Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 93

Date de la décision : 2010-06-30 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Positec Group Limited à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1177824 et 1177823 pour les marques de commerce TOOL WORX et TOOL WORX et Dessin au nom de Rui Royal International Corp.

 

[1]               Le 14 mai 2003, Rui Royal International Corp. (la « Requérante ») a produit la demande d’enregistrement no 1177824 pour la marque de commerce TOOL WORX et la demande no 1177823  pour la marque de commerce TOOL WORX et Dessin (illustrée ci‑dessous), demandes fondées sur l’emploi au Canada depuis le 5 mai 2003 en liaison avec les marchandises suivantes :

Outils à main à utiliser avec le bois et le métal, nommément: mètres à ruban, jauges, étaux, brides de serrage, haches, douilles et jeux de douilles, couteaux universels, lames de couteau universel, couteaux de poche pliants, marteaux, clés, scies, limes, pinces, perceuses, mèches pour perceuses, tournevis, ciseaux à bois, tourne-écrous, boîtes à outils, niveaux, palettes, pinces monseigneur, barres de démolition, hachettes, pistolets à colle, colle, lampes de poche, lampes de secours, manomètres pour pneus, jeux de clés à six pans, outils de ramassage magnétiques, cordeaux traceurs, protège-planchers, nommément tampons en feutre, lunettes de sécurité, protecteurs de sécurité pour les yeux, équerres en acier, masques filtrants, grattoirs de sécurité, butoirs de porte, attaches de câble, pompes siphon, câbles élastiques, papier de verre, taille-crayons de charpentier, ciseaux, rubans isolants, rubans adhésifs, rubans d’emballage, rubans-caches, rubans en fibre de verre, entonnoirs, vis, ancres, crochets, clous, bornes électriques, sertisseuses, couteaux à mastic, toiles de peintre, brosses en fil métallique et pinceaux, cadenas et serrures à combinaison, fils, connecteurs de fils, boulons, charnières, thermomètres, tirettes de portes, nécessaires de couture, trousses de réparation de bicyclette, nécessaires de réparation de lunettes, poignées de porte, poulies de corde à linge, écarteurs de corde à linge, ficelle, épingles à babillard, raclettes, nettoyeurs de mini stores, clés, bacs à peinture, jeux d’outils d’oeillets, affiches, enseignes et cartes.
 

TOOL WORX Design

 

[2]               La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot TOOL en dehors de chacune des marques de commerce. Les deux marques de commerce seront ci‑après appelées les Marques.

[3]               Les demandes ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 1er mars 2006. Le 28 mars 2006, Greapo Power Tools (Suzhou) Co. Ltd. a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chacune des demandes. L’Opposante a subséquemment obtenu l’autorisation de déposer des déclarations d’opposition modifiées pour indiquer Positec Group Limited comme nouvelle propriétaire des demandes nos 1171658 et 1150634 et prédécesseure en titre de Greapo Power Tools (Suzhou) Co. Ltd. Positec Group Limited sera ci‑après appelée l’Opposante.  

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration en réponse à chacune des déclarations d’opposition et elle a subséquemment obtenu l’autorisation de déposer une contre‑déclaration modifiée en réponse à chacune des oppositions.

[5]               À l’appui de ses oppositions, l’Opposante a produit deux affidavits de Marta Tandori Cheng, un affidavit de Michael Russell et un affidavit de Tom Duncan. À l’appui de ses demandes, la Requérante a produit les affidavits de Caroline Guy, de Seymour Samberg et de Louise Turgeon. On a procédé au contre‑interrogatoire de Caroline Guy, de Seymour Samberg et de Louise Turgeon; les transcriptions des contre‑interrogatoires, les pièces, les engagements, les délibérés et les refus ont été versés au dossier de la présente procédure. Aucune contre‑preuve n’a été produite.

[6]               La Requérante et l’Opposante ont toutes deux produit des plaidoyers écrits pour chaque opposition. Il n’y a pas eu d’audience.

