Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 48

Date de la décision : 2012-03-19

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Reliant Web Hostings Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1325768 pour la marque de commerce TENSING au nom de Tensing Holding B.V.

[1]               Le 22 novembre 2006, Tensing Holding B.V. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce TENSING (la Marque) en liaison avec les marchandises et les services suivants, tels que modifiés (les marchandises et les services), fondée sur l’emploi et l’enregistrement no 005358734 auprès de l’« OHIM (EU) »:

            Marchandises : Appareils pour l'enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d'images, nommément ordinateurs; supports de données magnétiques, nommément disquettes, disques vierges, nommément disques compacts inscriptibles, disques compacts à mémoire morte et disques vidéonumériques, tous vierges; caisses enregistreuses, calculatrices, ordinateurs; périphériques, nommément écrans d'ordinateur, imprimantes, modems et claviers; ordinateurs portatifs; matériel informatique; disques compacts et disques compacts à mémoire morte contenant de l'information sur la navigation, la position et la géographie; modems; appareils de télécommunication, nommément téléphones mobiles et récepteurs; installations de transmission de données, nommément systèmes de positionnement mondial (GPS) et systèmes mondiaux de communication mobile (GSM); installations satellites, nommément récepteurs de signaux de satellite, décodeurs de signaux de satellite; programmes informatiques enregistrés, nommément logiciel pour l'automatisation des processus de services externes, permettant aux employés sur place d'accéder aux réseaux informatiques du bureau principal; logiciels de navigation, nommément logiciel d'exploitation de systèmes de positionnement mondial; systèmes de navigation par satellite, nommément système de positionnement mondial; appareils et instruments de communication pour repérer la position géographique de véhicules marins et terrestres, nommément système de positionnement mondial; appareils pour le traitement de données et de signaux concernant les véhicules terrestres, nommément ordinateurs de bord, appareils de communication et appareils pour déterminer l'emplacement et l'altitude, nommément systèmes de positionnement mondial (GPS) et altimètres; bases de données électroniques contenant de l'information géographique (téléchargeable) à des fins de navigation; récepteurs de navigation par satellite; systèmes de navigation contrôlés par GPS et par satellite, nommément récepteurs de système de positionnement mondial, décodeurs de système de positionnement mondial, systèmes de positionnement mondial et systèmes de navigation par satellite (nommément système de positionnement mondial); cartes-index numériques, systèmes d'information géographique, nommément progiciels contenant de l'information spatiale, nommément des donnés planimétriques avec coordonnées X, Y et Z et/ou des données alphanumériques provenant de bases de données connexes pour l'analyse, le contrôle et la reproduction sur des documents cartographiques; logiciels, nommément progiciels SIG pour la combinaison, l'analyse et la présentation, sans conversion, de données topographiques et descriptives de divers formats; logiciel pour la planification des emplacements, l'orientation de la clientèle, le soutien à la clientèle, le contrôle des parcs de véhicules terrestres, la planification logistique, la planification des marchés et la prospection des marchés.

 

            Services : Services de télécommunication, nommément offre d'accès multiutilisateur à un réseau informatique mondial; services de télécommunication, nommément services de conception, de planification, de maintenance et de gestion de réseaux de télécommunication; services de télécommunication, nommément services de génie en télécommunications et en réseautage de données; services de télécommunication, nommément services de communication personnelle (SCP), services de vidéoconférence, services de radiomessagerie, services de messagerie numérique sans fil, services téléphoniques locaux et interurbains, services de communication par téléphone mobile et services de communication par radio mobile; location d'appareils de télécommunication et d'installations de transmission de données; transmission de données par satellite, nommément signaux de télévision, téléphones satellites; transmission de données sur des réseaux téléphoniques, des réseaux radiophoniques, des réseaux sans fil et des réseaux de câbles, nommément pour déterminer l'emplacement et l'altitude par la transmission, le stockage et la manipulation de données numériques, de lumières, de sons, de signaux d'information et de signaux d'images; services de télécommunication, nommément pour déterminer l'emplacement et l'altitude par la transmission, le stockage et la manipulation de données numériques, de lumières, de sons, de signaux d'information et de signaux d'images; offre d'accès à une base de données dans les domaines des bons de travail, du repérage, de la gestion de parcs, du géocodage, des services de systèmes d'information géographique (SIG), de la répartition, de la planification, de la navigation et de la messagerie; détection à distance (observation à distance), photographie aérienne, photogrammétrie, cartographie, topographie, traitement d'enregistrements numériques, services de conseil liés au domaine spatial, nommément diffusion d'information pour le traitement et l'analyse d'information géographique; services de génie, nommément services de génie en télécommunications, en programmation informatique, en logiciels et en appareils GPS et SIG; développement de produits; conception et développement des marchandises susmentionnées; location d'ordinateurs et de logiciels; conception, création, élaboration, adaptation, actualisation et maintenance de sites Web (conception Web); hébergement Internet, y compris hébergement spécialisé, hébergement partagé, hébergement de serveurs et hébergement Web; services de diagnostic informatique, nommément automatisation des processus de services externes; programmation informatique; développement, conception, mise à jour, implémentation, maintenance et mise à niveau de logiciels; services de conseil sur l'utilisation d'appareils GPS et SIG; analyse de systèmes informatiques.

