Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 174

Date de la décision : 2014-08-26

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Engineers Canada/ Ingénieurs Canada à l'encontre de la demande no 1,481,039 pour la marque de commerce V12 Engineering au nom d'Albert A. Burtoni

[1]               Le 13 mai 2010, Albert A. Burtoni (le Requérant) a produit une demande d'enregistrement à l'égard de la marque de commerce V12 Engineering (la Marque). La demande est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 1er février 2003 et vise les marchandises suivantes :

[traduction]
Moteurs pour automobiles, motos et véhicules marins ainsi que pièces de moteur connexes; pièces pour carrosseries d'automobile; moteurs, nommément moteurs pour automobiles, motos et bateaux; roues; freins; pistons; cames; embrayages; volants; systèmes d'alimentation en carburant, nommément tubulure d'admission, pompes à carburant, compteur de rapport air-carburant, module de pompe à carburant, capteur de niveau de carburant, injecteurs de carburant, injecteurs pour orifice d'admission central, injecteurs de performance, régulateurs de pression de carburant, pompes d'alimentation, filtres à carburant, filtres; collecteurs; système d'échappement.

[2]               La demande pour la Marque a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 mai 2011; le 24 octobre 2011, Engineers Canada/Ingénieurs Canada (l'Opposante) s'est opposée à la demande par la voie d'une déclaration d'opposition produite en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi).

[3]               Les motifs d'opposition, qui seront exposés plus en détail ci-après, sont fondés sur les articles 30b), 30i), 12(1)b), 12(1)e) et 2 de la Loi.

[4]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de John Kizas, souscrit le 1er mai 2012 (le premier affidavit Kizas), l'affidavit de D. Jill Roberts, souscrit le 1er mai 2012 (l'affidavit Roberts) et une copie certifiée de la demande d'enregistrement no 903,677 pour la marque officielle ENGINEERING.

[5]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit d'Alan Booth, souscrit le 22 août 2012 (l'affidavit Booth) et l'affidavit d'Oliver Hunt, souscrit le 30 août 2012 (l'affidavit Hunt).

[6]               À titre de preuve en réponse, l'Opposante a produit l'affidavit de John Kizas, souscrit le 24 janvier 2013 (le second affidavit Kizas).

[7]               Il n'y a eu aucun contre-interrogatoire.

[8]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit.

[9]               Une audience a été tenue; l'Opposante était présente.

Fardeau de preuve

[10]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

Article 12(1)b)

[11]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)b) de la Loi, parce qu'elle [traduction] « donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des qualifications des personnes qui produisent les marchandises ».

[12]           L'Opposante a plaidé son motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) en deux volets :

i)        dans la mesure où les membres de la profession d'ingénieur au Canada participent à la production des marchandises, la Marque donne une description claire aussi bien de la nature et de la qualité des marchandises que des personnes qui produisent les marchandises;

ii)      dans la mesure où les membres de la profession d'ingénieur au Canada ne participent pas à la production des marchandises, la Marque donne une description fausse et trompeuse aussi bien de la nature et de la qualité des marchandises que des personnes qui produisent les marchandises.

[13]           La date pertinente pour évaluer le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) est la date de production de la demande, soit, en l'espèce, le 13 mai 2010 [Shell Canada Limited c. PT Sari Incofood Corporation (2005), 41 CPR (4th) 250 (CF); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF)].

[14]           Lorsqu'il s'agit d'analyser une marque de commerce aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi, il faut considérer la marque de commerce dans son ensemble et sous l'angle de la première impression, et éviter de la décomposer en ses éléments constitutifs [Wool Bureau of Canada Ltd c. le Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst.), p. 27-28; Atlantic Promotions Inc c. le Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst.), p. 186].

[15]            Il a été statué que le mot « nature » à l'article 12(1)b) s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique du produit et que le mot « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c. American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C. de l'É.), p. 34].

