Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 32

Date de la décision : 2011-02-16

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Emilio Pucci International BV à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,319,689 pour la marque de commerce EMIDIO TUCCI au nom d’El Corte Ingles, S.A.

 

 

[1]               Le 11 octobre 2006, El Corte Ingles, S.A. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce EMIDIO TUCCI (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de cette marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : « métaux précieux et leurs alliages vendus en vrac; pierres précieuses; bijoux; bijoux de fantaisie; montres; chronomètres » (les Marchandises). La demande comporte un désistement du droit à l’usage exclusif du mot TUCCI en dehors de la Marque.

 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 6 juin 2007.

 

[3]               Le 31 octobre 2007, Emilio Pucci International BV (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), qu’elle n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 et de l’alinéa 38(2)d) de la Loi et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément aux alinéas 16(3)a), b) et c) de la Loi, étant donné que la Marque créée de la confusion avec la marque de commerce EMILIO PUCCI de l’Opposante (qui est enregistrée sous les numéros LMC171229 et LMC663889 ou à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement portant le numéro 315,425(01) a été produite par l’Opposante avant la date de production de la demande de la Requérante) et les noms commerciaux EMILIO PUCCI et EMILIO PUCCI INTERNATIONAL B.V., qui ont été employés par l’Opposante au Canada avant la date de production de la demande de la Requérante. Dans la déclaration d’opposition, l’Opposante fait également valoir que la Marque n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)a) de la Loi et que la demande ne respecte pas les exigences de l’article 30 de la Loi.

 

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Pietro Pasotti, directeur juridique d’Emilio Pucci S.R.L., titulaire d’une licence exclusive et internationale pour l’Opposante, souscrit le 1er septembre 2008, ainsi que la traduction anglaise de celui-ci présentée par l’entremise de l’affidavit de Francesca Bonciani, en sa qualité de traductrice travaillant dans les langues italienne et anglaise, engagée par Società Italiana Brevetti S.p.A, souscrit le 3 septembre 2008. L’opposante a également produit des copies certifiées des enregistrements nos LMC171229 et LMC663889. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Juan Carlos Areces Garcia, avocat et représentant juridique de la Requérante, souscrit le 23 avril 2009, ainsi que la traduction anglaise de celui-ci présentée par l’entremise de l’affidavit de Catalina Mora Estevan, une traductrice-jurée travaillant dans les langues espagnole et anglaise nommée par le ministre des affaires étrangères espagnol, souscrit le 14 mai 2009. La Requérante a également déposé l’affidavit de Lynda Palmer, recherchiste en marques de commerce et propriétaire de Lynda Palmer Trade Mark Searching, une société qui effectue des recherches dans les dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), souscrit le 26 mars 2009.

 

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties ont assisté à l’audience.

 

 

Fardeau de la preuve

 

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Résumé de la preuve des parties

 

La preuve de l’Opposante – l’affidavit de M. Pasotti

 

[8]               L’affidavit de Pietro Pasotti est en italien. Comme il a été dit précédemment, l’Opposante a fourni, au moyen de l’affidavit de Francesca Bonciani, une traduction certifiée anglaise du contenu de l’affidavit de M. Pasotti en italien [voir la pièce 1 jointe à l’affidavit de Mme Bonciani]. Pour plus de commodité, ces deux affidavits seront collectivement appelés l’affidavit de M. Pasotti.

 

[9]               Monsieur Pasotti a relaté l’historique de la marque de commerce EMILIO PUCCI. Il affirme que [traduction] « la marque de commerce EMILIO PUCCI a été créée en 1947 par le réputé designer de mode italien Marchese Emilio Pucci Di Barsento, également connu sous le nom Emilio Pucci. Né en 1914, Emilio Pucci a créé ses premiers vêtements, soit des combinaisons de ski, en 1935. Emilio Pucci a ouvert sa première boutique à Capri en 1949 et a créé ses célèbres "pantalons Capri". En 1950, il a lancé sa première collection » [paragraphes 4 et 5 de son affidavit].

 

[10]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « entre 1950 et jusqu’à sa mort en 1992, Emilio Pucci a créé des collections qui sont devenues de plus en plus populaires et reconnues partout dans le monde, sans compter les nombreux prix qu’il a reçus pour ses créations, dont le prix Neiman-Marcus en 1954 et en 1967 » [paragraphe 6 de son affidavit].

 

[11]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « après son décès en 1992, sa fille, Laudomia Pucci, a pris en charge le développement de la marque de commerce EMILIO PUCCI partout dans le monde. Au cours des dernières années, des designers reconnus comme Julio Espada, Christian Lacroix et, plus récemment, Matthew Williamson ont créé différents vêtements et accessoires de mode sous la marque de commerce EMILIO PUCCI » [paragraphe 7 de son affidavit].

 

[12]           Monsieur Pasotti a ensuite fourni à titre de pièce A, les détails des enregistrements de la marque de commerce EMILIO PUCCI et la demande obtenue par l’Opposante auprès de l’OPIC [paragraphe 8 de son affidavit]. Je joins à ma décision à titre d’annexe A un tableau résumant les caractéristiques de ces enregistrements et de cette demande.

 

[13]           Comme il est indiqué à l’annexe A, la demande no 315,425(01) au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) a été produite le 15 mars 2005 en vue d’étendre l’état déclaratif des marchandises visées par l’enregistrement no LMC171229 et a été ensuite enregistrée le 24 septembre 2008. De plus, je souligne que l’enregistrement no LMC269056 mentionné par M. Pasotti n’a pas été soulevé par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition. Sauf indication contraire, je désignerai les marques visées par les trois enregistrements énoncés à l’annexe A comme les Marques EMILIO PUCCI afin d’employer la même terminologie que celle utilisée par M. Pasotti dans son affidavit. Je ferai les distinctions nécessaires au besoin.

 

[14]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « l’Opposante, ou ses prédécesseurs en titre, directement ou par l’intermédiaire de ses licenciés, emploie les marques EMILIO PUCCI au Canada depuis quelques décennies en liaison, entre autres, avec des vêtements pour femme, des sacs et des accessoires de mode. De plus, plus récemment encore, l’Opposante, directement ou par l’intermédiaire de ses licenciés, emploie les Marques EMILIO PUCCI au Canada en liaison, entre autres, avec des parfums, plusieurs types de sacs et lunettes » [paragraphe 9 de son affidavit].

 

[15]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « l’Opposante, ou ses prédécesseurs en titre, emploient également les noms commerciaux EMILIO PUCCI et EMILIO PUCCI INTERNATIONAL [les Noms EMILIO PUCCI] au Canada aux fins de la commercialisation des produits de l’Opposante » [paragraphe 10 de son affidavit].

