Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 151

Date de la décision : 2016-09-14

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Partie requérante

et

 

 

4187229 Canada Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 

 

LMC767,117 pour la marque de commerce HARMONY

Enregistrement

 

 

 

[1]               Le 26 mai 2014, à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à 4187229 Canada Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC767,117 de la marque de commerce HARMONY (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

(1) Poussettes pour nourrissons, tout-petits, jeunes et enfants, poussettes de jogging, sièges d’auto, sièges d’auto rehausseurs, transporteurs pour nourrissons, tout-petits et enfants, systèmes de voyage pour nourrissons, tout-petits et enfants, nommément combinaisons de poussette, siège d’auto, base de siège d’auto et transporteur; accessoires pour poussettes, sièges d’auto, sièges d’auto rehausseurs, porte-bébés et systèmes de voyage, tous pour les nourrissons, les tout-petits et les enfants, nommément coussins pour siège, supports pour le cou et la tête, compartiments de rangement, boîtes de rangement, plateaux et supports, écrans protecteurs et housses, appuis-tête pour l’auto.

(2) Sacs à couches, fourre-tout, sacs à dos, parapluies pour nourrissons, porte-bébés portés sur le corps.

(3) Berceaux, coussins pour siège, matelas absorbants et barres jouets qui se fixent aux chaises hautes, marchettes; espaces de jeu, lits pour tout-petits et enfants, sièges pour nourrir les enfants.

(4) Sacs isothermes à biberons, baignoires pour bébés, chaises d’entraînement à la propreté.

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 26 mai 2011 au 26 mai 2014.

[4]               La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co et al (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]               En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Michael Noah Goldberg, vice-président de la Propriétaire, souscrit le 6 janvier 2015, à Montréal. Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites, mais les parties étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[7]               Dans son affidavit, M. Goldberg atteste que la Propriétaire est une entreprise basée à Montréal qui se spécialise dans la vente et la distribution de divers types de produits et accessoires pour enfants tels que des poussettes, des sièges d’auto et des transporteurs. Il affirme que la Propriétaire [Traduction] « traite principalement, voire exclusivement, avec des comptes-clients du marché de masse, tels que Wal‑Mart et Target ».

[8]               M. Goldberg affirme que la Propriétaire ou une [Traduction] « entité juridique dûment autorisée » a employé la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au Canada depuis mai 2010. Plus particulièrement, il atteste que, pendant la période pertinente, la Propriétaire a vendu en liaison avec la Marque des produits qu’il identifie comme étant des [Traduction] « rehausseurs sans dossier / sièges d’auto rehausseurs pour jeunes », des « rehausseurs avec dossier / sièges d’auto rehausseurs sans dossier », des « sièges d’auto à harnais », des « chaises hautes pour manger et jouer / chaises d’alimentation / centres d’activités » et des « poussettes / systèmes de voyage / berceaux / transporteurs ».

[9]               À l’appui, les pièces suivantes sont jointes à l’affidavit de M. Goldberg :

         La pièce 1 est un imprimé provenant du Registraire des entreprises du Québec, indiquant que la Propriétaire a fait enregistrer le nom « Harmony Juvenile Products » le 19 janvier 2009.

         La pièce 3 est constituée d’imprimés de sept pages du site Web de la Propriétaire, situé à l’adresse www.harmonyjuvenile.com. Les pages annoncent divers types de [Traduction] « poussettes », « sièges d’auto rehausseurs » et « sièges pour nourrir les enfants » de la collection « Harmony », qui arborent tous la Marque. M. Goldberg atteste que ces produits sont représentatifs de ceux vendus et distribués par la Propriétaire pendant la période pertinente.

         Les pièces 4, 6 et 8 sont constituées de dizaines de pages de factures, de bons de commande et de preuves de paiement faisant état de ventes par « Harmony Juvenile Products » de divers produits, y compris des sièges d’auto et des sièges d’auto rehausseurs, à des magasins Wal-Mart de l’Ontario et de l’Alberta pendant la période pertinente. Bien que la Marque ne soit pas autrement présente sur les factures, M. Goldberg confirme que les documents se rapportent à la vente et à la distribution par la Propriétaire de divers types de sièges d’auto et de sièges d’auto rehausseurs arborant la Marque. Je souligne qu’en plus d’indiquer le nom « Harmony Juvenile Products », les factures désignent également la Propriétaire par sa dénomination numérique.

