Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Trailtech Inc. à la demande n1216745 produite par Nicole Labbé et François Landry, une société en nom collectif faisant affaires sous le nom de Usinage François Landry, en vue de l’enregistrement de la marque de commerce TREUILTECH____________________________

 

I Les actes de procédure

 

Le 13 mai 2004 Usinage François Landry, une société en nom collectif a produit la demande numéro 1216745 visant l’enregistrement de la marque de commerce TREUILTECH (la « Marque »).

 

Cette demande est fondée sur un emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 20 septembre 2003 en liaison avec des treuils et accessoires, nommément: poulie déviation, étrangleur et mât de chargement avec encrage pour le treuil (les « Marchandises »).

 

La demande a été annoncée à des fins d’opposition dans l’édition du 30 mars 2005 du Journal des marques de commerce.

 

Trailtech Inc. (« l’Opposante ») a produit une déclaration d’opposition le 26 mai 2005, que le registraire a transmise à la Requérante (telle que définie ci-après) le 30 juin 2005. Le 27 juillet 2005, la Requérante a produit une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition.

 

L’Opposante a produit en preuve l’affidavit de Keith Brown et Josh MacFadden alors que la Requérante a produit celui de Nicole Labbé. Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit. Une audience fut tenue où les parties étaient représentées.

 

En cours d’instance, la présente demande d’enregistrement et les droits y afférant furent cédés à Usinage François Landry (2006) Inc. (tout au long de la présente décision je référerai sans distinction à cette dernière ou la société en nom collectif faisant affaires sous le nom de Usinage François Landry comme étant la « Requérante » sauf si le contexte ne s’y prête pas).

 

II La déclaration d’opposition

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer comme suit :

  1. En vertu des dispositions des articles 38(2)(a) et 30(i) de la loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (« Loi ») la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait se déclarer satisfaite de pouvoir employer la Marque au Canada car elle connaissait les droits antérieurs de l’Opposante;
  2. En vertu des dispositions des articles 38(2)(b) et 12(1)(d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable car elle porte à confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante TRAILTECH et graphisme, certificat d’enregistrement TMA501315 en liaison avec des remorques à marchandises, remorques agricoles, plates-formes de remorques et de camions et TRAILTECH, certificat d’enregistrement TMA547404 en liaison avec des véhicules, nommément remorques à plate-forme, remorques à marchandises, transporteurs et plates-formes de camions;
  3. En vertu des dispositions des articles 38(2)(c) et 16(1)(c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque car à la date de production de la demande d’enregistrement, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante qui avaient été antérieurement employées au Canada par l’Opposante;
  4. En vertu des dispositions contenues aux articles 38(2)(d) et 2 de la Loi, la Marque de la Requérante n’est pas distinctive car elle n’est pas adaptée à véritablement distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante en raison de la confusion qu’elle crée avec les marques de commerce déposées de l’Opposante.

 

III Analyse des motifs d’opposition

 

C’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer que la demande d’enregistrement est conforme à la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial d’établir les faits supportant chacun de ses motifs d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de cette charge, il revient alors à la Requérante de prouver selon la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition invoqués n’empêchent pas l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, p. 329‑330, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

 

Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition varient selon le motif plaidé:

 

  Défaut de conformité à l’une des dispositions de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande d’enregistrement (13 mai 2004) [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263 et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469];

  L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi doit s’analyser à la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la page 424 (F.C.A)];

  Le droit à l’enregistrement de la Marque lorsque la demande est fondée sur un emploi antérieur : la date de premier emploi de la Marque identifiée dans la demande (le 20 septembre 2003; article 16(1) de la Loi);

  Le caractère distinctif de la Marque est généralement déterminé à la date de la production de la déclaration d’opposition (le 30 juin 2005) [voir E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.), et Metro‑Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc., [2004] C.F. 1185 (C.F. 1re inst.)].

