Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRANSLATION/TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 84

Date de la décision : 2010-06-11

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Guess?, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1235809 pour la marque de commerce YES MISS produite par 167081 Canada Inc. faisant affaires sous le nom commercial Dizaro                                                     

 

[1]  Le 26 octobre 2004, 167081 Canada Inc. faisant affaires sous le nom commercial Dizaro (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce YES MISS (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des vêtements pour dames, nommément : jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, jumpers, salopettes, barbotteuses, robes, slacks, vestes, jeans, gilets et manteaux.

 

[2]   Dans une demande modifiée, la Requérante a renoncé au droit à l’emploi exclusif du mot MISS en dehors de la marque de commerce.

 

[3]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 mai 2005.

 

[4]  Le 20 décembre 2005, Guess?, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande exposant des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). 

 

[5]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle rejette en bloc les arguments de l’Opposante.

 

[6]  La preuve de l’Opposante est composée de l’affidavit de Deborah Siegel ainsi que des pièces A à G. 

 

[7]  La preuve de la Requérante est constituée de deux affidavits d’Irina Dinu. Le premier affidavit comprend la pièce IDI-1 et le deuxième la pièce IDI-2.

 

[8]  L’Opposante est la seule à avoir présenté des arguments écrits et à avoir été représentée à l’audience.

 

Motifs d’opposition

[9]  Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit : la demande de la Requérante n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(3)a) et 16(3)b) et la Marque n’est pas distinctive.

 

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[10]  Il incombe ultimement à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante doit toutefois s’acquitter d’un fardeau initial en produisant une preuve admissible suffisante de laquelle on peut raisonnablement inférer les faits étayant chaque motif d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[11]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

 

  • article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475];

         alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir par. 16(3)];

         absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

[12]  J’examinerai maintenant les motifs d’opposition, mais pas nécessairement dans l’ordre où ils ont été plaidés.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[13]  L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec sa marque de commerce déposée YES CLOTHING CO., no LMC378251, concernant des vêtements sport pour femmes, nommément pantalons, pantalons et chemisiers.

 

[14]  Je remarque que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial concernant ce motif parce que l’enregistrement nLMC378251 est en règle à ce jour.

 

Test en matière de confusion

[15]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait.  Pour déterminer s’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même.

 

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue

[16]  L’alinéa 6(5)a) de la Loi porte sur le caractère distinctif inhérent des marques en cause et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue. Les deux marques possèdent un caractère distinctif inhérent, particulièrement en ce qui concerne le mot YES, que je considère comme étant la partie dominante et la plus distinctive des marques. 

 

[17]  En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, puisque la demande de la Requérante se fonde sur l’emploi projeté et qu’aucune preuve d’emploi n’a été produite depuis la date de production, je conclus que la Marque n’est pas connue au Canada.

 

[18]  L’Opposante a produit en preuve l’affidavit de Deborah Siegel. Mme Siegel travaille comme secrétaire pour l’Opposante depuis six ans. Elle fournit des détails concernant l’Opposante depuis sa création en 1981 et décrit le secteur d’activité de l’entreprise, qui se spécialise dans les vêtements décontractés, les accessoires et les produits du même genre pour les consommateurs. De plus, elle fournit des renseignements généraux sur les ventes et les publicités de l’Opposante à l’échelle internationale depuis 2000, en plus de renseignements sur les ventes et la publicité de ses produits au Canada depuis 2003. Je note cependant que Mme Siegel n’indique pas précisément les marques de commerce auxquelles s’appliquent ces données.

 

[19]  Mme Siegel explique que le portefeuille de marques de commerce de l’Opposante inclut la marque de commerce YES CLOTHING CO., qui représente une addition relativement récente à sa collection de vêtements et d’accessoires. Mme Siegel indique que l’Opposante a commencé à vendre des produits au Canada en liaison avec la marque de commerce YES CLOTHING CO. en 2005. Elle joint à son affidavit la pièce D, qui constitue des photographies d’un échantillon de vêtement. Je note que la marque de commerce YES CLOTHING CO. figure sur des étiquettes mobiles jointes à certains des vêtements. Mme Siegel n’a pas fourni d’échantillons de factures ou de chiffres de vente pour le Canada concernant cette marque. Comme je n’ai que la déclaration générale de Mme Siegel à ma disposition et quelques échantillons d’étiquettes mobiles affichant la marque, je conclus que la marque n’est devenue que très peu connue au Canada. 

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque a été employée

[20]  La période pendant laquelle chaque marque a été employée favorise l’Opposante.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[21]  Concernant l’examen des marchandises, des services et de la nature du commerce des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou des services figurant dans la demande d’enregistrement de la marque de commerce ou dans l’enregistrement lui-même qui est déterminant [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

 

[22]  Toutes les marchandises de la Requérante sont soit identiques soit très similaires à celles de l’Opposante.

 

[23]  La preuve montre que les marchandises de l’Opposante sont vendues dans des magasins de détail, des petits magasins de vêtements spécialisés et des boutiques. D’un autre côté, la Requérante n’a pas encore commencé à employer sa Marque. La Requérante a le fardeau de prouver que les commerces des parties sont différents et j’estime que la Requérante n’a nullement démontré que les voies de commercialisation seraient différentes.