         Les pièces 5, 7 et 9 sont constituées de reproductions d’illustrations figurant sur les boîtes, de copies de directives de santé et sécurité, et de photographies de différents types de sièges d’auto et de sièges d’auto rehausseurs correspondant aux produits énumérés dans les factures susmentionnées. La Marque est cousue sur les sièges représentés et est également présente dans les illustrations figurant sur les boîtes.

         La pièce 10 est constituée de plusieurs pages de factures, de bons de commande et de preuves de paiement faisant état de ventes de divers produits, y compris des ventes de ce que M. Goldberg identifie comme étant des [Traduction] « chaises hautes pour manger et jouer / chaises d’alimentation / centres d’activités ». D’après les factures, ces ventes ont été faites par « Harmony Juvenile Products » à divers magasins Wal-Mart du Canada pendant la période pertinente. Conformément à la pièce 11, décrite ci-dessous, M. Goldberg confirme que ces produits arboraient la Marque au moment de la vente.

         La pièce 11 est constituée d’une reproduction d’une illustration figurant sur une boîte, de copies de directives de santé et sécurité et de photographies des [Traduction] « chaises hautes pour manger et jouer / chaises d’alimentation / centres d’activités » mentionnés dans les factures de la pièce 10. L’illustration figurant sur la boîte annonce la nature transformable des produits, y compris les caractéristiques [Traduction] « chaise haute » et « table ». Les produits et l’illustration figurant sur la boîte arborent la Marque d’une façon qui, atteste M. Goldberg, est représentative de leur apparence pendant la période pertinente.

         La pièce 12 est constituée de plusieurs factures, bons de commande et preuves de paiement faisant état de ventes de divers produits par « Harmony Juvenile Products » à divers magasins Wal-Mart de l’Ontario et de l’Alberta pendant la période pertinente. Plus particulièrement, les factures font état de ventes de « Odyssey LTE All-In-One Modular Strollers » [poussettes modulaires tout-en-un LTE Odyssey]. M. Goldberg affirme que ce produit correspond aux produits [Traduction] « poussettes / systèmes de voyage / berceaux / transporteurs » et, conformément à la pièce 13, confirme que ces produits arboraient la Marque au moment de la vente.

         La pièce 13 est constituée d’une reproduction d’une illustration figurant sur une boîte et de copies de directives de santé et sécurité pour les « Odyssey LTE All-In-One Modular Strollers » [poussettes modulaires tout-en-un LTE Odyssey] mentionnées dans les factures de la pièce 12. L’illustration figurant sur la boîte annonce la nature modulaire de la poussette, et fait mention de son [Traduction] « adaptateur universel pour siège d’auto » et de ses caractéristiques de [Traduction] « transport ». Je souligne que la Marque est cousue sur les produits et occupe également une place prépondérante dans l’illustration figurant sur la boîte.

         La pièce 14 est constituée de plusieurs photographies de divers sacs et poussettes arborant la Marque. Je souligne que la Marque est soit cousue soit imprimée sur les produits représentés. M. Goldberg atteste que l’apparence de la Marque sur ces produits est représentative de la façon dont la Marque figurait sur ceux qui ont été vendus par la Propriétaire pendant la période pertinente.

         Les pièces 15 à 20 sont constituées de manuels d’utilisation qui, atteste M. Goldberg, accompagnaient les produits vendus par la Propriétaire. Comme l’a indiqué M. Goldberg, les manuels d’utilisation concernent respectivement les produits « HARMONY Youth Booster Car Seat » [siège d’auto rehausseur pour jeunes HARMONY], « Belt Positioning Youth Booster Car Seat » [siège d’auto rehausseur pour jeunes s’arrimant à la ceinture], « Dreamtime Deluxe Comfort Belt-Positioning Booster Car Seat » [siège d’auto rehausseur s’arrimant à la ceinture confort de luxe Dreamtime], « Cruz Belt-Positioning Booster Car Seat » [siège d’auto rehausseur s’arrimant à la ceinture Cruz], « Convertible Car Seat » [siège d’auto transformable], « Odyssey LTE All-In-One Modular Stroller System » [système de poussette modulaire tout-en-un LTE Odyssey] et « Combination High Chair and Activity Center System » [système combiné de chaise haute et de centre d’activités]. Dans chaque cas, la Marque figure bien en vue sur la page couverture des manuels. Le nom « Harmony Juvenile Products » figure également à l’intérieur des manuels.

