Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

du Comité dorganisation des Jeux olympiques

et paraolympiques dhiver de 2010 à Vancouver

à la demande nº 1,217,804 produite par William Brownridge

en vue de lenregistrement de la marque de commerce

SPIRIT OF THE GAME                                                       

 

[1]  Le 25 mai 2004, le requérant, William Brownridge, a produit une demande denregistrement de la marque de commerce SPIRIT OF THE GAME, fondée sur lemploi projeté de la marque au Canada en liaison avec une longue liste de marchandises et de services. La demande a été annoncée aux fins dopposition le 22 décembre 2004.

 

[2]  Lopposant, le Comité dorganisation des Jeux olympiques et paraolympiques dhiver de 2010 à Vancouver (« COVAN »), a produit une déclaration dopposition le 11 août 2005, dont une copie a été envoyée au requérant le 4 octobre 2005. Selon le premier motif dopposition, la marque de commerce faisant lobjet de la demande nest pas enregistrable en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et de lalinéa 12(1)e) de la Loi sur les marques de commerce parce quelle est composée des marques officielles SPIRIT OF THE GAME et SPIRIT OF THE GAMES de lopposant, dont le registraire a donné un avis public dadoption et demploi le 4 mai 2005, ou parce que sa ressemblance est telle quon pourrait vraisemblablement la confondre avec elles.

 


[3]  Le deuxième motif dopposition allègue que la demande du requérant ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30e) de la Loi parce que le requérant navait pas lintention demployer la marque visée par la demande, comme lénonce sa demande. Selon le troisième motif dopposition, la marque faisant lobjet de la demande nest pas distinctive du fait de lemploi fait par lopposant de ses marques officielles et de lemploi par dautres propriétaires de marques identiques ou similaires. Selon le quatrième motif dopposition, la demande du requérant nest pas conforme aux exigences de lalinéa 30i) de la Loi. Lopposant allègue à ce sujet que le requérant ne pouvait avoir été convaincu quil avait droit demployer la marque faisant lobjet de la demande compte tenu de lannonce et de lemploi des marques officielles de lopposant et de lemploi de marques identiques ou similaires par des tiers.

 

[4]  Le requérant a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle il nie les allégations de la déclaration dopposition. En outre, le requérant a noté que les dates de production et dannonce de la présente demande sont toutes les deux antérieures à la date de production de la demande et à la date de publication des deux marques officielles de lopposant.

 

[5]  À titre de preuve, lopposant a présenté les affidavits de Dorothy E. Byrne et de Deborah K. Day. À titre de preuve, le requérant a présenté les affidavits de William Roy Brownridge et de Gary Maker. Aucune partie na produit de plaidoyer écrit et aucune na demandé daudience.

 


La preuve de lopposant

[6]  Dans son affidavit, Mme Byrne atteste quelle est vice-présidente et secrétaire générale de lopposant COVAN. Elle présente en détail les antécédents de lopposant, qui est lorganisme responsable de la planification, de lorganisation et de la tenue des Jeux olympiques et paraolympiques dhiver de 2010. La pièce 5 jointe à son affidavit est un [traduction] « mémoire » déposé par lopposant au Bureau des marques de commerce à lappui de ses nombreuses demandes de marque officielle visant à établir sa qualité dautorité publique. Mme Byrne déclare que les deux marques officielles sur lesquelles sappuie la présente opposition ont été employées par lopposant, sans fournir de renseignement ou de document à lappui de cette allégation.

 

[7]  Laffidavit de Mme Day résume les résultats dune recherche quelle a effectuée sur Internet à laide du moteur de recherche Google pour repérer des emplois de lexpression « spirit of the game ». Elle a pu trouver quelques sites comportant ces mots. Elle inclut dans ses résultats des copies de pages du site Web du requérant, semble-t-il.

 

La preuve du requérant


[8]  Le requérant a produit son propre affidavit où il détaille sa carrière dartiste et dauteur. Une grande partie de ses travaux sont reliés au thème du hockey. Il déclare avoir commencé à employer la signature « Celebrating the Spirit of the Game » en 2001 et avoir crééson site Web en 2002. En avril 2004, il sest associé avec Gary Makar et Todd Trifaux en vue de la promotion de ses oeuvres dart et de ses livres. Ils ont élaboré ensemble une campagne de commandites en se servant du concept « Spirit of the Game » et en lançant la commercialisation des marchandises et services visés par la demande. La pièce F de laffidavit du requérant est une photocopie de la page couverture dune présentation de commercialisation faite par la société de personnes, qui comprend la signature commerciale Spirit of the Game. Cette dénomination commerciale figure aussi sur léchantillon de carte de souhaits annexé à titre de pièce H à laffidavit Brownridge et on peut penser quelle renvoie également à la société de personnes.