[16]           Le test à appliquer pour déterminer si une marque de commerce correspond à l'exclusion prévue à l'article 12(1)b) de la Loi a été résumé par la Cour d'appel fédérale dans Ontario TeachersPension Plan Board c. Canada (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF), au para. 29 :

[traduction] Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire est celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. […] On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services.

[17]           J'examinerai maintenant, en tenant compte de la jurisprudence pertinente, les deux volets du motif fondé sur l'article 12(1)b) de l'Opposante.

i)          La Marque donne-t-elle une description claire de la nature et de la qualité des marchandises et des personnes qui participent à leur production?

[18]           Le premier volet du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) soulevé par l'Opposante a déjà été traité dans un certain nombre d'affaires antérieures auxquelles l'Opposante était partie [voir, à titre d'exemple, Conseil canadien des ingénieurs c. Comsol AB 2011 COMC 3 et Conseil canadien des ingénieurs c. REM Chemicals, Inc 2013 COMC 144].

[19]           Dans chacune de ces affaires, des éléments de preuve ont été présentés pour démontrer que le requérant ne possédait pas l'agrément nécessaire pour fournir des services de génie, et il n'y avait, d'autre part, aucune preuve indiquant que des ingénieurs participaient à la production des marchandises associées aux marques de commerce en cause. Dans ces circonstances, le registraire a jugé qu'il n'était pas nécessaire de considérer plus avant l'allégation de l'opposante selon laquelle la marque de commerce de la requérante donnait une description claire des personnes qui participaient à la production des marchandises.

[20]           À l'audience, l'Opposante a fait valoir qu'il y avait lieu d'adopter la même approche en l'espèce. Je suis d’accord. Compte tenu de la preuve qui a été produite en l'espèce, je ne vois aucune raison d'aborder cette question différemment.

[21]           Dans son premier affidavit, M. Kizas explique que l'Opposante est une organisation nationale qui regroupe les douze ordres provinciaux et territoriaux d'ingénieurs du Canada, et que ces douze ordres professionnels qui constituent l'Opposante sont chargés de réglementer la profession d'ingénieur et de délivrer les permis d'exercice à leurs membres au Canada [premier affidavit Kizas, para. 6 et 7].

[22]           M. Kizas a fourni des copies de divers textes législatifs régissant la profession d'ingénieur au Canada et l'emploi des titres d'ingénieur [premier affidavit Kizas, para. 10, 16 et 17, et pièces « 2 » à « 14 »]. Aux paragraphes 12 à 15 de son affidavit, M. Kizas décrit le processus d'agrément des ingénieurs et d'obtention du permis d'exercice au Canada. Il affirme également que tous les ordres constituants ont confirmé que le Requérant ne détenait pas l'agrément l'autorisant à pratiquer le génie au Canada [premier affidavit Kizas, para. 38 et 39, et pièce « 27 »]. Je ne dispose d'aucune preuve établissant que le Requérant est autorisé à pratiquer le génie dans d'autres pays et il n'y a, de même, aucune preuve que des ingénieurs agréés dans d'autres pays participent à la production des marchandises du Requérant.

[23]           En conséquence, je ne vois pas la nécessité d'examiner plus avant l'allégation de l'Opposante selon laquelle la Marque donne une description claire des personnes qui participent à la production des marchandises. J'estime qu'il est également inutile que je m'attarde à l'allégation de l'Opposante voulant que la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises, car cet aspect de l'argumentation de l'Opposante repose également sur la participation d'un membre de la profession d'ingénieur à la production des marchandises du Requérant et il n'y a, en l'espèce, aucune preuve en ce sens.

[24]           J'examinerai donc maintenant le second volet du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) soulevé par l'Opposante.

i)          La Marque donne-t-elle une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et des personnes qui participent à leur production?