 

[16]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « Emilio Pucci S.R.L. est dûment autorisé à employer les Marques et les Noms EMILIO PUCCI au Canada » et il joint à titre de pièce A une copie des extraits pertinents de l’accord de licence conclu entre l’Opposante et Emilio Pucci S.R.L. [paragraphe 11 de son affidavit]. Je reviendrai sur ce point plus loin dans la présente décision lorsque j’examinerai la mesure dans laquelle ces marques des parties sont devenues connues au Canada dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

[17]           Monsieur Pasotti fournit ensuite le taux de roulement des produits de l’Opposante qui ont été distribués au Canada sous les Marques EMILIO PUCCI entre 1999 et 2008, lequel totalise 841 738,50 euros (soit plus de 1 million de dollars) [paragraphe 12 de son affidavit]. Cependant, il ne fournit aucune ventilation des ventes annuelles pour chacun des produits de l’Opposante.

 

[18]           Monsieur Pasotti fournit également, à titre de pièce B, des échantillons d’étiquettes sur lesquelles figurent les Marques EMILIO PUCI qui sont cousues sur les vêtements (identifiés comme des [traduction] « vêtements de plage », des « prêts-à-porter » et des « chapeaux, cravates et écharpes ») et des produits de cuir, qui sont offerts en vente au Canada [paragraphe 13 de son affidavit]. Comme l’a souligné la Requérante, les copies des étiquettes fournies ne démontrent pas que l’emploi des Marques EMILIO PUCCI fait l’objet d’une licence ou que l’Opposante est la propriétaire des Marques EMILIO PUCCI. Je reviendrai sur ce point plus loin dans la présente décision lorsque j’examinerai la mesure dans laquelle les marques des parties sont devenues connues au Canada dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

[19]           Monsieur Pasotti fait valoir que les produits vendus sous les Marques EMILIO PUCCI au Canada sont disponibles dans plusieurs magasins, y compris Holt Renfrew, Ogilvy et Winners, et fournit, à titre de pièce C, des copies d’écran des sites Web des magasins Holt Renfrew et Ogilvy qui annoncent certains produits EMILIO PUCCI. Il joint également, à titre de pièce D, des copies de factures émises par Emilio Pucci S.R.L. relatives à la vente de produits sous les Marques EMILIO PUCCI au Canada entre 2002 et 2008 et il confirme que les produits énumérés sur ces factures se rapportent à des produits commercialisés au Canada sous les Marques EMILIO PUCCI [paragraphes 14 et 15 de son affidavit]. Bien que les copies d’écran tirées de ces sites Web concernent effectivement des vêtements pour femme et des accessoires de mode EMILIO PUCCI, seul un produit, soit des chaussures, est annoncé en liaison avec les Marques EMILIO PUCCI. Comme l’a souligné la Requérante, des chaussures ne font pas partie des marchandises revendiquées en liaison avec l’une des Marques EMILIO PUCCI figurant à l’annexe A. Cependant, les échantillons de factures jointes à titre de pièce E visent en effet divers vêtements (comme des chapeaux pour femme, des visières, des casquettes, des foulards, des écharpes, des robes, des chemisiers, des t-shirts, des pantalons, des pantalons capris, des jupes, des chandails, des manteaux, des bikinis, des costumes de bain, etc.) et des petits produits de cuir (comme des portefeuilles, des sacs fourre-tout, des sacs à bandoulière, des sacs de plage, des étuis à caméra et des étuis à maquillage faits en peau de veau).

 

[20]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « de façon régulière et continue, l’Opposante annonce et fait la promotion des produits de l’Opposante commercialisés sous les Marques EMILIO PUCCI dans des catalogues, des dépliants publicitaires, des circulaires et des magazines qui sont mis en circulation au Canada » et il joint à titre de pièce E des copies de dépliants publicitaires choisis aléatoirement parmi des dépliants datés entre 2005 et 2008. Les collections EMILIO PUCCI décrites dans les dépliants comprennent différents vêtements pour femme, des bottes, des chaussures et des sandales, des écharpes, des gants, des ceintures, des serviettes de plage et différents types de sacs. Or, l’Opposante n’est identifiée nulle part sur les dépliants. Les dépliants mentionnent simplement « EMILIO PUCCI » ou le site Web www.emiliopucci.com.

 

[21]           Monsieur Pasotti affirme que [traduction] « plus récemment, soit en 2007, l’Opposante, en collaboration avec Guerlain, a lancé dans divers pays du monde, y compris le Canada, une édition limitée de produits cosmétiques commercialisés sous le nom « GUERLAIN BY EMILIO PUCCI ». Il a joint à titre de pièce F une copie d’une trousse d’information ainsi qu’un rapport des revues de presse portant sur la commercialisation desdits produits cosmétiques au Canada [paragraphe 17 de son affidavit]. Je souligne que la publication comprend des photos des produits cosmétiques sur lesquels figure la phrase « GUERLAIN BY EMILIO PUCCI » (GUERLAIN PAR EMILIO PUCCI). Comme l’a souligné la Requérante, sur la dernière page de la publication, il est indiqué que les produits sont distribués par « Guerlain Paris ». L’Opposante ne figure nulle part sur la publication. La publication indique seulement qu’« Emilio Pucci » est « la marque de mode Florentine » ou l’« icône intemporelle de la mode ». Je reviendrai sur ce point plus loin dans la présente décision lorsque j’analyserai la nature des marchandises et du commerce des parties dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

[22]           Monsieur Pasotti fournit ensuite à titre de pièce G des copies d’écran tirées du site Web de l’Opposante (www.emiliopucci.com) où différentes collections sont commercialisées sous les Marques EMILIO PUCCI [paragraphe 18 de son affidavit]. Comme le souligne la Requérante, la pièce G ne révèle aucun lien avec le Canada. Rien ne prouve que les Canadiens ont visité le site Web de l’Opposante. De plus, bien que M. Pasotti affirme que ce site Web est exploité par l’Opposante, les copies d’écran ne mentionnent aucunement l’Opposante ni aucune autre personne morale.

 

[23]           Monsieur Pasotti conclut son affidavit en donnant son opinion sur la probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les Marques EMILIO PUCCI [paragraphe 19 de son affidavit]. Je ne suis pas disposée à accorder de poids à cette dernière déclaration de M. Pasotti, qui constitue un témoignage d’opinion non admissible.

