Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Cerveceria Modelo, S.A. de C.V. à la demande n1168019 produite par Robert Victor Marcon en vue de l’enregistrement de la marque de commerce CORONA              

                                                         

 

Le 18 février 2003, Robert Victor Marcon (le « Requérant ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CORONA (la « Marque ») fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises et services, tel que modifié, est rédigé comme suit :

 

Eau embouteillée. Jus de fruits. Citronnade. Boissons aromatisées aux fruits. Boissons pour sportifs. Boissons à base de café et ingrédients pour préparer ces boissons. Panachés contenant des eaux-de-vie distillées.

 

Embouteillage de boissons.

 

La demande a été publiée aux fins d’opposition dans l’édition du 7 janvier 2004 du Journal des marques de commerce.

 

Le 8 mars 2004, Cerveceria Modelo, S.A. de C.V. (l’ « Opposante ») a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. Le Requérant a produit et signifié une contre‑déclaration, dans laquelle il nie les allégations de l’Opposante. Je n’ai pas tenu compte des parties de la contre‑déclaration de M. Marcon qui constituent une preuve. 

 

La preuve de l’Opposante comprend les affidavits de Robert William Armstrong, Richelle Chelsea Rae et Jennifer Galeano. La preuve du Requérant comporte son propre affidavit. Je n’ai pas tenu compte des parties de l’affidavit de M. Marcon qui représentent des arguments.

 

M. Marcon a été contre-interrogé au sujet de son affidavit. Le Requérant et l’Opposante ont tous les deux produit un plaidoyer écrit. À l’audience, seulement l’Opposante était représentée.

 

Quatre des six motifs d’opposition reposent sur la question de la confusion entre la marque visée par la demande et les marques de l’Opposante CORONA (LMC598045), CORONITA EXTRA & Dessin (LMC428813), CORONA Dessin (LMC368116) et CORONA EXTRA & Dessin (LMC391068).

 

L’Opposante a invoqué les deux autres motifs d’opposition suivants :

 

[traduction] La demande n’est pas conforme aux alinéas 30e) et i) de la Loi, en ce sens que le Requérant n’a pas réellement l’intention d’employer la Marque et n’est pas convaincu qu’il a droit de l’employer, étant donné qu’à peu près au moment où il a produit sa demande, il a aussi produit un certain nombre de demandes pour des marques de commerce bien connues, autant au Canada que dans le monde entier, qui font l’objet d’enregistrements de marques de commerce au Canada.      

 

La preuve de l’Opposante

 

Je vais résumer ci-dessous les parties des témoignages que je considère les plus pertinentes.

 

L’affidavit de Robert William Armstrong

 

Robert William Armstrong est l’administrateur délégué des fabricants de la bière CORONA au Canada et a gardé ce poste au sein de Canacermex, une filiale en propriété exclusive de l’Opposante depuis 1999. M. Armstrong confirme l’emploi, la promotion et la réputation au Canada de la marque de commerce CORONA en liaison avec des boissons alcoolisées, à savoir de la bière. La bière CORONA a été introduite au Canada à l’Expo 86 à Vancouver, en Colombie‑Britannique. La promotion de la bière CORONA a lieu dans tout le Canada depuis 1986. Les activités de promotion sont la planification, la publicité et la commandite d’événements spéciaux, l’étalage dans des points de vente au détail et des restaurants, les annonces publicitaires dans des magazines, sur des sites Web et à la télévision, notamment celles diffusées régulièrement à la Soirée du hockey sur les ondes de CBC au Canada depuis 1995. En 2003 et 2004, le budget consacré aux activités de promotion et à la publicité pour la bière CORONA au Canada était nettement supérieur à 5 millions de dollars. M. Armstrong affirme que la bière CORONA est la bière importée la plus vendue au Canada depuis 1994 et que ses ventes se chiffraient entre 90 et 219 millions de dollars par année entre 1998 et 2004. La marque CORONA est affichée en évidence sur les étiquettes des bouteilles contenant de la bière CORONA et sur les cartons dans lesquels elle est vendue.

 

Dans la pratique normale du commerce, la bière CORONA est vendue partout au Canada dans différentes régies des alcools provinciales, des épiceries, des magasins populaires et/ou des magasins d’alcools privés. Elle est également vendue dans de nombreux restaurants partout au Canada, comme The Keg, Kelsey’s, The Lone Star Texas Grill, St-Hubert et Boston Pizza. 

 

L’affidavit de Richelle Chelsea Rae

 

Richelle Chelsea Rae atteste qu’elle est stagiaire en droit, employée au sein du cabinet de l’agent de l’Opposante. Elle s’est rendue dans un dépanneur à Hull, au Québec, et a constaté que la bière CORONA était en vente, de même que d’autres boissons, notamment de l’eau embouteillée, des jus de fruits, des boissons gazeuses, des boissons pour sportifs, des panachés contenant des eaux‑de‑vie distillées, du vin, des ingrédients pour préparer du café et des boissons aromatisées aux fruits. Elle s’est également rendue dans une épicerie Maxi à Hull, au Québec, et a constaté que des marchandises semblables étaient en vente. 

 

Mme Rae a également visité le site Web de la LCBO et a découvert que la bière de marque CORONA y est vendue, en plus de « panachés contenant des eaux‑de‑vie distillées ».

