pain, soupes et plats cuisinés, cerises au chocolat, ainsi que les services d’exploitation de bar et de restaurant.

PACINI & DESSIN

LMC318,885

26 sept. 1986

Services d’exploitation de bar et de restaurant.

PACINI & DESIGN

LMC463,305

13 sept. 1996

Services d’exploitation de bars et de restaurants; comptoirs de ventes à emporter de mets et livraison de mets.

PACINI & DESSIN

LMC466,662

29 nov. 1996

Pâtes alimentaires, sauces, pizzas, condiments, confiseries, nommément chocolats, bonbons, sucreries, pâtisseries, tartinades, pain, soupes et plats cuisinés, cerises au chocolat.

PACINI LE VRAI GOÛT DE L'ITALIE (& DESSIN)

LMC585,702

22 juillet 2003

Services d’exploitation de bars et de restaurants; comptoirs de ventes à emporter de mets et livraison de mets.

DÉLICERISE & dessin

LMC582,005

21 mai 2003

Mets prêts à cuisiner, nommément confiserie à base de cerises et de chocolat; pâtisseries, et services de restaurants.

BUFFET PRONTO PACINI (& DESSIN)

LMC588,156

26 août 2003

Services de restaurants.

 

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément à l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante énumérées ci-dessus, lesquelles ont été antérieurement employées ou révélées au Canada par l’Opposante;
  2. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément à l’alinéa 16(3)c) de la Loi, parce qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux Pacini et Restaurants Pacini de l’Opposante que celle-ci a antérieurement employés au Canada;
  3. La Marque n’est pas distinctive à l’égard de la Requérante conformément au paragraphe 38(2) de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas les marchandises, les services ou l’entreprise de la Requérante des marchandises, des services ou de l’entreprise de l’Opposante, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi.

 

Dans une contre-déclaration en date du 3 décembre 2004 qui a été modifiée le 25 février 2005, la Requérante a nié chacune des allégations formulées dans la déclaration d’opposition modifiée.

 

Au soutien de son opposition, l’Opposante a déposé en preuve les déclarations de Pierre‑Marc Tremblay (lequel atteste qu’il est le président et le directeur en chef de l’Opposante) et de Marylène Gendron (laquelle atteste qu’elle est une secrétaire travaillant dans le service des marques de commerce des agents de marques de commerce de l’Opposante) (ci-après appelées respectivement la première déclaration de M. Tremblay et la première déclaration de Mme Gendron), conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement). L’Opposante a également déposé en preuve, conformément à l’article 43 du Règlement, une deuxième déclaration de Marylène Gendron. Elle a aussi demandé l’autorisation de produire une deuxième déclaration de Pierre-Marc Tremblay (ci-après appelée la deuxième déclaration de M. Tremblay) conformément à l’article 44 du Règlement, mais la Requérante s’est opposée à cette demande. Étant donné que cette dernière demande n’a été présentée que quelques jours avant la tenue de l’audience, j’ai fait savoir aux parties que je rendrais ma décision sur cette demande en même temps que la présente décision. La décision concernant la demande en question figure ci‑dessous.

 

Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Frank Aulino (lequel atteste qu’il est le président de la Requérante), conformément à l’article 42 du Règlement. Aucun contre‑interrogatoire n’a eu lieu.

 

Chacune des parties a déposé un plaidoyer écrit. L’Opposante a joint à son plaidoyer écrit un extrait imprimé du site http://fr.wikipedia.org ainsi qu’un extrait imprimé du dictionnaire français-italien Le Robert & Collins. La Requérante s’est opposée à la production de ces imprimés dans son plaidoyer écrit. Je ferai part de ma conclusion au sujet de l’objection de la Requérante plus loin dans ma décision, lorsque je commenterai le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Seule l’Opposante s’est présentée à l’audience.

 

Le fardeau de la preuve et les dates pertinentes

 

Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire  une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Les dates pertinentes pour l’examen des circonstances afférentes à chacun des motifs d’opposition soulevés en l’espèce sont les suivantes :

 

  • Motifs fondés sur l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];
  • Motifs fondés sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];
  • Motifs fondés sur le paragraphe 16(3) de la Loi : la date de production de la demande;
  • Motifs fondés sur l’absence de caractère distinctif de la Marque: il est généralement reconnu que la date applicable est celle de la production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

J’analyserai maintenant les motifs d’opposition au regard de la preuve produite au dossier, sans respecter nécessairement l’ordre dans lequel ils ont été soulevés dans la déclaration d’opposition.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

L’Opposante a joint à la première déclaration de M. Tremblay des copies certifiées de chacun des enregistrements de marque de commerce susmentionnés. Elle s’est donc déchargée de son fardeau initial en ce qui concerne ce motif d’opposition, parce que chacun de ces enregistrements est en règle.

