Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Traduction/Translation

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

      Référence : 2011 COMC 119    

Date de la décision : 2011-07-05

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Trader Corporation à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1336144 pour la marque de commerce NEW HOME BUYER'S NETWORK au nom de New Home Buyer's Inc.______

 

 

 

Introduction

[1]               Le 20 février 2007, New Home Buyers Network Inc. (la Requérante) a produit la  demande d’enregistrement no 1336144 pour la marque de commerce NEW HOME BUYERS NETWORK (la Marque) fondée sur son emploi au Canada depuis juin1995 en liaison avec les marchandises et services suivants :

Sites web utilisés par constructeurs de bâtiments et promoteurs immobiliers de résidences neuves et d’habitations en copropriété pour promouvoir la vente de résidences neuves et d’habitations en copropriété auprès du public. Sites web consacrés à la recherche et l’achat de résidences neuves et d’habitations en copropriété. (les Marchandises);

Publication de sites web utilisés par constructeurs de bâtiments et promoteurs immobiliers de résidences neuves et d’habitations en copropriété pour promouvoir la vente de résidences neuves et d’habitations en copropriété auprès du public. Publication de sites web consacrés à la recherche et l’achat de résidences neuves et d’habitations en copropriété (les Services).

 

La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots NEW HOME BUYERS en dehors de la Marque.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 novembre 2007. Trader Corporation (l’Opposante) a produit une déclaration d'opposition le 21 avril 2008, laquelle a été transmise à la Requérante par le registraire le 27 mai 2008.

[3]               Le 4 juin 2008, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les motifs d'opposition invoqués par l'Opposante.

[4]               L'Opposante a produit les affidavits de Gloria Roknic et Jennifer Nalepa, et la Requérante, l'affidavit souscrit par Sam Reiss.

[5]               Les deux parties ont produit des observations écrites et aucune audience n’a été tenue.

Les motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent se résumer comme suit :

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13 (la Loi) en ce que la Requérante ne pouvait s’être déclarée convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services compte tenu de l’emploi antérieur par l’Opposante de la marque de commerce et du nom commercial similaire au point de créer de la confusion NEW HOME BUYERS GUIDE en liaison avec des magasines concernant des appartements de copropriété, de maisons de ville et de résidences unifamiliales et avec des services visant la fourniture d’un support publicitaire par l’intermédiaire d de publications imprimées, nommément un magasine;

2.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi en ce que la Requérante et/ou son prédécesseur en titre n’ont pas employée la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande;

3.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’alinéa 38(2)c) et de l’alinéa 16(1)a) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi alléguée de la Marque, elle créait de la confusion avec la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE déjà employée ou révélée au Canada en liaison avec les marchandises et services de l’Opposante;

4.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 38(2)c) et de l’alinéa 16(1)c) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi alléguée de la Marque elle créait de la confusion avec le nom commercial NEW HOME BUYERS GUIDE déjà employé au Canada par l’Opposante en liaison avec les marchandises et les services  de l’Opposante;

5.      Aux termes de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive en ce sens qu’elle ne distingue pas véritablement les Marchandises et Services, et qu’elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi avec les marchandises ou services des autres propriétaires, plus particulièrement les marchandises et services de l’Opposante vendus ou rendus en liaison avec la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE.

Le fardeau de la preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[7]               Bien qu’il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, l’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, la Requérante doit ensuite prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293; et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

Dates pertinentes

[8]               Les dates pertinentes pour l'analyse des motifs d'opposition varient selon le motif considéré :

  La non-conformité aux exigences de l'article  30 de la Loi : la date de production de la demande (le 20 février 2007);

  Le droit à l'enregistrement de la Marque, dans le cas où la demande d'enregistrement est fondée sur l'emploi : la date de premier emploi alléguée dans la demande (juin 1995) [voir par. 16(1) de la Loi];

  Le caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d'opposition (le 23  août  2007) est en général considérée comme la date pertinente à cet égard [voir Andres Wines Ltd. et E. & J.  Gallo Winery (1975), 25  C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), p. 130; Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34  C.P.R. (4th)  317 (C.F. 1re  inst.)]..