 

[2]               Je comprends que la référence à l’emploi dans l’« OHIM (EU) » concerne l’emploi de la Marque dans l’Union européenne (UE).

[3]               Une date de priorité de la production, soit le 16 octobre 2006, est alléguée et fondée sur une demande produite auprès de l’« OHIM (EU) ». La Requérante invoque également l’art. 14 de la Loi sur la marque de commerce, L.R.C., 1985, ch. T-13 (la Loi), à l’égard des Marchandises et des Services.

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 février 2009.

[5]               Le 1er avril 2009, Reliant Web Hostings Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition sont reproduits ci-dessous :

[traduction]

  • La demande ne respecte pas les exigences de l’al. 30d) de la Loi. La Requérante n’a ni employé ni fait connaître [la Marque] au Canada. La Requérante n’a pas employé [la Marque] dans la communauté européenne ni dans aucun pays de la communauté européenne, en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises et de services décrites dans la demande. À ce titre, l’affirmation que l’on trouve dans la demande selon laquelle [la Marque] a été employée et enregistrée à l’étranger en liaison avec toutes les marchandises et services énumérés est fausse. Étant donné que la demande ne respecte pas les exigences de l’art. 30 de la Loi, [la Marque] n’est pas enregistrable aux termes des dispositions de l’al. 38(2)a) de la Loi.

 

  • Aux termes des dispositions de l’al. 38(2)b) et du par. 16(2) de la Loi, [la Marque] n’est pas enregistrable. La Requérante n’a pas utilisé la [la Marque] dans la communauté européenne, ni dans aucun pays de la communauté européenne, en liaison avec tous les services et les marchandises décrits dans la demande. Étant donné qu’elle n’a pas enregistré ni employé [la Marque] dans son pays d’origine en liaison avec tous les services et marchandises décrits dans la demande, la Requérante n’est pas admise à l’enregistrement au Canada.

[6]               La Requérante a signifié et produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et demande à celle-ci d’établir le bien-fondé de ses allégations.

[7]               L’Opposante a produit l’affidavit de Scott Bryan, souscrit le 7 janvier 2010 avec les pièces A – C à titre de preuve aux termes de l’art. 41 du Règlement sur les marques de commerce DORS/96-195 (le Règlement). M. Bryan n’a pas été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

[8]               La Requérante a déposé l’affidavit de Dirk Verbeek à titre de preuve aux termes de l’art. 42 du Règlement. Une ordonnance de contre-interrogatoire a été rendue mais la Requérante a refusé que M. Verbeek se présente au contre-interrogatoire. Aux termes du par. 44(5) du Règlement, l’affidavit de Verbeek a été jugé ne pas faire partie de la preuve et a été renvoyé à la Requérante par lettre datée du 15 septembre 2010.

[9]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits.

[10]           Il a été tenu une audience à laquelle les deux parties étaient représentées.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[11]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et d’établir les faits sur lesquels ces motifs s’appuient [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.) à la p. 298].