[7]               Les motifs d’opposition de l’Opposante dans chacun des cas étaient pratiquement identiques et peuvent être résumés comme suit :

         la Requérante n’est pas la personne admise à l’enregistrement des Marques aux termes de l’al. 16(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), étant donné qu’à la date où la Requérante les a employées en premier lieu, les Marques créaient de la confusion avec les marques de commerce WORX, demande no 1150634, et WORX et Dessin, demande no 1171658, demandes antérieurement produites par la prédécesseure en titre de l’Opposante et qui étaient pendantes à la date de l’annonce des Marques;

         les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’al. 30b) de la Loi parce qu’elles ne renferment pas les dates à partir desquelles la Requérante a employé les Marques au Canada en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises décrites dans la demande, et que la requérante n’a pas employé les Marques en liaison avec les marchandises depuis la date présumée du premier emploi, soit le 5 mai 2003, s’il en est;

         les Marques ne sont pas distinctives au sens de l’art. 2 de la Loi parce qu’elles ne distinguent pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elles auraient été employées, ni ne sont adaptées à les distinguer ainsi, soit les outils à main et des outils électriques de l’Opposante qui ont été vendus et révélés au Canada par celle‑ci ou par sa prédécesseure en titre en liaison avec les marques WORX et WORX et Dessin.

Résumé de la preuve de l’Opposante

[8]               Mme Cheng atteste qu’elle est agente de marques de commerce au cabinet qui représente l’Opposante. À son affidavit sont jointes des copies des demandes nos 1,171,658 et 1,150,634 pour les marques de commerce WORX et WORX et Dessin, toutes deux inscrites au nom de l’Opposante. La demande no 1,171,658 pour la marque WORX (illustrée ci‑dessous) a été produite le 26 mars 2003 en liaison avec les marchandises suivantes :  tondeuses à gazon, coupe‑gazon, taille‑haie; machines à travailler le bois; scies (machines); foreuses; mèches pour perceuses, lames de scies; perceuses.

WORX

La demande no 1,150,634, pour la marque WORX et Dessin (illustrés ci‑dessous), a été produite le 28 août 2002, en liaison avec les marchandises suivantes : tondeuses à gazon, coupe‑gazon, taille‑haie; machines à travailler le bois; scies (machines); marteaux électriques; outils à main actionnés mécaniquement, nommément tournevis électriques.

WORX & design

[9]               Dans son deuxième affidavit, Mme Cheng étudie les résultats de diverses recherches sur Internet. Il ressort de son affidavit que sur le site Web de la Requérante le nom ToolWorx est constitué soit d’un élément soit de deux. De plus, un extrait présumé du site Web de la Requérante, imprimé le 27 octobre 2006, indique que la Requérante n’a lancé officiellement la marque ToolWorx qu’en janvier 2004. Enfin, des extraits additionnels provenant du site Web de la Requérante énumèrent certaines marchandises visées par la demande comme des [traduction] « nouveaux produits », alors que d’autres marchandises visées par la demande ne sont du tout mentionnées.

[10]           M. Russell atteste être le directeur commercial pour le Canada de Positec USA, le distributeur en Amérique du Nord des outils électriques fabriqués par l’Opposante. Selon son expérience, il est courant dans l’industrie de vendre côte à côte des outils à mains et des outils électriques dans la section des outils des quincailleries au Canada, telles Canadian Tire, Rona Home Improvement et Home Depot. Il explique en outre qu’il participe aux mêmes salons professionnels sur les outils à main et les outils électriques que la Requérante. Enfin, entre le mois de mai 2004, au moins, et le mois de mai 2006, il ignorait l’existence des outils à main ou autres marchandises vendues au Canada par la Requérante sous l’une ou l’autre des Marques. 

[11]           M. Duncan atteste être le président de Positec U.S.A. Inc., distributeur exclusif en Amérique du Nord des outils de jardin, des outils à main et des outils électriques fabriqués et vendus par l’Opposante ainsi que par sa filiale, Greapo Power Tools (Suzhou) Co. Ltd. Il explique que l’Opposante ainsi que sa prédécesseure en titre ont autorisé Positec U.S.A. Inc. à employer la marque WORX au Canada, et qu’elles continuent à exercer le contrôle sur la nature et sur la qualité des marchandises vendues en liaison avec les marques WORX. Le 5 mars 2003, Positec U.S.A. Inc. a commencé à vendre sous licence des taille‑haie, des coupe‑gazon et des tondeuses à gazon portant la marque de commerce WORX. Le 1er octobre 2006, l’Opposante a commencé à vendre au Canada des outils électriques portant sa marque WORX. La pièce C jointe à l’affidavit de M. Duncan est une copie d’une page provenant du catalogue Canadian Tire de 2006 qui montre des outils de jardin WORX vendus et distribués au Canada par Positec U.S.A. Inc. À titre de pièce F, M. Duncan a joint des extraits provenant du site Web www.costco.ca où l’on fait la publicité des outils électriques de marque WORX au Canada et qui montrent comment la marque apparaît sur les marchandises. M. Duncan dit que depuis le 6 décembre 2006, les ventes d’outils électriques de l’Opposante ont dépassé 2,2 millions de dollars. L’Opposante a également dépensé plus de 100 000 $ pour la publicité et la promotion au Canada de ses outils WORX depuis décembre 2006; des exemples de publicité sont joints également à son affidavit. Bien que M. Duncan énumère les publications contenant des annonces et des publicités ou des articles présentant les outils de marque WORX de l’Opposante, il ne fournit pas les chiffres relatifs à la diffusion de ces publications au Canada. 