[25]           L'Opposante soutient qu'à la vue de la marque V12 ENGINEERING (la Marque), le consommateur moyen croirait, sous le coup de la première impression, que la Marque signifie que les marchandises du Requérant ont été conçues par des ingénieurs (c.-à-d. des personnes titulaires d'un permis les autorisant à exercer la profession d'ingénieur). L'Opposante soutient que, puisque la preuve indique que le Requérant n'est pas un ingénieur et qu'il n'emploie pas d'ingénieurs, la Marque donne une description fausse et trompeuse de la nature et de la qualité des marchandises et des personnes qui participent à leur production.

[26]           Le Requérant, en revanche, soutient que la simple présence du mot « engineering » [génie; ingénierie] dans la Marque n'est pas suffisante pour que la Marque soit perçue par le consommateur canadien moyen comme signifiant que les marchandises auxquelles elle est associée ont été produites par un membre de la profession d'ingénieur.

[27]           À cet égard, le Requérant fait valoir que le terme « engineering » est défini, en premier lieu, comme [traduction] « l'application de la science à des fins directement utiles… » et, en second lieu, comme [traduction] « le travail accompli par un ingénieur ou la profession d'ingénieur » [premier affidavit Kizas, pièce « 18 »]. Le Requérant fait également valoir que le terme « engineer » [ingénieur] a plusieurs significations, y compris [traduction] « une personne qui conçoit ou fabrique des moteurs », [traduction] « un technicien, un mécanicien ou une autre personne chargée d'assurer le fonctionnement ou l'entretien d'un moteur ou d'une autre machine » et [traduction] « une personne qui conduit une locomotive, en particulier une locomotive de chemin de fer » [premier affidavit Kizas, pièce « 18 »]. Je souligne que la première définition qui figure sous « engineer » dans le Canadian Oxford Dictionary est rédigée comme suit : [traduction] « une personne qualifiée dans l'une quelconque des disciplines du génie » [affidavit Kizas, pièce « 18 »]. Dans le dictionnaire en ligne dictionary.com, la première définition de « engineer » qui est donnée est la suivante : [traduction] « une personne formée et qualifiée dans la conception, la construction et l'utilisation de moteurs ou de machines ou dans l'une quelconque des diverses disciplines du génie » [affidavit Hunt, pièce « A »].

[28]           Le Requérant soutient que le terme « ingénieur » et ses variantes sont couramment employés pour désigner des personnes autres que des professionnels membres en règle de la profession d'ingénieur. À cet égard, le Requérant s'appuie sur les pièces « B » et « C » de l'affidavit Hunt et sur les pièces « A » et « B » de l'affidavit Booth.

[29]           La pièce « C » de l'affidavit Hunt est constituée d'imprimés extraits d'un certain nombre de sites Web qui, selon le Requérant, montrent que les termes « engineering » et « engineer » sont aussi employés autrement que pour désigner une profession ou un titre professionnel. L'Opposante a fait observer qu'il ne semble pas s'agir de sites Web canadiens.

[30]           La pièce « B » de l'affidavit Hunt et les pièces « A » et « B » de l'affidavit Booth sont constituées de copies des détails de diverses demandes et divers enregistrements de marques de commerce qui comprennent les mots « engineered » [technique; résultant d'un travail d'ingénierie], « engineer », « engineers » ou « engineering ». Dans son affidavit, M. Hunt affirme avoir comparé l'identité de bon nombre des propriétaires des marques de commerce recensées aux pièces « A » et « B » de l'affidavit Booth avec les listes des membres autorisés à exercer la profession d'ingénieur jointes comme pièces « 23 » à « 26 » au premier affidavit Kizas. M. Hunt a également consulté les sites Web de certains des divers ordres d'ingénieurs provinciaux et effectué ses propres comparaisons. Les résultats de ses comparaisons sont présentés aux paragraphes 2 à 6 de son affidavit. En un mot, il semble qu'un nombre important des propriétaires des marques de commerce recensées aux pièces « A » et « B » de l'affidavit Booth ne soient pas des ingénieurs autorisés.