 

i)                    Motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi

 

Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante traite très peu de ce motif d’opposition. Elle ne fait d’ailleurs aucune référence à cet article de la Loi. Toutefois il a été plaidé tant lors de l’audience que dans son plaidoyer écrit que la Requérante n’avait pas fait la preuve de l’emploi de la Marque à compter de la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement.

 

Il n’y a pas lieu de procéder à une analyse détaillée de la preuve produite par la Requérante pour disposer de ce motif d’opposition. Qu’il suffise de dire que si l’Opposante désirait attaquer l’affirmation contenue dans la demande d’enregistrement concernant la date de premier emploi de la Marque elle aurait dû plaider l’article 30(b) de la Loi et non l’article 30(i). Tout ce que l’article 30(i) requiert est la présence dans la demande d’enregistrement d’une déclaration de la Requérante à l’effet qu’elle est convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada. Une telle déclaration se retrouve dans la demande d’enregistrement.

 

J’ajouterais que même si l’Opposante avait plaidé une contravention à l’article 30(b) de la Loi, le fardeau initial demeure sur ses épaules et ce n’est pas à la Requérante de prouver qu’elle emploie la Marque depuis la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement. L’Opposante peut toutefois se référer à la preuve de la Requérante pour rencontrer son fardeau de preuve initial. Dans un tel cas, la preuve de la Requérante doit soulever des doutes sérieux quant à la véracité de la date de premier emploi indiquée dans la demande d’enregistrement. L’absence de preuve d’emploi de la Marque à la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement n’est pas suffisante pour satisfaire le fardeau de preuve initial de l’Opposante.

 

Dans les circonstances le premier motif d’opposition est rejeté.

 

ii)                  Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi

 

M. Brown est le président de l’Opposante. L’Opposante est propriétaire des marques de commerce déposées suivantes :

  TRAILTECH et graphisme, certificat d’enregistrement TMA501315 en liaison avec des remorques à marchandises, remorques agricoles, plates-formes de remorques et de camions;

  TRAILTECH, certificat d’enregistrement TMA547404 en liaison avec des véhicules, nommément remorques à plate-forme, remorques à marchandises, transporteurs et plates-formes de camions.

 

Le déposant a produit des copies certifiées des certificats d’enregistrement de ces marques de commerce. Donc l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial.

 

Il incombe maintenant à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et celles de l’Opposante. Pour les fins de cette analyse je me limiterai à comparer la Marque à la marque de commerce TRAILTECH, certificat d’enregistrement TMA547404 car il s’agit de la marque de commerce de l’Opposante qui se rapproche le plus de la Marque; l’autre marque de l’Opposante comportant l’élément distinctif additionnel d’un graphisme.

 

Le risque de confusion entre deux marques de commerce doit s’analyser en fonction des circonstances propres à chacun des dossiers. Une liste non exhaustive de ces circonstances pertinentes apparaît à l’article 6(5) de la Loi. La Cour suprême du Canada, par l’entremise de la plume de l’honorable juge Binnie, s’est prononcée sur la portée de cet article dans Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321, en déclarant :

Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion.  Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent ».  La liste des circonstances n’est pas exhaustive et un poids différent sera attribué à différents facteurs selon le contexte.  Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.).

 

Les parties se sont attardées sur la nature de leurs commerces respectifs et la ressemblance ou non entre leurs marques de commerce. Je devrai donc procéder à l’analyse de la preuve soumise en fonction de chacun des critères pertinents, incluant ceux énumérés à l’article 6(5) de la Loi.

 

Les marques en présence sont des mots inventés. Toutefois ils sont composés d’éléments descriptifs ou suggestifs tels que « TREUIL », « TRAIL » et « TECH » et possèdent donc un degré de caractère distinctif assez faible puisque les marques TREUILTECH et TRAILTECH sont suggestives des marchandises auxquelles elles sont associées. En effet le terme « TRAIL » peut être considérer comme un diminutif du mot anglais « trailer » lorsque employé en liaison avec les marchandises de l’Opposante. Je ne peux conclure que l’une ou l’autre de ces marques possède un caractère distinctif inhérent plus fort que l’autre. Toutefois le degré de caractère distinctif peut être rehaussé par l’usage et la promotion au fil des années.

