Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION formulée par Pharmacyclics, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1165175 concernant la marque de commerce PHARMACLIK produite par McKesson Canada Corporation

 

 

Le 21 janvier 2003, McKesson Canada Corporation (la « Requérante ») a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce PHARMACLIK (la « Marque ») basée sur un emploi projeté de la Marque en liaison avec les services suivants :

 

« Services de diffusion et de commerce électronique par l'intermédiaire d'un site Internet transactionnel permettant aux pharmacies au détail et institutionnelles l'accès à un catalogue de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, la prise et l'envoi de commandes et nombreux autres outils de gestion de leur approvisionnement » (les « Services »).

 

La demande a été publiée le 10 décembre 2003 dans le Journal des marques de commerce.

 

Pharmacyclics, Inc. (l’« Opposante ») a produit une déclaration d'opposition à l’encontre de cette demande en date du 7 mai 2004. Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30(e) et (i) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T-13 telle qu’amendée) (la Loi) en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services et qu’elle a allégué à tort avoir l’intention d’employer la Marque en liaison avec les Services décrits dans sa demande;

 

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque eu égard aux dispositions des alinéas 16(3)b) et c) de la Loi en ce que la Marque crée de la confusion avec i) la marque de commerce PHARMACYCLICS de l’Opposante pour laquelle une demande d’enregistrement a été produite auprès du registraire des marques de commerce le 22 juin 2000 sous le numéro 1064511 en liaison avec les marchandises suivantes : [TRADUCTION] « (1) Produits pharmaceutiques pour diagnostics et traitement du cancer, de maladies cardio-vasculaires et infectieuses. (2) Appareils et instruments médicaux, chirurgicaux et diagnostics, nommément lasers, cathéters, fibres optiques et diffuseurs; pièces et accessoires pour les marchandises ci-dessus » et ii) les noms commerciaux PHARMACYCLICS INC. et PHARMACYCLICS de l’Opposante employés en liaison avec l’opération d’une entreprise œuvrant dans le domaine de la recherche et le développement, la fabrication, l’octroi de licence (« licensing ») et la distribution de préparations pharmaceutiques depuis environ 1991; et

 

  1. La Marque n’est pas distinctive des Services de la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi en ce que la Marque n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue véritablement pas les Services de la Requérante des marchandises et entreprise de l’Opposante en liaison avec lesquelles les marque et noms commerciaux de l’Opposante détaillés au paragraphe précédent sont employés.

 

La Requérante a produit une contre-déclaration par laquelle elle nie chacun des motifs d’opposition.

 

La preuve de l’Opposante consiste en les affidavits de Richard A. Miller et Diane Montreuil. Celle de la Requérante consiste en les affidavits de Brigitte Hénault et Zeina Waked et la déclaration de Marylène Gendron. Aucun des témoins n’a été contre-interrogé.

 

Les deux parties ont produit des arguments écrits et participé à la tenue d’une audience.

 

Principes généraux et dates pertinentes

 

Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition, sans quoi il est possible qu’un motif d’opposition ne soit pas pris en considération. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun de ces motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir à cet effet Massimo De Berardinis c. Decaria Hair Studio (1984), 2 C.P.R. (3d) 319 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.); Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., (1984) 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al, (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.F.A.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives à chacun des motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :

 

  • Motifs fondés sur l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande [voir à cet effet Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];
  • Motifs fondés sur les alinéas (b) et (c) de l’article 16(3) de la Loi : la date de production de la demande; et

         Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque : généralement acceptée comme étant la date de production de la déclaration d’opposition [voir à cet effet Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

Preuve

 

         Preuve de l’Opposante

 

Affidavit de Richard A. Miller

 

Richard Miller atteste qu’il est Président et Directeur général (« President and Chief Executive Officer ») de l’Opposante depuis 1991, étant l’un de ses fondateurs. Depuis sa création en 1991, l’Opposante développe de nouveaux traitements contre le cancer et d’autres maladies en employant des molécules de texaphyrine. L’Opposante est titulaire d’une licence de l’Université du Texas relativement à l’emploi de la technologie liée à la texaphyrine.

