Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Heinz Italia S.R.L. à la demande no 1180381 produite par Furlani’s Food Corporation en vue de l’enregistrement de la marque de commerce FARLEY HILL FARM

 

Le 3 juin 2003, la Furlani’s Food Corporation (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque FARLEY HILL FARM (la « Marque »), fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. Actuellement, l’état déclaratif des marchandises est ainsi libellé :

 

Tartinade à l’ail, baguettes de pain, pain à l’ail, purée à l’ail, ail broyé, sauces à fruits de mer, sauces pour pâtes alimentaires, pains, gâteaux et pains sucrés, [traduction] aucun de ces produits n’étant destinés aux enfants [fin de la traduction].

 

La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot FARLEY, si ce n’est dans le cadre de la marque de commerce prise dans son intégralité. La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 avril 2004.

 

Le 21 septembre 2004, Heinz Italia S.R.L. (l’« Opposante ») a produit, à l’encontre de la demande, une déclaration d’opposition. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration réfutant les allégations de l’Opposante.

 

L’Opposante produit en preuve l’affidavit de Donald Holdsworth. La preuve de la Requérante consiste en l’affidavit de Greg Cleary. M. Holdsworth a été contre-interrogé sur son affidavit, et la transcription de ce contre-interrogatoire ainsi que les réponses aux engagements souscrits ont été versées au dossier.

 

La Requérante et l’Opposante ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties étaient représentées de manière compétente.

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), la Requérante ne pouvant avoir été convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque en liaison avec les marchandises décrites dans la demande étant donné qu’elle savait ou aurait dû savoir que l’Opposante employait déjà au Canada les marques FARLEY et FARLEY’S dont la similitude crée de la confusion.
  2. La Marque de la Requérante n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque déposée FARLEY’S de l’Opposante dont le numéro d’enregistrement est le 156834.
  3. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi étant donné qu’à la date de production de sa demande, la Marque créait de la confusion avec les marques FARLEY et FARLEY’S antérieurement employées et révélées au Canada par l’Opposante (ce qui vaut également pour ses prédécesseurs en titre et pour la H.J. Heinz Company of Canada Ltd., titulaire d’une licence) en liaison avec des biscuits et des biscottes.
  4. La Marque de la Requérante n’est pas distinctive, étant donné qu’elle ne distingue pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles la Requérante projette de l’employer, des marchandises d’autres propriétaires, en l’occurrence les marchandises de l’Opposante vendues en liaison avec la marque de celle-ci.

 

Dates pertinentes

 

Les dates pertinentes visées par les motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

         L’alinéa 30i) – La date de production de la demande (voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475);

         L’alinéa 12(1)d) – La date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)).

         L’alinéa 16(3)a) – La date de production de la demande (voir le paragraphe 16(3));

         L’absence de caractère distinctif – La date de production de la déclaration d’opposition (voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)).

 

Fardeau de preuve

 

Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition (voir John Labatt Ltée c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et autres (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)).

 

En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, l’enregistrement de sa marque de commerce FARLEY’S ayant été radié le 8 juillet 2005. À l’audience, l’Opposante a donc retiré ce motif d’opposition.

 

Pour s’acquitter du fardeau initial que lui impose l’article 16, l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé ou révélé ses marques au Canada avant la date à laquelle la Requérante a produit sa demande et ne les avait pas abandonnées à la date de l’annonce de la demande de la Requérante.

 

La Requérante fait valoir que l’Opposante n’a pas établi l’emploi de sa marque avant le 3 juin 2003. Le paragraphe 4(1) de la Loi définit en ces termes l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises :

 

4.(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

Pour examiner l’argument de l’Opposante portant que sa marque a été antérieurement révélée au Canada, il faut tenir compte de l’article 5 de la Loi, lequel dispose :

 

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des marchandises ou services, si, selon le cas :

a) ces marchandises sont distribuées en liaison avec cette marque au Canada;

b) ces marchandises ou services sont annoncés en liaison avec cette marque :

(i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

(ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

 

M. Holdsworth, directeur de la Division des aliments pour nourrissons de la H.J. Heinz Company of Canada Ltée (« Heinz Canada »), a fourni, au sujet de FARLEY’S, la marque de commerce de l’Opposante, les renseignements suivants :

 

         L’Opposante, Heinz Italia S.R.L., a accordé à Heinz U.K. et à Heinz Canada une licence d’utilisation de la marque de commerce FARLEY’S pour des biscuits produits par Heinz UK pour le compte de Heinz Canada. Une copie de l’accord de licence conclu le 20 septembre 2004 entre l’Opposante et la H.J. Heinz Company of Canada Ltée est jointe, à titre de pièce DH-3, à la transcription de son contre-interrogatoire. Une copie de l’accord de licence conclu le 17 avril 1995 entre Euromarket, S.r.L. (prédécesseur en titre de l’Opposante) et la Heinz UK est jointe à titre de pièce DH-4. Compte tenu de la teneur de ces accords, j’estime que l’Opposante exerçait effectivement sur la marque en question le contrôle qu’exige l’article 50 de la Loi.

