Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

                                                                                                AFFAIRE CONCERNANT L’OPPOSITION de Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie, à la demande no 880593 produite par la Banque de Nouvelle-Écosse en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SOLO

 

Le 4 juin 1998, la Banque de Nouvelle-Écosse (ci-après la requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce SOLO (ci-après la marque), basée sur l’emploi projeté en liaison avec une liste de marchandises et services, qui a été subséquemment modifiée à la suite d’une mesure prise par un examinateur, dont le contenu modifié  est le suivant :

MARCHANDISES : Imprimés, notamment des brochures, affiches, journaux, revues, bulletins et livres (ci-après les marchandises);

SERVICES : services bancaires, services de placement en valeurs mobilières et services de société de fiducie (ci-après les services).

 

Par la suite, la demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 24 novembre 1999 aux fins de toute opposition éventuelle.

 

Le 27 janvier 2000, Assurance-Vie Desjardins-Laurentienne inc. (ci-après l’opposante) (qui a été fusionnée plus tard avec L’Impériale, Compagnie d’Assurance-Vie du Canada pour devenir Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie ) a produit une déclaration d’opposition.  L’opposante allègue que :

a)      La requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement de la marque, car la marque de commerce SOLO est employée par l’opposante depuis au moins le 3 novembre 1989 en liaison avec des services d’assurance, notamment de l’assurance-vie, de l’assurance-maladie, de l’assurance-invalidité, de l’assurance-médicaments, de l’assurance couvrant les dépenses paramédicales et de l’assurance-dentaire (ci-après les services de l’opposante);

b)      La marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante SOLO, qui est employée depuis le 3 novembre 1989;

c)      La requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante SOLO, qui est employée depuis le 3 novembre 1989;

d)     La marque de commerce de l’opposante SOLO a acquis de la notoriété et elle est bien connue.

 

Le libellé de la déclaration d’opposition utilisé pour décrire les divers motifs d’opposition n’est peut-être pas conforme au style employé généralement par les agents de marque de commerce, mais la requérante a été en mesure d’y répondre, comme on le constate en lisant sa contre-déclaration.  En fait, en répondant à l’alinéa c) ci-dessus, la requérante a mentionné l’alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce (ci-après la Loi).

 

Ni dans sa déclaration d’opposition ni dans ses éléments de preuve, l’opposante n’a invoqué aucune marque de commerce déposée; par conséquent, le motif b) ci-dessus n’est pas fondé, car le caractère enregistrable d’une marque de commerce ne peut être évalué que par opposition à une marque de commerce déposée [voir l’alinéa 12(1)d) de la Loi].  L’alinéa a) ci-dessus est également rejeté, car il ne constitue pas un motif d’opposition valable.  Au risque de me tromper quant à cette conclusion, l’issue de ce motif d’opposition repose sur la question du risque de confusion entre la marque et la marque de commerce SOLO de l’opposante.  En ce qui concerne le motif d) ci-dessus, il s’agit de l’un des critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi pour évaluer le risque de confusion et, comme tel, il ne constitue pas en soi un motif d’opposition valable.  Finalement, le motif d’opposition décrit à l’alinéa c) ci-dessus veut dire que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce SOLO de l’opposante, qui a été employée ou révélée antérieurement au Canada.

 

Les éléments de preuve produits par l’opposante consiste en la déclaration solennelle de M. Claude Gaboury tandis que la requérante a produit les affidavits de Mme Amanda Cardinal et de Mme Linda Victoria Thibeault.  Les deux parties ont présenté des arguments écrits et étaient représentées à l’audition orale.

 

Avant d’examiner les éléments de preuve produits, je vais d’abord traiter deux questions préliminaires soulevées dans les arguments écrits et à l’audition.  Dans son argumentation écrite, l’opposante fait valoir que la marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée SOLO PRIME dont le certificat d’enregistrement porte le numéro 461970, qui lui a été cédée après la production de la déclaration d’opposition et apparemment inscrite au registre le 27 août 2001.