 

L’Opposante est basée à Sunnyvale en Californie et emploie quelque 120 personnes, pour la plupart dédiées à la recherche et au développement, la fabrication, le contrôle de la qualité, les affaires règlementaires et les essais précliniques de produits pharmaceutiques.

 

L’Opposante a développé un certain nombre de médicaments potentiels employant la texaphyrine. Deux de ces produits sont « Xcytrin » contre le cancer et « Antrin » contre l’artériosclérose. D’autres de ses produits semblent prometteurs pour contrer d’autres maladies telles le sida et la maladie de Lou Gehrig. M. Miller explique que les produits « Xcytrin » et « Antrin » ne sont pas encore commercialisés, étant encore au stade d’essais cliniques.

 

M. Miller atteste que « PHARMACYCLICS » est la marque maîtresse de l’Opposante de même que la principale composante de son nom commercial. Il atteste que cette marque et ce nom commercial sont employés en liaison avec la presque totalité des activités de l’Opposante depuis sa création et produit au soutien de son affidavit des spécimens de cartes d’affaires, papier à lettres et enveloppes employés dans la poursuite des activités quotidiennes de l’Opposante. Je reviendrai plus loin sur l’emploi qui y est fait de l’expression « PHARMACYCLICS ».

 

M. Miller atteste également que la marque et le nom commercial PHARMACYCLICS sont employés par l’Opposante dans la correspondance que celle-ci échange avec les autorités réglementaires canadienne et américaine, et produit un spécimen représentatif de correspondance adressée à « Santé Canada » à cet effet.

 

L’Opposante conduit des essais cliniques pour ses produits au Canada et aux États-Unis. Les premiers essais cliniques effectués au Canada l’ont été en 1998. M. Miller dresse la liste d’une quinzaine de centres d’essais cliniques ayant participé aux essais cliniques de l’Opposante au Canada. Cette liste comprend des centres hospitaliers de diverses provinces. M. Miller produit à cet égard des spécimens de correspondance échangée avec plusieurs de ces centres. Je suis d’avis que cette correspondance supporte dans une certaine mesure, les prétentions de l’Opposante quant à l’emploi au Canada de l’expression « PHARMACYCLICS » à titre de nom commercial, quoique cet emploi apparaisse fort limité du fait qu’il vise uniquement des essais cliniques contractés avec une quinzaine de centres canadiens et semble n’avoir débuté qu’en 1998 plutôt qu’en 1991 tel qu’allégué par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition. Cette correspondance, de même que l’ensemble de la documentation produite par M. Miller, ne saurait toutefois supporter les prétentions de l’Opposante quant à l’emploi de l’expression « PHARMACYCLICS » à titre de marque de commerce au Canada au sens de l’article 4 de la Loi.

 

Il ressort en effet de l’ensemble de la documentation produite par M. Miller, que l’expression « PHARMACYCLICS » est employée afin d’identifier seulement l’entreprise de l’Opposante plutôt que les produits listés dans sa demande d’enregistrement. J’ajouterai sur ce point que les seuls éléments de preuve pouvant être associés à la catégorie de produits pharmaceutiques visés par la demande d’enregistrement de l’Opposante se rattachent non pas à la marque « PHARMACYCLICS » mais plutôt à la marque « Xcytrin » mentionnée plus avant et au produit « Gadolinum Texaphyrin ». La preuve de l’Opposante passe également sous silence l’autre catégorie de marchandises visées par sa demande d’enregistrement à savoir, les appareils et instruments médicaux, chirurgicaux et diagnostics. L’absence de preuve d’emploi de la marque PHARMACYCLICS est en ce sens compatible avec le fait que la demande d’enregistrement de l’Opposante a été produite sur la base d’un emploi projeté de la marque au Canada. Je reviendrai sur ce point dans l’appréciation de la mesure dans laquelle les marques de commerce sous étude sont devenues connues.

