Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS TRADUCTION

Référence : 2011 COMC 41

Date de la décision : 2011-03-07

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Memphis Blues Barbeque House Ltd. à l’encontre de la demande no 1,301,859 pour la marque de commerce MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS au nom de T.J.C. Rombos Investments Inc.

 

[1]               Le 16 mai 2006, 405379 Ontario Limited, a legal entity, t.a. Memphis BBQ & Wicked Wings (la Requérante initiale) a produit une demande d’enregistrement pour la marque MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS (la Marque). La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les couvre-chefs, nommément tuques, casquettes de baseball; vêtements, nommément, tee-shirt, pulls d’entraînement. La demande est aussi fondée sur l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services de restaurant depuis au moins aussi tôt que le 1er mars 2006. Il y a eu désistement du droit à l’usage exclusif des mots MEMPHIS BBQ et WINGS en dehors de la Marque, pour ce qui est des services seulement.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 13 juin 2007.

[3]               Le 9 novembre 2007, Memphis Blues Barbeque House Ltd. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante initiale a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l’Opposante.

[4]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de George Siu, souscrit le 12 décembre 2008 (Affidavit de Siu no 1)

[5]               Le 12 mai 2009, une cession de la demande a été enregistrée en faveur de T.J.C. Rombos Investments Inc. (Rombos Investments). La Requérante initiale et son ayant-droit, Rombos Investments, seront collectivement désignés comme la Requérante.

[6]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Carla Edwards et de Chris Rombos, souscrits respectivement le 29 juin 2009 et le 9 juillet 2009.

[7]               À titre de contre-preuve, l’Opposante a produit un second affidavit de George Siu (Affidavit de Siu no 2) et l’affidavit de Megan Sargent, tous deux souscrits le 10 août 2009.

[8]               Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

[9]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit. Les parties n’ont pas demandé la tenue d’une audience.

Résumé des motifs d’opposition et des dates pertinentes applicables

[10]           L’Opposante a plaidé neuf motifs d’opposition fondés sur la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), qui peuvent être résumés comme suit :

1.            suivant l’alinéa 38(2)a), la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) parce que la Requérante n’a pas employé la Marque pour les services revendiqués depuis la date mentionnée dans la demande;

 

2.            suivant l’alinéa 38(2)a), la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i), parce que la Requérante ne peut pas être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque en liaison avec les services décrits dans la demande, étant donné la [TRADUCTION] « similitude susceptible de créer de la confusion entre la Marque et l’enregistrement de la marque de commerce de l’Opposante, MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, et parce que les services de l’Opposante sont vendus dans le même domaine d’activité que ceux de la Requérante, à savoir, les services de restaurant »;

3.            suivant l’alinéa 38(2)b), la Marque n’est pas enregistrable parce que, contrairement à l’alinéa 12(1)d), elle crée de la confusion avec la marque MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, enregistrée et employée au Canada par l’Opposante en liaison avec des services identiques vendus par les mêmes voies commerciales;

4.            suivant l’alinéa 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, ainsi qu’il est prévu à l’alinéa 16(1)a), à la date où la Requérante a en premier lieu ainsi employé sa Marque, celle-ci créait de la confusion avec la marque MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, antérieurement employée au Canada par l’Opposante pour des services de restaurant;

5.            suivant l’alinéa 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, comme il est prévu à l’alinéa 16(1)b), à la date où la Requérante a en premier lieu ainsi employé sa Marque, celle-ci créait de la confusion avec la marque MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par l’Opposante pour des services de restaurant;

6.            suivant l’alinéa 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, comme il est prévu à l’alinéa 16(1)c), à la date où la Requérante a en premier lieu ainsi employé son nom commercial, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, antérieurement employé au Canada par l’Opposante pour des services de restaurant;

7.            suivant l’alinéa 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, comme il est prévu à l’alinéa 16(3)a), à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, antérieurement employée au Canada par l’Opposante pour des vêtements;

8.            suivant l’alinéa 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, comme il est prévu à l’alinéa 16(3)c), à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial bien connu MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE, antérieurement employé au Canada par l’Opposante;

9.            suivant l’alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive, parce qu’elle ne distingue pas véritablement, et n’est pas adaptée à distinguer, les marchandises et les services de la Requérante de ceux de l’Opposante en liaison avec lesquels sont employés la marque de commerce et le nom commercial MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE.

[11]           Voici les dates pertinentes applicables aux différents motifs d’opposition :

-          article 30 ─ la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

 

-          alinéas 12(1)d) ─ la date de la décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

 

-          paragraphe 16(1) ─ la date de premier emploi revendiquée par la Requérante;

 

-          paragraphe 16(3) ─ la date de production de la demande;

 

-          article 2 ─ la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Fardeau de la preuve

[12]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de présenter une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.), à la page 298].

Résumé de la preuve

Affidavit de Siu no 1

[13]           Le premier affidavit de M. Siu, président de l’Opposante, comporte les renseignements suivants :

         L’Opposante, établie à Vancouver, offre des services de restaurant et de traiteur.

         L’Opposante est propriétaire de l’enregistrement nLMC599073 pour MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE (voir pièce « A »); l’enregistrement revendique l’emploi en liaison avec les services de restaurant et de traiteur depuis au moins aussi tôt que le 31 août 2001, et se désiste du droit à l’usage exclusif de BARBEQUE en dehors de la marque.

         [TRADUCTION] « MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE est la marque principale de [l’Opposante] et a été employé avec les services de restaurant et de traiteur depuis au moins aussi tôt que le 31 août 2001. » (M. Siu fait cette simple déclaration sans fournir de preuve d’emploi à cette date.)