[12]           Les dates pertinentes applicables aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 38(2)a)/30d) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469, à la p. 475 (C.O.M.C.); Société canadienne des postes c. Deutsche Post AG (2011), 97 C.P.R. (4th) 1 (C.O.M.C.)].

         al. 38(2)c)/16(2) – la date de production de la demande [voir le par. 16(2) de la Loi; en l’espèce la date est le 16 octobre 2006, compte tenu de la date de la priorité alléguée aux termes de l’art. 34 de la Loi].

Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – par. 16(2) de la Loi

[13]           Le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement invoqué par l’Opposante repose sur l’allégation selon laquelle la Requérante n’a utilisé la Marque dans aucun pays de la communauté européenne. Il n’y a pas d’allégation concernant l’emploi antérieur d’une marque de commerce, d’un nom commercial ou d’une demande en instance qui créerait de la confusion.

[14]           Je rejette ce motif parce qu’il n’a pas été plaidé de façon régulière. À mon avis, l’allégation selon laquelle la marque de commerce n’a pas été utilisée dans le pays de l’Union mentionné dans la demande d’enregistrement ne peut être invoquée à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur les al. 38(2)c) et 16(2)a), b) ou c) de la Loi [voir par exemple : Postes Canada, précitée, au par. 138]. Si ma conclusion est erronée, le sort de ce motif d’opposition serait de toute façon identique au sort du motif d’opposition fondé sur les al. 38(2)a) et 30d) de la Loi.

[15]           Je note qu’à l’audience l’Opposante a présenté des arguments concernant la marque de commerce TENZING de l’Opposante. Plus précisément, l’Opposante a mentionné qu’elle avait utilisé la marque de commerce TENZING au Canada et que la demande d’enregistrement de cette marque était bloquée par la demande visant la Marque.

[16]           En l’absence d’un motif d’absence de droit à l’enregistrement régulièrement plaidé et fondé sur la marque de commerce TENZING, j’estime que les arguments de l’Opposante au sujet de la marque de commerce TENZING sont sans rapport avec la présente instance. Même si l’Opposante avait régulièrement plaidé un motif d’absence de droit fondé sur la marque de commerce TENZING de l’Opposante, je note que la question à trancher en l’espèce n’est pas de savoir si l’Opposante a le droit d’utiliser ou d’enregistrer la marque de commerce TENZING. C’est le droit de la Requérante à enregistrer la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services qui est en litige ici.

Motif fondé sur l’al. 30d)

[17]           L’Opposante allègue que la Requérante n’a pas utilisé la Marque dans la communauté européenne, ni dans un pays de la communauté européenne, en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services.

[18]           L’alinéa 30d) de la Loi dispose :

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

d) dans le cas d’une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l’Union, ou pour un autre pays de l’Union, l’objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l’enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n’a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d’un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l’a employée en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande.

[19]           Comme la Commission l’a fait remarquer dans la décision en matière d’opposition Tune Masters c. M. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 à la p. 89 (C.O.M.C.), [traduction] « [p]our l’opposant, il est difficile d’établir une allégation de non-emploi par le requérant, étant donné que celui-ci a facilement accès à tous les faits pertinents ». Ces commentaires portaient sur un motif d’opposition fondé sur l’al. 30b) de la Loi, mais ils sont tout aussi bien applicables au motif d’opposition fondé sur l’al. 30d) [voir 105272 Canada Inc. c. Grands Moulins de Paris, Société Anonyme (1990), 31 C.P.R. (3d) 79 (C.O.M.C.)]. Dans la mesure où la Requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau de preuve qui incombe à l’Opposante à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’omission de respecter l’al. 30d) est moins lourd [voir Tune Masters].