 

La preuve de la Requérante

 

L’affidavit de M. Garcia

 

[24]           L’affidavit de Juan Carlos Areces Garcia est en espagnol. Comme il a été dit précédemment, la Requérante a fourni, par l’entremise de l’affidavit de Catalina Mora Estevan, une traduction anglaise certifiée du contenu de l’affidavit de M. Garcia en espagnol [voir la pièce 3 de l’affidavit de Mme Estevan]. Pour plus de commodité, ces deux affidavits seront collectivement appelés l’affidavit de M. Garcia.

 

[25]           Monsieur Garcia affirme que la Requérante [traduction] « exploite la plus grande chaîne de grands magasins en Espagne. Cette chaîne fournit un grand éventail de marchandises et de services de détail à divers endroits. Les marchandises fournies par [la Requérante] dans ses grands magasins comprennent des montres. Les marchandises que [la Requérante] a l’intention d’offrir dans ses grands magasins comprennent des métaux précieux et leurs alliages vendus en vrac, des pierres précieuses, des bijoux, des bijoux de fantaisie, des montres et des chronomètres » [paragraphe 4 de son affidavit].

 

[26]           Monsieur Garcia affirme que la Requérante [traduction] « exploite des magasins dans plusieurs villes importantes d’Espagne et également au Portugal. [La Requérante] a été annoncée dans la publication Leading Brands of Spain à titre de grand magasin le plus connu et comme endroit qui vaut le déplacement à l’intention des 60 millions de touristes qui visitent l’Espagne chaque année ». M. Garcia joint à titre de pièce B une copie de plusieurs pages de cette publication, dont le texte est en espagnol et en anglais [paragraphe 6 de son affidavit]. La dernière page de la pièce B met en évidence les marchandises et les marques vendues par la Requérante dans ses grands magasins, y compris les marchandises vendues par la Requérante en liaison avec la Marque.

 

[27]           Monsieur Garcia affirme que [traduction] « durant les années qu’il a passé à l’emploi de [la Requérante], [il] a développé de très bonnes connaissances en matière de commercialisation au détail, y compris l’étalage des articles de détail. Selon [son] expérience, des marchandises comme celles de la Requérante sont souvent offertes en vente dans des magasins de détail spécialisés ou par d’autres voies de commercialisation comme des sites Web spécialisés sur lesquels les marchandises comme […] celles de l’Opposante » [visées par les enregistrements nos LMC171229 et LMC663889 de l’Opposante] ne sont pas disponibles. Subsidiairement, suivant son expérience, lorsque les marchandises comme celles de la Requérante et celles de l’Opposante sont offertes dans les mêmes magasins de détail (comme les grands magasins) ou par d’autres voies de commercialisation, elles sont exposées dans différents endroits dans les magasins ou disposées séparément les unes des autres (par exemple, sur différentes pages d’un site Web) [paragraphe 5 de son affidavit].

 

[28]           Monsieur Garcia affirme que [traduction] « la [Marque] provient d’un tailleur italien reconnu, M. Emidio Tucci, né le 31 octobre 1920. Emidio était le nom d’un Saint provenant d’Ascoli, en Italie. Le nom « Emidio » est connu en Italie, mais n’est pas commun en dehors de ce pays » [paragraphe 7 de son affidavit].

 

[29]           Il affirme également que [traduction] « à titre de tailleur, M. Emidio Tucci a ouvert son premier magasin de confection sur mesure, nommé EMIDIO TUCCI, à Milan, en Italie, en 1949. En 1959, M. Emidio Tucci s’est joint au SCIC Group à Crémone, en Italie, à titre de designer. De 1964 à 1969, M. Emidio Tucci faisait partie de l’équipe de designers D’avenza-Chester Barrie de Avenza en Italie » [paragraphe 8 de son affidavit].

 

[30]           De plus, il affirme que [traduction] « de 1949 à 1964, M. Emidio Tucci a également enseigné la mode à la Snob di Torino-Accademia Profesional di Taglio et à la Sartotecnica di Milano. Grâce à son succès dans le domaine de l’enseignement et à ses réalisations professionnelles dans le domaine de la mode masculine, M. Emidio Tucci a reçu le prix « Cavaliere al Lavoro Della Republica Italiana » (Chevalier du pays pour ses réalisations professionnelles) en juin 1971 [paragraphe 9 de son affidavit].

 

[31]           Monsieur Garcia affirme que [traduction] « en 1974, M. Emidio Tucci s’est joint à l’équipe de dessinateurs de vêtements mode de la Industrias y Confecciones, S.A. en Espagne. Industrias y Confecciones, S.A a adopté la [Marque] pour promouvoir les marchandises de M. Emidio Tucci » [paragraphe 10 de son affidavit].

 

[32]           Monsieur Garcia affirme que [traduction] « la [Marque] a été employée pour la première fois en Espagne en liaison avec des tailleurs pour homme en 1977. La [Marque] est employée par [la Requérante] ou ses prédécesseurs depuis 1977. La Marque est employée en liaison avec des montres depuis au moins 1999 » [paragraphe 11 de son affidavit].

 

[33]           Monsieur Garcia affirme qu’Industrias y Confecciones, S.A. a cédé la Marque à la Requérante le 10 juin 1997 et il joint, à titre de pièce C, une copie d’un document de cession à cet effet [paragraphe 12 de son affidavit].

 

[34]           Monsieur Garcia conclut son affidavit en produisant une liasse de documents comprenant des copies certifiées d’enregistrements démontrant que la Requérante a enregistré la Marque en vue de son emploi en liaison avec des marchandises dans la catégorie internationale 14 de l’Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services dans plusieurs endroits dans le monde [pièce D] et qu’elle possède l’enregistrement international no 910209 qui vise également plusieurs pays [pièce E]. Monsieur Garcia affirme également être au courant que l’Opposante a enregistré ou demandé l’enregistrement de la marque de commerce EMILIO PUCCI dans certains de ces pays [pièce F]. L’Opposante a également enregistré la marque de commerce EMILIO PUCCI à titre de marque de commerce communautaire [pièce H] et sous les enregistrements internationaux nos 947383 et 317878 [pièce I] [paragraphes 13 et 14 de son affidavit]. Bien que je comprenne les raisons de ces déclarations formulées par M. Garcia, il convient de rappeler que le registraire n’est pas lié par les conclusions tirées par d’autres pays parce que bien qu’une marque soit enregistrable dans un autre pays, il est possible qu’elle ne soit pas enregistrable au Canada compte tenu de la loi applicable et des circonstances de l’affaire. Je reviendrai sur ce point lorsque j’examinerai les autres circonstances dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

L’affidavit de Mme Palmer

 

[35]           Madame Palmer a produit en preuve les résultats des recherches qu’elle a effectuées le 24 mars 2009 dans les dossiers de l’OPIC en vue de trouver toutes les demandes de marques de commerce en cours et les marques de commerce enregistrées actives comprenant les caractères génériques et joker « EM*IO » ou « *UCCI » en liaison avec des marchandises ou des services de catégories internationales 3, 14, 18, 24 ou 25 de l’Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services et elle joint à tire de pièces B et C les résultats de ses recherches.