 

Remarques préliminaires

[9]               Certains des éléments de preuve déposés par la Requérante et, plus particulièrement, la teneur du paragraphe  21 de l’affidavit de M. Reiss, en conjonction avec la pièce X jointe à son affidavit, ainsi que certains des arguments figurant dans le plaidoyer écrit de la Requérante cherchent à contester l’enregistrabilité de la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE de l’Opposante. Cette marque de commerce n’est pas visée par les présentes procédures d’opposition et j’estime que cette question n’a aucune pertinence en l’espèce.

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[10]           Tel que rédigé, le premier motif d’opposition n’est pas valable. L'alinéa 30i) exige seulement que la Requérante se déclare convaincue d'avoir le droit d'enregistrer la Marque. Cette déclaration est comprise dans la demande. L’allégation suivant laquelle la Requérante était au courant de l’emploi antérieur et de la révélation antérieure par l’Opposante de marques de commerce et noms commerciaux semblables créant de la confusion ne permet pas d’invoquer un motif d’opposition fondé sur l’alinéa  30i) de la Loi. Le motif d’opposition fondé sur l’article 16 de la Loi traite de l’emploi antérieur et de la révélation antérieure de marques de commerce et noms commerciaux semblables créant de la confusion et il est connu sous le nom de « droit à l’enregistrement »; ce droit  est d’ailleurs allégué dans la déclaration d’opposition de l’Opposante.

[11]           [11]      L'alinéa 30i) peut servir de fondement à un motif d'opposition dans des cas précis, comme lorsqu’il est allégué que la Requérante a commis une fraude [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. La déclaration d’opposition ne révèle aucune allégation de cette nature et aucune preuve n’a été produite à cet égard. Compte tenu de ces circonstances, le premier motif d'opposition est rejeté.

[12]           Le fardeau de preuve incombe à l’Opposante lorsqu’elle allègue que la demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa  30b) de la Loi, mais il ne s’agit pas d’un lourd fardeau. De plus, l’Opposante peut s’appuyer sur les éléments de preuve produits par la Requérante [voir York Barbell Holdings Ltd.  c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156]. Toutefois, la preuve de l’Opposante doit faire naître des doutes sérieux quant à l’exactitude des déclarations faites par la Requérante dans sa demande [voir Tune Masters  c. Mr.  P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co.  c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F.  1re  inst.), et Williams Telecommunications Corp.  c. William Tell Ltd., (1999), 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)].

[13]           L’Opposante n’a produit aucune preuve qui pourrait étayer l’allégation selon laquelle la Requérante n’employait pas la Marque à la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Elle s’appuie cependant sur la preuve produite par la Requérante pour soutenir que la Marque n’a pas été employée depuis la date de premier emploi revendiquée en juin 1995, à savoir le 30 juin 1995.

[14]           M. Reiss est le secrétaire et un actionnaire de la Requérante. Au soutien de son allégation selon laquelle la Requérante a commencé à employer la Marque en juin 1995, il déclare au paragraphe 11 de son affidavit que la Requérante a été constituée le15 juin 1995. Il a déposé une copie des statuts de constitution. L’Opposante fait valoir que les permis d’exploitation d’une entreprise et les certificats de constitution ne constituent pas une preuve acceptable d’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi et je suis d’accord avec cette affirmation. L’Opposante soutient toutefois que le fait que la Requérante a été constituée le15 juin 1995 soulève de sérieux doutes quant à savoir si la Marque avait été employée avant la fin de juin 1995. En l’absence d’autres éléments de preuve sur ce point, je ne vois pas comment une date de constitution se situant 15 jours avant celle du premier emploi alléguée de la Marque pourrait soulever de sérieux doutes sur l’emploi de la Marque à compter de cette date alléguée de premier emploi.  Vu que le fardeau initial incombait à l’Opposante, je ne crois pas que ce fait précis suffise à déplacer le fardeau de preuve sur la Requérante.

[15]           L’Opposante fait valoir que les documents produits par la Requérante dont la date est la plus lointaine, outre les statuts de constitution, sont des factures remontant à juillet 1999. Au paragraphe 20 de son affidavit, M. Reiss déclare cependant que ces factures [traduction] « [...] ne constituent pas nécessairement la preuve de la date d’emploi de la Marque la plus éloignée ».