[31]           En ce qui concerne la pièce « B » de l'affidavit Hunt, l'Opposante souligne qu'aucune des marques de commerce repérées par M. Hunt ne comprend le mot « engineering ». Cependant, elles comprennent toutes le mot « engineered », lequel, selon l'Opposante, revêt une connotation différente de celle associée au mot « engineering » compris dans la Marque. L'Opposante soutient que, dans ces circonstances, ces résultats de recherche ne sont pas pertinents. S'agissant des pièces « A » et « B » de l'affidavit Booth, je souligne que certains de ces résultats de recherche concernent effectivement des marques de commerce qui comprennent le terme « engineering ».

[32]           En réponse aux affidavits Hunt et Booth, l'Opposante a produit le second affidavit Kizas, dans lequel M. Kizas s'emploie à expliquer les raisons à l'origine de l'existence de certaines des marques de commerce repérées par M. Hunt et M. Booth dans le registre. M. Kizas explique que l'Opposante a pour pratique de s'opposer aux marques de commerce constituées du terme « engineering » ou comprenant le terme « engineering » afin de préserver l'intégrité du titre des membres de la profession d'ingénieur au Canada et de protéger le public [second affidavit Kizas, para. 7]. Cette pratique ne s'étend pas, cependant, aux marques de commerce comprenant le terme « engineered » [second affidavit Kizas, para. 18], de sorte que ces marques de commerce peuvent ne pas avoir fait l'objet d'une opposition.

[33]           M. Kizas explique également que certaines des marques de commerce qui ont été repérées par M. Booth ont été enregistrées à la demande d'éditeurs de magazines ou de journaux destinés aux membres de la profession d'ingénieur, que certaines comprennent le mot « engineering » en petits caractères seulement et ont, de ce fait, échappé à la vigilance de l'Opposante, que certaines ont été enregistrées avec le consentement de l'Opposante et que certaines ont été enregistrées avant que l'Opposante n'adopte sa pratique d'opposition [second affidavit Kizas, para. 18].

[34]           Une preuve comparable au second affidavit Kizas a déjà été produite par l'Opposante dans des affaires antérieures et examinée par la présente Commission [voir Conseil canadien des ingénieurs c. Comsol AB, précitée et Conseil canadien des ingénieurs c. Continental Teves AG & CO. OHG 2012 COMC 18 (conf. par 2013 CF 801). Dans ces affaires, la Commission a déterminé qu'il n'existait pas d'éléments de preuve donnant à penser que des membres de la population canadienne seraient au courant de la logique de l'Opposante quant à ce que cette dernière considère comme un emploi acceptable ou non acceptable du mot « engineering » par des parties qui ne sont pas autorisées à pratiquer le génie au Canada. Il n'y a pas non plus d'éléments de preuve de cette nature en l'espèce.

[35]           Cela dit, chaque affaire doit être tranchée en fonction des circonstances qui lui sont propres. D'autres marques de commerce comprenant le mot « engineering » ou des variantes de ce mot peuvent figurer au registre et il est fort possible également que le mot « engineering » revête de multiples significations et soit employé sur le marché à des fins autres que la désignation d'une profession ou d'un titre professionnel. Néanmoins, je dois considérer la signification que le consommateur moyen, sous le coup de la première impression, donnerait au mot « engineering » à la vue de la Marque dans son ensemble dans le contexte des marchandises auxquelles elle est associée.

[36]           Dans la présente affaire, la Marque en cause est V12 ENGINEERING. Un V12 est un type de moteur qui comporte douze cylindres répartis en deux rangées de six cylindres montés sur un carter [premier affidavit Kizas, para. 31, pièce « 22 »; affidavit Roberts, para. 4 et 6, pièces « 2 » et « 4 »]. Les marchandises du Requérant comprennent divers types de moteurs, y compris des moteurs pour automobiles, motos et véhicules marins et des pièces d'automobile connexes tels des systèmes d'alimentation en carburant, des collecteurs, des freins, etc.