 

M. Brown affirme que l’Opposante fut incorporée en 1985 et œuvre depuis ce temps dans le domaine de la fabrication et distribution de produits et équipements de transport et de remorques. Ses produits incluent : des véhicules, nommément remorques à plate-forme, remorques à marchandises, transporteurs et plates-formes de camions. L’Opposante vend depuis avril 1989 plusieurs types de remorques plateformes de camion en liaison avec ses marques. Elle a vendu, au Canada annuellement depuis l’an 2000, pour au moins $12 millions de produits portant les marques TRAILTECH et TRAILTECH et graphisme.

 

M. Brown a fourni un exemplaire du catalogue de l’Opposante pour l’année 2004 illustrant ses différents produits offerts pour la vente et portant les marques de commerce TRAILTECH et TRAILTECH et graphisme. Il a également produit des pages du site web de l’Opposante où l’on y retrouve les produits de l’Opposante. Pour promouvoir la vente de ses produits, l’Opposante est membre de diverses associations.

 

Nicole Labbé est la secrétaire-trésorière de Usinage François Landry (2006) Inc. Cette société fut incorporée en 2006. Toutefois son prédécesseur en titre Usinage François Landry fut fondé en 2003. Elle décrit le type de marchandises fabriquées et vendues par la Requérante et je reviendrai sur cette description ci-après.

 

Je suis d’accord avec la prétention de l’Opposante à l’effet qu’il n’y aucune preuve dans le matériel produit par la Requérante de l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi. Il y a bien des pamphlets publicitaires et les extraits de pages du site web de la Requérante mais, en soi, cette preuve ne peut constituer une preuve d’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises. De plus il nous est impossible de distinguer la Marque sur les marchandises illustrées sur ce matériel publicitaire.

 

Dans les circonstances je conclus que la marque de commerce TRAILTECH est plus connue que la Marque au Canada.

 

Quant à la durée de l’emploi des marques en présence, à la lumière de la preuve ci-haut décrite ce facteur favorise également l’Opposante.

 

La preuve révèle que les treuils vendus par la Requérante sont des treuils mécaniques portatifs vendus présentement à des producteurs forestiers qui tirent des billes de bois sur des lots boisés. L’Opposante plaide qu’il n’y a rien qui l’empêche de vendre ses remorques et accessoires à des producteurs forestiers. Cette hypothèse peut s’avérer vraie mais il reste à savoir si l’acheteur de l’une des Marchandises de la Requérante qui a connaissance des produits et marques de l’Opposante pourrait penser, selon la prépondérance des probabilités, que les Marchandises ont la même origine que les remorques fabriquées et vendues par l’Opposante en liaison avec sa marque de commerce TRAILTECH. Or s’il y a une connexité entre les marchandises des parties il peut exister une probabilité de confusion. [Voir V. Kann Rasmussen Industri A/S v. Linen Chest « Phasde II » Inc. (1989), 25 C.P.R. (3d) 252] Comme la preuve fournie par M. Brown démontre une certaine connexité entre les marchandises respectives des parties, j’arrive à la conclusion, malgré la différence des marchandises vendues par les parties, que ce facteur favorise très légèrement l’Opposante.

 

Je tiens à souligner que j’ai ignoré la preuve soumise par M. MacFaden. Ce dernier a produit des extraits de sites web afin de démontrer que des tierces parties vendent à la fois des remorques et des treuils. Or le contenu de ces extraits de sites web constituent une preuve inadmissible par ouï-dire.