 

L’affidavit de Jennifer Galeano

 

Mme Galeano atteste qu’elle est avocate, employée au sein du cabinet de l’agent de l’Opposante. Son témoignage révèle qu’à la date de la production de la présente demande, soit le 18 février 2003, le Requérant a également demandé l’enregistrement des marques suivantes fondé sur leur emploi projeté : ABSOLUT (demande no 1168026), HEINEKEN (1168025), FINLANDIA (1168024), BEEFEATER (1168023), CANADIAN CLUB (1168022), COORS (1168021), BUDWEISER (1168020), JACK DANIEL’S (1168016) et DOM PERIGNON (1168014). Son témoignage révèle également qu’à la date de son enquête, le Requérant avait produit des demandes d’enregistrement pour les marques de commerce suivantes : SENSODYNE (1186813), TIM HORTONS (1186804), SOUTHERN COMFORT (116272), BAYER (1201366), CHANEL (1202435), EVIAN (1188155), L’OREAL PARIS (1201383), NESCAFÉ (1201480) et NESTLÉ (1201360).

 

La preuve du Requérant

 

Je vais résumer ci-dessous les parties du témoignage de M. Marcon que je considère les plus pertinentes.

 

L’affidavit de Robert Victor Marcon

 

M. Marcon est le Requérant de la marque CORONA. Il présente des définitions d’un dictionnaire montrant que le mot CORONA peut être traduit de l’espagnol et de l’italien par « crown » en anglais [couronne]. Il présente également une liste de 69 noms de famille comportant le mot CORONA. 

 

M. Marcon présente en outre une copie papier d’une recherche du mot « CORONA » effectuée sur le site Web de l’OPIC, qui a généré 97 marques. Aucun détail n’est fourni au sujet de ces marques, comme leur statut, les dates, les marchandises ou les propriétaires. Il présente également les résultats d’une recherche du mot « crown » [couronne] dans la base de données de l’OPIC, qui a généré 1 069 documents. Là encore, aucune information n’a été fournie en ce qui concerne le nombre d’enregistrements actifs et/ou les détails de ces marques.

 

Une lettre provenant de la LCBO, datée du 8 avril 2004, est jointe à son affidavit à titre de pièce 6. La LCBO mentionne dans cette lettre qu’elle ne vend pas de boissons non alcoolisées. Cette preuve représente du ouï-dire inadmissible quant à la véracité de son contenu et n’a donc pas été examinée.

 

À titre de pièce 7, M. Marcon présente des exemplaires de copies papier provenant des sites Web de la LCBO et The Beer Store (dont le contenu ne peut également pas être considéré puisqu’il représente du ouï-dire inadmissible), un exemplaire d’une étiquette du vin Miguel Torres CORONAS, un exemplaire de ce qui semble être 2 pages provenant d’un guide de produits montrant une image d’une bouteille de vin CORONAS, et des copies papier des enregistrements pour les marques de commerce CORONAS (LMC164522) et GRAN CORONAS (LMC582434), toutes les deux employées en liaison avec du vin. 

 

Des exemplaires des enregistrements canadiens pour la marque CORONA et pour d’autres marques qui comportent le mot CORONA sont joints à titre de pièces 8, 9 et 10. Les enregistrements américains pour la marque CORONA, joints à l’affidavit de M. Marcon à titre de pièce 11, n’ont pas été considérés, car ils n’étaient pas pertinents en l’espèce.

 

M. Marcon décrit la pièce 17 jointe à son affidavit comme une [traduction] « preuve démontrant la sincérité de son désir d’employer sur le marché canadien les marques pour lesquelles il a demandé l’enregistrement ». La pièce 17 comporte les demandes d’enregistrements inactives qu’il avait produites pour les marques NUTRADENT et ROCKLIN, ainsi que ses brevets pour de la soie dentaire et un réservoir de carburant.

 

Contre‑interrogatoire de M. Marcon

 

Je vais résumer ci-dessous les parties de la transcription du contre-interrogatoire de M. Marcon que je considère les plus pertinentes :

 

  • M. Marcon travaille comme électricien depuis 1984. Il n’a aucune expérience en matière de production, de distribution et de vente de boissons. Il affirme qu’il [traduction] « a commencé la production » de l’eau embouteillée de marque ABSOLUT avec des [traduction] « contrats de vente », mais a été forcé d’y mettre fin par les propriétaires de la marque de vodka ABSOLUT. (p. 3 et 4)

 

  • M. Marcon admet qu’il connaît bien la bière CORONA et qu’il la connaissait avant 2003 et au moment où il a produit sa demande d’enregistrement no 1168019 pour la marque CORONA. (q. 61)

 

  • M. Marcon reconnaît qu’il a déjà vu des annonces publicitaires pour la bière CORONA et qu’il connaît des bars et des restaurants qui servent cette bière. (q. 59 et 60)

 

  • M. Marcon confirme que parmi la longue liste de marchandises qu’il propose de vendre au Canada en liaison avec une variété de marques de commerce, c’est seulement la catégorie des boissons qu’il veut associer à la marque de commerce CORONA. (q. 90)

 

  • M. Marcon indique qu’il a l’intention d’offrir des services d’embouteillage pour des boissons alcoolisées et non alcoolisées. (q. 94)

 