 

M. Miller fait référence dans son affidavit au fait que l’Opposante a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PHARMACYCLICS au Canada. Il atteste également que les agents de la Requérante ont contacté les agents de l’Opposante en décembre 2002 afin de discuter d’un accord de coexistence éventuel entre les parties relativement aux marques sous étude. Des négociations s’en sont suivies et ont finalement échoué à la mi-février 2003. M. Miller atteste que la Requérante s’était gardée de mentionner à l’Opposante qu’elle avait alors produit la présente demande d’enregistrement le 21 janvier 2003 alors qu’elle savait que l’Opposante s’objecterait à pareille demande. Je reviendrai plus loin sur cet aspect de la preuve lors de l’appréciation du motif d’opposition basé sur les alinéas 30(e) et (i) de la Loi.

 

M. Miller termine son affidavit en émettant une opinion personnelle quant à la probabilité de confusion entre les marques sous étude. J’écarte cette opinion personnelle de la preuve, étant donné qu’il n’est pas du ressort du témoin de statuer sur la probabilité de confusion. C’est au registraire des marques de commerce qu’il incombe de ce faire eu égard aux principes applicables en la matière et à la preuve versée dans le présent dossier.

 

Affidavit de Diane Montreuil

 

Diane Montreuil atteste qu’elle est assistante juridique au sein du cabinet représentant l’Opposante.

 

Mme Montreuil produit au soutien de son affidavit, une copie du relevé de la banque de données STRATEGIS de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») (telle que cette banque de données se nommait au moment de la signature de l’affidavit) concernant la demande d’enregistrement 1064511 pour la marque PHARMACYCLICS produite par l’Opposante le 22 juin 2006.

 

         Preuve de la Requérante

 

Affidavit de Brigitte Hénault

 

Brigitte Hénault atteste qu’elle occupe les fonctions de « Director of Change Adoption Services, I.T. » auprès de la Requérante depuis septembre 2004. Elle occupait auparavant les fonctions de « Directeure, Commerce Électronique » depuis février 2002. La Requérante est un chef de file au Canada en matière d’approvisionnement et de distribution de produits pharmaceutiques et de produits connexes dans le domaine des soins de santé.

 

Mme Hénault atteste que suite à la production de la présente demande d’enregistrement, la Requérante a débuté l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Services en avril 2003 et que cet emploi a été continu et important depuis lors. La Marque a été adoptée afin de remplacer la marque MEDICONTACT.CA, auparavant employée par la Requérante en liaison avec les Services.

 

Mme Hénault atteste que la Requérante offre une variété de solutions intégrées par le biais de ses unités d’affaires. Les activités principales de la Requérante consistent à faire l’acquisition de produits de santé auprès des fabricants, à entreposer ces produits et à les vendre aux pharmacies institutionnelles et communautaires à travers le Canada.

Les Services offerts en liaison avec la Marque permettent non seulement aux pharmacies de tous types et aux pharmaciens de commander et gérer en ligne leur inventaire de produits mais permettent également aux fabricants de médicaments en vente libre, médicaments d’ordonnance et narcotiques, cosmétiques, parfums et produits de beauté d’annoncer leurs produits auprès de ces pharmacies et pharmaciens par le biais du site transactionnel https://www.pharmaclik.ca.

Mme Hénault atteste que plus de 4 300 pharmacies à travers le Canada, représentant quelque 20 000 utilisateurs, ont accès aux Services offerts en liaison avec la Marque.

 

Mme Hénault fournit les chiffres de vente réalisés en regard des Services offerts en liaison avec la Marque au cours des années 2003 à 2005 de même que le pourcentage que représentent ces chiffres de ventes par rapport aux ventes totales de la Requérante, soit 1,6 milliards de dollars (27% ) en 2003; 3 milliards de dollars (45%) en 2004; et 3.7 milliards de dollars (58%) en 2005. Elle fournit également les montants consacrés à la promotion et l’annonce des Services offerts en liaison avec la Marque, incluant le pré-lancement de ceux-ci, soit 4 000 dollars en 2002, 187 000 dollars en 2003, 42 000 dollars en 2004 et 7 000 dollars en 2005. Mme Hénault fournit enfin plusieurs spécimens de matériel publicitaire distribué aux clients actuels et potentiels de la Requérante à travers le Canada, comprenant un exemplaire du « Guide de l’utilisateur PharmaClik »; des exemplaires de brochures promotionnelles, des exemplaires du bulletin d’informations « PharmaClik » envoyé périodiquement par la Requérante à ses clients, etc.