 

En raison de cette preuve que l’Opposante a produite, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante.

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, [2006] 1 R.C.S. 772 (C.S.C.), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824 (C.S.C.), pour un exposé détaillé des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

a) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

La Marque se compose du mot PACHINO, tandis que les marques de l’Opposante se composent du mot PACINI, utilisé seul ou en combinaison avec d’autres mots ou éléments graphiques. Étant donné que la marque PACINI ressemble davantage à la Marque de la Requérante que les marques PACINI LE VRAI GOÛT DE L’ITALIE & DESSIN, DÉLICERISE UN P’TIT PÉCHÉ DE PACINI & DESSIN et BUFFET PRONTO PACINI & DESSIN, je m’attarderai principalement à la marque PACINI et aux versions stylisées de ce mot, sauf indication contraire.

 

Bien que les mots PACHINO et PACINI ne soient pas des mots usuels des dictionnaires anglais et français, il appert de l’affidavit de M. Aulino que la marque PACINI de l’Opposante peut correspondre à un nom de famille. La pièce « D » jointe à l’affidavit de M. Aulino est un extrait d’un annuaire en ligne de Canada 411 comportant une liste de 36 personnes dont le nom de famille est « Pacini » et qui se trouvent, pour la plupart, en Ontario et en Colombie-Britannique. Rien n’indique que la Marque PACHINO est également un nom de famille. Même s’il est juste de dire que les marques PACHINO et PACINI ont toutes les deux une connotation italienne lorsqu’elles sont utilisées en liaison avec la cuisine italienne, j’estime que les marques possèdent un caractère distinctif inhérent, quoique dans une moindre mesure en ce qui concerne la marque PACINI, étant donné qu’elle peut également constituer un nom de famille.

 

Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en veillant à la faire connaître par la promotion et l’usage. Cependant, rien dans la preuve ne démontre que la Requérante a employé la Marque au Canada jusqu’à maintenant. Dans son affidavit, M. Aulino déclare simplement que la Requérante est [traduction] « une entreprise spécialisée dans l’importation et la conception de produits vendus sous la marque du distributeur et d’autres produits de marque; elle s’occupe de la logistique comme le transport de l’usine au client et elle a l’intention d’employer la marque de commerce PACHINO en liaison avec les marchandises mentionnées dans la demande ».

 

En ce qui a trait à l’emploi et à la promotion de la marque PACINI par l’Opposante, la première déclaration de M. Tremblay établit ce qui suit.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante et les franchisés de celle-ci exploitent sous la marque de commerce PACINI, l’une des chaînes de restaurants les plus connues de la province de Québec. Le premier restaurant a été ouvert en 1980 sous le nom LA BOÎTE À SPAGHETTI et d’autres restaurants ont plus tard été ouverts au Québec. Le Groupe Resto Inc. (le premier prédécesseur en titre de l’Opposante) a adopté la marque de commerce PACINI en 1984. Le déposant résume également l’évolution de l’Opposante et souligne qu’en 1989, l’équipe de direction de la société Le Groupe Resto Inc. a fondé la société Les Restaurants Pacini Inc. (prédécesseur en titre de l’Opposante), à laquelle les marques et noms commerciaux PACINI ont été transférés. La société Les Restaurants Pacini Inc. a plus tard été fusionnée avec une autre entreprise pour former Les Restaurants P & P Inc. (soit l’appellation précédente de l’Opposante), qui a ensuite fait l’acquisition des marques et noms commerciaux PACINI. La société Les Restaurants P & P Inc. a modifié son nom le 25 janvier 2005 et est maintenant connue sous le nom de Restaurants Pacini Inc.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante exploite, seule ou par l’entremise de franchisés, 24 restaurants sous les marques et noms commerciaux PACINI dans la province de Québec et fournit comme pièce « PT-1 » une liste des adresses de ces restaurants. De plus, le déposant présente un aperçu du système de franchise que l’Opposante a adopté et qu’elle administre et précise que les contrats de franchise prévoient l’octroi d’une licence autorisant l’utilisation des marques PACINI, sous réserve des conditions régissant cette utilisation. Les contrats comportent également une clause concernant la nature et la qualité des produits et services offerts en liaison avec les marques et noms commerciaux PACINI et l’Opposante exerce un contrôle sur cet emploi.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante offre dans ses différents restaurants des services d’exploitation de restaurants et peut également offrir des services d’exploitation de bars et de comptoirs de ventes de repas prêts-à-emporter. Les restaurants exploités sous les marques PACINI et le nom commercial PACINI offrent différents mets italiens, dont des pâtes alimentaires et des pizzas, ainsi que plusieurs autres mets préparés suivant les recettes de l’Opposante à l’aide des ingrédients achetés aux fournisseurs de celle-ci.