 

         Il travaille chez Heinz Canada depuis sept ans et jamais, au cours de cette période, la marque FARLEY’S n’a cessé d’être employée au Canada. Selon lui, la marque est employée au Canada depuis beaucoup plus longtemps.

 

         Il ressort de l’enregistrement no 156834, joint à son affidavit à titre de pièce A, que la marque de l’Opposante est employée depuis mars 1949. Si la marque a été radiée pour défaut d’emploi, il croit cependant qu’il s’agissait là d’une erreur étant donné que la marque fait l’objet d’un emploi continu depuis qu’il travaille chez Heinz Canada.

 

         Il présente comme pièce B jointe à son affidavit ce qu’il affirme être une photocopie des emballages de biscuits FARLEY’S à la banane et de biscuits à saveur régulière. Il a cependant reconnu, au cours de son contre-interrogatoire, que ces copies proviennent des fichiers électroniques de la Heinz Packaging Company Limited, société chargée de la conception des emballages. Les documents qu’il qualifie de copies, joints à titre de pièce B, et qui, selon la Requérante, portent les dates du 30 septembre 2003 et du 15 octobre 2003 (ces dates étant postérieures à la date pertinente du 3 juin 2003), ne sont donc pas des photocopies d’emballages dans lesquels le produit a réellement été vendu.

 

         Chaque année, au cours de la période allant de 2002 à 2005, Heinz Canada a tiré de la vente de biscuits de marque FARLEY’S un chiffre d’affaires net de plus de 1,4 million de dollars.

 

Eu égard à ce qui précède, je conviens avec la Requérante que l’Opposante ne s’est pas déchargée du fardeau que lui impose le paragraphe 16(3) de la Loi. L’Opposante n’a pas établi l’emploi de sa marque en liaison avec les marchandises, lors du transfert, de la manière prescrite au paragraphe 4(1) de la Loi, ni la manière dont elle a fait connaître sa marque au Canada conformément aux dispositions de l’article 5. D’ailleurs, même si les documents qualifiés de copies sont effectivement représentatifs des emballages ayant servi à la vente des biscuits de l’Opposante, ils comportent tous deux une date postérieure à la date pertinente. Je relève, enfin, que la copie certifiée de l’enregistrement de l’Opposante ne lui permet pas de s’acquitter du fardeau qui lui incombe à l’égard de ce motif d’opposition (voir Rooxs, Inc. c. Edi-SRL (2002), 23 C.P.R. (4th) 265 (C.O.M.C.)).

 

En ce qui concerne le fardeau dont l’Opposante doit s’acquitter au regard de l’alinéa 38(2)d), la preuve doit, conformément à ce qu’a précisé le juge Noël dans la décision Bojangles' International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427, indiquer clairement que la marque de l’Opposante est connue au moins jusqu’à un certain point, c’est-à-dire que la réputation acquise par la marque au Canada doit être importante, suffisante ou significative à la date de production de la déclaration d’opposition (en l’occurrence, le 21 septembre 2004). Au vu de la preuve présentée, j’estime que la marque de l’Opposante n’avait pas acquis au Canada une réputation importante, significative ou suffisante au 21 septembre 2004. Même en supposant que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial, il est peu probable que la Marque visée par la demande crée de la confusion avec la marque de l’Opposante, et cela pour les motifs exposés ci-dessous.

 

Le motif d’opposition fonde sur l’alinéa 38(2)d)

 

À l’audience, l’Opposante a reconnu que l’emploi de la marque FARLEY prise isolément ou de la marque FARLEY’S en liaison avec des biscottes n’avait pas été établi. Pour répondre à la question de savoir si la Marque distingue véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles l’emploi est projeté de celles de l’Opposante, il faut donc examiner la probabilité de confusion entre la Marque et la marque FARLEY’S de l’Opposante en liaison avec des biscuits.