 

[36]           Madame Palmer joint également à titre de pièce D des copies d’écran tirées de divers sites Web qu’elle a visités. Elle affirme avoir trouvé chacun des sites Web d’où proviennent les copies d’écran en effectuant des recherches sur Internet à partir du moteur de recherche www.google.ca pour les différentes marques de commerce figurant sur les pièces B et C. Je reviendrai sur ce point lorsque j’examinerai les autres circonstances dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

Analyse des motifs d’opposition

 

[37]           Puisque j’estime que le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) constitue l’argument le plus solide de l’Opposante, j’examinerai ce motif en premier.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

[38]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi au motif qu’elle créée de la confusion avec la marque de commerce EMILIO PUCCI de l’Opposante enregistrée sous les nos LMC171229 et LMC663889 (ci-après appelées collectivement la marque nominale EMILIO PUCCI).

 

[39]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire pour examiner le registre des marques de commerce et confirmer les détails de ces deux enregistrements. Comme ils sont en vigueur, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

 

[40]           La Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque nominale EMILIO PUCCI de l’Opposante. La date pertinente à utiliser pour trancher cette question est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[41]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de mener à la conclusion que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[42]           Au moment d’appliquer le test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement attribué à chacun de ces facteurs [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824 (C.S.C.) (Veuve Clicquot) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[43]           Comme le démontrent les affidavits de M. Pasotti et de M. Garcia, les marques des parties proviennent toutes les deux de designers de mode italiens. Elles représentent toutes les deux le nom de leur designer respectif. Selon l’affidavit de M. Pasotti, M. Emilio Pucci est décédé en 1992. Rien n’indique que M. Emidio Tucci est toujours en vie aujourd’hui ou qu’il est décédé; ce point n’a pas été soulevé dans l’affidavit de M. Garcia ni mis en doute par l’Opposante.

 

[44]           Il est raisonnable de dire que les deux marques seraient perçues par le consommateur moyen comme représentant le nom d’une personne. Cela étant, et suivant la jurisprudence selon laquelle les marques de commerce composées de noms de personnes ou de noms de famille ont un faible caractère distinctif, j’estime que les marques des parties sont intrinsèquement faibles. À ce sujet, je reproduis l’extrait suivant tiré de l’ouvrage de Joliffe et Gill, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4eéd., Carswell, p. 8-27 :

[traduction]

Les marques qui n’ont aucun caractère distinctif intrinsèque devraient bénéficier de la plus faible protection. Par conséquent, les emplacements géographiques, les noms de personne et les noms de famille, les initiales, les termes descriptifs, les préfixes communs, les symboles communs et même les marques enregistrées qui ne sont pas devenus génériques n’ont pas de caractère distinctif intrinsèque et ne doivent généralement pas bénéficier d’une protection très étendue.

 

[45]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Il n’y a aucune preuve qui démontre que la Marque projetée de la Requérante a été employée au Canada ou qu’elle est devenue connue dans quelque mesure que ce soit au Canada. Le simple fait que la Requérante a été annoncée dans la publication Leading Brands of Spain comme étant la chaîne de grands magasins la plus connue en Espagne et comme un endroit qui vaut le déplacement à l’intention des touristes ne permet pas de dire que les marchandises et les marques vendues par la Requérante dans ses grands magasins, y compris les marchandises vendues par la Requérante en liaison avec la Marque, sont devenues connues au Canada. De plus, bien que l’affidavit de M. Garcia indique que M. Emidio Tucci est un designer italien reconnu, je dois conclure que la Marque n’est pas devenue connue du tout au Canada.

 

[46]                 En ce qui concerne la preuve de l’Opposante concernant l’emploi de la marque nominale EMILIO PUCCI au Canada, j’aimerais examiner tout d’abord l’argument de la Requérante portant que la preuve au dossier de démontre pas que cet emploi peut être attribué à l’Opposante conformément à l’article 50 de la Loi.

 

[47]                 Je souscris à la prétention de la Requérante selon laquelle l’Opposante ne peut se prévaloir de l’alinéa 50(2) de la Loi puisqu’aucune pièce jointe à l’affidavit de M. Pasotti n’établit qu’un avis public a été donné au fait que l’emploi des Marques EMILIO PUCCI fait l’objet d’une licence ou quant à l’identité du propriétaire des marques. Or, compte tenu du contrat de licence exclusive et internationale conclu entre l’Opposante et Emilio Pucci S.R.L., je ne souscris pas à la prétention de la Requérante selon laquelle l’Opposante ne peut invoquer le paragraphe 50(1) de la Loi. Le contrat de licence joint à titre de pièce B à l’affidavit de M. Pasotti comprend, à la clause 5, une disposition intitulée [traduction] « Contrôle de la qualité » qui prévoit expressément que l’Opposante a le contrôle sur la nature et la qualité des marchandises conçues, fabriquées, commercialisées, distribuées et vendues par Emilio Pucci S.R.L. et ses sous-licenciés. Le contrat de licence prévoit également, à la clause 2, que tout emploi des marques EMILIO PUCCI par Emilio Pucci S.R.L. profite à l’Opposante à titre de concédante de licence et que le licencié s’engage à ne pas employer abusivement ni à altérer les marques EMILIO PUCCI de quelque manière que ce soit. Rien ne me permet de conclure que les dispositions liées au contrôle de la qualité prévues dans le contrat de licence ne sont pas respectées par l’Opposante. Aucune preuve ne démontre que l’Opposante n’a pas exercé, directement ou indirectement, un contrôle sur la nature ou la qualité des marchandises. De plus, le témoignage par affidavit de M. Pasotti n’a pas été contesté en contre-interrogatoire.

 

[48]                 Cela étant dit, je suis convaincue, d’après une interprétation raisonnable de l’affidavit de M. Pasotti et des pièces jointes à celui-ci, que la marque nominale EMILIO PUCCI est employée au Canada depuis longtemps. Bien que M. Pasotti n’ait fourni aucune ventilation des ventes annuelles pour chacun des produits de l’Opposante, les échantillons de factures jointes à titre de pièce D à son affidavit illustrent les divers types de vêtements et les petits produits de cuir vendus au Canada sous la marque nominale EMILIO PUCCI. Étant donné que les chiffres de vente fournis par M. Pasotti montrent que les ventes annuelles moyennes se chiffrent à plus de 100 000 dollars, il est raisonnable de conclure que la marque nominale EMILIO PUCCI est devenue connue au Canada au moins dans une certaine mesure.