 

M. Tremblay fournit une liste des marques PACINI que l’Opposante elle-même ou ses franchisés utilisent et qui correspondent aux enregistrements de marque de commerce susmentionnés. Il affirme que, sauf en ce qui a trait à la marque BUFFET PRONTO PACINI & DESSIN, l’Opposante ou ses franchisés emploient sur une grande échelle et de façon ininterrompue toutes ces marques depuis la date de leur lancement sur le marché (laquelle date correspond à la date de premier emploi figurant sur les certificats d’enregistrement) en liaison avec l’ensemble des services mentionnés sur les certificats d’enregistrement, à l’exception des services de livraison. M. Tremblay explique que l’Opposante n’offre pas de services de livraison, mais qu’elle se prépare à le faire sous les marques PACINI. En ce qui concerne la marque BUFFET PRONTO PACINI & DESSIN, il souligne que le franchisé de l’Opposante a utilisé sur une grande échelle et de façon ininterrompue cette marque jusqu’en mai 2005 dans la ville d’Amos, au Québec, depuis la date de premier emploi figurant sur le certificat d’enregistrement, et ce, en liaison avec l’ensemble des services mentionnés sur celui-ci. Toujours selon M. Tremblay, au cours de l’année 2004, l’Opposante a commencé à utiliser les logos suivants en liaison avec la marque de commerce PACINI et des demandes d’enregistrement ont été publiées à l’égard de ces dessins le 4 mai 2005, sous les numéros de série 1231398 et 1231393 (des extraits imprimés de la base de données STRATEGIS de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada concernant chacune de ces demandes sont joints comme pièce MG-2 à la première déclaration de Mme Gendron) :

N° de série 1231398

PACINI & dessin

N° de série 1231393

PACINI & dessin

 

Bien que la Requérante n’ait pas contesté la mention de ces deux dernières marques par l’Opposante, je souligne que celle-ci ne les a pas invoquées dans sa déclaration d’opposition. Néanmoins, je suis d’avis que ces deux logos PACINI sont admissibles à titre de preuve de l’emploi de la marque PACINI, étant donné que le mot PACINI est nettement plus en évidence que les éléments supplémentaires [voir Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984) 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)]. À mon avis, malgré la présence des éléments graphiques, la marque de commerce PACINI peut facilement être reconnue comme la marque de commerce en soi. En conséquence, je considère les documents dans lesquels figurent les logos en question et que l’Opposante a produits en preuve comme des spécimens acceptables se rapportant à la marque PACINI.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante a utilisé la marque PACINI et la marque PACINI & DESSIN (enregistrée sous le numéro 466662) au Canada sur une grande échelle et de façon ininterrompue en liaison avec les pains jusqu’en 2003 et en liaison avec les pizzas jusqu’en 2004, et fournit comme pièce « PT-3 » des échantillons d’emballages de pizza. Le déposant n’a pas précisé les endroits où les pains et pizzas de l’Opposante sont vendus, si ces produits sont offerts en vente dans les restaurants de l’Opposante, les endroits où les clients des restaurants peuvent acheter ces produits pour les apprêter à la maison ou si les produits en question sont vendus dans des magasins.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante a employé la marque DÉLICERISE UN P’TIT PÉCHÉ DE PACINI & DESSIN sur une grande échelle et de façon ininterrompue depuis le lancement de cette marque sur le marché en liaison avec les confiseries à base de cerise et de chocolat et que ces produits sont offerts comme desserts dans différents restaurants PACINI; il fournit comme pièce « PT-4 » un exemple de l’emballage utilisé pour ces produits.

 

Au paragraphe 18 de son affidavit, M. Tremblay déclare que l’Opposante a vendu de nombreux produits alimentaires assortis qui sont visés par la marque PACINI (enregistrée sous le numéro 312775) et par la marque PACINI & DESSIN (enregistrée sous le numéro 463305) et qu’elle travaille actuellement sur un projet en vue de vendre différents produits alimentaires sous les marques PACINI. Je reviendrai sur cette question lorsque je commenterai la deuxième déclaration de M. Tremblay à laquelle la Requérante s’est opposée.

 

M. Tremblay présente des chiffres de vente approximatifs à l’égard des services fournis en liaison avec les marques PACINI au Canada. Ces chiffres varient d’environ 24 millions de dollars par année à environ 28 millions de dollars par année pour les années 2000 à 2004. Bien que ces chiffres soient censés couvrir le Canada, il appert de l’ensemble des affirmations contenues dans la première déclaration de M. Tremblay et dans les pièces qui y sont jointes que ces données s’appliquent seulement à la province de Québec.