  • M. Marcon confirme qu’il n’a présentement aucun local d’embouteillage destiné à la production des marchandises énumérées dans la présente demande. Il affirme qu’il n’a présentement aucun contrat avec quiconque, mais qu’il pourrait employer les mêmes embouteilleurs qu’il avait embauchés pour produire ABSOLUT. À la question de savoir s’il était en négociation pour la production d’un panaché CORONA, M. Marcon a répondu qu’il a effectué des démarches, mais que celles-ci ont été interrompues lorsque l’opposition a été introduite. (q. 107 à 112)

 

  • M. Marcon confirme qu’il n’a pas commencé à employer ses marques de commerce, dont CORONA, à l’exception de la marque ABSOLUT. (q. 314)

 

  • M. Marcon confirme qu’il n’a pas pris contact avec un fabricant pour produire les marchandises des autres marques de commerce pour lesquelles il a demandé l’enregistrement, à part l’eau embouteillée et les panachés contenant des eaux-de-vie distillées, de peur que ces marques fassent l’objet d’une opposition. (q. 332 à 337)

 

  • M. Marcon confirme que c’est seulement lorsque les marques seront admises qu’il passera à la prochaine étape, soit d’établir un plan d’affaires et de voir s’il peut trouver un fabricant pour les produire.

 

  • M. Marcon présente ses observations au sujet de sa connaissance des autres marques de commerce pour lesquelles il a demandé l’enregistrement, notamment CHANEL, JACK DANIEL’S, BAYER, EVIAN, NESCAFÉ, NESTLÉ, L’OREAL PARIS, BEEFEATER, BUDWEISER, COORS, DOM PERIGNON, FINLANDIA, HEINEKEN, SOUTHERN COMFORT, CANADIAN CLUB, TIM HORTONS et SENSODYNE.

 

Les motifs d’opposition

 

Motifs fondés sur l’article 30

 

Les alinéas 30e) et i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi ») sont rédigés comme suit :

 

Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

 

e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

 

 i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande.

 

 

Aux termes de ces motifs d’opposition, tels que mentionnés précédemment, l’Opposante a invoqué ce qui suit :

 

[traduction] La demande n’est pas conforme aux alinéas 30e) et i) de la Loi, en ce sens que le Requérant n’a pas réellement l’intention d’employer la Marque et n’est pas convaincu qu’il a droit de l’employer, étant donné qu’à peu près au moment où il a produit sa demande, il a aussi produit un certain nombre de demandes pour des marques de commerce bien connues, autant au Canada que dans le monde entier, qui font l’objet d’enregistrements de marques de commerce au Canada.           

 

Pour s’acquitter de son fardeau de présentation concernant un motif précis, l’Opposante doit présenter suffisamment de preuve admissible à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de ce motif (voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298). Cependant, le fardeau de l’Opposante est moins lourd relativement au motif fondé sur le non‑respect de l’alinéa 30e), étant donné que le Requérant est bien au courant des faits qui permettent de soutenir qu’il n’a pas l’intention d’employer la marque (voir Molson Canada c. Anheuser-Busch, Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.) à la page 334 et York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)). J’estime également que le Requérant connaît bien les faits permettant d’établir qu’il est convaincu d’avoir droit d’employer la marque de commerce (alinéa 30i)).

 

La date pertinente pour chacun de ces motifs est la date de production de la demande. Il incombe au requérant de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30, lequel doit être respecté tant sur le plan de la forme que sur le plan du fond. La forme est respectée lorsque les déclarations exigées à l’article 30 sont incluses dans la demande. En l’espèce, le Requérant a respecté la forme des alinéas 30e) et i) en incluant les déclarations exigées dans sa demande.

 

Le respect du fond est évalué par l’intention qu’avait le requérant lorsqu’il a formulé les déclarations exigées. Si l’opposant peut soulever un doute quant à l’intention qu’avait le requérant lorsqu’il a formulé les déclarations exigées dans sa demande, le fardeau se déplace alors vers le requérant, qui doit prouver la véracité de ses déclarations au moment où il a produit sa demande.

 

Motif fondé sur l’alinéa 30i)

 

Une fois que les exigences relatives à la production d’une demande ont été satisfaites, une date de production est attribuée à la demande. En l’espèce, la date de production attribuée à la demande du Requérant était le 18 février 2003. À cette date, la demande, telle que produite, était en liaison avec les marchandises suivantes :

 

[traduction] Eau, eau plate, eau minérale, eau de source, eau gazeuse, eau gazéifiée, eau pétillante, eau glacée, eau d’iceberg, glace, glace concassée, jus, boissons aromatisées, boissons nutritives, boissons non alcoolisées, bières, panachés, vins blancs panachés;

 

et les services suivants :

 

[traduction] Embouteillage, entreposage, distribution, commercialisation, publicité, formation dans le domaine de la vente, ventes, infographie.

 

Bien que la demande initiale du Requérant n’ait pas été produite en preuve en l’espèce, vu que la date pertinente pour l’alinéa 30i) est la date de production de la demande, laquelle doit être examinée afin de déterminer si elle respecte la forme de l’alinéa 30i) à cette date, j’estime qu’il est opportun et nécessaire d’examiner le contenu de la demande initiale. En outre, bien qu’il ait été antérieurement conclu dans Eaton Williams (Millbank) Ltd. c. Nortec Air Conditioning Industries Ltd. (1982), 73 C.P.R. (2d) 70 que lorsqu’une demande est modifiée, la demande initiale ne nuit pas au Requérant, il y a lieu d’établir une distinction entre la présente espèce et cette affaire, laquelle portait sur le motif fondé sur l’alinéa 30a).