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[49]                 Comme il a été dit précédemment, rien ne démontre que la Marque projetée de la Requérante est employée au Canada. À titre comparatif, bien que la preuve de l’Opposante ne démontre pas l’emploi continu de la marque nominale EMILIO PUCCI en liaison avec chacune des marchandises décrites dans les enregistrements de l’Opposante depuis les toutes premières dates d’emploi invoquées dans les enregistrements, elle démontre l’emploi de la marque nominale EMILIO PUCCI en liaison avec divers vêtements et petits produits de cuir depuis au moins dix ans.

 

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

 

[50]           Lors de l’examen du genre de marchandises et de la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante à l’état déclaratif des marchandises dans les enregistrements présentés par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Cependant, ces états déclaratifs doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties souhaitent plutôt que tous les types de commerces que le libellé peut inclure. À cet égard, la preuve de la véritable nature du commerce des parties est utile [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[51]           La Requérante soutient qu’il n’existe aucune preuve démontrant que l’Opposante a employé les Marques EMILIO PUCCI en liaison avec les Marchandises de la Requérante. De plus, aucune des Marchandises ne figure dans les enregistrements de la marque de commerce EMILIO PUCCI figurant à l’annexe A. La Requérante fait également valoir qu’il n’y a aucune preuve établissant que les Marques EMILIO PUCCI sont distinctives au point que le consommateur présumerait que l’Opposante élargit sa gamme de marchandises liées aux Marques EMILIO PUCCI.

 

[52]           Quant aux voies de commercialisation des parties, la Requérante soutient que sa preuve non contestée est que les Marchandises sont fréquemment offertes au public dans des magasins de détail spécialisés ou par d’autres voies de commercialisation comme des sites Web spécialisés sur lesquels des marchandises comme des vêtements pour femme, des souliers, des accessoires et des parapluies ne sont pas offertes. Subsidiairement, lorsque les Marchandises et les vêtements pour femme, les sacs, les accessoires et les parapluies sont vendus dans un même magasin, ou par d’autres voies de commercialisation, ils sont exposés à des endroits différents dans le magasin ou séparément les unes des autres.

 

[53]           Au soutien des observations ci-dessus, la Requérante s’appuie sur la décision de la présente Commission dans Sasson Licensing Corp. c. Swarovski AG, 1999 CarswellNat 3474 (Sasson), aux paragraphes 9 et 12, où il a été conclu que les bijoux de la requérante étaient différents des vêtements, cosmétiques et produits de parfumerie visés par les enregistrements de l’opposante et qu’en l’absence de toute preuve contraire, la nature du commerce lié à ces marchandises était également différente.

 

[54]           L’Opposante, en s’appuyant sur les décisions de la Commission dans Charles of the Ritz Group Ltd. c. The Ritz Hotel Ltd. (1985), 6 C.P.R (3d) 483, p. 486 et 487, et Oscar de la Renta Ltd. c. Arto Inc. (1986), 14 C.P.R. (3d) 37, p. 40, fait valoir de sont côté qu’il y a un lien étroit entre les Marchandises de la Requérante et celles de l’Opposante, lesquelles font toutes parties de l’industrie de la mode. L’Opposante souligne que certaines factures jointes à titre de pièce D à l’affidavit de M. Pasotti prouvent la vente de robes pour femme EMILIO PUCCI avec des [traduction] « boutons de nacre cousus sur le tissu ».

 

[55]           L’Opposante prétend également qu’aucun des états déclaratifs des marchandises n’est limité à des voies de commercialisation en particulier. La nature du commerce des parties est la même ou est très similaire. L’Opposante, s’appuyant sur les décisions Valint N.V. c. Mario Valentino S.p.A. (1999), 4 C.P.R. (4th) 1 (C.F. 1re inst.), paragraphes 42 à 44, et Bluedot Jeanswear Co. c. 9013-0501 Québec Inc. (2004), 31 C.P.R. (4th) 361 (C.F.), paragraphe 19, soutient qu’il importe peu que les marchandises de l’Opposante soient offertes en vente dans des créneaux haut de gamme, puisqu’elles peuvent également être vendues dans de grands magasins à grande échelle, comme le démontrent les factures jointes à titre de pièce D à l’affidavit de M. Pasotti établissant les ventes de divers vêtements et petits produits de cuir EMILIO PUCCI dans les magasins Winners.

 

[56]           Il n’est pas nécessaire que les parties œuvrent dans le même domaine général ou dans la même industrie ou que les marchandises respectives des parties soient du même type ou de la même qualité pour qu’il existe une probabilité de confusion. Comme le prévoit le paragraphe 6(2) de la Loi, il peut y avoir confusion « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». L’argument de l’Opposante portant que les Marchandises de la Requérante font toutes partie de l’industrie de la mode doit être interprété au regard de la décision S.C. Johnson & Son, Inc. c. Esprit de Corp et al (1986), 13 C.P.R. (3d) 235 (C.F. 1re inst.) (Esprit), dans laquelle la Cour a accueilli l’appel interjeté par la requérante (l’appelante) contre la décision du registraire qui avait conclu que la marque de commerce ESPRIT que la requérante projetait d’employer en liaison avec des produits de soins personnels n’était pas enregistrable parce qu’elle créait de la confusion avec chacune des marques de commerce ESPRIT et ESPRIT DE CORP de l’opposante (l’intimée) antérieurement employées et enregistrées en liaison avec des vêtements. À ce sujet, je reproduis les commentaires suivants formulés par le juge Cullen. Cet extrait, bien qu’il soit long, est nécessaire pour bien comprendre les principes qui m’ont guidée en l’espèce :

 

La requérante reconnaît que ces industries sont étroitement liées à l’échelon supérieur, soit au niveau de la haute mode, où les mêmes marques de commerce sont employées pour des marchandises des deux industries. Il s’agit alors d’une marque de « designers » ou d’une « signature » contenant le nom d’un designer de vêtements réputé. La plupart des Canadiens connaissent les noms de Pierre Cardin, Yves Saint-Laurent, Givenchy, Ralph Lauren, pour n’en nommer que quelques-uns.