 

[9]  Dans son affidavit, M. Makar atteste quil est lun des associés du requérant. Il présente en détail les antécédents de la société de personnes, notamment le travail quil a fait avec M. Trifaux pour élaborer un concept de commercialisation destiné aux oeuvres de M. Brownridge et leur décision demployer la signature « Spirit of the Game ».

 

Les motifs dopposition


[10]            La date pertinente pour lappréciation des circonstances reliées au premier motif dopposition est la date de ma décision : voir les arrêts Allied Corporation c. Association olympique canadienne (1989), 28 C.P.R. (3d) 161 (C.A.F.) et Association olympique canadienne c. Olympus Optical Co (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.).  De plus, lopposant nest pas tenu détablir lemploi et ladoption des marques officielles invoquées, tout au moins en labsence de preuve suggérant que les marques nont pas été employées : voir la page 166 de larrêt Allied. Enfin, si le requérant peut mettre en doute la qualité dautorité publique du propriétaire de la marque officielle, lopposant peut être tenu détablir cette qualité avant de sappuyer sur cette marque officielle : voir la page 216 de la décision de première instance Association des Grandes Soeurs de lOntario c. Les Grands Frères du Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. par (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.) et la décision  Heritage Canada Foundation c. New England Business Service, Inc. (1997), 78 C.P.R. (3d) 531 aux pages 536 et 538 (C.O.M.C.).

 

[11]            Comme le prévoit le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, le critère à appliquer est de savoir si la marque du requérant est composée de la marque officielle ou si sa ressemblance est telle quon pourrait vraisemblablement la confondre avec la marque officielle. En dautres termes, la marque du requérant est-elle identique ou pratiquement identique à la marque officielle? Voir la page 217 de la décision de première instance Grandes Soeurs, précitée. On a prétendu que les mots « composé de » néquivalent pas à « identique », mais le juge OKeefe en a conclu autrement dans la décision Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA - The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.) à la page 259 :


Après avoir expliqué la protection dont jouissent les marques officielles, daprès les dispositions de la Loi, il faut maintenant déterminer quelle est létendue des marques interdites : cest-à-dire plus spécifiquement le sens de lexpression « composé de ». Par suite de lexplication qui précède, qui démontre clairement la position privilégiée dont jouissent les marques officielles, je rejette linterprétation que lappelant propose du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et déclare que linterprétation donnée par le registraire est correcte. Pour contrevenir au sous-alinéa 9(1)n)(iii), et ne pas être enregistrable en vertu de lalinéa 12(1)e), la marque projetée doit soit être identique à la marque officielle, soit avoir avec elle une ressemblance telle quon pourrait vraisemblablement la confondre avec elle. Les mots « composé de » utilisés au paragraphe de la Loi doivent être interprétés comme signifiant « identique à » , conclusion à laquelle en est apparemment venu le registraire.

 

 

[12]            Aux pages 218 et 219 de la décision de première instance Les Grandes Soeurs, le juge Gibson a confirmé que dans lappréciation de la ressemblance entre les marques visées, on peut prendre en considération les facteurs énumérés à lalinéa 6(5)e) de la Loi. Il a également indiqué à la page 218, que le test à appliquer était celui de la première impression et du souvenir imparfait : voir aussi les pages 302 et 303 de larrêt de la Cour dappel fédérale Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (1999), 3 C.P.R. (4th) 298. Enfin, lopposant peut faire valoir une famille de marques officielles à condition quil établisse lemploi des marques de la famille : voir les pages 303 et 304 de larrêt Techniquip.

 

[13]            En lespèce, le requérant na présenté aucune preuve susceptible de soulever un doute sur un aspect ou lautre de la publication des marques officielles de lopposant. En outre, la marque de commerce du requérant est identique à lune des marques officielles de lopposant et presque identique à lautre. Par conséquent, la marque du requérant contrevient aux dispositions du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et de lalinéa 12(1)e) de la Loi et le premier motif dopposition est donc accueilli.

 


[14]            Comme je nai pu obtenir de plaidoyer ou de mémoire daucune des deux parties, il est difficile détablir la position quadopte chaque partie. Toutefois, à lexamen de la contre‑déclaration du requérant, il semble quil aurait souhaité faire valoir que lopposant ne devait pas être autorisé à sappuyer sur une marque officielle qui navait même pas encore fait lobjet dune demande au moment où la marque du requérant avait été annoncée. Je suis compréhensif à légard de cette position, mais la Cour dappel fédérale a clairement indiqué que ce cas ne doit pas être traité différemment. Comme la déclaré la Cour dappel fédérale à la page 166 de larrêt Allied, précité :

En somme, les libellés respectifs des dispositions dadoption et denregistrement ne sont pas parallèles. Les droits demploi dune marque qui peuvent découler de son adoption ne sont pas touchés par ladoption et lemploi subséquents dune marque officielle semblable au point de porter à confusion; toutefois, le droit denregistrer la marque nexiste plus à compter du moment où lavis public est donné.