[20]           L’Opposante a présenté des arguments solides au sujet de la légèreté du fardeau qu’impose l’al. 30d) de la Loi à l’Opposante, en invoquant principalement Allergan Inc. c. Lancome Parfums & Beaute & Cie (2007), 64 C.P.R. (4th) 147 (C.O.M.C.), décision où le registraire a déclaré :

…pour l’opposant, il est difficile de prouver une allégation de non-emploi par le requérant, parce que celui-ci a facilement accès à tous les faits pertinents… les preuves qu’il convient d’apporter pour s’acquitter du fardeau de présentation de la preuve peuvent être minimes …

[21]           L’opposant peut également s’acquitter du fardeau de preuve initial découlant de l’al. 30d) en ayant recours aux preuves présentées par le requérant, pourvu qu’il démontre que les preuves du requérant sont « manifestement incompatibles » avec les allégations figurant dans sa demande [voir sur ce point Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, un partenaire (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F.P.I.); Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc., (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F.P.I.), et York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health and Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.); Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 aux p. 565-566 (C.O.M.C.), conf. par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F.P.I.)]. En l’espèce, toutefois, l’Opposante ne s’appuie pas sur les preuves présentées par la Requérante, étant donné que l’Opposante a présenté ses propres preuves, qui comprennent en partie des imprimés provenant du site Web de la Requérante.

[22]           L’Opposante soutient que l’obligation de démontrer que les preuves sont « manifestement incompatibles » avec les affirmations de la Requérante s’applique uniquement lorsque l’opposant n’a pas présenté ses propres preuves et s’appuie plutôt sur les preuves du requérant pour s’acquitter de son fardeau.

[23]           Je conviens avec l’Opposante que le fardeau de présentation est peu onéreux et qu’il n’est pas nécessaire en l’espèce qu’elle respecte la norme de la preuve « manifestement incompatible »; cependant, il incombe à l’Opposante d’établir des faits qui, s’ils sont avérés, permettraient de conclure que la Requérante n’a pas utilisé la Marque dans l’UE avant la date de production [voir John Labatt, supra; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior S.A. et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[24]           Comme cela a été mentionné plus haut, la Requérante n’a pas présenté de preuve concernant l’emploi de la Marque dans l’UE ou dans un autre pays ou territoire.

[25]           L’Opposante a pour sa part déposé l’affidavit de Scott Bryan qui se décompose en cinq grandes catégories de preuve :

a.       l’emploi de la marque de commerce TENZING par l’Opposante;

b.      les imprimés provenant du site Web de la Requérante (datés de janvier 2010) et une brochure (droit d’auteur daté de 2007) obtenus sur le site Web de la Requérante;

c.       une analyse du sens des types de services mentionnés sur le site Web de la Requérante;

d.      des discussions téléphoniques avec un représentant américain de la Requérante (Dianna) au sujet de la présence canadienne de la Requérante à la date du dépôt de l’affidavit (janvier 2010);

e.       l’examen des [traduction] « nombreuses publications, blogues et sites Web qui traitent de l’industrie de l’hébergement Web et de l’hébergement d’applications au Canada et en Amérique du Nord » (janvier 2010).

[26]           À l’audience, l’Opposante a soutenu que le témoignage de M. Bryan était incontesté et non réfuté, étant donné qu’il n’avait pas été contre-interrogé et que la Requérante n’avait pas produit elle-même de preuve.

[27]           L’Opposante soutient que dans les affaires comme celle-ci, où la Requérante n’a pas produit de preuve relative à l’emploi de la Marque, il n’est pas possible de déduire ou de présumer cet emploi; celui-ci doit être établi. L’Opposante soutient que le seul fait que la Requérante a établi que la Marque était enregistrée auprès de l’OHMI (UE) ne permet pas de conclure qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve. L’Opposante m’invite à tirer une conclusion défavorable pour la Requérante de l’omission de celle-ci de fournir des preuves sur l’emploi de la Marque dans l’UE, étant donné que les renseignements concernant l’emploi de la Marque se trouvent uniquement en sa possession. Je conviens avec l’Opposante que pour respecter l’al. 30d) de la Loi, il faut qu’il y ait à la fois enregistrement et emploi de la marque dans un pays étranger, mais il n’est pas nécessaire que la Requérante apporte des preuves pour établir ces faits, sauf si l’Opposante s’acquitte de son fardeau de présentation de la preuve.

[28]           Je note que l’affidavit de M. Bryan porte uniquement sur les trois services suivants qu’offre la Requérante :

a.       location d’ordinateurs et de logiciels;

b.      hébergement Internet, y compris hébergement spécialisé, hébergement partagé, hébergement de serveurs et hébergement Web;

c.       programmation informatique; développement, conception, mise à jour, implémentation, maintenance et mise à niveau de logiciels.