 

L’opposante voulait produire la preuve de l’existence dudit certificat d’enregistrement.  La requérante s’est opposée à cette preuve, car l’opposante n’avait jamais invoqué la marque de commerce déposée comme étant la base d’un motif d’opposition.  Dans MacDonald’s Corp & al v. Victorian Dairy Industries Authority, (1987) 17 C.P.R. (3d) 82 à la p. 86, M. David J. Martin, membre de la Commission, a indiqué :

 

[TRADUCTION] « Au cours de l’audition orale, conformément à l’article 42 du Règlement sur les marques de commerce, C.R.C. 1978, ch. 1559, l’agent des opposantes a demandé l’autorisation de modifier le deuxième motif d’opposition afin d’y inclure l’emploi antérieur des diverses marques de commerce déposées par la première opposante McDonald's Corporation.  Les deux parties ont eu l’occasion de se faire entendre sur la demande d’autorisation.

La politique de la Commission des oppositions des marques de commerce est d’accorder l’autorisation de modifier une déclaration d’opposition lorsque la Commission est convaincue qu’il y va de l’intérêt de la justice de le faire en tenant compte de toutes les circonstances, y compris (i) l’étape à laquelle est rendue la procédure d’opposition, (ii) le fait que la demande d’autorisation de modifier aurait pu être présentée plus tôt, (iii) l’importance de la modification proposée pour l’opposante, et (iv) la mesure dans laquelle la requérante subirait un préjudice si la demande d’autorisation était accordée : voir Nabisco Brands Ltd., faisant affaires également sous Christie Brown & Co. v. Perfection Foods (1986), 12 C.P.R. (3d) 456 à la p. 458 (C.F.1re inst.).

Dans la présente affaire, la demande a été faite très tard et elle aurait pu être faite beaucoup plus tôt.»

 

J’accueille l’opposition de la requérante pour les motifs suivants :

i)                    L’opposante n’a pas demandé l’autorisation pour modifier sa déclaration d’opposition afin d’invoquer, comme motif d’opposition additionnel, que la marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée SOLO PRIME en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi;

ii)                  Même si la demande d’autorisation avait été faite à l’audition, je l’aurais rejetée, car elle aurait été faite trop tard.  L’audition orale n’est pas un mécanisme pour présenter des éléments de preuve dans une procédure d’opposition.  [Voir Aero Garment Ltd v. Stella Handbags Ltd. (1980) 79C.P.R. (2d) 146].  L’inscription au registre de cette cession à l’opposante semble avoir été faite il y a plus de deux ans;

iii)                La question de la propriété de la marque de commerce SOLO PRIME a été soulevée par l’opposante uniquement après la production de la preuve de la requérante, laquelle comprend des éléments de preuve relatifs à l’état du registre où la marque de commerce, appartenant au prédécesseur en titre de l’opposante à l’époque du dépôt de cette preuve, est mentionnée;

iv)                Même si l’opposante a soulevé la question du caractère enregistrable de la marque en guise de motif d’opposition (motif b) ci-dessus), elle n’a mentionné aucun enregistrement, et elle ne pouvait pas mentionner un tel enregistrement, car elle n’était pas propriétaire de la marque de commerce SOLO PRIME à l’époque du dépôt de la déclaration d’opposition; et

v)                  En dépit du fait que le caractère enregistrable doit être évalué à la date de la décision [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la p. 424 (C.A.F.)], il doit y avoir des allégations de faits dans la déclaration d’opposition pour appuyer un tel motif d’opposition.

 

L’autre question découle du contenu de la déclaration solennelle de M. Gaboury, laquelle renferme de nombreuses mentions de la marque de commerce SOLO SÉCURITERRE, qui n’est également pas invoquée dans la déclaration d’opposition.  Je ne tiendrai pas compte, à titre de motif d’opposition, de tout emploi antérieur de la marque de commerce SOLO SECURITERRE (remarquer que SOLO SECURITERRE et SOLO SÉCURITERRE sont employées de façon interchangeable dans sa déclaration solennelle; j’emploierai SOLO SÉCURITERRE dans le reste de la présente décision) parce que :

 

(i)                 L’opposante n’a pas demandé l’autorisation pour modifier sa déclaration d’opposition afin d’invoquer, comme motif d’opposition additionnel, l’emploi antérieur de ladite marque de commerce;

(ii)               Même si la demande d’autorisation avait été faite à l’audition, je l’aurais rejetée, car elle aurait été faite trop tard.  L’opposante connaissait ou aurait dû connaître, depuis au moins le 4 octobre 2000, date de signature de l’affidavit de M. Gaboury, l’« emploi » de ladite marque de commerce.

 

Je vais maintenant aborder l’autre question soulevée par l’opposante, à savoir que si j’écarte la preuve relative à l’« emploi » de la marque de commerce SOLO SÉCURITERRE pour les motifs susmentionnés, je devrais quand même tenir compte de cette preuve, car elle constitue une preuve d’« emploi » de la marque de commerce SOLO.