L’appelante déclare : [traduction] « ces marques de "designers" ou "signature" ne sont pas seulement appliquées aux parfums et aux cosmétiques, mais à toutes sortes d’accessoires pour vêtements tels que bijoux, souliers, ceintures, fourrures, ainsi qu’à d’autres marchandises telles que chocolat, intérieur d’autos, papiers peints, mobiliers et accessoires ». J’en conviens. Il me paraît évident que toute personne ou société demandant une marque de commerce pour une marchandise d’une catégorie employant l’une de ces marques « designer » ou « signature » ne peut pas s’attendre à réussir. Je crois que l’avocat de la requérante a suggéré que cette personne pourrait même être accusée de fraude tant distinctive est la « signature » ou la marque « designer ».

De même, toute tentative d’obtenir une marque de commerce pour des marchandises utilisant un nom commercial aussi connu que KODAK serait vouée à l’échec […].

 

À mon avis, le registraire a fait une erreur lorsqu’il a estimé pouvoir « admettre d’office » le fait allégué que les cosmétiques et les vêtements font tous deux partie de ce qu’il appelle l’industrie de la mode, sans définir cette dernière. L’expert indiscutable, Marina Sturdza, déclare dans son affidavit :

[traduction]

L’industrie du vêtement et celle des cosmétiques (dans laquelle je comprends, en l’espèce, les parfums, les cosmétiques et les produits de traitement, de bain et de soins capillaires) ne sont pas étroitement liées. Les marchandises des deux industries sont presque invariablement produites par des fabricants différents, sans aucun lien, et sont vendues en gros et commercialisées par des représentants différents utilisant des tactiques de vente et promotionnelles totalement différentes. De plus, les marchandises de chaque industrie sont, en général, gardées dans différents magasins ou, à tout le moins, dans le cas des grands magasins et des magasins spécialisés, dans des rayons différents ou des endroits différents du même magasin. En outre, les produits des deux industries appartiennent à des catégories différentes et sont presque toujours achetés par des gérants de marchandises, agents d’achats ou acheteurs de magasins différents.

Elle s’étend sur l’emploi des marques de commerce « designer » ou « signature » utilisées dans les vêtements et dans les cosmétiques et explique que ces marques constituent le nom personnel de designers de vêtements réputés et présentent un caractère distinctif fondamental incorporant la réputation personnelle du designer. […]

Je ne peux pas conclure que la marque de commerce « ESPRIT DE CORP » employée par l’intimée soit fondamentalement distinctive. Comme Mlle Sturdza l’a déclaré : [traduction] « la ligne "ESPRIT" n’est pas un chef de file de la mode et ses designs n’ont aucune influence directionnelle sur l’industrie du vêtement ». Elle a également dit [traduction] « d’une manière générale, on n’emploie pas des marques de commerce "non-designer" du type "ESPRIT DE CORP" de l’intimée pour identifier des vêtements de haute-mode, parce qu’elles ne possèdent pas le genre d’achalandage, de réputation ou de cachet personnels que les designers créent pour leurs produits de mode » et qui font que leurs noms sont transportables à toutes sortes d’articles de mode.

 

[57]                 Selon moi, suivant les commentaires ci-dessus formulés par le juge Cullen, le fait que les Marchandises de la Requérante ne figurent pas précisément dans les enregistrements de la marque nominale EMILIO PUCCI de l’Opposante n’est pas, à lui seul, déterminant. Il est possible d’avancer que certaines marchandises peuvent, dans une certaine mesure, être considérées comme des [traduction] « vêtements » ou des accessoires de « mode ». Des bijoux, des bijoux de fantaisie et des montres, plus particulièrement, sont des articles décoratifs qui s’ajoutent aux vêtements et les complètent. On peut également faire valoir que les états déclaratifs des marchandises visés par la demande de la Requérante et les enregistrements de la marque nominale EMILIO PUCCI de l’Opposante illustrent tous bien la diversité des marchandises en liaison avec lesquelles des marques de commerce composées des noms personnels de designer de mode sont transportables, comme le démontre la pièce F à l’affidavit de M. Pasotti se rapportant au lancement d’une édition limitée de produits cosmétiques sous le nom « GUERLAIN BY EMILIO PUCCI » (GUERLAIN PAR EMILIO PUCCI). Bien qu’une telle pièce ne prouve pas l’emploi des Marques EMILIO PUCCI en soi en faveur de l’Opposante, elle illustre bien les commentaires ci-dessus du juge Cullen concernant la pratique consistant à utiliser le nom d’un designer de mode en particulier à une grande variété de marchandises, comme des produits cosmétiques. La copie certifiée de l’enregistrement no LMC269056 fondée sur l’emploi de la marque figurative EMILIO PUCCI au Canada en liaison avec des parfums, ajoutée à la déclaration sous serment de M. Pasotti concernant l’emploi des Marques EMILIO PUCCI au Canada en liaison avec des parfums, tendent à établir davantage une telle pratique. Par conséquent, il est raisonnable de dire que le type de marchandises visées par la demande de la Requérante pourrait être considéré comme un prolongement naturel des divers vêtements et petits produits de cuir de l’Opposante en vente au Canada. Il convient d’ajouter que les faits de la présente affaire diffèrent de ceux de l’affaire Sasson, parce que les marques en cause dans cette affaire n’étaient pas constituées du nom de designers de mode.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement attribué à chacun de ces facteurs

 

[58]           La Requérante fait valoir que la marque nominale EMILIO PUCCI est une marque faible qu’un consommateur moyen conservant un souvenir imparfait peut différencier de la Marque. Plus particulièrement, les différences entre la marque nominale EMILIO PUCCI et la Marque EMIDIO TUCCI sont petites, mais évidentes : le « D » est remplacé « L » dans « EMILIO » et le « T » est remplacé par un « P » dans « PUCCI ». Compte tenu de l’absence de caractère distinctif de la marque nominale EMILIO PUCCI, la Requérante fait valoir que ces petites différences distinguent les marques de commerce, particulièrement pour un consommateur qui est habitué de faire une distinction entre des marques similaires employées en liaison avec des marchandises similaires.

 

[59]           L’Opposante soutient de sont côté que les marques des parties ont une ressemblance frappante. Elles semblent identiques au premier coup d’œil. Le son est le même. Les idées qu’elles suggèrent sont similaires en ce qu’elles sont toutes les deux constituées de noms de personnes italiens.

 

[60]           Comme il a été dit précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. Ce principe a été repris par la Cour suprême dans l’arrêt Veuve Clicquot :

 

20           Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. Pour reprendre les termes utilisés par le juge Pigeon dans Benson & Hedges c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, à la p. 202 :

 

[traduction] Nul doute que si une personne examinait les deux marques attentivement, elle les distinguerait facilement. Ce n’est toutefois pas sur cette constatation qu’il faut se fonder pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion [...]