 

Le test en matière de confusion

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le test de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids.

 

Dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et autres (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême a examiné la procédure appropriée pour déterminer toutes les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte pour décider si une marque de commerce crée de la confusion. s’est penchée sur la voie à suivre pour évaluer l’ensemble des circonstances de l’affaire. J’examinerai maintenant toutes les circonstances de l’espèce à la lumière des principes généraux exposés dans ces arrêts.

 

Al. 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

En ce qui concerne le premier critère, il est bien établi que les noms de famille et les lettres sont des facteurs très secondaires en ce qui concerne le caractère distinctif d’une marque (voir Murjani International Ltd. c. Universal Impex Co. Ltd. (1986), 12 C.P.R. (3d) 481 (C.F. 1re inst.)). Le mot FARLEY’S étant un nom de famille, la marque de l’Opposante n’a guère de force inhérente. J’estime, comme le fait valoir la Requérante, que ce fait lui donne droit à une protection moindre que s’il s’agissait d’un mot exceptionnel ou inventé. Certes, la Marque de la Requérante n’a elle-même guère de force inhérente, mais elle revêt cependant, à mon avis, un caractère distinctif inhérent légèrement supérieur à celui de la marque de l’Opposante.

 

Cela dit, la force d’une marque peut s’accroître si elle devient connue par suite de sa promotion ou de son emploi. L’Opposante fait valoir que les biscuits de marque FARLEY’S sont vendus au Canada depuis plus de 50 ans, et que la marque a acquis au Canada et dans le reste du monde un caractère distinctif, en raison de cette longue période pendant laquelle elle a été employée en liaison avec des biscuits. La preuve, cependant, tend à démontrer le contraire.

 

À cet égard, bien que M. Holdsworth affirme que les biscuits de marque FARLEY’S sont bien connus au Canada, il convient de mentionner l’extrait suivant qui apparaît sous la rubrique intitulée Infant Feeding (alimentation des nourrissons) dans les pages du site Internet www.heinzbaby.com, une copie de ces pages ayant été montrée à M. Holdsworth lors de son contre-interrogatoire par l’agent de la Requérante : [traduction] « En Italie, au Canada, au Venezuela et en Australie la majorité des bébés apprécient les aliments Heinz. Au Royaume-Uni et en Inde, Heinz est connu pour ses marques Farley’s et Farex. »

 

L’agent de l’Opposante s’est opposé à cet élément de preuve, estimant qu’il n’est pas possible pour M. Holdsworth de reconnaître bon nombre de ces pages du site Internet que lui a montrées l’agent de la Requérante. Cependant, lorsqu’on lui a demandé de préciser si les documents qui lui étaient présentés par l’agent de la Requérante étaient bien des pages tirées des sites Internet de la société Heinz, l’agent de l’Opposante s’y est refusé, faisant valoir que l’Opposante ne souhaitait pas produire de preuves pour le compte de la Requérante.

 

Dans la décision McDonald’s Corp. c. Silicorp Ltd./Ltée (1987), 14 C.P.R. (3d) 405 (C.F. 1re inst.), la Cour a indiqué que le contre-interrogatoire ne doit porter que sur des points que l’auteur de l’affidavit est censé connaître et qui se rapportent aux principales questions soulevées dans le cadre de l’instance et que celui-ci évoque dans son affidavit. Étant donné que les pages susmentionnées du site Internet ont été produites en réponse à ce que M. Holdsworth aux déclarations contenues dans son affidavit portant que les biscuits de l’Opposante sont bien connus au Canada et que, lors de son contre-interrogatoire, M. Holdsworth a reconnu qu’il connaissait au moins la première page du site Internet, j’estime que les pages tirées du site sont admissibles en l’espèce. Je tiens à ajouter que, compte tenu du poste qu’il occupe au sein de cette entreprise, on peut raisonnablement s’attendre à ce que M. Holdsworth soit, de façon générale, au courant de ce qui est affiché sur le site Internet de son entreprise.