[16]           Il faut replacer dans le contexte approprié la preuve de la Requérante. L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve qui permettrait de remettre en question la date de premier emploi de la Marque par la Requérante. Au moyen de l’affidavit de M. Reiss, cette dernière tente de démontrer que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE de l’Opposante vu que les Marchandises et Services ainsi que les voies de commercialisation sont différents de ceux de l’Opposante. L’analyse ultérieure de certains des éléments de preuve portant sur l’emploi de la Marque apparaît évidente à l’égard du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement, mais il est clair que ces éléments de preuve ne visaient pas à étayer la date revendiquée de premier emploi alléguée dans la demande.

[17]           Enfin, comme dernier argument, l’Opposante soutient que la majeure partie de la documentation produite par la Requérante pour étayer l’emploi allégué de la Marque ne constitue pas une preuve suffisante de l’emploi de la Marque, mais qu’elle illustre plutôt l’utilisation par la Requérante de sa raison sociale New Home Buyers Guide Inc. en conjugaison avec un élément graphique. La partie graphique est composée de sept traits verticaux illustrant la forme d’une maison placée au-dessus de la raison sociale inscrite sur deux lignes différentes, l’ensemble étant reproduit avec la même police, y compris la particule « Inc. ».

[18]           Dans l’affaire Road Runner Trailer Manufacturing Ltd. c. Road Runner Trailer Co. (1984), 1 C.P.R. (3d) 443 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau s’est demandé à quel moment l’emploi d’une marque qui fait partie d’une raison sociale constituait l’emploi de la marque de commerce comme telle. Aux pages 448 et 449, le juge s’exprime ainsi :

Lorsqu'une marque fait partie d'une raison sociale, cela ne constitue pas un obstacle. On doit se montrer réticent à maintenir une telle marque, mais cela est toléré en certaines circonstances. Il n'existe pas de preuve prédominante; mais, d'autre part, le registraire était prudent et conscient des pièges qui existent lorsqu'une marque de commerce fait partie d'une raison sociale. Il a été convaincu que la marque ressortait davantage et constituait un élément distinctif de la raison sociale, ce qu'il a jugé être un emploi constitutif de la marque de commerce. La marque était attachée aux produits fabriqués par le déposant et, selon les propres termes du registraire [TRADUCTION] « il ne fait aucun doute à mon esprit que le déposant a employé la marque “Road Runner Trailer” de manière à distinguer ses remorques de celles des autres ». Les tribunaux américains déclarent devoir être convaincus que la marque de commerce employée conjointement avec le nom commercial suffit à identifier et distinguer le produit, qu'elle est attachée aux marchandises, que, bien que l'étiquette comporte une adresse du fabricant, elle n'identifie pas simplement cette adresse, mais fait, ressortir et permet de distinguer la marque, qu'il doit être statué sur l'enregistrement d'une raison sociale, lorsqu'elle est également utilisée comme marque de commerce, selon les circonstances propres à chaque cas, et que l'opinion selon laquelle un nom de compagnie constitue un nom commercial est une opinion réfutable.

[19]           Appliquant ces principes aux factures produites ainsi qu’aux extraits de sites Web sur lesquels figurent seulement la raison sociale et un dessin, je conclus que ces éléments de preuve n’illustrent pas l’emploi d’une marque de commerce, mais plutôt l’utilisation de la raison sociale de la Requérante.

[20]           Il existe cependant des éléments de preuve de l’emploi de la Marque et je renvoie, par exemple, aux pièces H, J, L, N, P et R. L’Opposante fait valoir que ces pièces ne remontent qu’en juin 2006 seulement. Je réitère que ces pièces n’ont pas été produites pour étayer la date de premier emploi, mais plutôt pour démontrer l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services.

[21]           Pour tous les motifs exposés ci-dessus, je rejette le second motif d’opposition en raison du fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

 

Droit à l’enregistrement sous le régime de l’alinéa 16(1)a) de la Loi

[22]           Pour avancer un motif d’opposition fondé sur l’alinéa  16(1)a) de la Loi, l’Opposante doit d’abord prouver que sa marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE avait été employée ou révélée au Canada avant la date de premier emploi revendiquée pour la Marque, au Canada, par la Requérante, à savoir juin 1995.

[23]           Madame Roknic est directrice du marketing de l’Opposante pour le portefeuille d’immeubles. Elle est à l’emploi de l’Opposante depuis septembre 2006. Elle déclare que l’Opposante et ses prédécesseurs en titre ont fait affaire dans le domaine des petites annonces au Canada depuis plusieurs décennies. Une des publications de l’Opposante est un magazine intitulé NEW HOME BUYERS GUIDE dans lequel figurent des annonces et des renseignements concernant de nouveaux immeubles en copropriété, des maisons de ville et des immeubles résidentiels qui sont en vente principalement dans les régions de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. 