 

Preuve de l’opposante

 

M. Gaboury travaille pour l’opposante depuis 1974, et il est responsable du marketing des programmes d’assurance SOLO et SOLO SÉCURITERRE offerts par l’opposante.  L’opposante est une entreprise qui offre et vend, à ses clients, les services de l’opposante. Ces services sont offerts par l’entremise de plus de 1100 conseillers indépendants et partenaires de l’opposante.  Aucun détail n’a été fourni en ce qui concerne la forme de partenariat et en ce qui concerne l’existence d’une licence pour l’emploi de la marque de commerce SOLO de l’opposante.  Les services de l’opposante sont offerts en liaison avec les marques de commerce SOLO et SOLO SÉCURITERRE aux personnes qui ne profitent pas de régimes d’assurance groupe.

 

Entre 1989 et juin 2000, l’opposante a émis plus de 8400 polices d’assurance sous les marques de commerce SOLO et SOLO SÉCURITERRE.  Les primes annuelles payées pour ces polices s’élèvent à plus de 7,6 millions de dollars.  Il faut remarquer qu’aucune répartition n’a été faite entre les polices émises sous la marque de commerce SOLO et celles émises sous la marque de commerce SOLO SÉCURITERRE.  Il n’y a pas, non plus, de répartition annuelle du montant des ventes correspondantes.  Deux propositions en date de novembre 1989 portant la marque de commerce SOLO et dessin ont été produites en preuve comme pièce CG-1, dont l’une a été signée à Lévis-Lauzon.  Il y a également divers échantillons de polices d’assurance qui portent la marque de commerce SOLO et dessin qui ont été produits.

 

M. Gadoury indique que, depuis 1989, l’opposante a affecté des sommes importantes au marketing et à la publicité des services de l’opposante.  Malheureusement, il n’y a aucune mention dans son affidavit des sommes réelles dépensées au Canada pour la promotion des services de l’opposante en liaison avec la marque de commerce SOLO.  Toutefois, il allègue que les coûts annuels de l’exploitation des services de l’opposante dépassent 1,5 million de dollars.  Il faut distinguer les coûts de l’exploitation des services de l’opposante des sommes dépensées pour la publicité de ces services.  Les coûts annuels de l’exploitation des services de l’opposante ne nous aident pas beaucoup pour trancher les questions décrites ci-dessus.

 

Il a produit, comme pièce CG-2, un échantillon des brochures de publicité et de promotion sur lesquelles figurent les marques de commerce SOLO ou SOLO SÉCURITERRE ou les deux , stylisées sous diverses formes.  Nous n’avons aucune indication quant à la date, à l’endroit et au nombre de brochures qui ont été utilisées au Canada.

 

M. Gadoury indique que les demandes d’enregistrement des marques de commerce SOLO et SOLO SÉCURITERRE ont été produites le 26 janvier 2000 sous les numéros 1,043,978 et 1,043,979 respectivement.  Étant donné que ces demandes ont été déposées après la date de la présente demande, elles ne peuvent pas être mentionnées pour appuyer le motif d’opposition énoncé à l’alinéa c) ci-dessus.  [Voir l’alinéa 16(3)b) de la Loi et ConAgra Inc v. McCain Foods Ltd (2001), 14 C.P.R. (4th) 288.]

 

Finalement, il indique que la marque de commerce SOLO est bien connue en raison de son emploi, des efforts de marketing pour la promouvoir et des ventes réalisées par l’opposante au cours des dix dernières années.  La question de savoir si une marque est bien connue ou non est une question qui doit être tranchée par le registraire en se basant sur la preuve produite au dossier.  Par conséquent, je vais écarter cette allégation.