 

Les clients de l’Opposante proviennent de différents milieux : fermiers, compagnies de transport, propriétaires de véhicules récréatifs nécessitant du transport et acheteurs de produits faits sur mesure que l’Opposante peut fabriquer de temps à autre. L’Opposante vend ses produits par l’entremise d’un réseau de distributeurs au Canada. Elle vend également directement à certains clients à travers le Canada et les États-Unis. Quant aux Marchandises, elles sont soit vendues à des producteurs forestiers directement à la place d’affaires de la Requérante située à L’Islet, Québec ou via son dépositaire situé à Notre-Dame de Lourdes, Québec.

 

Pour distinguer la nature des commerces des parties, la Requérante plaide que la preuve démontre qu’elle opère au Québec alors que l’Opposante est située en Saskatchewan et qu’il n’y a aucune preuve qu’elle vend ses marchandises au Québec. Pour disposer de cet argument, qu’il suffise de se référer à l’article 19 de la Loi qui stipule que le propriétaire d’une marque déposée a le droit exclusif d’employer sa marque dans tout le Canada. Son emploi n’est pas limité à un territoire défini.

 

Toutefois la preuve au dossier de la nature des activités commerciales des parties me permet de conclure que la nature de leurs commerces respectifs est différente. Ainsi ce critère favorise la Requérante.

 

L’autre point hautement contesté par les parties est le degré de ressemblance ou pas entre les marques en litige. La Requérante plaide que la Marque est composée des termes « TREUIL », mot de la langue française, et « TECH » alors que la marque de commerce de l’Opposante comporte le terme « TRAIL », mot anglais, distinct tant visuellement que phonétiquement ainsi qu’au niveau du sens lorsque comparé à « TREUIL ». L’Opposante argumente que la seule différence tant phonétique que visuelle est la substitution de la lettre « A » par les lettres « EU ».

 

Le mot « treuil » est défini dans le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert comme étant un « appareil de levage et de chargement, composé d’un cylindre (tambour) qu’on fait tourner sur son axe à l’aide d’une manivelle ou d’un moteur et autour duquel s’enroule une corde, un câble ». Le mot « trail » est défini dans le Oxford Canadian Dictionary comme étant entre autre « … a part dragging behind a thing or a person (a trail of smoke) ».

 

Je rappelle que la composante “TRAIL” de la marque de l’Opposante, lorsqu’employée en liaison avec les marchandises de l’Opposante, a une portée suggestive car elle constitue un diminutif du mot anglais « trailer ».

 

Le test applicable en l’espèce est celui du consommateur moyen ayant un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante. Il ne s’agit pas d’une comparaison minutieuse. Or ce consommateur moyen Canadien peut être un francophone unilingue, un anglophone unilingue ou une personne bilingue. La Cour fédérale d’appel dans l’affaire de Pierre Fabre Médicament c. SmithKline Beecham Corp. [2001] 2 F.C. 636 a abordé ce point. Ainsi M. le juge Décary déclara :

10     Avec égard, je crois que le registraire, dans Les Vins La Salle Inc., a fait une mauvaise lecture des propos des juges Joyal et Strayer. Ces derniers, en effet, ne faisaient que constater, dans le contexte linguistique canadien, qu'il fallait tenir compte tout autant de la perception du consommateur francophone que de celle du consommateur anglophone, et que dès lors qu'il y avait vraisemblance raisonnable de confusion chez l'un ou chez l'autre, la marque ne pouvait être enregistrée. Les deux juges ajoutaient, pour bien s'assurer de couvrir toutes les hypothèses en raison des cas particuliers qui leur étaient soumis, qu'il était possible que le consommateur francophone moyen et que le consommateur anglophone moyen ne soient ni l'un ni l'autre confus, mais que le consommateur bilingue moyen, lui, le soit, auquel cas ce risque de confusion suffisait à lui seul à bloquer l'enregistrement. Nulle part n'était-il question d'un test qui ne prendrait en considération que la perception du consommateur bilingue moyen et qui ferait fi de la perception du consommateur francophone moyen et de celle du consommateur anglophone moyen.