 


[15]     Un arrêt récent, See You In - Canadian Athletes Fund Corporation c. Comité olympique canadien (2008), 65 C.P.R. (4th) 421 (C.A.F.), établit clairement que lors de lexamen initial dune demande de publication dune marque officielle, le requérant doit maintenant établir ladoption et lusage de sa marque officielle. Étant donné que larrêt See You In a été rendu le 8 avril 2008 seulement, il se peut que la Section de lexamen du Bureau des marques de commerce nait pas exigé de lopposant quil établisse ladoption et lusage de ses deux marques officielles avant leur publication, le 4 mai 2005. Si cest le cas et si le requérant estimait que lopposant navait pas adopté et employé ses marque officielles au moment voulu, il aurait dû en produire la preuve dans la présente opposition. Il aurait pu, subsidiairement, présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale visant à annuler la publication des deux marques officielles de lopposant : voir larrêt FileNET Corp. c. Registraire des marques de commerce (2002) 22 C.P.R. (4th) 328 à la page 330 (C.A.F.). En lespèce, il semble que le requérant na fait ni lun ni lautre.

 

[16]     Sagissant du deuxième motif dopposition, la date pertinente pour lappréciation de la conformité du requérant aux exigences de lalinéa 30e) de la Loi est la date de production de la demande. De plus, il incombe au requérant de sacquitter du fardeau de persuasion et détablir quil a respecté lalinéa visé : voir les décisions en matière dopposition Joseph Seagram & Sons c. Seagram Real Estate (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 aux pages 329 et 330 et Canadian National Railway Co. c. Schwauss (1991), 35 C.P.R. (3d) 90 à la page 94 ainsi que la décision John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.). Toutefois, lopposant doit sacquitter du fardeau de présentation à légard de ses allégations de fait concernant ce motif dopposition, encore quil sagisse dun fardeau plus léger que dans un cas ordinaire : voir la page 95 de la décision Schwauss et la décision en matière dopposition Green Spot Co. c. J.B. Food Industries (1986), 13 C.P.R. (3d) 206 aux pages 210 et 211.

 


[17]     En lespèce, la propre preuve du requérant suggère que lintention initiale de la demande visant la marque de commerce SPIRIT OF THE GAME était un emploi de la marque par la société de personnes plutôt quexclusivement par M. Brownridge. M. Brownridge et M. Makar sexpriment tous les deux à la première personne du pluriel quand ils exposent leurs plans à légard de la marque visée par la demande et de son emploi. Par conséquent, la preuve met en doute lintention déclarée du requérant dans la demande dêtre le seul à employer la marque et la preuve du requérant au dossier néclaire pas cette contradiction. Le deuxième motif dopposition est donc lui aussi accueilli.

 

[18]     Sagissant du troisième motif dopposition, le fardeau de persuasion repose sur le requérant, qui doit établir que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue vraiment ses marchandises et services de ceux dautres propriétaires au Canada: voir la décision Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la date pertinente pour lappréciation des circonstances de lespèce est la date de production de lopposition (soit le 11 août 2005) : voir les arrêts Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la page 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la page 424 (C.A.F.). Enfin, lopposant est tenu de sacquitter du fardeau de présentation en prouvant les allégations de fait qui étayent le motif dopposition invoquant labsence de caractère distinctif.

 


[19]   Sauf la simple allégation demploi des deux marques officielles dans laffidavit Byrne, aucun élément de preuve nétablit lemploi de ces marques ou la mesure dans laquelle elles ont été employées, le cas échéant. En outre, si laffidavit Day établit un petit nombre de références à lexpression « Spirit of the Game » sur quelques sites Web, il nétablit aucune réputation digne de mention à légard de ces emplois. Enfin, les références repérées sont postérieures à la date pertinente. Par conséquent, lopposant ne sest pas acquitté de son fardeau de présentation et le troisième motif est rejeté.

 

[20]     Le quatrième motif dopposition de lopposant ne constitue pas un motif dopposition valable. Le simple fait que les marques officielles de lopposant aient été employées et annoncées et que des tiers non identifiés aient utilisé des marques identiques ou semblables nempêche pas le requérant de faire la déclaration prévue à lalinéa 30i) de la Loi. Quoi quil en soit, lopposant na pas même allégué que le requérant connaissait ses marques ou les marques pertinentes dun tiers. Sagissant des marques de lopposant, il semble que le requérant ne pouvait les connaître à la date de production de la demande, car lopposant na présenté ses demandes de publication au registraire quaprès la date de lannonce de la marque du requérant. Par conséquent, le quatrième motif dopposition est rejeté.

 

[21]     Compte tenu de ce qui précède et dans lexercice des pouvoirs qui mont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande du requérant.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 10 JUIN 2009.

 

 

 


David J. Martin

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B., trad. a.

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.