[24]           Elle a produit comme pièce A jointe à son affidavit soit la page couverture soit l’exemplaire au complet de plusieurs numéros de ce magazine datés de mai 2004 à juillet 2008 inclusivement, dont la totalité porte la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE. Ce magazine est une publication distribuée à titre gratuit en Alberta depuis 1989, et depuis 2002 en Colombie-Britannique. Ils sont disponibles dans des étalages ou des boîtes autonomes placés au coin des rues et dans des points de vente au détail comme les épiceries et les dépanneurs.

[25]           Madame Roknic fournit les revenus annuels tirés des annonces publiées dans le magazine NEW HOME BUYERS GUIDE entre 1989 et 2008 (jusqu’en septembre 2008), lesquels varient entre 200 000 $ et environ 3 M$ pour l’Alberta, et entre 950 000 $ et au-delà de 3 M$ pour la Colombie-Britannique

[26]           Elle a aussi fourni le nombre d’exemplaires distribués en Colombie-Britannique de 2002 (après la date pertinente) à 2007, mais il lui a été impossible de fournir des renseignements semblables pour la province de l’Alberta en raison, a-t-elle soutenu, de contraintes en matière de ressources et de changements apportés au système d’archivage des dossiers en Alberta. De toute façon, les données fournies concernant les revenus annuels ainsi que les copies de page couverture ou du magazine au complet prouvent l’emploi de la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE au Canada depuis au moins mai 1994. De plus, les éléments de preuve décrits ci-dessus indiquent que l’Opposante n’avait pas abandonné l’emploi de sa marque de commerce à la date de l’annonce de la présente demande (le 21 novembre2007) [voir le par. 16(5) de la Loi]. L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial

[27]           En conséquence, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et Services n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE de l’Opposante. Le critère pour décider ce point est énoncé au par. 6(2) de la Loi. Je dois prendre en compte l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées au par. 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[28]           Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces critères. Dans son jugement récent rendu dans l’affaire Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le critère le plus important parmi ceux énumérés au par. 6(5) de la Loi est celui portant sur le degré de ressemblance.

[29]           Les deux marques de commerce sont faibles. Elles évoquent fortement les marchandises et les services respectifs des parties. Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce peut cependant être rehaussé si elle est employée ou révélée au Canada sur une grande échelle. Il ressort clairement des éléments de preuve décrits ci-dessus que la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE de l’Opposante était connue dans une certaine mesure en Alberta à la date pertinente. Je n’ai pas pris en compte la preuve présentée à l’égard de l’emploi en Colombie-Britannique vu que la marque de commerce de l’Opposante n’a pas été employée du tout dans cette province après la date pertinente.

[30]           En ce qui a trait à la mesure en vertu de laquelle la Marque était connue à la date pertinente, soit en juin 1995, on ne peut pas dire que la Marque était tant soit peu connue au Canada à cette date. Ce facteur joue en faveur de l’Opposante.

[31]           En ce qui concerne la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, ce facteur favorise aussi l'Opposante.

[32]           En ce qui concerne le genre des marchandises et des services respectifs des parties, la Requérante fait valoir qu’il existe une différence entre la « publication de sites web consacrés à la recherche et l’achat de résidences neuves et d’habitations en copropriété » et les services de l’Opposante que la Requérante décrits comme ceux d’une « agence de publicité et consultants ». Cette description des services de l’Opposante provient d’un rapport de recherche rédigé par Thomson & Thomson, déposé comme pièce jointe à l’affidavit de M. Reiss, et qui indiquent les enregistrements, noms de domaine et marques de commerce de common law pertinents aux fins de déterminer la disponibilité de Marque en vue de son enregistrement. La teneur de ce rapport constitue une preuve par ouï-dire en ce qui a trait aux activités commerciales de l’Opposante. Ces activités ont été décrites par l’Opposante par le biais de l’affidavit de Mme Roknic et elles sont décrites ci-dessus. Les pièces produites par Mme Roknic démontrent clairement que l’Opposante ne publie pas un magazine où sont annoncées des propriétés immobilières qui sont à vendre en Alberta et en Colombie-Britannique. Il existe une ressemblance manifeste entre les marchandises et les services de l’Opposante et ceux qui font l’objet de la demande d’enregistrement de la Requérante. La différence se situe dans le moyen utilisé. Je ne considère pas une différence de cette nature comme un facteur important en l’espèce.