[10]           En outre, M. Goldberg atteste que la Propriétaire engage annuellement des dépenses significatives à des fins de commercialisation, lesquelles prennent la forme de réductions de prix sur les produits vendus à ses [Traduction] « comptes-clients du marché de masse ». À l’appui, M. Goldberg joint à son affidavit, comme pièce 21, deux pages qui, atteste-t-il, sont extraites du grand livre général de la Propriétaire. D’après M. Goldberg, les pages font état des dépenses de commercialisation que « Harmony Juvenile Products » a engagées sous la forme de deux types de déductions analogues aux réductions de prix susmentionnées. En ce qui a trait à Wal-Mart, par exemple, l’extrait montre que « Harmony Juvenile Products » a engagé des dépenses de 90 413 $ et de 84 195 $ en déductions au cours de la période s’étendant de septembre 2013 à août 2014.

[11]           De plus, M. Goldberg atteste que les comptes-clients du marché de masse de la Propriétaire, tels que Wal-Mart et Target, ont des méthodes d’achat particulières. Il explique que ces détaillants achètent, en gros, jusqu’à trois modèles de chaque produit qu’ils choisissent une fois l’an, ce qui, en réalité, laisse à la Propriétaire [Traduction] « seulement une chance au cours d’une année donnée de rivaliser pour l’espace-tablette limité qui est disponible ».

[12]           Parallèlement, M. Goldberg atteste que la Propriétaire [Traduction] « s’emploie constamment à développer… de nouvelles marchandises à distribuer sous [la Marque] ». Il explique que ce développement de prototypes est aux frais de la Propriétaire et qu’il peut coûter plusieurs centaines de milliers de dollars, en raison des coûts inhérents à la conception des prototypes, à la production des modèles de moulage et aux essais de sécurité du produit.

[13]           À l’appui, les pièces suivantes sont jointes à l’affidavit de M. Goldberg :

         Les pièces 22 à 26 sont constituées d’imprimés de présentations montrant, respectivement, divers types de [Traduction] « espaces de jeu », de chaises d’entraînement à la propreté, de matelas pour enfants, de sacs à couches et de meubles pour enfants. M. Goldberg atteste que ces produits ont été développés par la Propriétaire en vue d’être distribués et vendus sous la Marque. Les présentations contiennent des images et de brèves descriptions des produits. Bien que le nom « Harmony Juvenile Products » figure bien en vue dans l’ensemble des documents de présentation, je souligne que la Marque n’est pas présente sur les produits représentés eux-mêmes.

         La pièce 27 est constituée de plus de deux dizaines de photographies de produits qui, atteste M. Goldberg, sont des prototypes développés par la Propriétaire. Les photographies représentent divers types d’accessoires pour chaises hautes et poussettes, des compartiments de rangement, des boîtes de rangement, des plateaux, des supports, des baignoires pour bébés, des tapis à langer, des sièges pour nourrir les enfants, des matelas pour enfants, des supports pour la tête et le cou, des chaises d’entraînement à la propreté, des porte-bébés, des appuis-tête pour l’auto, des systèmes de voyage et des [Traduction] « espaces de jeu ». Bien que M. Goldberg atteste que ces produits ont été développés en vue d’un emploi en liaison avec la Marque, je souligne que les produits représentés n’arborent pas la Marque.

Question préliminaire

[14]           Dans ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la preuve [Traduction] « n’est ni claire ni fiable » en ce qui a trait à la relation entre la Propriétaire et « Harmony Juvenile Products ». À ce titre, elle fait valoir que l’emploi démontré n’a pas été fait par la Propriétaire, mais bien par « Harmony Juvenile Products ».

[15]           Or, comme la Propriétaire l’a souligné à l’audience, l’imprimé provenant du Registraire des entreprises du Québec produit en pièce indique que « Harmony Juvenile Products » est, en fait, un nom commercial de la Propriétaire. En outre, dans son affidavit, M. Goldberg indique à plusieurs reprises que les factures produites en pièce se rapportent à des ventes faites par la Propriétaire. Par conséquent, j’admets que tout emploi démontré de la Marque par « Harmony Juvenile Products » constitue un emploi de la Marque par la Propriétaire.