 

Preuve de la requérante

Mme Thibeault est, depuis 17 ans, recherchiste en matière de marque de commerce chez Trade-Marks Reflections Ltd.  Elle a été chargée par l’agent de la requérante de mener une recherche dans le registre pour repérer des demandes d’enregistrement et des enregistrements dans lesquels figure le mot SOLO en liaison avec des « services d’assurance et des services financiers ».  Elle a repéré huit (8) mentions énumérées dans la pièce A jointe à son affidavit, lesquelles comprennent la présente demande et les demandes déposées subséquemment par l’opposante pour les marques de commerce SOLO et SOLO SÉCURITERRE, ce qui laisse seulement cinq (5) autres mentions pertinentes.  Elle a également mené une recherche dans le registre pour repérer des marques de commerce co-existantes identiques ou des marques de commerce déposées similaires appartenant à des titulaires de l’enregistrement différents en liaison avec des « services financiers » et des « services d’assurance ».  Elle a repéré dix-huit (18) jumelages produits comme pièce C jointe à son affidavit.  Aucun élément de preuve se rapportant à l’emploi de ces marques de commerce n’a été produit.  La preuve relative à l’état du registre ne peut être utilisée que si l’on peut tirer des conclusions de celui-ci quant à l’état du marché.  [Voir Ports International Ltd. v. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.), Welch Foods Inc. v. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.) et Kellogg Salada Canada Inc. v. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]  L’examen de la pièce C indique que la majorité des jumelages consistent en des marques de commerce faibles (par exemple, DOMINION LIFE par opposition à DOMINION SECURITIES, ROYAL par opposition à THE ROYAL, etc.) et, comme telle, elles peuvent coexister car toute différence dans leur liste respective de marchandises ou de services est suffisante pour écarter tout risque de confusion.

Mme Cardinal est directrice des produits pour les groupes chez Scotia Securities Inc. (ci-après SSI) une filiale de la requérante.  Ses fonctions comprennent notamment le marketing et la vente des produits et services de la Banque Scotia.  Elle indique que la requérante est une institution financière à service complet qui offre tous les services et produits financiers au Canada.  Elle n’explique pas ce qu’elle entend par « institution financière à service complet », et elle n’énumère pas les produits et services offerts par une telle institution.

 

Elle indique que la requérante offre divers services de gestion de portefeuille à ses clients qui investissent dans des fonds communs, notamment les comptes qui comprennent le portefeuille de fonds mutuels choisi par l’investisseur.  L’un de ces comptes de la requérante porte la marque.  Elle soutient que la requérante a employé la marque la première fois le 20 août 1998 dans le cadre d’un publipostage à 460 000 foyers au Canada.  Une copie de l’une des publications envoyées aux clients éventuels a été produite comme pièce A jointe à son affidavit.  Comme pièce B jointe à son affidavit, elle a également produit des copies d’autres brochures distribuées entre octobre 1998 et le 3 mai 2001 (la date de son affidavit), dans laquelle il y a une description des divers comptes, notamment des mentions du compte portant la marque.

 

Finalement, elle allègue qu’elle n’a pas eu connaissance de cas où il y a eu confusion entre la marque et la marque de commerce SOLO de l’opposante.

 

Compte tenu des éléments de preuve produits au dossier, j’arrive à la conclusion que l’emploi, au sens de l’article 4 de la Loi, de la marque de la requérante depuis août 1998 en liaison avec les services est établi.  Toutefois, il n’y a pas de preuve établissant l’emploi de la marque en liaison avec les marchandises.

 

Questions en litige

 

La date pertinente en ce qui concerne la question de l’absence de droit d’obtenir l’enregistrement fondée sur le paragraphe 16(3) de la Loi est la date de la production de la demande (4 juin 1998) [Article 16 de la Loi].

 

Pour déterminer si la marque crée de la confusion avec la marque de commerce SOLO de l’opposante, le paragraphe 6(5) de la Loi prévoit que le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

i)          le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

ii)         la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

iii)        le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

iv)        la nature du commerce;

 

v)         le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

 

Le fardeau de la preuve incombe à la requérante, et celle-ci doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la marque et la marque de commerce SOLO de l’opposante à la date pertinente susmentionnée.  [Voir Sunshine Biscuits Inc. v. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53 et Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd [2002] 3 C.F.405].

Il a été établi que les critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi ne sont pas exhaustifs et qu’il n’est pas nécessaire de leur accorder tous le même poids. [Voir Clorox Co. v. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. v. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Dans Dion Neckwear, op. cit. le juge Décary a indiqué :

« L'examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d'une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n'en a qu'un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure.»

(…)

« Le registraire doit donc être raisonnablement convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'enregistrement n'est pas susceptible de créer de la confusion. Il n'est pas nécessaire qu'il soit convaincu hors de tout doute qu'il n'y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve « hors de tout doute » s'appliquait, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. Dans le meilleur des scénarios, ce n'est que lorsque les probabilités sont égales qu'on peut dire qu'il existe une sorte de doute, lequel doute doit être résolu en faveur de l'opposant. Mais la notion de doute est un concept trompeur et déroutant en matière civile et le registraire devrait éviter d'y recourir.»