 

Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, l’alinéa 30i) exige que le requérant indique dans le cadre de sa demande qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises et/ou services qui y sont énumérés. Dans Canadian Trade‑marks Act – Annotated Robic Leger, éd. rev., Scarborough (Ontario), Carswell (feuilles mobiles), H.G. Richard analyse l’alinéa 30i) (anciennement l’alinéa 29i)) comme suit, aux pages 30‑47 et 30‑48 :

[traduction] Le dernier facteur qu’il faut considérer avant de chercher dans les index et d’examiner la marque elle-même est de savoir si le requérant est convaincu « qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande ». Ce facteur peut être considéré comme une sorte de contrat entre le requérant et le public établissant que toutes les informations et la preuve à l’appui, y compris les révisions ou les ajouts, ont été produites de bonne foi et que le requérant approuve la demande, telle qu’elle est formulée. En supposant que tout est en règle, le requérant ou son agent appose sa signature. L’examinateur peut alors procéder à l’examen de la marque et à la recherche dans les index.

                                                                              [Non souligné dans l’original.]

 

En d’autres mots, la déclaration prévue à l’alinéa 30i) est censée être la preuve que le requérant a déposé sa demande de bonne foi. Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée à l’alinéa 30i), le motif fondé sur cet alinéa devrait être accueilli seulement dans des cas exceptionnels, comme lorsque qu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi (Sapodilla Co. c. Bristol Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.) à la page 155). À mon avis, la présente espèce entre dans la catégorie des cas exceptionnels pour deux principales raisons. Premièrement, il ressort clairement du témoignage de M. Marcon qu’il comprend qu’il était inopportun de sa part de produire sa demande initiale pour la marquee CORONA en liaison avec de la bière. Deuxièmement, le simple fait qu’il ait demandé l’enregistrement de 18 autres marques qu’on pourrait qualifier de bien connues en liaison avec des marchandises sans doute connexes, et son témoignage lié à ces autres marques, soulèvent un doute quant à sa bonne foi lorsqu’il a déposé la présente demande.

 

En examinant le motif fondé sur l’alinéa 30i), j’ai tenu compte des extraits suivants du témoignage en contre-interrogatoire que M. Marcon a présenté à cet égard. Bien qu’une partie de son témoignage reproduit ci‑dessous porte sur les marques de commerce BUDWEISER et COORS (d’autres marques pour lesquelles M. Marcon a demandé l’enregistrement), j’estime qu’il est tout de même pertinent pour trancher cette question.

 

[traduction]

Q. 61 :             Vous connaissiez bien la bière Corona lorsque vous avez produit votre demande d’enregistrement canadien de la marque « Corona » ?

R :                   Oui.

[…]

 

Q. 224 :           En 2003, « Budweiser » jouissait d’une réputation établie relativement à la bière.

R :                   Oui.

 

Q. 225 :           Il s’agissait d’une marque de commerce bien connue ?

R :                   Pour de la bière, oui.

 

Q. 226 :           Là encore, votre demande portait sur une gamme complète de boissons, y compris des produits alcoolisés et non alcoolisés ?

R :                   Je ne me souviens plus de la liste complète.

 

Q. 227 :           Eau potable embouteillée, jus de fruits, jus de légumes, citronnade, boissons aromatisées aux fruits, boissons à base de café, succédanés de café, thé, tisane, panachés contenant des eaux-de-vie distillées, vins panachés alcoolisés et non alcoolisés.

R :                   Oui, alcoolisés et non alcoolisés.

 

Q. 228 :           Là encore, votre vin Budweiser pourrait être vendu dans le même établissement que la bière Budweiser ?

R :                   Oui, c’est possible.

 

Q. 229 :           Vous croyez que cela ne créerait pas de la confusion pour les consommateurs ?

R :                   C’est exact, car Budweiser jouit d’une réputation pour de la bière. Ils ne feraient pas le lien entre les deux.

 

Q. 230 :           Essentiellement, votre compréhension de la confusion repose sur le fait que, à moins qu’une personne emploie une marque de commerce identique en liaison avec des produits identiques, il n’y aura pas de confusion ? Est-ce bien ce que vous dites ?

R :                   Les gens vont regarder le produit et, s’il n’est pas relié aux produits que la marque fabrique, alors il n’y aura pas de confusion. La population canadienne est suffisamment intelligente pour le savoir.

 

 

Q. 231 :           Le consommateur canadien qui voit « Budweiser » sur n’importe quel produit autre que de la bière ne va pas l’associer à la bière Budweiser. C’est essentiellement ce que vous dites ?

R :                   Oui, je crois qu’il est difficile pour eux de faire le lien. C’est le nom d’une ville en Tchéquie.

 

Q. 232 :           En 2003, « Coors » était là encore une marque bien établie relativement à la bière ?

R :                   Oui.

 

Q. 233 :           C’était une bière bien connue au Canada à cette époque ?

R :                   En fait, je ne le sais pas.

 

Q. 234 :           C’était certainement une marque établie relativement à la bière et des produits à boire ?

R :                   Oui.