Résumé de la preuve de la Requérante

[12]           Mme Guy atteste être employée du CRAC, le Centre de Recherches et d’Analyses sur les Corporations. Elle fournit les résultats d’une recherche effectuée dans une base de données SAEGIS pour le mot WORX ou WORKS en liaison avec des outils ou d’autres marchandises.  Elle fournit également des extraits de la base de données de l’OPIC pour des marques semblables.

[13]           Mme Turgeon est directrice de comptes de la Requérante. À son affidavit, ont été joints à titre de pièce 1 des imprimés qui montrent des échantillons de marchandises portant les Marques et qui ont été distribués selon elle à des quincailleries dont RONA, Sodisco-Howden, Canac Marquis et BMR. Elle explique que, selon son expérience, il est courant dans l’industrie de la quincaillerie de distribuer des échantillons, des dessins et des présentations avec des marchandises aux clients. À son affidavit ont été joints à titre de pièce 2 des échantillons de factures, dont quatre portent la date du 3 mai 2003 et font état d’« échantillons » ayant un prix de vente de 0 $US. Mme Turgeon confirme que ces marchandises ont été distribuées « á titre d’échantillon avec leur emballage portant la marque ». Aux paragraphes 8 et 9 de son affidavit, elle dit n’être au courant d’aucun cas de confusion entre les Marques et toute autre marque de commerce.

[14]            Elle explique en contre‑interrogatoire que la Requérante distribue des échantillons aux clients qui ont déjà accepté d’acheter le produit en question ou aux clients potentiels que la Requérante veut attirer (voir le contre‑interrogatoire de Mme Turgeon, questions 99 à 106). Elle a été également en mesure d’établir un lien entre les outils portant la marque TOOL WORX et les factures fournies à l’aide du numéro de référence. Elle explique à cet égard que les numéros des articles portant la marque TOOL WORX commencent par les chiffres 3-0.

[15]           M. Samberg est président de la Requérante. Dans son affidavit, il déclare que la Requérante emploie les Marques au Canada sans interruption depuis le 3 mai 2003, au moins. Il explique au paragraphe 7 que son entreprise vend des marchandises portant les Marques à des quincailleries comme RONA, Sodeco Howden, Canac Marquis et BMR. Les ventes annuelles des marchandises portant les Marques variaient de 50 000 $ à 220 000 $ entre 2003 et 2007. À son affidavit ont été joints à titre de pièce 1 des échantillons de factures datées entre le 3 mai 2003 et 2007 qui faisaient état à la fois de la distribution des échantillons (comme l’a déjà expliqué Mme Turgeon) et de la vente et livraison par son entreprise des marchandises portant les Marques. Les pièces 2 à 4 joints à son affidavit sont des échantillons d’étiquettes affichant les Marques telles qu’elles sont employées au Canada, des photos de marchandises portant les Marques et des catalogues montrant uniquement les outils et les articles de quincaillerie vendus sous les Marques. M. Samberg énumère également les salons professionnels auxquels il a participé entre 2004 et 2007 pour promouvoir les produits de son entreprise. À titre de pièce 5 ont été joints à son affidavit des extraits provenant du site Web de son entreprise qui montrent d’autres outils vendus sous les Marques. La pièce 5 comprend aussi une copie d’une page provenant du Site Web de la Requérante, datée du 25 septembre 2007, qui contient un bulletin d’actualité affiché en mai 2003 faisant état du lancement officiel de la marque ToolWorx. Enfin, M. Samberg dit qu’il n’est au courant d’aucun cas de confusion entre les Marques et les marques de l’Opposante.