(Les Services Pertinents)

[29]           L’Opposante n’a pas produit de preuve concernant les autres Marchandises et Services. À l’audience, elle a soutenu que les preuves découlant du site Web indiquent clairement que la Requérante n’offrait pas l’hébergement d’applications ni l’hébergement Web et que cet élément fait planer un doute sur les affirmations de la Requérante concernant l’ensemble des Marchandises et Services. Je ne suis pas convaincue que les preuves concernant uniquement trois marchandises et services figurant sur une longue liste suffiraient à faire planer un doute sur la revendication de la Requérante au sujet de l’ensemble des Marchandises et Services. J’estime que tout au plus, l’affidavit de Bryan permettrait uniquement à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau à l’égard des Services Pertinents.

[30]           Je vais maintenant analyser les preuves pour déterminer si elles démontrent que l’Opposante s’est acquittée du fardeau que lui impose l’al. 30d) de la Loi au sujet des Services Pertinents.

[31]           Je note que les imprimés du site Web sont datés du 7 janvier 2010 et que la brochure a une date de droit d’auteur de 2007 (Pièces A et B). Ces documents sont donc largement postérieurs à la date pertinente pour ce motif d’opposition, à savoir le 22 novembre 2006.

[32]           À l’audience, la Requérante a cité le passage suivant de Hope International Development Agency c. Hoffnungszeichen Sign of Hope e. V. [2008] C.O.M.C. no 44, au par. 20 :

D’après ce que je comprends, la position de l’Opposante se fonde sur le fait que le site Web de 2004 de la Requérante ne démontre pas un emploi de la marque en liaison avec des « services organisationnels et de consultation » ou de la « recherche scientifique dans les domaines des droits de la personne et de l’aide humanitaire »[…] La question est donc celle de savoir si l’absence de pareil emploi sur le site Web de 2004 est clairement incompatible avec la prétention de la Requérante selon laquelle elle emploie effectivement la marque en liaison avec pareils services en Allemagne depuis le 24 juillet 2000. Bien que je comprenne la difficulté qu’il y a pour l’Opposante à faire la preuve d’une telle absence d’emploi, je n’admets pas que la preuve de ce qui se passait (ou ne se passait peut-être pas) quatre ans plus tard constitue une preuve qui est clairement incompatible avec les allégations formulées dans la demande. Autant que je sache, la Requérante n’avait aucune obligation de continuer à employer sa marque en Allemagne, ni ailleurs.

[33]           Comme cela est mentionné ci-dessus, l’Opposante n’est pas tenue d’établir que le site Web de la Requérante est « manifestement incompatible » avec les prétentions contenues dans la demande. Toutefois, les commentaires concernant la date pertinente et l’absence de toute obligation d’établir la continuité de l’emploi de la marque s’appliquent à la présente instance.

[34]           À l’audience, la Requérante a soutenu que les divers imprimés tirés du site Web et la brochure présentés à titre de Pièces A et B, respectivement, et joints à l’affidavit de Bryan, ont été obtenus sur le « portail U.S. » du site Web de la Requérante, plutôt que sur le « portail hollandais » et n’ont donc aucun lien avec le motif d’opposition fondé sur l’al. 30d). Il n’y a aucune preuve à l’appui de cet argument; je ne lui accorderai donc aucune force probante.

[35]           L’Opposante invoque les imprimés du site Web et la brochure pour démontrer la véracité de leur contenu. Je sais que les preuves figurant sur un site Web d’un tiers constituent du ouï-dire et, par conséquent, ne peuvent être utilisées pour établir la véracité de leur contenu, mais il me semble approprié d’arriver à une conclusion différente lorsque le propriétaire du site Web, une des parties à l’instance, a la possibilité de réfuter les preuves produites. C’est pourquoi je suis disposée à accorder une certaine force probante au contenu des imprimés tirés du site Web, joints à l’affidavit de Bryan.