 

Q. 235 :           Vous avez demandé l’enregistrement de « Coors » également pour des produits entrant dans la catégorie des boissons.

R :                   Oui.

 

Q. 236 :           Eau, eau plate, eau minérale, eau de source, eau gazeuse, eau gazéifiée, eau pétillante, eau glacée, eau d’iceberg, glace concassée, jus, boissons aromatisées, boissons nutritives, boissons non alcoolisées, bières, panachés, et vins blancs panachés.

R :                   La marchandise « bières » était une erreur, visiblement.

 

Q. 237 :           La marchandise « bières » serait une erreur, là encore, juste un peu trop près…

R :                   C’est la même chose. Coors fabrique de la bière, alors visiblement, ce ne serait pas…

[Caractères gras ajoutés.]

 

Considérant que M. Marcon a admis qu’il connaissait bien la bière CORONA lorsqu’il a produit sa demande pour la marque CORONA en liaison avec différentes boissons, y compris de la bière, et considérant qu’il y a, à son avis, absence de confusion à moins qu’une personne emploie une marque de commerce identique pour un produit identique, il appert que M. Marcon a compris qu’il était inopportun de sa part de produire la présente demande en liaison avec de la bière.

 

En ce qui concerne le fait que M. Marcon ait demandé l’enregistrement de 18 marques qu’on pourrait qualifier de bien connues en liaison avec des marchandises et services sans doute connexes, l’agent de l’Opposante a soutenu à l’audience que le Requérant est un [traduction] « prédateur » de demandes d’enregistrement de marques de commerce qui essaie de tirer profit de la réputation établie de ces marques sans doute bien connues. L’agent de l’Opposante fait valoir que le témoignage suivant relatif à la marque NESTLÉ sous-entend que M. Marcon a fait une recherche sur les marchandises et services des marques bien connues pour lesquelles il demandait l’enregistrement afin de profiter de leur réputation établie : 

 

[traduction]

Q. 208 :           Votre demande pour « Nestlé », assez curieusement, couvre à la fois des boissons et des produits alimentaires. En fait, c’est la première fois que je vois des produits alimentaires, soit des noix comestibles, des légumes, des huiles alimentaires et du fromage. C’est la première fois que je vois ces produits dans vos demandes. Là encore, il s’agit d’une réputation établie à l’égard de produits alimentaires, alors vous allez l’employer pour des produits alimentaires.

R :                   Cette fois encore, ces produits ont été supprimés pendant l’instruction de la demande.

 

Q. 209 :           Certes, en 2003, lorsque vous avez produit votre demande, vous étiez propriétaire d’une marque de commerce Nestlé qui jouissait d’une réputation établie à l’égard de produits alimentaires. Vous avez alors profité de cette réputation en produisant votre demande et en déclarant votre intention de l’employer aussi pour des produits alimentaires.

R :                   Oui. J’aurais probablement dû rechercher la marque Nestlé un peu plus en profondeur sur le site Web du Bureau des marques de commerce. Ainsi, j’aurais pu voir que Nestlé fabrique effectivement du fromage.

 

 

Enfin, la preuve démontre que M. Marcon n’a pas pris contact avec un fabricant pour produire les marchandises visées par la demande (en liaison avec l’une ou l’autre des marques de commerce) sauf pour l’eau embouteillée (q. 332) et peut-être les panachés (q. 107 à 112). Il admet qu’il était au courant de la réputation bien établie de la plupart des marques, sinon toutes, pour lesquelles il avait demandé l’enregistrement en liaison avec des marchandises précises. Il reconnaît également qu’il n’avait pas préparé de plans d’affaires pour aucun de ses produits, de peur que les marques pour lesquelles il avait demandé l’enregistrement fassent l’objet d’une opposition (q. 335 à 337).

 

Je ne connais pas de décision qui décrit la notion de « mauvaise foi » dans le contexte de l’alinéa 30i). Bien que je ne sois pas certaine si cette notion s’applique en l’espèce, je me demande comment une personne raisonnable serait convaincue qu’elle a droit de produire des demandes d’enregistrement pour plus de 18 marques de commerce sans doute bien connues en liaison avec des marchandises et/ou services apparemment connexes. Je m’interroge également sur l’intention qui motive un requérant à le faire. À mon avis, le fait pour un requérant de tenter de profiter de la réputation établie d’un nombre important de marques bien connues devrait être le genre de situation que l’alinéa 30i) vise à empêcher. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le témoignage en contre-interrogatoire qu’a présenté M. Marcon suffit pour que l’Opposante soit déchargée de son fardeau de preuve initial à l’égard de l’alinéa 30i).

 

Par conséquent, il incombait à M. Marcon de démontrer qu’il était convaincu qu’il avait droit de monopoliser partout au Canada la marque CORONA faisant l’objet de la demande en liaison avec les marchandises et services visés par la demande. La seule preuve présentée par M. Marcon qui [traduction] « démontre la sincérité du désir du Requérant d’employer les marques pour lesquelles il a demandé l’enregistrement sur le marché canadien » consiste en deux demandes d’enregistrement inactives qu’il avait produites pour les marques NUTRADENT et ROCKLIN, ainsi que ses brevets pour de la soie dentaire et un réservoir de carburant.