 

[...] les marques ne paraîtront pas côte à côte et [la Cour doit] essayer d’empêcher qu’une personne qui voit la nouvelle marque puisse croire qu’il s’agit de la même marque que celle qu’elle a vue auparavant, ou même qu’il s’agit d’une nouvelle marque ou d’une marque liée appartenant au propriétaire de l’ancienne marque.

(Citant Halsbury’s Laws of England, 3e éd., vol. 38, par. 989, p. 590.)

 

 

[61]           En appliquant ces principes à la présente affaire, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre les marques des parties dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Elles ont de fortes ressemblances en ce qu’elles sont identiques, sauf qu’elles ont deux lettres différentes (c.-à-d. EMILIO PUCCI par opposition à EMIDIO TUCCI). Elles ont la même structure en ce qu’elles sont toutes les deux composées d’un mot de quatre syllabes suivi d’un mot de deux syllabes et qu’elles ont le même nombre de lettres. Leur connotation est similaire en ce qu’elles sont composées de noms italiens. Bien qu’il soit vrai que les marques ne sont pas identiques et qu’on peut faire la distinction entre les deux en les examinant attentivement l’une à côté de l’autre, le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque sur les Marchandises de la Requérante, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque nominale EMILIO PUCCI, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

 

Autres circonstances

 

Preuve relative à l’état du registre

 

[62]           La Requérante soutient que la preuve de l’état du registre des marques de commerce de l’OPIC ajoutée à la preuve de l’emploi sur le marché canadien peuvent indiquer que les consommateurs sont habitués à faire de subtiles distinctions entre différentes marques de commerce en accordant plus d’attention aux petites différences entre les marques.

 

[63]           Plus particulièrement, la Requérante prétend que l’affidavit de Mme Palmer démontre qu’il existe au moins 12 marques de commerce commençant par « EM » et se terminant par « IO » ou « UCCI » qui ont été enregistrées par d’autres parties à différents moments depuis les 20 dernières années et qui sont toujours en vigueur, nommément ROBERTO CAPPUCCI (LMC306020); MARIO PUCCI CECCIONI Dessin (LMC300841); CARLO COLUCCI Dessin (LMC327849); RENATO NUCCI & Dessin (LMC375089); SESTO MEUCCI (LMC395763); EMILIO ROBBA Dessin (LMC432136); SIGNOR PASCUCCI (LMC457525); MARISA MINICUCCI Dessin (LMC448,061); BACCO BUCCI (LMC612237); CARLO COLLUCI (LMC617842); EMILIO CAVALLINI (LMC629380) et CARLO COLLUCI (LMC654274).

 

[64]           La Requérante soutient également que la pièce C de l’affidavit de Mme Palmer prouve que chacune des marques de commerce de tiers ci-dessus est employée sur le marché étant donné qu’elles sont annoncées sur des sites Web de magasins ayant des établissements de vente au détail au Canada.

 

[65]           L’Opposante soutient pour sa part que la preuve relative à l’état du registre ci-dessus et la preuve relative à l’état du marché allégué ne sont pas très utiles à l’égard de la thèse de la Requérante étant donné qu’aucune de ces marques de commerce de tiers n’est aussi similaire à la marque nominale EMILIO PUCCI que la Marque de la Requérante. Je suis d’accord. Par conséquent, même si j’admettais que les Canadiens sont habitués de voir des noms de personnes italiens employées à titre de marques de commerce, il ne s’ensuit pas forcément qu’ils sont habitués à faire de subtiles distinctions entre des marques de commerce très similaires.

 

Coexistence des marques des parties

 

[66]           S’agissant de mon examen de l’affidavit de M. Garcia, la Requérante soutient que les marques des parties coexistent dans les registres de marques de commerce de plusieurs pays dans le monde. Or, comme l’a souligné l’Opposante, le fait que les marques coexistent dans des registres de marques de commerce étrangers ne lie pas le registraire. Il convient de citer les observations suivantes formulées par la Commission dans Quantum Instruments Inc. c. Elinca S.A. (1995), 60 C.P.R. (3d) 264 (Quantum) :

 

[traduction]

À titre de circonstance additionnelle concernant la question de la confusion, la requérante a produit en preuve des enregistrements obtenus par les deux parties en Grande-Bretagne et aux États-Unis d’Amérique pour les marques de commerce QUANTA et QUANTUM.  Toutefois, comme on l’a fait remarquer […] dans Re Haw Par […] on ne peut guère tirer de conclusions du fait que les marques de commerce dont il est question en l’espèce coexistent dans d’autres ressorts. […] le registraire doit fonder [la] décision sur les normes canadiennes et en fonction de la situation qui existe au Canada. De plus, dans Sun-Maid […] [la Cour] a déclaré qu’« on ne peut attacher aucune importance à l’omission de s’opposer à des enregistrements dans d’autres pays puisque de telles actions sont, nécessairement, fondées entièrement sur la loi et la procédure étrangères. En outre, bien que la requérante se soit fondée sur la preuve de la coexistence des marques de commerce en litige dans les registres en Grande-Bretagne et aux États-Unis d’Amérique, aucune preuve n’a été présentée relativement à la coexistence des marques de commerce en cause sur le marché dans l’un ou l’autre de ces pays […] En conséquence, cette preuve ne m’apparaît pas probante dans la présente instance. [Je souligne.]

 

 

[67]           Comme dans l’affaire Quantum, rien dans la preuve présentée en l’espèce ne démontre la coexistence des marques de commerce en cause sur le marché, que ce soit au Canada ou dans un autre pays.

 

[68]           De plus, comme l’a souligné l’Opposante lors de l’audience, si je prenais en considération le fait que les marques des parties coexistent dans les registres de marques de commerce figurant dans l’affidavit de M. Garcia, je devrais également tenir compte du fait que l’Opposante s’est opposée avec succès aux demandes d’enregistrement de la Requérante pour deux versions stylisées de la Marque présentées au United States Patent & Trademark Office (USPTO), comme le démontre la copie de la décision datée du 1er avril 2010 rendue par l’USPTO dans le cadre des procédures d’opposition nos 91169638 et 91177724 figurant dans la liste de décisions présentées par l’Opposante dans le cadre de la présente affaire. Pour les raisons susmentionnées dans l’affaire Quantum, il n’est pas nécessaire de formuler des observations additionnelles à l’égard de la décision de l’USPTO et de la coexistence des marques des parties dans les registres de marques de commerce étrangers.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[69]           Comme il a été dit précédemment, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Le fardeau imposé à la requérante signifie qu’en l’absence d’une conclusion décisive au terme de la production de l’ensemble des éléments de preuve la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

 

[70]           Comme je l’ai indiqué plus tôt, les marques des parties sont intrinsèquement faibles et n’ont pas droit à une protection étendue. Or, en appliquant les commentaires formulés par le juge Cullen dans la décision Esprit à la présente affaire, j’estime qu’il est raisonnable de dire que les marques des parties, qui sont toutes les deux composées de noms de designers de mode, sont employées en liaison avec des marchandises étroitement liées dans le domaine de la haute couture et qui sont susceptibles d’emprunter des voies de commercialisation identiques ou similaires.