 

C’est en gardant ces principes à l’esprit que je vais maintenant examiner les circonstances énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi.


i)          le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

 

La marque est un mot du dictionnaire, toutefois, elle ne suggère pas la nature ou la qualité des services fournis par la requérante en liaison avec celle-ci.  Ce n’est qu’après avoir examiné les brochures de la requérante, pièce B jointe à l’affidavit de Mme Cardinal, dans lesquelles il y a une description des services offerts en liaison avec la marque, que nous pouvons comprendre le choix du mot « solo » à titre de marque de commerce en liaison avec les services offerts par la requérante.  Le consommateur, qui utilisera les services bancaires offerts par la requérante en liaison avec la marque, déterminera seul la combinaison des actifs à inclure dans le compte concerné.  Les services de l’opposante offerts en liaison avec la marque de commerce SOLO, selon la description contenue dans les brochures de l’opposante, pièce CG-2 jointe à l’affidavit de M. Gaboury, sont spécialement conçus pour les travailleurs autonomes ou pour les personnes qui ne font pas partie de régimes d’assurance groupe.  Voilà pourquoi j’arrive à la conclusion que la marque et la marque de commerce SOLO de l’opposante ont le même degré de distinction inhérente.

 

La requérante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve se rapportant à l’emploi au Canada en ce qui concerne la marque de commerce SOLO de l’opposante.  Je suis en désaccord avec la requérante.  Une proposition produite comme pièce CG-1 jointe à l’affidavit de M. Gaboury a été signée à Lévis au Québec et il y a un bon nombre d’indications dans les copies de polices d’assurance (partie de la pièce CG-1 jointe à l’affidavit de M. Gaboury) et dans les brochures, pièce CG-2 jointe à son affidavit qui illustrent que les services de l’opposante sont fournis au Canada.

 

En ce qui concerne la mesure dans laquelle ces marques sont devenues connues à la date pertinente (4 juin 1998), la marque de la requérante n’était pas employée à cette date.  Il y a eu certaines preuves quant à l’emploi de la marque de commerce SOLO par l’opposante.  L’opposante fait valoir que toute preuve se rapportant à l’emploi de la marque de commerce SOLO SÉCURITERRE doit être également considérée comme une preuve de l’emploi de la marque de commerce SOLO.  Elles constituent deux marques de commerce différentes pour les services de l’opposante destinés à deux catégories différentes d’utilisateurs finaux.  En fait, en se basant sur le texte des brochures CG-2, il est évident que les services de l’opposante offerts en liaison avec la marque de commerce SOLO SÉCURITERRE sont destinés exclusivement aux fermiers. Les chiffres relatifs aux ventes n’ayant pas été répartis par année et par marque de commerce, je ne peux donc conclure de la preuve produite que la marque de commerce SOLO de l’opposante est devenue connue dans une grande mesure au Canada.  Par conséquent, ces circonstances ne favorisent aucune des parties.

 

ii)                                    La période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage;

 

La demande de la requérante est basée sur l’emploi projeté.  Comme il a été mentionné ci-dessus, il y a des éléments de preuve en ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce SOLO par l’opposante en novembre 1989.  Toutefois, il n’y a pas de répartition annuelle des chiffres de vente pour les polices d’assurance émises par l’opposante en liaison avec sa marque de commerce SOLO.  [Voir Randob Entreprises Ltd. v. Spacemaker Ltd. (1986) 8 C.P.R. (3d) 65].  De plus, étant donné que l’auteur de l’affidavit mentionne l’emploi des marques de commerce SOLO et SOLO SECURITERE sans les distinguer et que j’ai déterminé qu’elles constituent deux marques de commerce distinctes, tout ce que je peux conclure des éléments de preuve de l’opposante, est que la marque de commerce SOLO a été employée par l’opposante en 1989, mais je ne peux pas déduire qu’elle est employée continuellement depuis cette date.

 

iii)           Le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

C’est l’état des marchandises et services de la requérante énoncé dans sa demande plutôt que les services de l’opposante qui régit la présente question.  [Voir Esprit International v. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997) 84 C.P.R. (3d) 89].  Les marchandises sont différentes des services de l’opposante. En ce qui concerne les services, il y a une différence entre les services bancaires et les services d’assurance de l’opposante qui sont offerts aux personnes qui ne profitent pas d’un régime d’assurance-groupe.  Aucun élément de preuve n’a été produit et n’établit que les services chevaucheraient les services de l’opposante.