 

M. Tremblay déclare que les marques PACINI sont utilisées sur une grande échelle dans les restaurants qu’exploitent l’Opposante et les franchisés de celle-ci, notamment sur les panneaux-réclames, les menus, les serviettes de table, etc., et fournit des échantillons de ces articles montrant l’emploi des marques PACINI dans le cours normal des activités en liaison avec les services.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante a injecté des sommes d’argent élevées dans la promotion des services au Canada en liaison avec les marques PACINI et les noms commerciaux PACINI; il indique en outre qu’un montant de 617 700 $ a été affecté à la commercialisation pour l’exercice 2004-2005, lequel montant couvre la production d’affiches, les campagnes de publicité à la télévision et à la radio, la publicité interne à l’intention des restaurants, les relations publiques, les promotions, les annonces dans les Pages jaunes et les Pages blanches, les menus et la publicité locale. Le déposant joint comme pièce « PT-21 » un publi-reportage faisant état d’une campagne de publicité au cours de laquelle la chanteuse d’opéra Nathalie Choquette a chanté la marque PACINI en 2001, ainsi qu’un extrait de la trousse de commercialisation de 2001‑2002 à l’intention des franchisés de l’Opposante. Comme dans le cas des chiffres de vente susmentionnés, ces données et campagnes de publicité semblent être liées à la province de Québec seulement.

 

M. Tremblay déclare que l’Opposante et ses franchisés ont décidé de participer à une campagne de financement d’une oeuvre de bienfaisance majeure et se sont engagés, tout au long de l’année 2006, à verser une somme de 1 million de dollars pour soutenir la Fondation Sainte‑Justine au profit de l’hôpital Sainte-Justine, situé à Montréal. M. Tremblay ajoute qu’au cours d’une campagne similaire qui s’est déroulée en 2003-2004, l’Opposante et ses franchisés ont fait partie des principaux commanditaires de la populaire émission « Star Académie », présentée au Québec. Le déposant joint à son affidavit, comme pièce « PT-22 », différents échantillons d’articles associés aux activités de financement tenues par l’Opposante pour la Fondation Sainte‑Justine ainsi qu’à la commandite de « Star Académie ». Le déposant fournit également comme pièce « PT‑23 » le rapport annuel de la Fondation Sainte-Justice pour l’exercice 2003-2004, dans lequel le don de 1 million de dollars de l’Opposante est reconnu.

 

M. Tremblay déclare que la commandite de l’émission de télévision « Star Académie » a permis d’accroître la notoriété des marques et noms commerciaux PACINI auprès de la population du Québec. Il joint comme pièce « PT-24 » la copie d’un article publié dans le journal « La Presse » le 4 juin 2003. Bien que cet article renvoie aux retombées importantes recueillies par l’Opposante à l’époque grâce à l’émission « Star Académie », il concerne principalement une autre chaîne de restaurants de l’Opposante, soit « L’Adresse », et comporte simplement une mention portant que l’Opposante est également propriétaire de la chaîne de restaurants PACINI.

 

M. Tremblay fournit comme pièces « PT-25 » à « PT-27 » différents encarts publicitaires de journaux communautaires ainsi que des documents relatifs à différents concours, commandites et promotions de l’Opposante et des franchisés de celle-ci.

 

M. Tremblay fournit comme pièce « PT-28 » des extraits du site Web de l’Opposante et souligne que celle-ci a fait la promotion de ses services en liaison avec les marques PACINI dans son site Web à www.pacini.com. Il fournit aussi comme pièce « PT‑30 » un exemple de la brochure relative à la trousse de promotion pour l’année 2005, que l’Opposante remet chaque année à ses franchisés afin de les aider à promouvoir les services offerts en liaison avec les marques PACINI dans leurs régions.

 

M. Tremblay présente dans la pièce « PT-31 » des articles qui ont paru au Canada au sujet de l’Opposante et des services qu’elle offre en liaison avec les marques PACINI. Certains des articles publiés dans des journaux comme « La Presse », « Le Soleil », « Le Journal de Québec » et le magazine « Le Chef » tendent à appuyer la prétention de l’Opposante portant que les restaurants PACINI sont bien établis et bien connus au Québec. Pour ma part, je n’ai aucune hésitation à admettre d’office que la majorité de ces journaux connaissent une assez large diffusion au Canada [voir à ce sujet Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.)]. De plus, il appert d’un extrait du journal « La Presse » en date du 26 juillet 1997 que « Pacini poursuit sa lancée dans la vente au détail ». Selon cet article, la sauce bolognaise PACINI serait vendue dans les magasins « Club Price » et le pain PACINI serait vendu dans les supermarchés « Provigo », « Maxi » et « Maxi & Cie » au Québec.

 

S’agissant maintenant de la deuxième déclaration de M. Tremblay et de l’objection formulée par la Requérante à ce sujet, mes conclusions sont les suivantes.