 

Mme Hénault termine son affidavit en attestant qu’il est de sa compréhension que la pratique usuelle en matière d’essais cliniques et précliniques est qu’un médicament s’adresse aux médecins plutôt qu’aux pharmaciens et ajoute que les médecins n’ont pas accès aux Services offerts en liaison avec la Marque. J’écarte la première partie de cette dernière affirmation étant donné qu’il s’agit-là d’une opinion personnelle de Mme Hénault.

 

Déclaration de Marylène Gendron

 

Marylène Gendron atteste qu’elle est secrétaire et en charge du répertoire des marques de commerce au sein du cabinet représentant la Requérante.

 

Mme Gendron produit au soutien de sa déclaration, les résultats d’une recherche qu’elle a effectué au sein du registre informatisé des marques de commerce de l’OPIC par l’intermédiaire des banques de données SAEGIS et STRATEGIS afin de repérer les marques de commerce actives (c’est-à-dire enregistrées ou en instance d’enregistrement) comportant le terme « pharma » en classe 5 comprenant les produits pharmaceutiques. Cette recherche a permis de relever quelque 237 marques de commerce enregistrées ou en instance d’enregistrement, dont quelque 47 marques employant le terme « pharma » comme préfixe. Je reviendrai sur cet aspect de la preuve lors de l’évaluation des circonstances additionnelles devant être prises en compte dans l’appréciation du test en matière de confusion.

 

Affidavit de Zeina Waked

 

Zeina Waked atteste qu’elle est parajuriste au sein du département des marques de commerce du cabinet représentant la Requérante.

 

Mme Waked produit au soutien de son affidavit, plusieurs extraits de dictionnaires « papier » ou électroniques concernant les termes « cyclic » et « clik ». Je reviendrai sur cet aspect de la preuve lors de l’appréciation du caractère distinctif inhérent des marques sous étude.

 

Analyse

 

J’analyserai maintenant les motifs d’opposition en regard de la preuve versée dans le présent dossier.

 

Motifs fondés sur l’article 30 de la Loi

 

Tel que l’a fait remarqué la Requérante, l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(e) de la Loi. Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) de la Loi, l’Opposante fait valoir les discussions alléguées plus avant dans l’affidavit de M. Miller, qui seraient intervenues entre les parties afin d’explorer la possibilité de conclure un accord de coexistence éventuel. La Requérante fait valoir que si pareilles discussions ont eu lieu entre les parties, elles l’ont été sans préjudice et doivent par conséquent ne pas être prises en considération dans le présent dossier. Qui plus est, la Requérante fait valoir que pareilles discussions ne sont aucunement incompatibles avec le fait que la Requérante puisse être satisfaite qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada. Je suis d’accord avec la Requérante sur ce dernier point à tout le moins. Les discussions préalables intervenues entre les parties ne sauraient être retenues à l’encontre de la Requérante dans les circonstances de l’espèce. Les assertions de M. Miller sur ce point sont pour le moins vagues et ne sont aucunement étayées par la preuve. Il n’est pas nécessaire pour les fins de ma décision de me prononcer sur la question de savoir si les soi-disant discussions intervenues entre les parties sont privilégiées ou non et doivent être écartées ou non de la preuve étant donné que je n’ai aucune hésitation à conclure que ces soi-disant discussions telles qu’alléguées, ne sont aucunement incompatibles avec le fait que la Requérante puisse être satisfaite qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada. Le fait que la Requérante ait pu approcher l’Opposante en vue de négocier un accord de coexistence ne signifie pas pour autant nécessairement qu’elle ait été d’avis qu’il existe une probabilité de confusion entre la Marque telle que proposée et celle de l’Opposante ou qu’elle ait été de mauvaise foi dans ce dossier.