 

[24]  Par conséquent, en l’absence de preuve du contraire, je considère que les marchandises semblables des parties pourraient partager les mêmes voies de commercialisation.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[25]  En ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques en cause, il existe des similitudes évidentes dans la présentation ou dans le son, car les deux commencent par le mot YES, qui à mon avis représente la partie distinctive des marques respectives. Les idées que les marques suggèrent sont quelque peu différentes; d'un côté, la marque de commerce de l’Opposante pourrait suggérer une entreprise qui fabrique des vêtements de marque YES, tandis que la Marque est une affirmation jumelée à un titre de courtoisie. 

 

[26]  Néanmoins, je suis consciente que le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est généralement le plus important en matière de distinction, car c’est de cette partie que les consommateurs se rappellent le plus souvent, et elles sont identiques en l’espèce [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. 

 

Autres circonstances pertinentes – état du registre

[27]  Comme circonstance pertinente, la Requérante a produit la preuve de l’état du registre par l’entremise du premier affidavit de Irina Dinu, une stagiaire en droit travaillant pour les agents de la Requérante. Cet affidavit sert à introduire en preuve les détails d’enregistrements de marque de commerce et une demande d’enregistrement pour une marque de commerce qui n’est pas la propriété de l’Opposante, lesquelles marques comprennent toutes le mot YES.

 

[28]  La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions quant à l’état du marché, et ces conclusions ne peuvent être tirées que dans les cas où un grand nombre d’enregistrements pertinents existent [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welsh Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. 

 

[29]  Sur les dix marques de commerce contenant le mot YES en liaison, entre autres, avec des vêtements, une est liée à une demande qui a été abandonnée depuis. Les neuf autres sont des enregistrements, dont un a été radié. Cela ne laisse que huit enregistrements pertinents détenus par cinq entités différentes, et comme la Requérante n’a fourni aucune preuve démontrant qu’une de ces marques était employée au Canada à la date pertinente, je suis d’avis que le nombre limité d’enregistrements pertinents n’est pas assez important pour que j’en tire des conclusions sur l’état du marché

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[30]  La Requérante a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques. De plus, la question doit être considérée sur la base de la première impression et du souvenir imparfait. Je conclus que la Marque de la Requérante est très proche, en ce qui concerne la présentation et le son, de la marque de l’Opposante, particulièrement en raison du fait que la première partie des marques respectives constitue également leur élément le plus distinctif. Ceci, combiné au fait que les marchandises sont identiques ou fortement reliées, m’amène à conclure que le consommateur moyen, concernant la première impression et le souvenir imparfait, penserait que les marchandises de la Requérante et de l’Opposante proviennent de la même source.

 

[31]  Pour tous les motifs exposés ci-dessus, j’estime que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver que sa Marque ne crée pas de confusion avec la marque de l’Opposante. 

 

[32]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b)

[33]  L’Opposante a également fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(3)b) de la Loi, au motif qu’à la date de production de la demande de la Requérante, elle créait de la confusion avec les demandes d’enregistrement no 1149739 et 1170909 antérieurement produites par l’Opposante pour la marque de commerce YES.

 

[34]  La demande no1149739 pour la marque de commerce YES concerne des vêtements pour hommes, femmes et enfants, nommément sous-vêtements, vêtements de bain, peignoirs, pyjamas, bonneterie, gants, ceintures, cravates, gilets de corps, chaussettes, pantalons d'entraînement, pulls d'entraînement, hauts en tricot, jupes, pantalons, shorts, chandails, jeans, gilets, manteaux, vestes, blazers, robes, foulards, chemisiers, cardigans, peignoirs, polos, ensembles de jogging, chandails à col roulé, ensembles et chemises polos; culottes pour femmes, soutiens-gorge, débardeurs, hauts courts, bustiers, camisoles, culottes flottantes, combinaisons-culottes; caleçons et boxeurs pour hommes; articles chaussants, nommément chaussures, bottes, espadrilles, sandales, articles chaussants d'entraînement, tongs, bottes de randonnée; couvrechefs, nommément chapeaux, visières, bandeaux, pinces pour cheveux.

 

[35]  L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial concernant ce motif, parce que sa demande a été produite avant la date de production de la demande de la Requérante [alinéa 16(3)b) de la Loi] et qu’elle était pendante lorsque la demande de la Requérante a été annoncée, comme le prévoit le paragraphe 16(4).

 

[36]  Comme l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, la Requérante doit prouver qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, entre les marques en cause.

 

[37]  J’estime que la preuve de l’Opposante concernant sa marque YES est très similaire à celle produite en appui à sa marque YES CLOTHING CO., par conséquent, mes conclusions concernant le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) sont dans l’ensemble aussi pertinentes à l’égard de ce motif. J’ajoute que la preuve de l’Opposante est encore plus convaincante en ce qui concerne sa marque de commerce YES puisque la Requérante s’est approprié l’entièreté de la marque de l’Opposante, ce qui rend la confusion encore plus probable.

 

[38]  Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

 

[39]  Comme j’ai déjà conclu que l’Opposante a obtenu gain de cause à l’égard de deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire d’examiner ce motif d’opposition concernant la demande no1170909 ou de considérer les autres motifs d’opposition.

 

Décision

[40]  En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en conformité avec le paragraphe 38(8) de la Loi.

 

Lynne Pelletier

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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