[16]           En contre‑interrogatoire, M. Samberg n’a pas été en mesure d’expliquer les contradictions entre la preuve de l’Opposante montrant qu’en 2006 le site Web de la Requérante indiquait que la marque ToolWorx avait été lancée en janvier 2004, et la preuve de la Requérante montrant qu’en 2007 son site Web indiquait que la marque ToolWorx avait été lancée en mai 2003. M. Samberg a dit ce qui suit en contre‑interrogatoire, aux questions 340 et 341:

               [traduction]

Q. 340 – Y a‑t‑il eu des ventes le ou avant le 5 mai 2003?

R. 340 – Ventes de quoi, de Tool Worx?

Q. 341 – Des produits Tool Worx.

R. 341 – Non, je ne pense pas.

Question préliminaire

[17]           L’Opposante a contesté la recevabilité des pièces jointes aux affidavits de Mme Turgeon et de M. Samberg parce qu’elles n’étaient pas légalisées. Pour apprécier la recevabilité d’une telle preuve, j’ai tenu compte des observations suivantes formulées par le président Partington (à l’époque) dans la décision Beiersdorf AG c. Future International Diversified Inc. (2002), 23 C.P.R. (4th) 555 (C.O.M.C.)) :

Dans son plaidoyer écrit et au cours de l’audience, l’opposante a soulevé un certain nombre d’objections à l’égard des éléments de preuve présentés par la requérante. Premièrement, l’opposante allègue que les pièces accompagnant l’affidavit de M. Monahoyios sont inadmissibles puisqu’elles n’ont pas fait l’objet d’une désignation inscrite par le commissaire à l’assermentation instrumentant. Même si un tribunal arriverait probablement à la conclusion que de telles pièces sont irrecevables [voir, à titre d’exemple, l’affaire Re Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery, 25 C.P.R. (2d) 126, aux pages 135 et 136], le registraire n’est pas tenu de suivre rigoureusement les règles de pratique de la Cour fédérale en matière d’admissibilité des pièces. Par conséquent, le registraire tiendra compte des pièces non légalisées admissibles lorsque la partie adverse ne s’y oppose pas ou lorsqu’une objection est soulevée à un stade à ce point tardif de l’opposition que la partie ayant présenté cet élément de preuve n’a peu ou pas l’occasion de remédier au défaut.

[18]           En l’espèce, les deux affidavits ont été souscrits en bonne et due forme devant un commissaire aux serments, à l’exception des pièces jointes. À cet égard, les pièces ont été simplement désignées comme Pièce 1. L’Opposante a soulevé la question de la recevabilité des pièces dans son plaidoyer écrit, en avril 2009. À mon avis, la Requérante a eu amplement le temps depuis la réception des plaidoyers écrits de corriger les lacunes relevées dans sa preuve. Je conclus donc que les pièces des affidavits de Mme Turgeon et de M. Samberg sont irrecevables dans les deux oppositions.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[19]           L’Opposante fait valoir que les demandes ne répondent pas aux exigences de l’al. 30b) parce que les marques de commerce de la Requérante n’ont pas été employées au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans les demandes depuis la date de premier emploi qui y est alléguée. Dans la mesure où les faits pertinents pour l’examen de ce motif sont plus facilement accessibles à la Requérante, le fardeau de preuve de l’Opposante à l’égard de ce  motif d’opposition est moins exigeant et elle peut s’en acquitter à l’aide de la preuve de la Requérante [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Dès que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit établir l’emploi continu des Marques dans la pratique normale du commerce depuis la date alléguée : voir Labatt Brewing Co. c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), à la page 262.

[20]           En l’espèce, l’Opposante ne peut invoquer les lacunes dans les pièces jointes aux affidavits de Mme Turgeon et de M. Samberg pour s’acquitter de son fardeau de preuve concernant ce motif d’opposition puisque ces pièces ne figurent pas au dossier. Toutefois, compte tenu des autres éléments de preuve produits par l’Opposante ainsi que des témoignages entendus en contre‑interrogatoire, je suis convaincue que l’Opposante a mis en doute la véracité des dates de premier emploi revendiquées par la Requérante. À cet égard, M. Samberg a dit en contre‑interrrogatoire qu’il n’y a pas eu de ventes de produits ToolWorx le 5 mai 2003, soit la date de premier emploi indiquée par la Requérante à l’égard de ses marques. De plus, en contre‑interrogatoire, M. Samberg n’a pas été en mesure d’expliquer les contradictions entre la preuve de l’Opposante et la preuve de la Requérante concernant les dates de lancement des produits ToolWorx telles qu’elles apparaissaient sur le site Web de la Requérante. Je conclus par conséquent que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau à l’égard de ce motif dans les deux oppositions.