 

Même si je ne tenais pas compte des pages tirées du site Internet www.heinzbaby.com, je ne pourrais, au vu des éléments de preuve produits, que conclure que la marque de l’Opposante n’est pas très connue au Canada, si tant est qu’elle soit connue du tout. À cet égard, si M. Holdsworth a affirmé, lors de son contre-interrogatoire, que son entreprise fait de la publicité pour les biscuits FARLEY’S en distribuant des brochures dans les épiceries et dans les pharmacies, l’Opposante n’a produit aucune preuve de ces annonces, ni aucune preuve des dépenses occasionnées par ses activités de publicité et de commercialisation (voir p. 74). En outre, s’il est vrai que M. Holdsworth affirme dans son affidavit que la marque a été continuellement employée depuis au moins le mois de mars 1949, invoquant à l’appui de ses prétentions l’enregistrement no 156834 joint à son affidavit à titre de pièce A, et s’il est également vrai que l’enregistrement était en règle à la date pertinente, ces éléments en soi ne permettent d’établir qu’un emploi de minimis de la marque de l’Opposante à la date de l’enregistrement (Entre Computers Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)).

 

En ce qui concerne la Marque de la Requérante, M. Cleary a expliqué que la Requérante avait commencé à vendre au Canada des baguettes de pain, du pain à l’ail, du pain grillé à l’ail et des pains sous la marque de commerce FARLEY HILL FARM après le 3 juin 2003. Au paragraphe 5 de son affidavit, il résume le chiffre d’affaires de la Requérante pour les années 2003, 2004, 2005 et jusqu’au mois d’août 2006. Au cours des années en question, l’entreprise a enregistré des ventes de 77 675 $; 282 416 $; 459 807 $ et 550 021 $ respectivement. Des échantillons d’étiquettes portant la marque de commerce FARLEY HILL FARM employée au Canada en liaison avec les marchandises indiquées sont joints à son affidavit à titre de pièce B. M. Cleary a, en outre, expliqué que pour sa publicité dans la presse écrite, la Requérante a dépensé environ 10 000 $ en 2004, 50 000 $ en 2005 et 40 300 $ en 2006. Ces éléments me permettent donc de conclure que la Marque de la Requérante est devenue connue jusqu’à un certain point au Canada.

 

Alinéa 6(5)b) - la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

Ainsi que nous l’avons vu, l’Opposante n’a pas établi l’ emploi de sa marque au sens du paragraphe 4(1). J’estime par conséquent que ce facteur joue en faveur de la Requérante.

 

Alinéa 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

Il existe un lien entre les marchandises des parties, dans la mesure où elles appartiennent toutes deux à la catégorie générale des produits alimentaires. Les marchandises précises des parties sont sensiblement différentes cependant, étant donné que les marchandises de la Requérante comprennent, entre autres, du pain à l’ail, des baguettes de pain, des sauces pour pâtes alimentaires, des pains, des gâteaux et des pains sucrés, dont la demande précise qu’ils ne sont pas destinés aux nourrissons ou aux enfants, alors que les biscuits de l’Opposante semblent être conçus spécialement pour les nourrissons. Sur ce point, rappelons que l’enregistrement dont fait état l’Opposante montre bien que la marque de l’Opposante a été, à l’origine, enregistrée en liaison avec des aliments pour nourrissons, notamment des biscuits, etc. En outre, selon les emballages joints à l’affidavit de M. Holdsworth, les biscuits de l’Opposante sont en fait de la céréale instantanée sous forme de biscuits, ces emballages contenant des instructions quant à la manière de donner aux bébés ces biscuits, leurs premiers aliments solides. J’estime que, comme le fait valoir la Requérante, les marchandises de l’Opposante ne sont pas, contrairement à ce qu’affirme l’Opposante, des « produits de boulangerie ».

 

Selon l’Opposante, que le produit en question soit ou non conçu à l’intention des nourrissons, il me faudrait prendre d’office connaissance du fait que ce sont des adultes qui achètent ce produit, comme ce sont également des adultes qui achètent les produits de la Requérante. Je suis disposée à prendre connaissance d’office de ce fait.

 

Les décisions suivantes, qui seront examinées un peu plus loin, sont d’une pertinence particulière pour les besoins de l’analyse en l’espèce : Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), confirmée par 49 C.P.R. (3d) 217 (C.A.F.) (« Clorox »); Loblaws Inc. c. Tritap Food Broker, Division de 676166 Ontario Limited (1999), 3 C.P.R. (4th) 108 (C.O.M.C.) (« Loblaws ») et Van Melle Nederland B.V. c. Principal Marques Inc. (1998), 87 C.P.R. (3d) 368 (C.O.M.C.) (« Van Melle »).