 

Je suis satisfaite de l’ensemble de la preuve produite par la Requérante, et en particulier de l’affidavit de Mme Hénault, que la Requérante avait, au moment de la production de la présente demande d’enregistrement, l’intention d’employer la Marque au Canada, et a de fait, débuté par la suite l’emploi de celle-ci en liaison avec les Services en avril 2003. J’ajouterai en terminant que la demande d’enregistrement satisfait d’ailleurs les exigences de forme des alinéas 30(e) et (i) de la Loi.

 

De l’ensemble de ce qui précède, je conclus que l’Opposante n’a pas satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant en vertu des alinéas 30(e) et (i) de la Loi. Conséquemment, je rejette les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 30(e) et (i) de la Loi.

 

Motif fondé sur les alinéas 16(3)b) et c) de la Loi

 

L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait aux alinéas 16(3)b) et c) de la Loi en démontrant que sa demande d’enregistrement a été produite antérieurement à la date de production de la demande de la Requérante et que pareille demande était pendante à la date de publication de la demande de la Requérante et qu’elle avait employé ses noms commerciaux PHARMACYCLICS INC. et PHARMACYCLICS au Canada antérieurement à la date de production de la demande de la Requérante et qu’elle n’en avait pas abandonné l’emploi à la date de l’annonce de cette dernière.

 

Ce fardeau initial ayant été satisfait en l’occurrence, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et les marque et noms commerciaux de l’Opposante.

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

En décidant si des marques de commerce ou noms commerciaux créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’alinéa 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir à cet effet la décision Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321; et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824].

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

 

La Marque consiste en la combinaison du terme « PHARMA », lequel suggère un lien avec l’industrie pharmaceutique, et le terme fantaisiste « CLIK », dont les équivalents phonétiques à savoir « clic » et « clique » en français, et « click » en anglais, possèdent différentes significations, tel qu’il ressort des définitions produites au soutien de l’affidavit de Mme Waked. Tenant compte de la nature des Services offerts en liaison avec la Marque, j’estime qu’il est raisonnable de trouver en l’espèce que le terme « CLICK » suggère l’action de presser brièvement (cliquer / « to click ») la souris d’un ordinateur pour sélectionner un produit ou une fonction particulière. En cela, je suis d’avis que la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent quoique plutôt faible.

 

Considérant maintenant la marque et les noms commerciaux de l’Opposante, ils consistent également en la combinaison du terme « PHARMA » avec un autre terme, à savoir « CYCLICS », lequel possède différentes significations, tel qu’il ressort des définitions produites au soutien de l’affidavit de Mme Waked pour ce terme et son équivalent phonétique (« cycliques ») en langue française. Tenant compte de ces définitions, j’estime qu’il est raisonnable de trouver en l’espèce que le terme « CYCLICS » suggère l’idée d’un cycle ou encore de composés chimiques dont la molécule forme une chaîne fermée (une « roue ») dans le domaine pharmaceutique. En cela, je suis d’avis que la marque et les noms commerciaux PHARMACYCLICS possèdent tout comme la Marque de la Requérante, un certain caractère distinctif inhérent quoique également plutôt faible. J’ajouterai sur ce point que j’estime peu probable que la marque et les noms commerciaux de l’Opposante puissent être perçus comme la combinaison du terme anglais « PHARMACY » avec le terme français « CLICS », pareil argument n’ayant au surplus pas été présenté par les parties dans le présent dossier.

 

Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce ou d’un nom commercial peut être accru en raison de l’emploi ou de la promotion de ceux-ci.

 

En l’occurrence, j’estime que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure étant donné l’emploi considérable fait de celle-ci au Canada depuis le mois d’avril 2003, tel que mis en preuve par l’affidavit de Mme Hénault.

 

Par comparaison, et tel qu’expliqué plus avant dans la revue de la preuve produite dans le présent dossier, j’estime que la marque PHARMACYCLICS de l’opposante ne saurait jouir d’une renommée particulière au Canada compte tenu du fait que celle-ci n’y a pas encore été employée à titre de marque de commerce. Les noms commerciaux PHARMACYCLICS et PHARMACYCLICS INC. quant à eux, jouissent au Canada d’une renommée somme toute très relative et limitée en raison de leur emploi restreint (voir supra, essais cliniques dans tout au plus une quinzaine de centres canadiens).