[36]           Dans son affidavit, M. Bryan affirme que le site Web de la Requérante [traduction] « contient des références très limitées à l’hébergement d’applications, à l’hébergement Web et à des services semblables ». M. Bryan en arrive ensuite à la conclusion suivante :

[Traduction] D’après les renseignements auxquels j’ai eu accès sur le site Web et que m’a fournis Dianna, la Requérante n’offre aucun des services suivants à ses clients, sauf s’ils sont en liaison avec l’accès aux logiciels de la Requérante : (i)  location d’ordinateurs et de logiciels; (ii) hébergement Internet, y compris hébergement spécialisé, hébergement partagé, hébergement de serveurs et hébergement Web; et/ou (iii) programmation informatique; développement, conception, mise à jour, implémentation, maintenance et mise à niveau de logiciels. (Non souligné dans l’original)

[37]           Il ressort de l’affirmation de M. Bryan que le site Web de la Requérante contient des références, même si elles sont de nature limitée, aux Services Pertinents. En outre, la conclusion de M. Bryan semble indiquer que la Requérante offre effectivement les Services Pertinents pour ce qui est de « donner accès aux logiciels de la Requérante ». Cela indique également que la Requérante offre des logiciels.

[38]           Interprétant les termes utilisés sur le site Web de la Requérante pour décrire ce service d’hébergement d’applications, M. Bryan en conclut que les services offerts par la Requérante ne constituent pas l’hébergement d’applications. Plus précisément, M. Bryan cite un passage de la section « Services » du site Web de la Requérante qui contient une inscription concernant l’hébergement d’applications et il déclare :

[Traduction] Les services offerts par la Requérante ne correspondent pas à la définition habituelle d’hébergement d’applications et d’hébergement Web dans la mesure où ils concernent uniquement le logiciel de la Requérante et non un site Web ou une application appartenant au client ou contrôlé par lui.

[39]           Je note que la demande visant la Marque ne mentionne pas expressément « hébergement d’applications », mais que les Marchandises et les Services comprennent ce qui suit : « hébergement Internet, y compris hébergement spécialisé, hébergement partagé, hébergement de serveurs et hébergement Web ». C’est pourquoi je ne vois pas la pertinence des commentaires de M. Bryan au sujet de l’hébergement d’applications.

[40]           En outre, j’estime que les affirmations de M. Bryan, le site Web et la brochure ne permettent pas de conclure que la Requérante n’offrait pas les Services Pertinents dans l’UE à la date pertinente. En réalité, il ressort de l’interprétation que donne M. Bryan du site Web que la Requérante offre certains services d’hébergement (qui ne constituent pas nécessairement ce qu’il estime être un hébergement d’applications) et fournit des logiciels (qui sont une des Marchandises).

[41]           D’après ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les Pièces A et B jointes à l’affidavit de Bryan et ses commentaires à ce sujet suffisent pour affaiblir la prétention de la Requérante concernant l’utilisation des Services Pertinents dans l’UE à la date pertinente.

[42]           M. Bryan a également témoigné au sujet d’une discussion qu’il a eue avec « Dianna », une représentante des ventes de la Requérante qui travaille dans l’unique bureau nord-américain de la Requérante, situé à Brockville, au Maryland. Premièrement, les commentaires de Dianna constituent uniquement du ouï-dire. Deuxièmement, ses commentaires portent uniquement sur les allégations selon lesquelles la Requérante n’est pas présente au Canada et n’offre pas [traduction] « l’hébergement applications ou l’hébergement Web au Canada ». Étant donné que nous examinons l’al. 30d) de la Loi, peu importe que la Requérante offre ses services au Canada. L’Opposante ne peut s’acquitter de son fardeau de présentation grâce aux commentaires de Dianna.

[43]           Enfin, M. Bryan déclare qu’il a [traduction] « examiné de nombreuses publications, blogues et sites Web qui touchent du secteur de l’hébergement Web et de l’hébergement d’applications au Canada et en Amérique du Nord » et qu’il [traduction] « n’a trouvé dans ces publications et ces sites Web aucune référence » à la Requérante. Les publications qu’a examinées M. Bryan traitent uniquement, il l’a lui-même admis, du Canada et de l’Amérique du Nord. Par conséquent, comme le soutient la Requérante, la recherche effectuée par M. Bryan quatre ans après la date pertinente et excluant l’UE ne concerne pas le fardeau de preuve dont doit s’acquitter l’Opposante aux termes de l’al. 30d).