11     Le juge Joyal, quelques mois plus tard, dans Ferrero S.p.A. c. Produits Freddy Inc. (1986), 20 C.P.R. (3d) 61 (Fed. T.D.), est venu lui-même faire une mise en garde après qu'on lui eût cité la décision du registraire dans Les Vins La Salle Inc. Il s'est dit d'avis, à la page 65, que:

It seems to me that it is not sufficient to simply apply the bilingual version test in determining the issue of confusion between one trade mark and another.


et à la page 68, que:

[...] I feel that caution must be exercised when applying the bilingual equivalence test to coined words.


12     Notre Cour, en confirmant la décision du juge Joyal dans Produits Freddy Inc. ((1988), 22 C.P.R. (3d) 346 (Fed. C.A.)), n'a pas fait du test du consommateur bilingue moyen un test autonome. Bien au contraire. Le juge Marceau a rappelé que le risque de confusion était une conclusion "of concrete fact to be verified in real life, and not one to be inferred from the constitutionally established bilingual nature of the country" (à la page 350). Le juge Lacombe, de son côté, a émis le commentaire suivant, à la page 354:

[...] It is only where a mark is borrowed from everyday speech or derived from a common noun that a question arises as to the possible effect of its transposition into the other language: see Boy Scouts of Canada v. Alfred Sternjakob GmbH & Co. (1984), 2 C.P.R. (3d) 407, 4 C.I.P.R. 103; 101482 Canada Inc. v. Registrar of Trade Marks (1985), 7 C.P.R. (3d) 289, 6 C.I.P.R. 222. It is a matter which must be considered as one of the tests to be applied in deciding whether such a mark creates confusion with another mark in the mind of the public. This requirement is necessary not only to safeguard the official status of both languages but also the integrity and statutory protection of trade marks in respect of those who speak or understand English and French. However, this factor should not be taken too far, obliterating the other tests mentioned in s. 6(5) of the Act or ignoring the rules laid down by the courts.

13     L'approche adoptée par la Cour se comprend aisément. Le français et l'anglais ont valeur égale au Canada. La Loi sur les marques de commerce est d'application pan-canadienne. L'article 6 prescrit qu'il peut y avoir confusion résultant de l'emploi d'une marque de commerce dans une seule région du Canada. L'alinéa 12(1)b) précise qu'une marque de commerce n'est pas enregistrable si "elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises..." L'emploi d'une marque de commerce peut se faire n'importe où au Canada (voir, notamment, l'article 16) et son enregistrement, selon l'article 19, donne au propriétaire "le droit à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada..." sous réserve des exceptions mentionnées.

14     Il s'ensuit que dès lors qu'il y a risque de confusion dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du pays, une marque de commerce ne peut être enregistrée. Le problème particulier auquel étaient confrontés les juges Joyal et Strayer était la possibilité qu'une marque de commerce qui ne crée aucune confusion chez un francophone ou chez un anglophone, en crée une chez une personne bilingue par l'emploi de mots usuels, distincts en français et en anglais, mais renvoyant, chez une personne qui en connaîtrait le sens dans les deux langues, à une même réalité. Ainsi, dans Les Produits Freddy Inc., le mot "noixelle" pouvait ne rien dire à une personne anglophone, et le mot "nutella", ne rien dire à une personne francophone, mais il n'était pas impossible que l'emploi de l'un et l'autre de ces mots confonde une personne bilingue qui en connaîtrait le sens dans l'une et l'autre langue. C'est aux seules fins de parer à cette éventualité que le test a été étendu au consommateur bilingue moyen.

 

Il s’ensuit de cet énoncé que, s’il y a risque de confusion chez un unilingue francophone, anglophone ou une personne bilingue, la Marque ne sera pas enregistrable. Pour un unilingue anglophone ou francophone ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce de TRAILTECH il y a une telle ressemblance visuelle avec la marque TREUILTECH qu’il existe une probabilité raisonnable de les confondre.