 

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, j’estime que l’appréciation de ce premier facteur tend à favoriser la Requérante.

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

 

Tel qu’expliqué plus avant, la preuve de l’Opposante démontre un emploi très restreint des noms commerciaux PHARMACYCLICS et PHARMACYCLICS INC. au Canada depuis 1998. Par comparaison, la preuve de la Requérante démontre un emploi considérable de la Marque au Canada depuis avril 2003. Bien qu’en termes d’années absolues, ce second facteur favorise l’Opposante, je suis d’avis que ce facteur n’est pas significatif dans les circonstances.

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises; et d) la nature du commerce

 

L’Opposante fait valoir que les Services de la Requérante sont « complémentaires » à ses marchandises et services et qu’il y a chevauchement entre eux. La Requérante est en désaccord avec cette position et fait notamment valoir que si un certain chevauchement existe entre les Services de la Requérante et les marchandises et services de l’Opposante du fait que tous deux se rattachent au domaine pharmaceutique, le sens commun doit néanmoins prévaloir dans l’appréciation de ces troisième et quatrième facteurs.

 

En l’occurrence, les Services de la Requérante consistent essentiellement en un site Internet transactionnel permettant aux pharmacies au détail et institutionnelles l'accès à un catalogue de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, la prise et l'envoi de commandes et autres outils de gestion de leur approvisionnement. Les Services de la Requérante s’adressent aux pharmacies au détail et institutionnelles seulement (par opposition à la clientèle de l’Opposante laquelle s’adresse également aux médecins et au public en général), soit une clientèle spécialisée. Le site transactionnel de la Requérante consiste en un outil de gestion destiné à assister ces pharmacies au niveau de leurs opérations. Lorsqu’une pharmacie décide de retenir les Services de la Requérante, elle décide de gérer son inventaire par le biais du site transactionnel de la Requérante; la Requérante devient en quelque sorte un partenaire d’affaires avec cette pharmacie. Il ne saurait s’agir d’une décision prise à la légère.

 

Les Services de la Requérante sont distincts des marchandises et services de l’Opposante, laquelle œuvre dans le domaine de la recherche et le développement, la fabrication, le contrôle de la qualité, les affaires règlementaires et les essais précliniques de produits pharmaceutiques. Le fait que les marchandises de l’Opposante telles que listées dans sa demande d’enregistrement de même que les services de l’Opposante offerts en liaison avec ses noms commerciaux, portent sur des médicaments pouvant potentiellement être commandés par des pharmaciens par le biais du site transactionnel de la Requérante ne saurait réalistement être suffisant en soit pour conclure que les Services de la Requérante et les marchandises et services de l’Opposante sont de fait « complémentaires ». Je suis en cela d’accord avec la Requérante pour dire que l’analyse de la situation en l’espèce ne peut être simplifiée de la sorte.

 

Quoique la Requérante et l’Opposante œuvrent toutes deux dans le domaine pharmaceutique, la nature de leurs entreprises n’en demeure pas moins différente. Les Services de la Requérante ne consistent aucunement en la fabrication de médicaments ou d’appareils et instruments médicaux, chirurgicaux et diagnostics. Je suis d’accord avec la Requérante pour dire qu’un pharmacien ne peut réalistement confondre les services sophistiqués de gestion et d’approvisionnement de la Requérante avec les marchandises et services, par ailleurs également sophistiqués, de l’Opposante compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, ce qui m’amène à poursuivre mon analyse des facteurs énoncés à l’alinéa 6(5) de la Loi.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

 

La Marque PHARMACLIK et les marque PHARMACYCLICS et noms commerciaux PHARMACYCLICS et PHARMACYCLICS INC. possèdent certaines ressemblances au niveau phonétique, en raison de leur préfixe commun « PHARMA » et du fait que la dernière syllabe de la Marque présente également certaines similitudes au niveau phonétique avec la dernière syllabe des marque et noms commerciaux PHARMACYCLICS. La Marque présente néanmoins certaines différences au niveau phonétique avec les marque et noms commerciaux de l’Opposante, notamment du fait qu’elle compte un nombre différent de syllabes. Le degré de ressemblance entre les marques et noms commerciaux sous étude dans les idées qu’ils suggèrent est quant à lui passablement faible compte tenu des idées différentes suggérées par les termes « CLIK » et « CYCLICS », tel que discuté plus avant.