[21]           Il incombait donc à la Requérante d’établir les dates de son premier emploi revendiquées et elle ne l’a pas fait, principalement parce que les pièces de M. Samberg et de Mme Turgeon ne sont pas recevables à titre de preuve. Eussent‑elles été recevables, l’issue de ce motif aurait pu être différente. À cet égard, M. Samberg et Mme Turgeon ont tous deux joint à leurs affidavits des échantillons de factures datées du 3 mai 2003 à 2007 et faisant au début état de la distribution des échantillons de produits et par la suite, de l’achat de marchandises. Aux affidavits, ont été également joints des exemples montrant comment les Marques apparaissent sur les produits et sur les emballages.

[22]           La question aurait été de savoir si l’envoi par la Requérante d’échantillons de produits à ses clients canadiens constituait ou non un emploi des Marques dans la pratique normale du commerce. Pour apprécier cette question, j’ai tenu compte des observations suivantes formulées par le membre Martin (à l’époque) dans la décision Canadian Olympic Assn. c. Pioneer Kabushiki Kaisha (1992), 42 C.P.R. (3d) 470 [Pioneer Kabushiki] :

[traduction] Lorsqu’une entreprise expédie des échantillons à son distributeur canadien avant un envoi régulier de marchandises, à des fins de commercialisation, d’information et de promotion, en application d’une pratique régulière établie entre les parties, et lorsque le distributeur canadien prend ensuite livraison d’envois réguliers et procède à des ventes commerciales normales, je suis d’avis que le transfert des échantillons au distributeur constitue un emploi de la marque dans la pratique normale du commerce. En d’autres termes, les faits en l’espèce permettent de conclure que le transfert des échantillons faisait partie des transactions à l’égard des marchandises aux fins d’acquisition d’un achalandage et de production de revenus par la vente des marchandises portant la marque de commerce. La question de savoir si les échantillons étaient ou non également vendus n’est pas pertinente. À cet égard, on peut se reporter aux décisions Lin Trading Co. c. CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 C.P.R. (3d) 417, [1989] 1 C.F. 620, 20 C.I.P.R. 1 (C.A.); confirmant 14 C.P.R. (3d) 32 , [1987] 2 C.F. 352, 10 C.I.P.R. 260 (1re inst.); confirmant 5 C.P.R. (3d) 27 (C.O.M.C.), à la p. 32, et Argenti Inc. c. Exode Importations Inc. (1984), 8 C.P.R. (3d) 174 (C.F. 1re inst.), à la p. 185.

 

[23]           En l’espèce, Mme Turgeon déclare ce qui suit dans son affidavit : « il est courant dans l’industrie de la quincaillerie de distribuer des échantillons, des dessins et des présentations avec des marchandises aux clients afin de leur faire connaître l’apparence des ensembles et susciter des achats de leur part », et confirme ces affirmations lors du contre‑interrogatoire. Par conséquent, comme dans l’affaire Pioneer Kabushiki, précitée, les échantillons en l’espèce sont envoyés à des fins de commercialisation, d’information et de promotion dans le but d’obtenir des commandes des clients. Le transfert des échantillons faisait partie des transactions à l’égard des marchandises aux fins d’acquisition d’un achalandage et de production de revenus par la vente des marchandises. Il ressort clairement des chiffres de vente fournis par M. Samberg que le transfert des échantillons a donné lieu à de nombreuses ventes de produits TOOLWORX et TOOLWORX et Dessin de la Requérante. Je souligne également que la Requérante n’était pas tenue d’établir l’emploi de ses Marques en liaison avec chacune des marchandises visées par la demande, à la date revendiquée.