 

Bien que je sois consciente que M. Marcon ait pu consacrer beaucoup de temps et d’effort pour le développement de ses produits, il ne m’a pas démontré qu’il était convaincu qu’il avait droit de produire la présente demande pour la marque CORONA en liaison avec les marchandises et services visés par la demande, ou qu’il était de bonne foi lorsqu’il l’a fait. Puisque le fardeau de la preuve repose définitivement sur le Requérant, et puisque ce dernier n’a pas fourni de preuve pour me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était convaincu de son droit d’employer la marque faisant l’objet de la demande, j’accueille le motif fondé sur l’alinéa 30i).

 

Motif fondé sur l’alinéa 30e)

 

Tel qu’il est mentionné ci-dessus, l’alinéa 30e) exige que le Requérant d’une marque de commerce projetée déclare, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié, qu’il a l’intention d’employer la marque de commerce au Canada. Dans Hunter Douglas Canada Ltd. c. Flexillume Inc. (1983), 78 C.P.R. (2d) 212 (C.O.M.C.), M. Martin, membre de la COMC, a écrit ce qui suit au sujet de l’objectif visé par l’alinéa 30e) :

 

[traduction] […] Le libellé de l’alinéa 29e) [l’ancienne version de l’alinéa 30e)] de la Loi est clair et visait manifestement à empêcher les requérants de faire le trafic de marques de commerce. Bien qu’il ressort clairement de la preuve versée au dossier que le requérant n’avait pas l’intention de se livrer à une telle activité, il s’est malheureusement placé à l’intérieur des limites de l’interdiction visant à empêcher de tels abus […] De plus, les dispositions de la Loi sur les marques de commerce relatives aux demandes fondées sur l’emploi projeté prévoient une exception à la common law selon laquelle les droits relatifs aux marques de commerce ne s’acquièrent qu’avec l’usage. Ainsi, comme c’est le cas pour toutes autres exceptions à la common law prévues par la Loi, les dispositions relatives aux demandes fondées sur l’emploi projeté devraient être interprétées de façon stricte.

 

L’Opposante prétend qu’en l’espèce, le Requérant n’avait ni réellement l’intention, ni la capacité d’employer la marque de commerce au Canada, soit par lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou par lui-même et par l’entremise d’un licencié, en liaison avec toutes les marchandises et services énoncés dans la demande. Les prétentions de l’Opposante à l’appui de sa thèse peuvent être résumées comme suit : 1) le Requérant n’a pas établi de plan d’affaires, ni obtenu un fabricant pour le produit, ni conçu la maquette d’une étiquette potentielle pour son produit; 2) le Requérant a déclaré qu’il n’a pas l’intention d’employer les marques visées par la demande tant qu’elles ne seront pas admises par le Bureau des marques de commerce; 3) le Requérant est un particulier et il a fait savoir qu’il avait l’intention, concernant toutes les marques pour lesquelles il a demandé l’enregistrement, de donner essentiellement la production des produits en sous‑traitance à un fabricant et d’utiliser la chaîne de distribution actuelle du fabricant si elle se prête à ce qu’il fait (q. 61 à 63); et 4) compte tenu que le Requérant est un particulier sans expérience dans la commercialisation des marchandises énumérées dans les différentes demandes (qui varient entre boissons, articles de toilette et produits alimentaires), il n’a pas la capacité d’employer toutes ces marques en liaison avec toutes les marchandises et services énumérés, ce qui, en soi, soulève un doute quant à son intention réelle d’employer la marque faisant l’objet de la demande. 

 

À mon avis, l’Opposante a réussi à soulever un doute quant à l’intention véritable de M. Marcon d’employer plusieurs des marques visées par la demande. Par contre, pour les motifs suivants, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial que lui imposait l’alinéa 30e) relativement à la marque CORONA visée par la demande dans la présente instance.

 

Tout d’abord, le Requérant n’a pas l’obligation de démontrer qu’il emploie sa marque de commerce avant qu’elle ait été approuvée (voir Molson Canada c. Anheuser Busch (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.). Par conséquent, le fait que M. Marcon n’a toujours pas commencé à employer sa marque de commerce CORONA en liaison avec des boissons n’est pas pertinent. De plus, rien dans son témoignage ne laisse croire qu’il n’a pas l’intention d’employer la marque en liaison avec des boissons. Il a reconnu lors de son contre-interrogatoire qu’il pourrait employer les mêmes embouteilleurs qu’il a embauché pour produire ABSOLUT. Il a également affirmé qu’il était en négociation pour produire un panaché CORONA.

 

Ensuite, le fait que le Requérant a produit de nombreuses demandes pour l’enregistrement de marques de commerce en liaison avec diverses marchandises et services ne constitue pas en soi une preuve qu’il n’a pas l’intention de les employer. Il n’existe aucune disposition dans la Loi qui empêche un requérant de le faire (voir Canadian Tire Limited c. Raymond Gorsky (demande no 758790; 19 octobre 2005)).

 

Enfin, la déclaration du requérant selon laquelle il a l’intention d’employer sa marque ne suppose pas forcément qu’il va fabriquer les marchandises visées par la demande; elles peuvent être fabriquées par quelqu’un d’autre pour le compte du requérant (voir Jacobs Suchard Ltd. c. Trebor Bassett Ltd. (1996), 69 C.P.R. (3d) 569 (C.O.M.C.)). 

 

Puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de présentation, je n’ai pas tenu compte du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e).