Analyse – Preuve d’emploi

[16]           À la lumière de la preuve de transferts de sièges d’auto et de sièges d’auto rehausseurs de marque Harmony fournie aux pièces 4, 6 et 8, je suis convaincu que la Propriétaire a démonté l’emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « sièges d’auto » et des « sièges d’auto rehausseurs » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[17]            De même, à la lumière de la preuve de transferts de [Traduction] « chaises hautes pour manger et jouer / chaises d’alimentation / centres d’activités » à la pièce 10, je suis convaincu que la Propriétaire a démonté l’emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « sièges pour nourrir les enfants » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[18]           En ce qui concerne la « Odyssey LTE All-In-One Modular Stroller » [poussette modulaire tout-en-un LTE Odyssey] mentionnée aux pièces 12 et 13, cependant, les parties ne s’entendent pas à savoir à quels produits visés par l’enregistrement ce produit correspond.

[19]           Citant la nature modulaire du produit et les diverses fonctionnalités qu’elle procure aux clients, la Propriétaire soutient que la poussette Odyssey vendue correspond à tous les produits visés par l’enregistrement suivants [Traduction] : « poussettes pour nourrissons, tout-petits, jeunes et enfants », « transporteurs pour nourrissons, tout-petits et enfants », « berceaux » et « systèmes de voyage pour nourrissons, tout-petits et enfants ».

[20]           Cependant, je conviens avec la Partie requérante que la Propriétaire est tenue de produire une preuve à l’égard de chaque produit [voir John Labatt Ltd, supra et Sharp Kabushiki c 88766 Canada Inc (1997), 72 CPR (3d) 195 (CF 1re inst)]. À titre d’exemple, dans MAPA GmbH Gummi-und Plastikwerke c 2956-2691 Québec Inc, 2012 COMC 192, CarswellNat 4869, le registraire a conclu que des allégations d’enfants portant des [Traduction] « pantoufles pour hommes » ou des « pantoufles pour femmes » n’étaient pas suffisantes pour que l’on puisse considérer qu’il s’agissait de « pantoufles pour enfants ».

[21]           Le même raisonnement s’applique en l’espèce. Bien que la poussette modulaire Odyssey puisse servir, par exemple, de berceau, compte tenu des caractéristiques du produit décrites dans les pièces, elle correspond davantage aux produits [Traduction] « systèmes de voyage pour nourrissons, tout-petits et enfants, nommément combinaisons de poussette, siège d’auto, base de siège d’auto et transporteur » visés par l’enregistrement.

[22]           Par conséquent, à la lumière de la preuve de transferts de « Odyssey LTE All-In-One Modular Strollers » [pousettes modulaires tout-en-un LTE Odyssey] en pièce 12, je suis convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque uniquement en liaison avec des [Traduction] « systèmes de voyage pour nourrissons, tout-petits et enfants, nommément combinaisons de poussette, siège d’auto, base de siège d’auto et transporteur » au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

[23]           En ce qui concerne les autres produits visés par l’enregistrement, comme l’a souligné la Partie requérante, la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de transferts pendant la période pertinente ou autrement. La présente espèce n’est pas un cas où la preuve est représentative d’une catégorie plus large de produits [selon Saks & Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst)]. Qui plus est, je ne dispose d’aucune preuve de transferts de poussettes autres que la poussette modulaire Odyssey.

[24]           Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les autres produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[25]           Comme il n’y a aucune preuve de l’emploi de la Marque en liaison avec ces produits, la question qui se pose est celle de savoir si, aux termes de l’article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales qui justifient ce défaut d’emploi.

Analyse - Circonstances spéciales

[26]           En règle générale, le défaut d’emploi sera sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[27]           Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été démontrée, le registraire doit en premier lieu déterminer, à la lumière de la preuve, la raison pour laquelle la marque de commerce n’a pas, dans les faits, été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [selon Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. La Cour fédérale a statué que les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont [Traduction] « inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst) au paragraphe 29].

[28]           S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : 1) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; 2) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et 3) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra]. L’intention de reprendre l’emploi à court terme [Traduction] « doit être corroborée par des éléments factuels » [Lander Co Canada c Alex Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst); voir également Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); et NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst)]. Ces trois critères sont tous pertinents, mais il est obligatoire de satisfaire au deuxième critère [selon Scott Paper, supra].