 

L’Opposante soutient que la deuxième déclaration de M. Tremblay produite comme preuve supplémentaire conformément à l’article 44 du Règlement est pertinente, puisqu’elle appuie le plan de vente au détail de nouveaux produits alimentaires sous la marque de commerce PACINI, dont il est fait mention au paragraphe 18 de la première déclaration de M. Tremblay. L’agent de l’Opposante souligne que ces renseignements n’ont pas été révélés à l’étape de la présentation de la preuve, parce que la nouvelle gamme de produits de l’Opposante, soit les huiles et les assaisonnements, n’a été lancée qu’à la fin de décembre 2007 et que la livraison de ces produits dans les épiceries indépendantes et les supermarchés « Métro » s’est intensifiée en janvier et février 2008. L’agent de l’Opposante ajoute que ces nouveaux faits concernant la nouvelle gamme de produits de l’Opposante n’ont été portés à l’attention du conseiller au dossier qu’en mars 2008, d’où la demande que l’Opposante a présentée le 31 mars 2008, avant l’audience fixée au 8 avril 2008, en vue d’obtenir l’autorisation de produire des éléments de preuve supplémentaires. Bien qu’elle reconnaisse que la vente des nouveaux produits de l’Opposante n’a commencé qu’à la fin de décembre 2007, la Requérante soutient que, si l’Opposante n’a pas jugé cette vente suffisamment importante pour en informer ses conseillers pendant trois mois, eu égard, surtout, au présent litige, il va sans dire que l’Opposante n’a pas jugé ces changements importants dans l’opposition qu’elle a produite à l’encontre de la demande de la Requérante. En conséquence, les actions ou inactions de l’Opposante elle-même incitent la Requérante à mettre en doute l’importance de la preuve supplémentaire.

 

Bien que la thèse de la Requérante ne soit pas dénuée de tout fondement, je n’y souscris pas. Selon l’énoncé de pratique de la Commission des oppositions des marques de commerce, l’autorisation de déposer une preuve supplémentaire ne sera accordée que si la Commission des oppositions est convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris : 1) l’étape où en est rendue la procédure d’opposition; 2) la raison pour laquelle la preuve n’a pas été déposée plus tôt; 3) l’importance de la preuve et 4) le tort qui sera causé à l’autre partie. Tel qu’il est mentionné plus haut, la date pertinente pour l’examen des circonstances en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi est la date de ma décision. La preuve supplémentaire produite par l’Opposante en l’espèce est pertinente, puisqu’elle a pour effet de confirmer le plan relatif à la vente au détail de nouveaux produits alimentaires sous la marque de commerce PACINI, dont il est fait mention au paragraphe 18 de la première déclaration de M. Tremblay. Cette preuve n’aurait pu être présentée avant le début de 2008 étant donné que, comme la Requérante l’a reconnu, ce n’est qu’à la fin de décembre 2007 que la vente des produits de l’Opposante a débuté. De plus, étant donné que la preuve en question a simplement pour effet de confirmer l’affirmation que M. Pierre‑Marc Tremblay a formulée au paragraphe 18 de sa première déclaration et non de présenter une preuve inattendue et entièrement nouvelle, j’estime qu’un tort minime, s’il en est, est causé à la Requérante. En conséquence, j’arrive à la conclusion que, malgré le fait qu’il aurait été préférable que la preuve supplémentaire en question ait été déposée un ou deux mois plus tôt, les autres circonstances de l’espèce favorisent l’Opposante et il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser celle-ci à produire la deuxième déclaration de M. Tremblay à titre de preuve supplémentaire conformément à l’article 44 du Règlement.

 

Cela dit, il appert de la deuxième déclaration de M. Tremblay que l’Opposante a injecté une somme d’environ 280 000 $ dans la promotion de sa nouvelle gamme d’huiles et d’assaisonnements (à mon avis, il est raisonnable de dire que ces produits sont visés par la description des marchandises figurant dans l’enregistrement n°312775, du moins en ce qui concerne les « assaisonnements » de l’Opposante, qui peuvent être englobés dans les définitions de dictionnaire des mots « condiments » et « sauces »), sous la marque de commerce PACINI et le nom commercial RESTAURANT PACINI INC., aux fins de la vente au détail des produits en question par l’entremise de supermarchés et d’épiceries, et que les ventes ont atteint environ 204 618 $ entre décembre 2007 et le 16 mars 2008. Toutefois, même si ces données sont apparemment fournies pour l’ensemble du Canada, il appert de l’ensemble des affirmations énoncées dans la deuxième déclaration de M. Tremblay et des pièces qui y sont jointes que ces chiffres couvrent la province de Québec seulement.

 

Eu égard à la preuve susmentionnée, je suis d’avis que la marque de commerce PACINI de l’Opposante est devenue connue, voire bien connue, dans la province de Québec en liaison avec les services d’exploitation de restaurant et, dans une moindre mesure, avec les produits alimentaires dérivés de l’Opposante.