[37]           Le Requérant soutient que, bien que les marchandises soient caractérisées comme relevant du domaine [traduction] « automobile » et que les consommateurs puissent voir dans la Marque une indication que les marchandises sont liées à un certain type de moteur, il n'y a rien dans la Marque qui suggère que les marchandises sont produites par des ingénieurs professionnels. Je ne suis pas d'accord.

[38]           L'Opposante a produit une preuve établissant que le [traduction] « génie automobile » est un domaine reconnu de l'ingénierie. Comme pièce « 21 », M. Kizas a joint à son premier affidavit une copie d'un document intitulé « The National Skills Classification » [classification nationale des compétences] préparé par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qui comprend une liste d'un certain nombre de domaines de spécialisation et de sous-spécialisation du génie [premier affidavit Kizas, para. 24, pièce « 21 »]. Le document montre que le génie mécanique est une spécialisation reconnue au Canada dont font partie les [traduction] « ingénieurs automobiles ». Au Canada, 35 universités offrent un programme agréé de génie mécanique et, de ce nombre, 17 sont agréées depuis 1965 [premier affidavit Kizas, para. 32]. Au paragraphe 33 de son affidavit, M. Kizas affirme que l'Ontario Institute of Technology offre un programme agréé de génie automobile depuis 2009 [premier affidavit Kizas, para. 33]. L'affidavit Roberts fournit de plus amples renseignements sur ce programme [affidavit Roberts, pièce 15].

[39]           L'affidavit Roberts présente également des éléments de preuve supplémentaires qui établissent que le génie implique la conception d'automobiles, y compris de moteurs et de pièces automobiles, ainsi que de moteurs et de pièces de moteurs pour motos et véhicules marins [affidavit Roberts, pièces « 1 », « 2 » et « 13 » à « 23 »]. Une recherche du terme « automotive engineering » [génie automobile] dans Internet a retourné 56 millions de résultats [affidavit Roberts, pièce « 13 »]. Parmi ces résultats figurent, entre autres, un article Wikipédia [affidavit Roberts, para. 16, pièce 14]; une page du site Web de l'Université de Windsor fournissant de l'information sur les options des programmes de génie mécanique, de génie automobile et de génie des matériaux [affidavit Roberts, para. 19, pièce « 17 »]; des avis de postes d'ingénieur automobile à pourvoir publiés sur le site Web Workopolis.com [affidavit Roberts, para. 21, pièce « 19 »]; une page du site Web du gouvernement du Canada intitulée « Working in Canada » [travailler au Canada] décrivant les fonctions exercées dans le domaine du génie mécanique, y compris celles de [traduction] « ingénieur automobile » [affidavit Roberts, para. 25, pièce « 23 »]; un article publié sur le site Web Wheels.ca datant du 9 février 2008 et intitulé « Boost for Automotive Engineering » [Coup de pouce au secteur de l'ingénierie automobile] [affidavit Roberts, para. 20, pièce « 18 »]; et un article de The Globe and Mail datant du 24 novembre 2008 intitulé « Whither automotive engineering? » [Où va l'ingénierie automobile?] [affidavit Roberts, para. 22, pièce « 20 »].

[40]           Bien que certains des éléments de la preuve de Mme Roberts soient postérieurs à la date pertinente, je suis convaincue, au vu de l'ensemble de la preuve, que le « génie automobile » était un secteur reconnu de l'industrie de l'ingénierie à la date pertinente et que le génie joue un rôle dans la conception de moteurs d'automobile et d'autres pièces pour automobiles.

[41]           La preuve établit également que le terme V12 est reconnu comme étant associé à un type de moteur [affidavit Roberts, para. 4 à 14, pièces « 2 » à « 12 »]. Là encore, bien qu'une partie de cette preuve soit postérieure à la date pertinente, je suis convaincue dans l'ensemble qu'à la date pertinente, le terme « V12 » était employé pour désigner un type de moteur, tout comme c'est le cas aujourd'hui, ce que le Requérant n'a d'ailleurs pas contesté.