[24]           Compte tenu de l’ensemble de la preuve et malgré les contradictions dans la preuve, j’aurais considéré que la Requérante a effectivement établi, selon la prépondérance des probabilités que ses Marques ont été employées au Canada depuis le 5 mai 2003, au moins, tel qu’il a été allégué.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b)

[25]           Le premier motif d’opposition invoqué par l’Opposante, comme il a déjà été indiqué, se fondait sur l’al. 16(1)b) de la Loi. La date pertinente pour apprécier le motif d’opposition fondé sur l’al. 16(1)b) est habituellement la date de premier emploi revendiquée [al. 16(1)b)]. Toutefois, lorsqu’un opposant a contesté avec succès la date de premier emploi alléguée du requérant en faisant valoir un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), la date pertinente pour apprécier un motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) devient la date du dépôt de la demande du requérant [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc. (1972), 6 C.P.R. (2d) 278 (C.O.M.C.); Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.)]. Par conséquent, la date pertinente pour apprécier la probabilité de confusion à l’égard de chacune des Marques est le 14 mai 2003.  

[26]           L’opposant qui se fonde sur une demande de marque de commerce lorsqu’il conteste le droit à l’enregistrement d’un requérant, selon l’al. 16(1)b) de la Loi, doit uniquement établir que la demande en cause avait été antérieurement produite au Canada et qu’elle était pendante à la date de l’annonce de la demande du requérant [voir par. 16(4) de la Loi]. En l’espèce, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial étant donné que ses demandes de marque de commerce ont été produites le 28 août 2002 et le 26 mars 2003 respectivement, et qu’elles étaient toutes deux pendantes à la date où le Requérante a annoncé la demande pour chacune des marques. 

Le test en matière de confusion

 

[27]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[28]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit prendre en compte toutes les circonstances pertinentes, y compris celles expressément énumérées au paragraphe  6(5) de la Loi, c’est‑à‑dire : a)  le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b)  la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; c)  le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même [voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)].

[29]           Même si les marques de la Requérante ont une orthographe unique, elles sont identiques du point de vue phonétique et correspondent aux mots « tool works », ce qui suggère que les marchandises sont en état de fonctionnement. Dans ce contexte, les Marques sont faibles, n’ayant que peu de caractère distinctif [voir Toys “R” Us (Canada) Ltd. c. Manjel Inc. (1992), 46 C.P.R. (3d) 135 (C.O.M.C.), confirmé par 24 C.P.R. (4th) 470 (C.F. 1re inst.)]. Les marques de l’Opposante n’ont pas non plus un caractère distinctif vu qu’elles suggèrent elles aussi nettement la nature des marchandises visées par la demande.    

[30]           Quant à la mesure dans laquelle les marques de commerces sont devenues connues, aucune des parties n’a établi qu’elle avait employé ou révélé ses marques antérieurement à la date de production de la Requérante. Ce facteur ne favorise donc aucune des parties.

[31]           Dans le même ordre d’idées, aux termes de l’al. 6(5)b),  puisqu’aucune partie n’a établi l’emploi de ses marques avant la date de production de la demande de la Requérante, ce facteur n’est favorable à aucune partie.

[32]           En ce qui concerne la nature des marchandises des parties, les marchandises visées par la demande comprennent une variété d’outils à main pour le travail du bois et du métal alors que les marchandises de l’Opposante comprennent des outils de jardin, pour le travail du bois et des outils électriques. Il existe un certain chevauchement entre les marchandises, étant donné que les marchandises de l’Opposante comprennent également des outils à main et des outils à main actionnés mécaniquement.   

[33]           En ce qui concerne les voies de commercialisation, la preuve de la Requérante montre que ses marchandises sont vendues au Canada dans les centres de rénovation comme Rona et qu’elles concernent le consommateur moyen et l’usage à domicile. La preuve de l’Opposante montre que ses outils concernent les bricoleurs et les consommateurs individuels, et qu’elles sont vendues dans des magasins semblables comme Canadian Tire et des centres de rénovation.  L’affidavit de M. Russell révèle aussi qu’au Canada, les outils à mains et les outils électriques sont vendus côte à côte dans la section des outils des quincailleries telles Home Hardware, Home Depot et des centres de rénovation comme Rona. Les voies de commercialisation des parties seraient donc similaires voire identiques.

[34]           Quant au degré de ressemblance entre les marques, le premier élément d’une marque est souvent considéré comme le plus important pour établir une distinction. Cependant, lorsque le premier élément de la marque est un mot courant, descriptif ou subjectif, son importance diminue [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)].