 

[71]           Bien que l’Opposante n’ait pas prouvé l’emploi de la marque nominale EMILIO PUCCI en liaison avec les Marchandises de la Requérante, j’estime que la preuve de l’Opposante a soulevé suffisamment de doutes quant à la probabilité de confusion compte tenu du fait que les marques des parties ont une ressemblance frappante, que la marque de l’Opposante a acquis au moins une certaine notoriété au Canada et que le type de marchandises visé par la demande de la Requérante pourrait être considéré comme le prolongement naturel des vêtements et des petits produits de cuir de l’Opposante qui sont offerts en vente au Canada. Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’il était peu probable qu’une personne ayant un souvenir imparfait de la marque nominale EMILIO PUCCI de l’Opposante, employée en liaison avec les différentes marchandises visées par les enregistrements de la marque nominale de l’Opposante, ne conclurait pas dès la première impression que les Marchandises de la Requérante proviennent d’une source commune.

 

[72]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)a)

 

[73]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)a) de la Loi au motif qu’elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes. La date pertinente à utiliser pour trancher cette question est la date de production de la demande de la Requérante [voir Calvin Klein Trade-mark Trust c. Wertex Hosiery Inc. (2004), 41 C.P.R. (4th) 552 (C.O.M.C.); et Jurak Holdings Ltd. c. Matol Biotech Laboratories Ltd. (2006), 50 C.P.R. (4th) 337 (C.O.M.C.)].

 

[74]           Comme il a été mentionné précédemment, rien dans la preuve au dossier n’indique si M. Tucci est toujours en vie, s’il est décédé, et, dans l’affirmative, la date de sa mort. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)a) est rejeté parce que l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau initial. Il convient de souligner que si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau initial, ce motif d’opposition aurait probablement été accueilli.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

 

[75]           L’Opposante a fait valoir que la demande ne respecte pas les exigences prévues à l’article 30 de la Loi étant donné qu’à la date de production de la demande, la Requérante aurait employé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, que la Marque employée par la Requérante n’est pas la Marque, que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises et que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque du fait qu’elle était au courant des droits de l’Opposante. La date pertinente qui s’applique pour tous ces motifs d’opposition fondés sur l’article 30 est la date de production de la demande.

 

[76]           Tous ces motifs d’opposition sont rejetés du fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial. Je me contenterai de dire que la demande répond aux exigences des alinéas 30e) et i) étant donné qu’elle contient une déclaration portant que la Requérante, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, a l’intention d’employer la Marque au Canada et qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada. Suivant la preuve au dossier, je ne peux conclure que la Requérante n’avait pas réellement l’intention d’employer la Marque lorsqu’elle a produit sa demande et qu’elle n’était pas convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada.

 

 

Autres motifs d’opposition

 

[77]           Comme je l’ai indiqué ci-dessus, les motifs d’opposition fondés sur l’absence de caractère distinctif et l’absence de droit à l’enregistrement portent essentiellement sur la question de la confusion entre la Marque et la marque nominale EMILIO PUCCI de l’Opposante. Le fardeau de preuve incombant à l’Opposante ainsi que les dates pertinentes relatives à ces autres motifs d’opposition diffèrent de ceux qui s’appliquent en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Puisque j’estime que la question de la probabilité de confusion est l’argument le plus solide en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le fait que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, et puisque j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante pour ce motif, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

 

 

Décision

 

[78]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.


 

 

ANNEXE A

 

Marque de commerce

No et date de l’enregistrement

Marchandises et dates de premier emploi

1) EMILIO PUCCI

LMC171229

18 septembre 1970

(1) vêtements pour femme, nommément, robes, jupes, robes-chemises, chemises, shorts, pantalons, tailleurs, manteaux, maillots de bain; pièces, manteaux, blousons et étoles de fourrure, mantes, imperméables, articles chaussants, chandails et écharpes. (2) lunettes, lunettes de soleil, étuis à lunettes, appareils-photos.

 

Le droit à l’usage exclusif du mot PUCCI en dehors de la marque de commerce en liaison avec les marchandises (2) n’est pas accordé.

 

Employée au CANADA depuis au moins 1952 en liaison avec les marchandises (1). Déclaration d’emploi produite le 28 août 2008 en liaison avec les marchandises (2).

 

Employée en ITALIE en liaison avec les marchandises (1). Enregistrée en ITALIE le 22 septembre 1966 sous le no 181829 en liaison avec les marchandises (1).

 

Enregistrabilité reconnue en vertu de l’article 14 de la Loi sur les marques de commerce en liaison avec les marchandises (1).

 

Les marchandises (2) ont été ajoutées le 24 septembre 2008 suivant la production de la demande no 315425(01) le 15 mars 2005 en vue d’étendre l’état déclaratif des marchandises visées par l’enregistrement no LMC171229.

2)

EMILIO PUCCI DESIGN

LMC269056

14 mai 1982

(1) Parfums. (2) Sacs à bandoulière, sacs à main, sacs de voyage, valises, sacoches, portefeuilles et parapluies. (3) Vin. (4) Lunettes, montures et étuis pour lunettes.

 

Employée au CANADA depuis au moins 1970 en liaison avec les marchandises (1). Employée au CANADA depuis avril 1975 en liaison avec les marchandises (2). Employée au CANADA depuis août 1976 en liaison avec les marchandises (3). Déclaration d’emploi produite le 12 mars 1982 en liaison avec les marchandises (4).

 

Autorisation de l’emploi de la signature d’EMILIO PUCCI au dossier.

 

Le droit à l’usage exclusif des mots EMILIO PUCCI en dehors de la marque de commerce n’est pas accordé.

 

3) EMILIO PUCCI

LMC663889

 

Cuir et similicuir; sacs de voyage, ensembles de voyage (articles en cuir), malles et valises, housses à vêtements pour le voyage, étuis de toilette (vides), sacs à dos, sacs à bandoulière, sacs à main, mallettes, porte-documents, pochettes, portefeuilles, bourses, porte-clés, porte‑cartes; parapluies.

 

Employée depuis le 31 décembre 1980.

 

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