 

Dans la décision Clorox, la Cour a examiné la probabilité de confusion entre la marque K.C. MASTERPIECE & Dessin, sous laquelle était vendue une sauce pour barbecue, et la marque déposée MASTERPIECE, sous laquelle étaient vendus des gâteaux et des chocolats. Estimant qu’il n’y avait pas de confusion entre les marques, la Cour s’est prononcée en ces termes, à la p. 490 :

                        En premier lieu, il est constant que la marque « Masterpiece » consiste en un mot commun du dictionnaire et, de ce fait, ne devrait jouir que d’une protection restreinte.

 

                        […]

 

                        En quatrième lieu, je dois faire remarquer qu’à mon avis, la doctrine de la « protection restreinte » s’applique également au critère de la similitude des marchandises. Il est vrai que les cakes et la sauce pour grillades peuvent être considérés comme appartenant à la catégorie générale des produits alimentaires, mais ce critère ne peut être appliqué sur une base manichéenne. Il suffit de considérer les milliers de variétés d’aliments, de viandes, de confiseries, de céréales, etc. dans un supermarché quelconque, pour comprendre que, dans certains cas, mieux vaut ne pas trop se fier au critère de la « même catégorie générale ». Autrement, dans le cas d’une marque faible comme « Masterpiece », l’application de ce critère abstraction faite de toute autre considération reviendrait à accorder le monopole sur un mot du dictionnaire, ce que les tribunaux ont toujours rejeté.

 

Dans la décision Loblaws, M. Martin, membre de la Commission, a examiné la probabilité de confusion entre la marque TASTEFUL MEMORIES, sous laquelle étaient vendues des grignotines, et la marque déposée MEMORIES OF, sous laquelle étaient vendus des « sauces, [traduction] fromage à la crème, viandes, gelées, pizzas [fin de la traduction] ». Voici comment M. Martin s’est exprimé, à la p. 8, en concluant à l’absence de probabilité de confusion entre les marques :

 

[traduction]
Il n’existe aucun chevauchement direct entre les marchandises en cause. De manière générale toutefois, un lien existe entre les marchandises des parties, étant donné qu’il s’agit dans tous les cas de produits alimentaires. Cela dit, les marchandises en cause sont différentes les unes des autres, car les marchandises de la requérante appartiennent à la catégorie des grignotines, ce qui n’est pas le cas des marchandises de l’opposante. L’opposante a tenté d’introduire des produits tels que la pizza et les hambourgeois dans la catégorie des grignotines, mais M. Lindsay a reconnu, lors de son contre-interrogatoire, que ces produits appartiennent plutôt à la catégorie des repas. Il a, en outre, reconnu qu’aucun des produits que l’opposante tentait d’introduire dans la catégorie des grignotines, se trouverait au rayon grignotines d’une épicerie […]. Ainsi, bien qu’il y ait chevauchement du commerce des parties, puisque les toutes marchandises en cause peuvent être vendues dans les épiceries, il est peu probable qu’elles soient exposées dans le même rayon.

 

Dans la décision Van Melle, M. Martin, membre de la Commission, a conclu qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion entre la marque proposée FRUIT-ELLY, en liaison avec des « puddings, parfaits and desserts de gélatine [sic] » et la marque déposée FRUITELLA, en liaison avec des [traduction] « confiseries, à savoir des bonbons, des dragées, des pastilles, de la gomme à mâcher, des caramels à la menthe, des bonbons et des dragées médicamentés et des articles de confiserie à la réglisse, aucun des produits énumérés ne contenant du cacao ou du chocolat ». Voici comment M. Martin s’est exprimé, à la p. 371, en arrivant à cette conclusion :

 

[traduction]
Bien que les marchandises des deux parties appartiennent à la catégorie des produits alimentaires, il s’agit là d’une catégorie très large qui n’est pas en l’espèce d’une grande utilité. Les bonbons ne sont pas la même chose que les desserts apprêtés. Les deux types de marchandises sont vraisemblablement commercialisés différemment et se trouvent probablement exposés dans des rayons différents d’une épicerie.

 

La présente espèce ressemble aux décision susmentionnées dans la mesure où les marchandises des parties ont en commun le fait d’être des produits alimentaires. Cependant, ainsi qu’il ressort des décisions susmentionnées, des marchandises que l’on peut considérer comme appartenant à la même catégorie générale peuvent être foncièrement différentes et se voir pour cela exposées dans des rayons différents d’une même épicerie. J’estime que c’est le cas en l’espèce. Certes, il existe peut-être un certain chevauchement dans les voies de commercialisation empruntées par les parties, étant donné qu’elles vendent toutes deux des marchandises à des supermarchés, et ce sont des adultes qui se procurent leurs produits, mais il n’en demeure pas moins que les marchandises des parties se trouvent vraisemblablement dans des rayons différents d’une épicerie. Sur ce point, M. Holdsworth a reconnu lors de son contre-interrogatoire que les biscuits de Heinz Canada destinés aux nourrissons se trouvent en général dans le même rayon que les couches. Les marchandises de la Requérante, par contre, se trouvent probablement dans les rayons pain et charcuterie du supermarché.