 

En guise de circonstances additionnelles la Requérante soulève l’état du registre en produisant le résultat de deux recherches distinctes, l’une où il est fait état de trois (3) citations pour la marque de commerce TRAILTECH incluant les deux (2) enregistrements appartenant à l’Opposante. Il ne reste donc qu’une seule autre marque de commerce déposée TRAILTECH, soit une demande d’enregistrement admise en liaison avec des marchandises aucunement reliées aux marchandises couvertes par les certificats d’enregistrement de l’Opposante, à savoir des vêtements, sacs et valises de tout genre. Cette preuve est loin d’être concluante. Quant à l’autre recherche, il s’agit de vingt-quatre (24) marques de commerce au registre se terminant par le suffixe « TECH ». Or nous n’avons aucun détail quant à la méthodologie employée et les paramètres utilisés qui ont mené à ce résultat. Nous n’avons aucune information sur chacune des marques citées, sauf pour dire que sept (7) d’entre-elles ont été radiées ou les demandes d’enregistrement ont été abandonnées. Nous ne savons pas la nature des marchandises ou des services couverts par les autres citations. Sans ces informations, cette preuve n’est pas d’une grande utilité.

 

Finalement quant à la preuve d’une recherche sur Internet en employant les termes « TREUILTECH » et « TRAILTECH », le contenu des sites identifiés, sauf pour ce qui est des sites des parties impliquées dans ce litige, constitue une preuve inadmissible par ouï-dire.

 

À la lumière de l’analyse de toutes les circonstances pertinentes, j’arrive à la conclusion qu’il existe une probabilité raisonnable que le consommateur unilingue francophone ou unilingue anglophone, d’intelligence moyenne ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce de l’Opposante, lorsque confronté à la Marque, la confond avec la marque de l’Opposante. Je m’appuie sur la preuve au dossier que : les marchandises des parties sont connexes, la Requérante n’ayant pas cru bon de restreindre dans sa demande d’enregistrement l’usage de ses treuils à l’industrie forestière, et que certaines des remorques vendues par l’Opposante sont équipées de treuils; ainsi que la forte ressemblance visuelle des marques des parties.

 

J’ajouterais que tel que mentionné précédemment le fardeau de preuve repose sur les épaules de la Requérante. Or au mieux dans ce dossier pour la Requérante, les probabilités qu’il y ait ou non de la confusion entre les marques des parties seraient égales et dans ce cas la Requérante ne se serait pas déchargée de son fardeau de preuve.

 

Je maintiens donc ce motif d’opposition.

 

 

 

 

iii)                Les motifs d’opposition fondés sur l’article 16 de la Loi et le caractère distinctif  de la Marque

 

L’Opposante a fait la preuve de l’emploi antérieur de sa marque de commerce TRAILTECH à la date de premier emploi de la Marque alléguée dans la demande d’enregistrement et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi à la date de publication de la présente demande d’enregistrement (réf. : article 16(5) de la Loi). Ainsi elle s’est déchargée de son fardeau initial de preuve quant au droit de la Requérante à l’enregistrement de la Marque. Or la différence entre les dates pertinentes quant au moment où doit se faire l’analyse des critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi afin de déterminer s’il y a ou non une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en présence sous le présent motif d’opposition, n’a aucune incidence sur cette analyse. Le motif d’opposition sous l’article 16 de la Loi est donc également maintenu pour les mêmes raisons que celles invoquées lors de l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.

 

Compte tenu de la preuve ci-haut décrite je conclus également que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver que la Marque est distinctive, c'est-à-dire apte à distinguer les Marchandises des marchandises de l’Opposante vendues sous la marque de commerce TRAILTECH.

 

Je maintiens donc le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

IV Conclusion

 

En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque en liaison avec les Marchandises, le tout en application des dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 29 SEPTEMBRE 2008

 

 

Jean Carrière

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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