 

Autres motifs d’opposition

 

La question de la confusion est en cause dans tous les autres motifs entre la marque visée par la demande et les marques CORONA de l’Opposante. Puisque j’estime que les arguments de l’Opposante sont les plus convaincants relativement au motif portant que la Marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en raison de la probabilité de confusion avec la marque CORONA de l’Opposante, enregistrée sous le no LMC598045, j’analyserai la probabilité de confusion au regard de ce motif relativement à cette marque.

 

La date pertinente relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)).

 

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, car son enregistrement est en règle.

 

Test en matière de confusion

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi de ces deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit considérer toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles énumérées expressément au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle chacune de ces marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même.

 

Dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la procédure à suivre pour évaluer toutes les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion. C’est sur le fondement de ces principes généraux que j’évaluerai maintenant toutes les circonstances de l’espèce.

 

Le Requérant prétend que CORONA est une marque faible. À cet égard, il a produit une preuve pour démontrer : 1) que la traduction anglaise du mot CORONA est « crown » [couronne]; 2) le mot CORONA apparaît 69 fois comme nom de famille sur le site Web Whitepages.com; et 3) CORONA est le nom d’une ville en Californie.

 

Avec égards, je ne peux souscrire à l’opinion du Requérant selon laquelle la marque CORONA est une marque faible. Bien que le caractère distinctif inhérent d’une marque puisse être réduit dans la mesure où il peut être perçu comme un nom de famille ou un lieu géographique, j’estime selon la preuve versée au présent dossier que le Canadien moyen ne percevrait pas CORONA comme l’un ou l’autre. À cet égard, il n’existe aucune preuve portant que le Canadien moyen serait conscient que CORONA est un nom de famille ou une ville en Californie. De plus, il n’existe aucune preuve que le consommateur moyen saurait que la traduction anglaise du mot CORONA est « crown » [couronne]. Par conséquent, je conclus que les deux marques CORONA sont intrinsèquement fortes étant donné qu’elles n’ont aucune signification dans le langage ordinaire relativement aux marchandises ou services qui y sont associés.  

 

J’aimerais ajouter que même s’il a été démontré que le Canadien moyen pouvait associer CORONA avec le mot « crown » [couronne], ce qui réduirait le caractère distinctif inhérent de la marque CORONA parce qu’elle est élogieuse, la preuve démontre que la force de la marque de l’Opposante s’est accrue par son emploi répandu, tel qu’il est décrit ci-dessous.

 

En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, le Requérant n’a produit aucune preuve de l’emploi de sa marque. Ainsi, je dois conclure que sa marque n’est pas du tout devenue connue au Canada à la date pertinente. En revanche, l’Opposante a fait la preuve de l’emploi prolongé et à grande échelle de sa marque de commerce en liaison avec des [traduction] « boissons alcoolisées brassées » ou de la [traduction] « bière ». Dans son affidavit, M. Armstrong affirme que les ventes de bières portant la marque CORONA réalisées par l’Opposante se chiffraient entre 90 et 219 millions de dollars par année entre 1998 et 2004. Le budget consacré aux activités promotionnelles entre 2003 et 2004 était de 5 millions de dollars.  Ainsi, la marque de commerce de l’Opposante est devenue très connue au Canada. La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage avantage également l’Opposante.

 

S’agissant de l’examen des marchandises, des services et du commerce des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou services joint à la demande d’enregistrement du Requérant, telle que modifiée, et l’enregistrement de l’Opposante qu’il faut prendre en considération pour déterminer s’il y a confusion au sens de l’alinéa 12(1)d) (Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)).

 

Dans Molson Breweries c. Pernod Ricard, S.A. (1992), 44 C.P.R. (3d) 359 (C.F. 1re inst.), le juge Denault a fait les commentaires suivants lors de son analyse de la question de la confusion entre la bière de l’appelante et les spiritueux et les liqueurs de l’intimée :  

 

[…] les marchandises des deux parties relèvent de la même industrie et, à ce titre, il est fort possible qu’elles soient offertes aux consommateurs dans les mêmes points de vente. L’appelante a soutenu que même si ses produits étaient vendus dans les mêmes points de vente au détail que ceux de l’intimée, ils seraient mis en vente dans des parties différentes du magasin, et jamais côte à côte. Encore une fois, je dois souligner que la possibilité existe.

 

Selon l’appelante, la publicité de la bière se fait par des moyens différents de celle des spiritueux et des liqueurs, et les concurrents des brasseurs sont presque exclusivement d’autres brasseurs. Je conviens que l’étude de la « nature du commerce » peut tenir à davantage qu’une simple étude des circuits de distribution choisis par les fabricants de marchandises. Toutefois, à mon avis, les circuits de distribution en l’espèce présentent beaucoup d’importance pour la question de la probabilité de la confusion entre ces marques concurrentes. De plus, je n’ai pas été convaincu par la simple déclaration de l’appelante à l’égard de la concurrence au sein de l’industrie; à mon avis, les deux parties se concurrenceraient pour obtenir les dollars que les consommateurs dépensent en boissons alcoolisées. En tout état de cause, les deux parties ont convenu qu’il existe à tout le moins un chevauchement minime entre le marché de la bière et celui des liqueurs et des spiritueux. Permettre que les marchandises des deux parties soient distribuées dans le même genre d’établissement sous des marques de commerce semblables mais concurrentes augmenterait sans le moindre doute la probabilité de confusion dans l’esprit du consommateur moyen à l’égard de la source ou l’origine des marchandises.