 

L’Opposante soutient en outre que la réserve formulée dans la demande de la Requérante précisant que ses produits ne sont pas destinés aux nourrissons ou aux jeunes enfants est, en l’espèce, dénuée de pertinence. Je ne suis pas d’accord. J’estime que la réserve exprimée par la Requérante à l’égard des marchandises visées par la demande est pertinente. À cet égard, le registraire doit examiner les voies de commercialisation que le consommateur moyen associerait normalement aux marchandises décrites dans la demande de la Requérante, étant donné que c’est au regard de ces marchandises que la Requérante sollicite un monopole dans l’emploi de sa Marque. Par conséquent, lorsque l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande comporte une réserve, comme c’est le cas en l’espèce, le registraire peut tenir compte du fait qu’il est expressément mentionné que les marchandises de la Requérante ne sont pas destinées aux nourrissons ou aux enfants, ce qui signifie que la Requérante ne pourrait éventuellement vendre ces marchandises en les exposant dans les rayons d’une épicerie consacrés aux aliments pour enfants, dont les produits de l’Opposante.

 

Al. 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

Le premier élément d’une marque est souvent considéré comme celui qui sert davantage à établir son caractère distinctif, mais lorsque cet élément est faible l’importance qui lui est accordée est moindre (voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)). La Requérante a intégralement incorporé la marque de l’Opposante dans sa propre Marque, en y ajoutant toutefois des mots qui permettent de distinguer sa Marque de celle de l’Opposante. Qui plus est, s’agissant des idées que la Marque de la Requérante suggère, j’estime que celle-ci évoque plutôt un lieu alors que la marque de l’Opposante donne à penser que les marchandises ont pour origine une personne du nom de FARLEY’S. Par ailleurs, s’agissant du son, la ressemblance entre les marques n’est pas marquée étant donné que la Marque de la Requérante comporte trois mots et quatre syllabes alors que la marque de l’Opposante ne comporte qu’un seul mot.

 

Les circonstances de l’espèce

 

L’Opposante prétend qu’il y a lieu de distinguer la présente espèce des décisions mentionnées par la Requérante étant donné qu’en l’espèce, aucune preuve de l’état du registre ne permet d’établir que la marque de l’Opposante comporte un élément commun à plusieurs autres marques employées au sein du même marché.

 

Normalement, la preuve de l’état du registre sert à affaiblir le caractère distinctif inhérent de la marque adverse en montrant que l’emploi d’un terme donné est courant au sein du secteur en question.

 

Or, dans la mesure où j’ai déjà conclu que la marque de l’Opposante ne possède aucun caractère distinctif inhérent, ce facteur me paraît en l’espèce dénué de pertinence.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

Dans l’arrêt Mattel, précité, le juge Binnie a établi ainsi la norme qui doit être appliquée pour évaluer la confusion :

 

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner des marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

 

Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante s’est déchargée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la confusion entre les marques est peu probable. Cela est essentiellement dû aux différences qui existent entre les marchandises des parties, et au faible caractère distinctif inhérent de la marque de l’Opposante. Malgré la relative ressemblance des marques sur le plan visuel, vu la réputation limitée que s’est acquise l’Opposante en ce qui concerne essentiellement les biscuits destinés aux nourrissons ou aux enfants, et vu la réserve expressément formulée par la Requérante pour indiquer que ses marchandises ne sont pas destinées aux nourrissons ou aux enfants, il paraît peu probable que le consommateur type soit porté à croire que les produits de boulangerie, les sauces et les gâteaux de la Requérante seraient en fait produits par l’Opposante. Le motif soulevé à l’égard du caractère distinctif inhérent n’est donc pas retenu.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

Lorsque le requérant a fourni la déclaration prescrite par l’alinéa 30i), on ne devrait faire droit au motif d’opposition fondé sur cette disposition que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque des éléments de preuve dénotent la mauvaise foi du requérant (voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155). Cela n’étant pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition.

 


Dispositif

Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À Gatineau (Québec), le 30 décembre 2008.

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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