 

Cependant, je souscris à la thèse que la Requérante a exposée dans son plaidoyer écrit, selon laquelle la preuve de l’Opposante ne permet pas de dire que sa famille de marques de commerce PACINI et ses noms commerciaux PACINI sont très bien connus dans l’ensemble du Canada. Toutefois, je ne crois pas que le fait que la réputation et les activités de l’Opposante se limitent (jusqu’à maintenant) à la province de Québec m’empêche de conclure que l’examen global du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a) de la Loi favorise l’Opposante plutôt que la Requérante.

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

Étant donné qu’aucune preuve n’établit que la Requérante a jusqu’à maintenant employé la Marque projetée au Canada, et eu égard aux motifs exposés ci-dessus, ce facteur favorise également l’Opposante.

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

 

En ce qui concerne le genre de marchandises et de services ainsi que la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises et des services de la Requérante avec celui qui figure dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Ces libellés doivent toutefois être lus de manière à déterminer la nature probable du commerce plutôt que tous les commerces que pourrait englober le libellé.

 

Tel qu’il est mentionné plus haut, les enregistrements de l’Opposante couvrent divers services et marchandises, y compris des services de restaurant, lesquels peuvent également comprendre des services d’exploitation de bar et des comptoirs de ventes à emporter de mets, ainsi que des marchandises comme des pâtes alimentaires, des sauces, des pizzas, des condiments, des confiseries, en l’occurrence, des bonbons et du chocolat, des pâtisseries, des tartinades, du pain, des soupes, des plats cuisinés et des cerises au chocolat. Il y a manifestement un chevauchement entre les marchandises de l’Opposante et celles de la Requérante. En l’absence d’éléments de preuve montrant le contraire, il n’y a aucune raison de croire que la nature du commerce serait différente, eu égard, surtout, au fait qu’au moins quelques-unes des marchandises de l’Opposante sont vendues non seulement dans les restaurants de celle-ci, mais également dans les supermarchés et les épiceries. J’ajoute que rien n’empêche l’Opposante de développer davantage ce dernier créneau, non seulement au Québec, mais dans l’ensemble du Canada.

 

En conséquence, ces troisième et quatrième facteurs favorisent également l’Opposante.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

Il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. Dans l’arrêt Veuve Clicquot [précité], la Cour suprême du Canada a réitéré ce principe en ces termes :

 

20        Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.  Pour reprendre les termes utilisés par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202 :  

 

[traduction] Nul doute que si une personne examinait les deux marques attentivement, elle les distinguerait facilement. Ce n’est toutefois pas sur cette constatation qu’il faut se fonder pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion.

 

…les marques ne paraîtront pas côte à côte et [la Cour doit] essayer d’empêcher qu’une personne qui voit la nouvelle marque puisse croire qu’il s’agit de la même marque que celle qu’elle a vue auparavant, ou même qu’il s’agit d’une nouvelle marque ou d’une marque liée appartenant au propriétaire de l’ancienne marque. (Citant en partie Halsbury’s Laws of England, 3e éd., vol. 38, par. 989, p. 590.)

 

De plus, selon un principe généralement reconnu en droit des marques de commerce, le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est celui ou celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979) 46, C.P.R. (2d) 183 (C.F.)].

 

Il ressort de l’application de ces principes à la présente espèce un degré assez élevé de ressemblance entre les marques PACHINO et PACINI. Bien que le mot PACHINO ne semble pas avoir de sens connu pour le consommateur canadien moyen, il possède, tout comme le mot PACINI, une connotation italienne lorsqu’il est associé à la cuisine italienne. Les deux marques comportent la même première syllabe et ont le même nombre de syllabes. L’ajout de la lettre « H » ne modifie en rien la prononciation et modifie à peine, voire aucunement, la présentation. Sauf en ce qui a trait à la dernière voyelle « O » et « I », les deux marques sont identiques quant au son.

 

Dans ses observations écrites, l’Opposante fait valoir que, selon la grammaire italienne, lorsqu’un nom ou un adjectif masculin se termine par la voyelle « O », ce « O » est remplacé par un « I » au pluriel. Au soutien de cet argument, l’Opposante a joint à son plaidoyer écrit un extrait du site http://fr.wikipedia.org ainsi qu’un extrait du dictionnaire français-italien Le Robert & Collins. Tel qu’il est mentionné plus haut, la Requérante s’est opposée à la production de ces extraits à l’étape de la présentation du plaidoyer écrit. L’Opposante soutient que je peux admettre d’office ces extraits de dictionnaires. Elle ajoute que je peux également admettre d’office le fait que le Canada compte une communauté italienne importante. De l’avis de l’Opposante, les membres de la communauté italienne considéreront les marques PACHINO et PACINI comme des marques identiques. Bien que je sois disposée à admettre d’office qu’un certain nombre de Canadiens connaissent bien la langue italienne, j’ignore à quel pourcentage de la population canadienne ce nombre correspond. En l’absence d’éléments de preuve présentés à ce sujet en l’espèce, je ne suis pas disposée à déduire qu’un nombre important de Canadiens parlant l’italien considéreraient les marques PACHINO et PACINI comme des marques identiques [Roc International c. Rocbel Holdings Inc. (1994), 53 C.P.R. (3d) 109 (C.O.M.C.)]. Quoiqu’il en soit, il n’en demeure pas moins qu’un degré de ressemblance assez élevé existe entre les marques PACHINO et PACINI, comme je l’ai souligné plus haut. En conséquence, ce cinquième facteur tend à favoriser l’Opposante.