[42]           L'Opposante soutient que la présence du mot « engineering » dans la Marque a une signification claire en ce qu'elle évoque un travail exécuté par des ingénieurs professionnels. L'Opposante soutient que la présence du mot « engineering » dans une marque de commerce qui est employée en liaison avec des marchandises qui recoupent celles conçues, mises au point ou offertes par des ingénieurs, sert à indiquer que la personne ou l'entité qui fournit ces marchandises est membre de la profession d'ingénieur ou emploie des membres de la profession d'ingénieur pour produire ces marchandises. L'Opposante cite plusieurs affaires à l'appui de ses prétentions [Conseil canadien des ingénieurs c. Tekla Oyj (2008), 68 CPR (4th) 228, p. 236 (COMC); Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co (2004), 35 CPR (4th) 507, p. 513 (CF); Lubrication Engineers, Inc c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 CPR (3d) 243 (CAF); Conseil canadien des ingénieurs c. Continental Teves AG & Bo. OHG précitée]. OHG supra].

[43]           Dans Brooks, la Cour a déterminé que, suivant l'article 12(1)b) de la Loi, la marque de commerce BROOKS BROOKS SPRAY ENGINEERING n'était pas enregistrable en liaison avec des services se rapportant à [traduction] « l'exploitation d'une entreprise, nommément la distribution de buses de pulvérisation et de collecteurs pour le refroidissement, le nettoyage, le conditionnement et le traitement à haute et basse pression, de jauges, de tuyaux souples, de connecteurs et de coupleurs, de filtres et de crépines, de lubrificateurs et de régulateurs de débit, et l'assemblage et la distribution de systèmes de traitement des fluides composés des pièces susmentionnées ». La Cour a formulé les observations suivantes, à la page 513 :

[traduction]
Même si le « spray engineering » (technique de pulvérisation) n'est peut-être pas une spécialité reconnue dans l'exercice de la profession d'ingénieur, ces mots renvoient à une gamme de services techniques sophistiqués qui sont liés au traitement et à la distribution de fluides, soit des types de services que des ingénieurs pourraient offrir.

À mon avis, le fait que l'emploi du mot « engineering » soit réglementé a des incidences en l'espèce. La plupart des gens présumeraient que les entreprises utilisant ce mot dans leur nom offrent des services d'ingénierie et ont des ingénieurs à leur emploi, à moins que le contraire ne ressorte clairement du contexte.

[44]           En l'espèce, l'Opposante a fait la preuve que les marchandises du Requérant entrent dans une catégorie de produits qui sont conçus et mis au point par des ingénieurs spécialisés dans le génie automobile.

[45]           L'emploi du terme « engineering » dans une marque de commerce associée à des produits pour automobile en particulier a également été traité dans Continental Teves AG & Co; une affaire dans laquelle la membre Robitaille a conclu que la marque de commerce ENGINEERING EXCELLENCE IS OUR HERITAGE destinée à être employée en liaison avec des [traduction] « plaquettes de frein pour véhicules terrestres; disques de frein pour véhicules terrestres » donnait une description fausse et trompeuse. La membre Robitaille a conclu qu'en raison de la nature même des marchandises et de leur importance sur le plan de la sécurité, il était juste de dire que la marque de commerce renvoyait à des marchandises considérées par le public comme étant généralement conçues et mises au point par des ingénieurs. Dans ce contexte, la membre Robitaille a conclu que les principes établis par la Cour dans Brooks relativement au terme « engineering » s'appliquaient.

[46]           En appel, le juge Hughes est arrivé au même résultat que la membre Robitaille, mais pour des raisons opposées. Une preuve supplémentaire a été présentée en appel pour établir qu'en réalité, la requérante employait des ingénieurs dans la production de ses marchandises. Au vu de cette preuve, le juge Hughes a conclu que la marque de commerce en question donnait une « description claire » plutôt qu'une « description fausse et trompeuse ».