[44]           À l’audience, l’Opposante a soutenu qu’il était pertinent de faire remarquer que la demande d’enregistrement de la Marque visait une marque de commerce communautaire. L’Opposante a cité l’article 15 du Règlement du Conseil (CE) no 207/2009 portant sur la marque communautaire, qui énonce qu’il n’est pas nécessaire d’employer une marque avant que celle-ci fasse l’objet d’un enregistrement de marque communautaire. Plus précisément, l’article 15 énonce la seule exigence en matière d’usage, à savoir que la marque doit avoir été utilisée dans les cinq ans suivant l’enregistrement. L’Opposante soutient qu’il s’agit là d’un autre élément qui vient conforter la conclusion selon laquelle la Requérante n’utilisait pas la Marque dans l’UE à la date pertinente.

[45]           Premièrement, je note que la législation étrangère, comme la jurisprudence étrangère, ne lient pas le Registraire [par analogie, voir Neutrogena Corp. c. Guaber S.R.L. (successeur en titre à Guaber S.P.A.) (1993), 49 C.P.R. (3d) 282 (C.O.M.C.); Origins Natural Resources Inc. c. Warnaco U.S. Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 540 (C.O.M.C.)]. Même si je prenais en compte l’article15 du Règlement du Conseil (CE) no 207/2009 au sujet de la Marque communautaire, cette disposition ne contient aucune information concernant les activités qu’exerçait réellement la Requérante dans l’UE à la date pertinente. C’est pourquoi j’estime que cette disposition législative étrangère ne permet pas à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard de ce motif d’opposition.

[46]           Après avoir examiné l’affidavit dans son ensemble, je note que, contrairement aux arguments présentés par l’Opposante, la Marque apparaît clairement sur le site Web et sur la brochure de la Requérante qui font tous deux référence à diverses marchandises et à divers services offerts par la Requérante et qui fournissent également des informations permettant de communiquer avec la Requérante aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Je cite également les passages pertinents suivants qui sont tirés du site Web de la Requérante :

Approche multiservices

Conformément à notre approche multiservices aux solutions, nous sommes en mesure d’offrir les services périphériques optionnels suivants aux clients qui le souhaitent :

-          consultation

-          hébergement d’applications

-          mise en œuvre de solutions

-          appui mondial 24/7

-          formation

-          services Web

Tensing : Une tradition d’excellence

Avec plus de 20 ans d’expérience, Tensing est une entreprise qui élabore des applications et des logiciels de mobilité et se spécialise dans l’implémentation internationale visant à favoriser la mobilité des entreprises.

Les solutions Tensing sont utilisées par des milliers de travailleurs de première ligne en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et au Moyen-Orient pour une large gamme d’applications comme les commandes numériques, le suivi et la localisation, la gestion de flotte, le géocodage, la répartition et l’établissement d’horaires, la navigation et la transmission de messages. Les industries des services sur le terrain, les services publics, le transport, la sécurité municipale et publique apprécient la valeur ajoutée qu’apporte notre large gamme de produits et de services de consultation.

[47]           Contrairement aux arguments de l’Opposante selon laquelle la présente affaire correspond parfaitement à la décision Allergan, j’estime qu’il faut établir une distinction entre les faits des deux affaires. Plus précisément, dans Allergan, le déposant n’avait pas été en mesure de retracer la marque sur le site Web du requérant. En l’espèce, la Marque figure manifestement sur le site Web de la Requérante et l’Opposante s’appuie sur l’interprétation que donne le déposant de ce qu’offre la Requérante en matière de marchandises et services pour appuyer son allégation selon laquelle la Marque n’était pas utilisée dans l’UE à la date pertinente. C’est la raison pour laquelle il existe manifestement une différence entre la présente affaire et Allergan.

[48]           Je considère que l’affidavit de Bryan ne démontre pas que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[49]           Vu ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’al. 30d) de la Loi est rejeté.

 

Décision

[50]           En vertu du pouvoir qui m’est délégué au par. 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition aux termes du par. 38(8) de la Loi.

______________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.