 

iv)           La nature du commerce;

 

L’opposante fait valoir que la requérante est décrite dans l’affidavit de M. Cardinal comme étant une institution financière à service complet.  Selon l’opposante, il est bien connu que ces institutions financières offrent des services d’assurance.  Je connais la décision rendue par le registraire dans Central Data Systems Ltd. v. Paul Revere Life Insurance Co. (1992) 46 C.P.R.(3d) 157 où les éléments de preuve produits ont permis à l’agent d’audience, M. David J. Martin, de conclure qu’il existait un lien entre les services bancaires et les services d’assurance.  Ces éléments de preuve ont été déterminant dans cette affaire et ont permis au registraire de statuer qu’il y avait un risque de confusion entre les marques en litige.

 

Dans la présente affaire, aucun élément de preuve n’a été produit pour appuyer un argument similaire.  Je ne peux pas prendre connaissance d’office de l’existence d’un lien entre des services bancaires et des services d’assurance.  Dans Astrazeneca Canada Inc. v. Apotex et al, décision inédite, T660-02, Madame la juge Layden-Stevenson de la Cour fédérale a indiqué :

 

« Voici la définition que Sopinka et Lederman donnent de la « connaissance d’office » dans leur ouvrage The Law of Evidence in Canada, 2e éd. (Toronto, Butterworths, 1999), à la page 1055 : [TRADUCTION] « Acceptation par le tribunal, tant en matière civile qu’en matière pénale, de la véracité d’un fait ou d’une situation sans avoir besoin d’une preuve formelle ». Les extraits suivants sont instructifs :

 

[TRADUCTION] Le tribunal peut admettre d'office et sans qu'il soit besoin qu'une partie en fasse la preuve tout fait a) dont la notoriété en rend l’existence raisonnablement incontestable; b) dont il est possible d’établir facilement l’exactitude en recourant à des sources facilement accessibles dont la fiabilité ne saurait être remise en question (à la page 1055).

 

Il y a des faits qui, même s’ils n’entrent pas dans la connaissance immédiate du juge, sont incontestables et dont l’existence peut être vérifiée en recourant à des sources que le juge peut légitimement consulter. Parmi ces sources, mentionnons les traités, les dictionnaires, les almanachs et les autres ouvrages de référence, les recueils de jurisprudence, les certificats établis par des fonctionnaires, les déclarations de fonctionnaires et les dépositions des témoins au procès (à la page 1058).

 

La jurisprudence est cependant contradictoire sur la possibilité pour le tribunal de prendre connaissance d’office des faits naturels et des faits scientifiques dont l’existence peut être établie en recourant à des sources fiables (à la page 1059). »


 

De plus, aucun élément de preuve n’établit que, si des services d’assurance sont offerts dans une institution financière à service complet, ladite institution est la source de ces services d’assurance.  Il se pourrait très bien que les services d’assurance offerts par une institution financière, comme la requérante, émanent d’une source tierce.  En l’absence de tout élément de preuve, je ne peux conclure qu’il y a un chevauchement entre les voies commerciales des marchandises et services des parties.

 

v)            le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

 

La marque est identique à la portion mot de la marque de commerce SOLO et dessin de l’opposante employée par celle-ci en liaison avec les services d’assurance.  Lorsque la question de la confusion se présente entre deux marques de commerce identiques, le genre de marchandises ou services et la nature du commerce deviennent alors des circonstances très importantes.  [Voir A. Lassonde & Fils Inc. v. Imperial Tobacco Ltd. (1987) 17 C.P.R. (3d) 8].

 

En me basant sur les éléments de preuve produits au dossier, je conclus que la requérante s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque que la marque, employée en liaison avec les marchandises et services, crée de la confusion avec la marque de commerce SOLO de l’opposante.  J’arrive à cette conclusion, car il n’y aucun élément de preuve au dossier établissant qu’il y a chevauchement entre les voies commerciales des parties.  De plus, les services et les marchandises sont différents des services de l’opposante.


 

Pour ces motifs et conformément au pouvoir qui m’a été délégué par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition produite par l’opposante contre la demande d’enregistrement de la marque présentée par la requérante en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL, QUÉBEC, CE 23e JOUR DE FÉVRIER 2004.

 

 

 

Jean Carrière,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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