[35]           En l’espèce, les deux marques de l’Opposante comprennent le mot WORX qui est écrit soit en majuscules et en gras à l’intérieur d’un dessin de forme rectangulaire, soit en gras et en effet d’ombre sur un dessin de forme ovale. La Requérante a adopté l’intégralité des marques de l’Opposante comme élément dominant de ses deux Marques. La seule différence est que dans les Marques le mot TOOL est situé devant le mot WORX et que le dessin est en forme de maison dans le cas de la marque TOOL WORX et Dessin. Toutefois, le mot TOOL n’est pas particulièrement puissant parce qu’il décrit les marchandises visées par la demande. Les marques de commerce se ressemblent donc dans la présentation et dans le son. Les idées que les marques suggèrent sont également similaires, vu que les marques de l’Opposante suggèrent quelque chose qui est en état de fonctionnement alors que les Marques suggèrent expressément des outils en état de fonctionnement.

[36]           La preuve de la Requérante concernant l’état du registre des marques de commerce constitue une autre circonstance de l’espèce. La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions sur l’état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432(C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. La preuve de l’état du registre ne permet de tirer des conclusions sur l’état du marché que lorsqu’un grand nombre d’enregistrements pertinents est repéré [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[37]           Mme Guy a trouvé un grand nombre d’enregistrements de marques de commerce canadiennes pour des marques qui comprenaient le mot « WORKS » comme élément final et qui étaient en liaison avec [traduction] « des outils et d’autres articles de quincaillerie susceptibles d’être vendus en quincaillerie ». Toutefois, ces recherches ont été effectuées par Mme Guy en septembre 2007, plus de 4 ans suivant la date pertinente pour apprécier ce motif d’opposition. Quoi qu’il en soit, sur une totalité de 18 enregistrements pertinents où il y a chevauchement avec les marchandises de la Requérante et celles de l’Opposante, je constate qu’environ 10 des marques visées ont été déposées avant la date de production de la Requérante. À mon avis, l’existence des 10 enregistrements sans preuve quant à l’emploi des marques déposées est insuffisante pour me permettre de tirer des conclusions significatives sur l’adoption commune et l’emploi sur le marché des marques de commerce comprenant le mot « WORKS » en liaison avec des marchandises semblables à celle visées en l’espèce. À cet égard, voir la décision Espirit de Corp. c. S.C. Johnson & Son Inc. (1984), 3 C.P.R. (3d) 451.

[38]           Enfin, la Requérante soutient également, à titre de circonstance de l’espèce, qu’aucune confusion réelle entre les marques de l’Opposante et les Marques n’a été établie. Compte tenu du fait que l’Opposante n’avait pas même commencé à employer ses marques au Canada à la date de production des demandes, je ne considère pas cet argument comme particulièrement convaincant.

[39]           Pour appliquer le test en matière de confusion j’ai pris en compte la première impression et le souvenir imparfait. Compte tenu de mes conclusions exposées ci‑dessus et surtout des similitudes entre les marques, les marchandises et les commerces des parties, je conclus que la probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause et l’absence de probabilité raisonnable de confusion font contrepoids. Par conséquent, la question doit être tranchée contre la Requérante, étant donné qu’il lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion.  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’al. 16(3)b) est accueilli.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)

[40]           Dans son dernier motif d’opposition, l’Opposante a allégué que les Marques ne se distinguent pas des marques de la Requérante étant donné qu’elles ne distinguent pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elles auraient été employées par la Requérante des marchandises d’autres parties, à savoir des outils à main et des outils électriques de l’Opposante vendus et révélés au Canada en liaison avec les marques WORX et WORX et Dessin.  La date pertinente en ce qui concerne ce motif d’opposition est la date de production des oppositions, soit le 22 mars 2006 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].  Pour satisfaire à son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à la date où elle a produit les oppositions, ses marques étaient devenues suffisamment connues pour annuler le caractère distinctif des Marques [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 at 58 (C.F 1re inst.), Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)].

[41]           Je ne suis pas convaincue, à partir de la preuve soumise, que l’Opposante a démontré que l’une ou l’autre de ses marques était devenue suffisamment connue à la date de production des déclarations d’opposition pour annuler le caractère distinctif des Marques. Ce motif d’opposition est donc rejeté.


Conclusion

[42]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés en application du par. 63(3) de la Loi, je repousse les demandes, conformément au par. 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.