[33]           En ce qui concerne la nature du commerce, la Requérante fait valoir que l’Opposante offre ses services par l’intermédiaire d’imprimés sans interactivité possible, alors que la Requérante utilise de multiples applications interactives sur l’Internet pour offrir ses Marchandises et ses Services. Les Marchandises et les Services ont cependant le même objet : la publicité de propriétés immobilières qui sont à vendre. La clientèle des deux parties est celle qui fait affaire dans le domaine de l’immobilier. Les marchandises et les produits des deux parties renseignent les acheteurs éventuels sur les nouvelles propriétés qui sont à vendre.

[34]           Lorsqu’il s’agit d’évaluer leur degré de ressemblance, les marques en cause ne doivent pas être placées l’une à côté de l’autre et chacun de leurs éléments ne doit pas être examiné avec attention en vue de souligner leurs similitudes et différences. Étant donné que les trois premiers éléments des marques sont identiques, ces marques se ressemblent dans le son, l’apparence et le sens. Même si les marques diffèrent en ce qui a trait à leur dernier élément, je ne crois pas que l’utilisation du mot « network » plutôt que « guide » crée une différence significative. Le souvenir imparfait de la marque de commerce de l’Opposante dans l’esprit du consommateur provoquera probablement une certaine confusion si ce dernier est mis en présence de la Marque. Les deux marques évoquent une source de renseignements indiquant la disponibilité de nouvelles résidences à vendre.  

[35]           Compte tenu de cette analyse, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion, à la date pertinente, entre la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE de l’Opposante et la Marque lorsqu’elle est employée en relation avec les Marchandises et les Services. En conséquence, j’accueille le troisième motif d’opposition.

Caractère distinctif

[36]           Pour s'acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante devait prouver que sa marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE était devenue suffisamment connue au Canada le 21 avril 2008, soit à la date de production de la déclaration d’opposition, pour priver la Marque de tout caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58 (C.F. 1re inst.)].

[37]           Les éléments de preuve déposés pour étayer le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement sont suffisants pour conclure que la marque de commerce NEW HOME BUYERS GUIDE de l’Opposante était connue au Canada, ou du moins en Alberta et en Colombie-Britannique à la date pertinente. En conséquence, il appartient à la Requérante, sur qui repose maintenant le fardeau de preuve, de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce précitée de l'Opposante du fait qu'elle était adaptée à distinguer ou distinguait réellement au Canada les Marchandises et les Services de ceux de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)].

[38]           La date pertinente plus tardive invoquée à l’égard de ce motif d’opposition n’aurait pas d’incidence importante sur mon analyse du critère pertinent pour apprécier la probabilité de confusion entre les marques en cause. J’aurais à prendre en compte les éléments de preuve établissant l’emploi de la Marque par la Requérante jusqu’à la date pertinente, mais nous ne disposons malheureusement pas de paramètres quantifiables pour mesurer l’étendue de cet emploi. M. Reiss a fourni une liste de sites Web hébergés sur le serveur de la Requérante, mais aucune donnée n’y figure en ce qui a trait aux nombres de visiteurs ayant réellement consulté ces sites Web. La même constatation peut être faite à l’égard des sites Web exploités en réseau dans le cadre d’un partenariat avec des journaux canadiens, et qui figurent dans l’affidavit de M. Reiss. Mon analyse du critère pertinent applicable pour déterminer la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante produirait donc des résultats semblables à ceux décrits dans le cadre de l’analyse concernant le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement.

[39]           Compte tenu de ces circonstances, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver le caractère distinctif de la Marque, ou qu’elle était adaptée à distinguer les Marchandises et les Services de ceux de l’Opposante. Par conséquent, je retiens le dernier motif d’opposition.

 

Droit à l’enregistrement sous le régime de l’alinéa 16(1)c) de la Loi

[40]           L'Opposante ayant eu gain de cause à l'égard de deux motifs d'opposition différents, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur ce motif d'opposition.

Décision

[41]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de Marque de la Requérante conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.

 

 

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