[47]           J'estime que les principes établis dans Brooks s'appliquent également en l'espèce. Étant donné que les marchandises en l'espèce relèvent également du domaine de l'automobile et qu'il existe des éléments de preuve établissant que le génie automobile est reconnu comme une sous-spécialisation du domaine de l'ingénierie, j'estime qu'il est également juste en l'espèce de dire que la Marque renvoie à des marchandises considérées par le public comme étant généralement conçues et mises au point par des ingénieurs. Ayant tranché cette question, je dois maintenant déterminer si la Marque dans son ensemble donne une description fausse et trompeuse et correspond en cela à l'exclusion prévue à l'article 12(1)b) de la Loi.

[48]           Pour déterminer si une marque de commerce donne une description fausse et trompeuse, le test à appliquer consiste à se demander si les mots donnant une description fausse et trompeuse [traduction] « dominent la marque de commerce visée par la demande au point... de faire obstacle à l'enregistrement de celle-ci... » [voir Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co, précitée, 35 CPR (4th) 507, para. 21; qui cite Chocosuisse Union des Fabricants Suisses de Chocolate c. Hiram Walker & Sons Ltd (1983), 77 CPR (2d) 246 (COMC); qui cite Lake Ontario Cement Ltd c. le Registraire des marques de commerce (1976), 31 CPR (2d) 103 (CF 1re inst.)].

[49]           La Marque est formée uniquement des termes V12 et ENGINEERING. Le terme V12 est descriptif d'un type particulier de moteur et, en ce sens, suggère un lien avec les produits visés par la demande d'enregistrement pour la Marque, lesquels appartiennent au genre de produits que le public considère comme étant généralement conçus, mis au point ou produits par des ingénieurs professionnels. En conséquence, je suis d'avis que l'ajout du terme V12 au terme ENGINEERING ne change en rien la signification que le terme ENGINEERING revêt dans la Marque et l'impression qu'il produit. En fait, il a plutôt pour effet de le faire ressortir davantage, car il évoque le genre des marchandises auxquelles l'ingénierie se rapporte. J'estime, par conséquent, que le mot « engineering » domine la Marque dans son ensemble au point de rendre cette dernière non enregistrable aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi.

[50]           Après examen de l'ensemble de la preuve au dossier et des observations présentées par les parties, je ne suis pas convaincue que le Requérant s'est acquitté de son fardeau d'établir que la Marque ne donne pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité de ses marchandises ou des personnes qui participent à leur production.

[51]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) est accueilli.

Article 2

[52]           La date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est la date de la production de la déclaration d’opposition, soit, en l'espèce, le 24 octobre 2011 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[53]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi en ce qu'elle ne distingue pas, n'est pas adaptée à distinguer et ne peut pas distinguer les marchandises du Requérant de celles de tiers, y compris d'autres ingénieurs professionnels en général et d'autres entités titulaires d'un permis les autorisant à pratiquer le génie au Canada. L'Opposante allègue également que tout emploi de la Marque par le Requérant serait trompeur en ce qu'un tel emploi laisserait entendre que les marchandises du Requérant sont fournies, vendues, louées, autorisées ou approuvées par l'Opposante ou ses membres constituants, ou que le Requérant est lié à l'Opposante ou autorisé par elle ou par ses membres constituants.

[54]           Une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse est nécessairement non distinctive [Conseil canadien des ingénieurs c. APA - The Engineered Wood (2000), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst.), p. 253].

[55]           Comme j'ai déjà conclu que la Marque donnait une description fausse et trompeuse à la date du 13 mai 2010 et qu'il n'y a aucune raison que ma conclusion soit différente à la date du 24 octobre 2011, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est également accueilli.

Autres motifs d'opposition

[56]           Comme j'ai déjà tranché en faveur de l'Opposante relativement à deux des motifs d'opposition, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[57]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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