 

Comme dernier commentaire au sujet de ce cinquième facteur, j’aimerais répondre à l’argument de la Requérante selon lequel lorsque l’Opposante utilise la marque de commerce PACINI seule, la marque figure en écriture cursive et est soulignée ou mise en relief, et que cette présentation réduit le risque de confusion entre la marque en question et celle de la Requérante. Tel qu’il est mentionné plus haut, l’Opposante possède plusieurs enregistrements à l’égard de la marque de commerce PACINI, qu’il s’agisse de versions stylisées ou du mot PACINI utilisé seul à titre de marque. L’existence de ce dernier enregistrement enlève toute pertinence à l’argument de la Requérante.

 

Les circonstances de l’espèce

 

La Requérante a produit, au moyen de l’affidavit de M. Aulino, une copie certifiée de l’enregistrement n° 452275 à l’égard de la marque de commerce PACHINO’S DESIGN et au nom de Pachino’s Pizza Limited. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante souligne que cette marque a été enregistrée le 29 décembre 1995, soit après l’enregistrement de la marque PACINI de l’Opposante sous le n° 312775 (28 mars 1986) et de la marque de commerce PACINI DESSIN sous le n° 318885 (septembre 1986).

 

Se fondant sur la pièce MG-2 jointe au premier affidavit de Mme Gendron, la Requérante ajoute que les demandes 1231398 et 1231393 de l’Opposante, toutes deux produites le 23 septembre 2004 à l’égard des marques de commerce PACINI & DESSIN, ont été acceptées à des fins d’enregistrement le 22 juillet 2005. La Requérante souligne que la présente demande relative à la marque PACHINO a été produite le 10 septembre 2003, une année complète avant les demandes 1231398 et 1231393. Voici comment elle s’exprime au paragraphe 8.25 de son plaidoyer écrit :

 

[traduction] 8.25 [I]l va de soi que, même si l’examinateur a fait allusion à la demande de la Requérante au cours de l’examen des deux demandes de marque de commerce de l’Opposante, il a conclu que la marque de la Requérante ne créait aucune confusion avec les marques visées par les demandes numéros 1,231,393 et 1,231,398 de l’Opposante. En conséquence, il va de soi que la marque PACHINO de la Requérante, qui est visée par la demande 1,190,318, ne crée non plus aucune confusion avec la famille de marques de commerce PACINI.

 

En ce qui a trait au premier argument de la Requérante, comme l’Opposante l’a souligné, l’enregistrement n° 452275 à l’égard de la marque de commerce PACHINO’S & DESSIN a été radié pour cause de défaut de renouvellement le 18 juin 2004. La possibilité que cet enregistrement ait existé pendant un certain temps avec ceux des marques PACINI de l’Opposante dans le registre des marques de commerce ne lie pas en soi la Commission en la présente espèce. Non seulement la marque PACHINO’S & DESSIN se différencie-t-elle davantage des marques PACINI de l’Opposante que ne le fait la Marque de la Requérante, mais chaque affaire est un cas d’espèce devant être tranché sur la foi de la preuve présentée. À cet égard, je souligne que la Commission a rendu une décision au sujet d’une opposition produite par le prédécesseur en titre de l’Opposante à l’égard de la demande d’enregistrement de ladite marque PACHINO’S & DESSIN et a rejeté cette opposition le 30 octobre 1992. Si intéressante que cette décision puisse être, il est possible de la distinguer d’avec la présente espèce, ne serait-ce que parce que la marque visée par la demande alors examinée n’était pas la même que celle dont je suis saisie et que l’opposante n’avait produit aucune preuve.