            Raisons du défaut d’emploi

[29]           Comme je l’ai indiqué ci-dessus, M. Goldberg affirme que, de manière générale, l’emploi de la Marque par la Propriétaire est entravé par des occasions de ventes limitées, compte tenu des [Traduction] « méthodes d’achat privilégiées par les comptes-clients du marché de masse », lesquelles sont particulières. En outre, la Propriétaire cite les directives de santé et de sécurité à l’appui de son affirmation selon laquelle le marché est [Traduction] « très réglementé » et fait valoir que, pour cette raison, la Propriétaire doit consacrer des sommes importantes et beaucoup de temps au développement et à la production de prototypes. Globalement, les raisons invoquées par la Propriétaire pour expliquer le défaut d’emploi peuvent être qualifiées de conditions de marché défavorables.

[30]           Or, les allégations concernant les « conditions de marché » sont nécessairement liées, du moins en partie, aux décisions d’affaires et aux efforts de commercialisation du propriétaire de la marque de commerce. Dans la mesure où la preuve ne rend pas clairement compte de telles décisions et de tels efforts, il est difficile de conclure que des conditions précises du marché constituaient, dans les faits, la raison du défaut d’emploi.

[31]           En l’espèce, la Propriétaire a fourni certains éléments de preuve indirects en ce qui concerne le marché en tant que secteur très réglementé et en ce qui concerne les efforts de commercialisation de la Propriétaire. La Propriétaire n’a pas, par ailleurs, fourni de preuve détaillant sa stratégie d’affaires à la lumière des [Traduction] « méthodes d’achat privilégiées par les comptes-clients du marché de masse » présumées défavorables. Ainsi, on ne sait pas clairement dans quelle mesure l’emploi de la Marque était restreint par les décisions de commercialisation volontaires de la Propriétaire, plutôt que par les conditions du marché dans lequel elle exerce ses activités.

[32]           Quoi qu’il en soit, il a été statué que des conditions de marché défavorables et des décisions d’affaires volontaires ne sont pas le genre de circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles qui constituent des circonstances spéciales [voir, par exemple, Harris Knitting Mills, supra; et Lander Co Canada, supra]. Dans des cas où le propriétaire inscrit n’avait pas l’intention d’abandonner sa marque de commerce au Canada, mais n’avait reçu aucune commande pour ses produits pendant la période pertinente, il a été déterminé qu’une telle situation n’était pas, en soi, suffisante pour maintenir l’enregistrement en question [voir Garrett c Langguth Cosmetic GMBH (1991), 39 CPR (3d) 572 (COMC) et Bereskin & Parr c Magnum Marine Corp, 2011 COMC 68, 93 CPR (4th) 327].

[33]           Étant donné que les raisons du défaut d’emploi en l’espèce ne constituent pas des circonstances spéciales, il n’est pas nécessaire de déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Quoi qu’il en soit, comme je l’explique ci-dessous, je n’aurais pas été convaincu qu’elles satisfont aux critères établis dans Harris Knitting Mills.

            Durée du défaut d’emploi

[34]           M. Goldberg affirme que la Marque a été employée de manière constante au Canada par la Propriétaire ou [Traduction] « une entité juridique dûment autorisée » depuis mai 2010. Cette affirmation concorde avec la déclaration d’emploi produite auprès du registraire le 18 mai 2010.

[35]           À l’audience, la Propriétaire a fait valoir qu’elle en était encore aux premiers stades de l’établissement de son entreprise. Dans certaines affaires, le registraire a conclu, conformément à l’intention apparente du législateur, qu’un propriétaire inscrit dispose d’un délai de démarrage maximal de trois ans pour commencer à faire un usage commercial sérieux de sa marque de commerce au Canada à compter de l’enregistrement de cette dernière [voir, par exemple, 2001237 Ontario Ltd c Footstar Corp, 2003 CarswellNat 6253 (COMC)]. En l’espèce, cependant, je souligne que la période de défaut d’emploi qui a suivi l’enregistrement est d’environ six ans.