 

[…] Après avoir étudié la preuve produite devant cette Cour, je suis d’avis que l’emploi de RICARD et de RICKARD’S RED dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées ou vendues par la même compagnie.

 

 

En l’espèce, bien que les boissons alcoolisées brassées de l’Opposante soient différentes des « panachés contenant des eaux-de-vie distillées » du Requérant, ces deux marchandises pourraient être qualifiées, de façon générale, de boissons alcoolisées. Les autres marchandises visées par la demande sont également semblables à celles de l’Opposante puisqu’elles sont toutes des boissons.

 

Pour ce qui est des voies de commercialisation des parties, il a été précédemment conclu que la bière, les vins et les spiritueux sont tous des produits d’une seule industrie. Ainsi, le commerce des parties serait considéré comme semblable (voir Carling Breweries Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1972), 8 C.P.R. (2d) 247 (C.F. 1re inst.) à la page 251). En ce qui concerne les marchandises du Requérant relatives aux boissons non alcoolisées, la preuve démontre que les voies de commercialisation pour les marchandises visées par la demande et la bière de l’Opposante se chevaucheraient dans la province de Québec.

 

S’agissant du degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause (alinéa 6(5)e)), lesdites marques sont identiques.

 

Les autres circonstances de l’espèce

i) La preuve de l’état du registre ou du marché

 

La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en faire des déductions quant à l’état du marché (Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Ces déductions ne peuvent être faites que dans le cas où l’on peut relever un nombre important d’enregistrements pertinents (Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)).

 

À titre de pièces 8, 9 et 10 jointes à son affidavit, M. Marcon présente des exemplaires d’enregistrements pour la marque CORONA et pour d’autres marques qui comprennent le mot CORONA. Parmi les 14 enregistrements canadiens provenant de tierce-parties, seulement les enregistrements de CORONAS et GRAN CORONAS sont relatifs à des marques semblables à la marque visée par la demande et employés en liaison avec des produits entrant dans la catégorie des boissons (c.-à-d. du vin). Aucune des autres marques CORONA ne sont pertinentes, puisqu’elles sont en liaison avec des marchandises ou des services qui ne sont pas reliés à ceux de l’espèce.

 

Bien que le Requérant ait tenté de démontrer l’emploi de la marque CORONAS sur le marché en joignant une photocopie d’une étiquette d’un vin et un exemplaire de ce qui semble être une page provenant d’un catalogue de produits dans lequel ce vin apparaît, il n’a pas fourni d’information concernant l’étendue, la manière et la durée de l’emploi de cette marque sur le marché. Même s’il avait fourni ces informations, cette preuve en soi serait toujours clairement insuffisante pour me permettre d’inférer que le marché du commerce des boissons a adopté les marques CORONA de façon à réduire la probabilité de confusion entre les marques en cause.

 

ii) Les autres marques identiques ou semblables inscrites au registre

 

À titre de pièce 16 jointe à son affidavit, M. Marcon présente des enregistrements canadiens pour des groupes de deux marques ou plus, semblables ou identiques, qui étaient inscrites au registre à la date de son affidavit. M. Marcon fait valoir que cette preuve établit l’emploi parallèle et coexistant de ces marques sur le marché.

 

J’estime que cette preuve n’est pas pertinente en l’espèce. À cet égard, je souligne que la Commission n’est pas liée par les décisions de la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce pour l’enregistrement des marques et ces décisions n’ont pas de valeur de précédent pour la Commission. Ainsi, la Commission n’est pas en mesure d’expliquer les décisions rendues par la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce. De plus, la Section de l’examen ne dispose pas de la preuve produite par les parties dans une procédure d’opposition : voir les décisions de la Commission dans Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 à la page 277 et Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 à la page 386.

 

Conclusion relative à la probabilité de confusion

 

Le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de CORONA sur les boissons ou les produits d’embouteillage du Requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur (voir Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltee (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.)). Considérant mes conclusions ci‑dessus, en particulier la réputation à grande échelle de la marque de l’Opposante en liaison avec de la bière, le fait que les marques sont identiques et le fait que les marchandises des parties sont reliées et qu’elles se chevauchent à un certain degré, il me semble qu’un tel consommateur croirait, selon sa première impression, que les marchandises et services associés aux marques de commerce CORONA sont fabriqués et vendus par la même personne. Dans Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Cattanach a déclaré ce qui suit au sujet des causes où une partie s’est appropriée la marque de quelqu’un d’autre dans son intégralité et y a ajoutée un suffixe : « Si l’on craint que l’enregistrement d’une marque de commerce puisse créer de la confusion entre elle et une marque plus ancienne, cette dernière doit tirer le bénéfice de ce doute. » Cette règle découle simplement du fait qu’il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque de confusion.

 

Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli compte tenu de l’enregistrement no LMC598045.

 

Puisque j’ai déjà accueilli deux des motifs de l’Opposante, je ne me pencherai pas sur les autres motifs d’opposition.

 

 

Décision

 

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande du Requérant conformément au paragraphe 38(8).

 

 

FAIT À Gatineau (Québec), le 12 août 2008.

 

 

Cindy R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau

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