 

Le même raisonnement s’applique au deuxième argument de la Requérante. Les extraits imprimés joints comme pièce MG-2 au premier affidavit de Mme Gendron établissent simplement que l’examinateur a envoyé un rapport le 2 février 2005 dans chacune des demandes d’enregistrement pour la marque PACINI & DESSIN de l’Opposante. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve à ce sujet. Quoi qu’il en soit, la décision rendue par la section de l’examen du Bureau des marques de commerce ne lie pas la Commission et n’a pas pour elle valeur de précédent, étant donné que la section de l’examen n’est pas saisie de la preuve que les parties produisent dans une opposition. Qui plus est, le fardeau de la partie requérante est différent selon que la demande en est au stade de l’examen ou de l’opposition. [Voir Now Communications Inc. c. CHUM Ltd. (2003) 32 C.P.R. (4th) 68 (C.O.M.C.); Interdoc Corporation c. Xerox Corporation, décision non publiée rendue le 25 novembre 1998 par la Commission des oppositions des marques de commerce au sujet de la demande 786,491; Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272, p. 277; Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377, p. 386.]

 

Eu égard à ce qui précède, je ne suis pas disposée à accorder beaucoup d’importance aux circonstances supplémentaires que la Requérante a invoquées en l’espèce.

 

Conclusion au sujet du risque de confusion

 

En appliquant le test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu de mes conclusions exposées ci‑dessus, j’estime que la Requérante ne s’est pas déchargée du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion dans l’esprit des consommateurs quant à la source des marchandises ou services des parties. En conséquence, sur la question de la confusion, je dois tirer une conclusion défavorable à la Requérante et le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est retenu.

 

Les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(3)a) et c)

 

S’agissant du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a), l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial en établissant qu’elle avait employé la marque PACINI en liaison avec au moins une partie des services et marchandises précisés dans ses enregistrements susmentionnés (c.-à-d. des pizzas, des pains, des cerises au chocolat et des services d’exploitation de restaurant), et ce, avant la date de production de la demande de la Requérante et qu’elle n’avait pas abandonné sa marque à la date de l’annonce de la demande de la Requérante. Il me reste donc à statuer sur ce motif en fonction de la confusion qui existait entre les marques à la date de production de la demande de la Requérante. Les conclusions que j’ai exposées au sujet de l’alinéa 12(1)d) s’appliquent de la même façon ici. En conséquence, le motif fondé sur l’alinéa 16(3)a) est retenu.

 

Les mêmes conclusions s’appliquent en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)c); l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial en montrant qu’elle avait employé ses noms commerciaux Pacini et Restaurants Pacini avant la date de production de la demande de la Requérante et qu’elle ne les avait pas abandonnés à la date de l’annonce de celle-ci. En conséquence, le motif fondé sur l’alinéa 16(3)c) est également retenu.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

La partie opposante se décharge de son fardeau de preuve au sujet du caractère distinctif lorsqu’elle démontre qu’à la date de production de l’opposition, sa marque de commerce était devenue connue au moins jusqu’au point d’annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir  Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. L’Opposante s’est déchargée de ce fardeau. Le fait que la réputation et les activités commerciales de l’Opposante se limitent à la province de Québec ne m’empêche pas de conclure que la marque PACINI de l’Opposante est devenue, dans les circonstances de la présente espèce, suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque visée par la demande de la Requérante. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que la marque PACINI de l’Opposante ait été employée et soit devenue connue dans l’ensemble du Canada pour que celle-ci puisse avoir gain de cause dans son opposition à la demande de la Requérante au motif que la Marque visée par ladite demande n’est pas distinctive à l’égard de la Requérante, comme l’a dit le juge Noël dans Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006) 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.) :

 

26     Dans la décision Skipper's Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1980] A.C.F. n° 705, paragraphe 49 (C.F.), le juge Cattanach, dans une remarque incidente, a dit que si une marque de commerce est suffisamment bien connue dans une région précise du Canada, cela annulera le caractère distinctif d’une autre marque de commerce :

Suivant mon interprétation de la décision du juge Thurlow, (tel était alors son titre) dans E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Limited ([1976] 2 C.F. 3), il n’est pas essentiel que la marque de commerce soit « bien connue au Canada » au sens de l’article 5, il suffit qu’elle soit connue dans une région du Canada suffisamment étendue pour interdire à un concurrent de se l’approprier, car elle ne pourrait plus être « adaptée à distinguer » ses marchandises et services. [Non souligné dans l’original]

 

À mon avis, cette remarque est conforme à la décision Motel 6, précitée. Dans l’affaire Motel 6, précitée, la preuve présentée tendait à établir que la réputation de la marque de commerce était essentiellement limitée à la Colombie-Britannique.

 

Étant donné que l’analyse de la probabilité de confusion sous ce motif n’est pas vraiment différente de celle qui a été faite sous le motif d’opposition visé à l’alinéa 12(1)d), son résultat sera le même, soit que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est également retenu.

 

Autres motifs d’opposition

 

Étant donné que je me suis déjà prononcée en faveur de l’Opposante relativement à plus d’un motif, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

 

Conclusion

 

Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande, le tout conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À Montréal (Québec), le 27 août 2008.

 

Annie Robitaille

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

 

Linda Brisebois, LL.B.

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