            La question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire

[36]           De manière similaire à l’analyse qui précède concernant les raisons du défaut d’emploi, le fait d’alléguer les [Traduction] « méthodes d’achat privilégiées par les comptes-clients du marché de masse » comme circonstance spéciale pose problème parce que la Propriétaire exerce un contrôle sur certains aspects de son entreprise au sein de ce marché et, par conséquent, on ne peut pas dire que les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de sa volonté. Bien que M. Goldberg atteste que la Propriétaire n’a qu’une [Traduction] « seule chance » au cours d’une année donnée, pour [Traduction] « rivaliser pour l’espace-tablette limité qui est disponible », il ne fournit pas de détails pour expliquer pourquoi la Propriétaire a dû choisir un tel marché pour son entreprise. Il ne fournit également aucune information concernant les marchés de rechange possibles ou n’explique pas pourquoi ces derniers pouvaient ne pas être envisageables. Ainsi, il est difficile de conclure que l’absence de ventes pendant la période pertinente était, dans les faits, indépendante de la volonté de la Propriétaire, plutôt que le résultat de ses décisions d’affaires volontaires. Là encore, je ne dis pas que, lorsque des circonstances spéciales sont invoquées, il est nécessaire de fournir une preuve de l’existence de solutions de rechange potentielles ou des explications à n’en plus finir – mais cela démontre à quel point il est difficile de faire valoir que de telles raisons sont visées par l’article 45(3) de la Loi.

[37]           En outre, il est bien établi que des facteurs tels que le développement de produits et les procédés de vente n’échappent généralement pas à la volonté d’un propriétaire de marque de commerce [voir, par exemple, CPI - Centre de propriété intellectuelle c Nada Fashion Designs Inc, 2010 COMC 109, 86 CPR (4th) 310]. Ainsi, en ce qui concerne l’affirmation de la Propriétaire selon laquelle le marché est un secteur très réglementé qui entrave la production et le développement de prototypes, je ne considère pas qu’il s’agit là de raisons à l’origine du défaut d’emploi indépendantes de la volonté de la Propriétaire. Quoi qu’il en soit, la Propriétaire n’a fourni aucun renseignement au sujet des difficultés précises qu’elle a rencontrées au cours du développement de l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement.

[38]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que les raisons du défaut d’emploi en l’espèce étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire.

[39]           En conséquence, même si j’admets que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de commencer ou de reprendre l’emploi de la Marque à l’égard des autres produits visés par l’enregistrement, je ne suis pas convaincu que les [Traduction] « méthodes d’achat privilégiées par les comptes-clients du marché de masse » et un marché très réglementé constituent des circonstances spéciales, et encore moins des circonstances qui justifient le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec ces autres produits. L’enregistrement sera modifié en conséquence.

Décision

[40]           Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les produits suivants de l’état déclaratif des produits [Traduction] :

(1) Poussettes pour nourrissons, tout-petits, jeunes et enfants, poussettes de jogging ... transporteurs pour nourrissons, tout-petits et enfants ... accessoires pour poussettes, sièges d’auto, sièges d’auto rehausseurs, porte-bébés et systèmes de voyage, tous pour les nourrissons, les tout-petits et les enfants, nommément coussins pour siège, supports pour le cou et la tête, compartiments de rangement, boîtes de rangement, plateaux et supports, écrans protecteurs et housses, appuis-tête pour l’auto.

(2) Sacs à couches, fourre-tout, sacs à dos, parapluies pour nourrissons, porte-bébés portés sur le corps.

(3) Berceaux, coussins pour siège, matelas absorbants et barres jouets qui se fixent aux chaises hautes, marchettes; espaces de jeu, lits pour tout-petits et enfants ...

(4) Sacs isothermes à biberons, baignoires pour bébés, chaises d’entraînement à la propreté.

[41]           L’état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit [Traduction] :

(1) Sièges d’auto, sièges d’auto rehausseurs et systèmes de voyage pour nourrissons, tout-petits et enfants, nommément combinaisons de poussette, siège d’auto, base de siège d’auto et transporteur.

(2) Sièges pour nourrir les enfants.

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

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DATE DE L’AUDIENCE : 27 juin 2016

 

COMPARUTIONS

 

Angeliki Papadimitropoulos                                                    POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Michael O’Neil                                                                        POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Phillips Friedman Kolter S.E.N.C.R.L./LLP                           POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Gowling WLG (Canada) LLP                                                 POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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