 

J’estime que les différences entre les marques et noms commerciaux sous étude, notamment au niveau des idées, font plus que contrebalancer les ressemblances pouvant exister entre eux. Conséquemment, l’appréciation de ce cinquième facteur favorise la Requérante.


 

Circonstances additionnelles

 

            - État du registre

Tel qu’indiqué plus avant, la Requérante a introduit en preuve, par le biais de la déclaration de Mme Gendron, les résultats d’une recherche que cette dernière a effectué au sein du registre informatisé des marques de commerce afin de repérer les marques de commerce actives comportant le terme « pharma » en classe 5 comprenant les produits pharmaceutiques. Cette recherche a permis de relever quelque 237 marques de commerce enregistrées ou en instance d’enregistrement, dont quelque 47 marques employant le terme « pharma » comme préfixe. L’Opposante fait valoir que ces quelque 47 marques de commerce sont toutes plus différentes de la Marque que ne le sont la marque PHARMACYCLICS et les noms commerciaux PHARMACYCLICS et PHARMACYCLICS INC. La Requérante fait valoir quant à elle que cette preuve de l’état du registre démontre que le terme « pharma » est un terme courant et familier dans le domaine pharmaceutique sur lequel personne ne peut avoir de monopole. Sans entrer dans le détail de chacune de ces quelque 47 marques de commerce, je suis d’accord avec la Requérante pour dire qu’il est possible d’inférer dans les circonstances, que le terme « pharma » fait l’objet d’un emploi répandu dans le domaine pharmaceutique [voir à cet effet Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.F.A.); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F.)]. Considérant le caractère distinctif inhérent relativement faible des marques et noms commerciaux sous étude, cette circonstance additionnelle milite en faveur de la Requérante, et va dans le sens du principe établi selon lequel de petites différences entre des marques de commerce faibles sont suffisantes pour éviter tout risque de confusion.

 

      Conclusion – probabilité de confusion

 

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, je conclus que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque qui fait l’objet de la demande, PHARMACLIK, et les marque PHARMACYCLICS et noms commerciaux PHARMACYCLICS INC. et PHARMACYCLICS de l’Opposante. Conséquemment, je rejette les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(3)b) et c) de la Loi.

 

      Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

 

Tel qu’indiqué plus avant, la date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition, lequel repose également sur la question de confusion entre la Marque et les marque de commerce et noms commerciaux de l’Opposante, est généralement acceptée comme étant la date de production de la déclaration d’opposition.

 

L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif de la Marque en démontrant que ses marque de commerce et noms commerciaux étaient devenus suffisamment connus au Canada à la date de la déclaration d’opposition de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir à cet effet Motel 6, Inc. c. No.6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.)].

 

Tel qu’indiqué plus avant, j’estime que l’Opposante n’a pas démontré l’emploi de la marque PHARMACYCLICS à titre de marque de commerce au Canada. Pour ce qui est des noms commerciaux PHARMACYCLICS et PHARMACYCLICS INC., l’Opposante a tout au plus démontré un emploi fort limité et restreint de ceux-ci, tournant autour de phases expérimentales (essais cliniques) réalisées dans une quinzaine de centres canadiens. J’estime que pareil emploi ne saurait être suffisant dans les circonstances de l’espèce pour nier le caractère distinctif de la Marque de la Requérante. Au surplus, si pareil emploi devait être suffisant, j’estime qu’il n’y aurait pas de risque de confusion entre la Marque et les noms commerciaux de l’Opposante en raison de la preuve au dossier et du fait que la différence entre les dates pertinentes n’a pas vraiment d’incidence sur mes conclusions précédentes en vertu desquelles j’ai conclu en l’absence de probabilité de confusion. Je rejette donc également ce motif d’opposition.


 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition, le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

DATÉ À MONTRÉAL, QUÉBEC, LE 11 SEPTEMBRE 2008.

 

 

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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