         L’Opposante exploite un site Web à l’adresse www.memphisbluesbbq.com, qui est accessible au Canada et sur lequel figure bien en vue la marque de commerce MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE (voir pièce « B » qui consiste en une page non datée, excepté pour un dessin daté de 2008).

         L’Opposante fournit aux clients des menus de mets à emporter en guise de publicité pour ses services (voir pièce « C », qui est non datée).

         L’Opposante distribue des dépliants publicitaires arborant sa marque (voir pièce « D » qui consiste en une page non datée).

         L’Opposante vend un livre de ses recettes [TRADUCTION] « au comptoir de chacun des restaurants pour que les clients soient au courant de son entreprise de restaurant et de traiteur » (voir pièce « E » qui consiste en deux pages non datées).

Affidavit de Rombos

[14]           M. Rombos, président de Rombos Investments, fournit les renseignements suivants :

         La Requérante fait usage de la Marque au Canada depuis le 1er mars 2006 en liaison avec les services de restaurant, de mets à emporter et de traiteur. (M. Rombos fait cette simple déclaration sans fournir de preuve d’emploi à cette date.)

         Rombos Investments est propriétaire et concédante de licence de la Marque et, conformément à un contrat de licence, elle exerce un contrôle sur la nature et la qualité des marchandises et services fournis par son licencié sur le lieu où la Marque est utilisée; il en a été ainsi depuis que Rombos Investments a octroyé une licence de sa propriété le 1er avril 2009. (M. Rombos n’a pas fourni le nom du licencié.)

         Entre le 1er mars 2006 et le 9 juillet 2009, le chiffre d’affaires des restaurants en liaison avec MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS au Canada a été d’au moins 1,4 million de dollars (les chiffres annuels sont aussi fournis).

         Une photographie montrant l’extérieur d’un restaurant à Woodbridge (Ontario) affichant la Marque a été fournie comme pièce « A » (la signalisation comporte une référence à l’année 2007).

         Un menu des mets à emporter sur lequel la Marque est apposée, représentatif des menus offerts par la Requérante depuis le 1er mars 2006, a été fourni comme pièce « B ».

         Des « publireportages » sur l’entreprise de la Requérante qui font mention de la Marque sont parus en 2007 dans le magazine Toronto Life et dans le journal le National Post (voir pièce « C »).

         Un blogue, daté de 2009, concernant la Marque et les services de la Requérante a été fourni comme pièce « D ».

         La Requérante a commencé à faire de la publicité de façon continue dans les journaux de la région avant même l’ouverture de son restaurant; quatre factures pour des dépenses publicitaires, à savoir des annonces dans les journaux de la région pour promouvoir le restaurant MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS, et portant les dates 2006-03-03, 2006-03-26, 2006-03-10 et 2006-04-30, ont été fournies (voir pièce « E »).

         Une publicité sur Internet, parue en 2009, faisant voir la Marque de la Requérante, a été fournie comme pièce « F ».

         Du 1er mars 2006 au 9 août 2009, les dépenses publicitaires au Canada en liaison avec le restaurant MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS ont dépassé les 12 000 $ (les chiffres annuels sont aussi fournis).

Affidavit d’Edwards

[15]           Mme Edwards, secrétaire au service des agents de la Requérante, fournit les renseignements suivants :

         Des renseignements sur le [TRADUCTION] « barbecue façon Memphis » obtenus sur Internet (voir pièces « A », « C » et « D »); ces pages indiquent que la ville de Memphis, au Tennessee, est reconnue pour sa façon particulière de faire du barbecue et qu’elle accueille un championnat du monde de barbecue.

         Des renseignements sur le « Memphis blues » provenant d’Internet (voir pièce « B »); ces pages indiquent que le Memphis blues est un type de blues qui est apparu dans les environs de Memphis.

         Des inscriptions provenant du site www.canada411.ca, datées du 24 juin 2009, obtenues à la suite d’une recherche de numéros de téléphone pour « Memphis Mike’s BBQ », traiteur, et « Memphis Smoke House », restaurant (voir pièces « E » et « F »).

Affidavit de Sargent

[16]           En réponse à l’affidavit d’Edwards, Mme Sargent, assistante juridique au cabinet d’agents de marque représentant l’Opposante, fournit les renseignements suivants, qu’elle a obtenus le 10 août 2009 :

         Les résultats d’une recherche dans la base de données sur les marques de commerce du site Internet de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour les mots « MEMPHIS » dans Repérage de MC et « restaurant » dans Services (voir pièce « A »); seulement deux marques de commerce actives ont été localisées, à savoir celles des parties en cause.

         Les résultats d’une recherche, limitée aux pages du Canada, dans Google contenant le terme « memphis barbeque » (voir pièce « B »); seulement les dix premiers résultats d’une liste d’environ 25 600 résultats ont été fournis – le premier est une longue liste d’entreprises spécialisées en barbecue à proximité de Memphis, au Tennessee; toutes les autres inscriptions, excepté la quatrième, sont liées à la marque de l’Opposante, MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE; la quatrième inscription est liée à la Marque de la Requérante, MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS.

         Les résultats d’une recherche dans Google pour le terme « memphis barbeque Canada » (voir pièce « C »); seulement les dix premiers résultats d’une liste d’environ 17 300 résultats ont été fournis – la première inscription est une page d’information sur MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE; la deuxième est une page sur MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS; la troisième est un article tiré du site www.foodtv.ca intitulé « The Memphis Barbecue Tour » dans lequel il est mentionné que Memphis est l’une des villes américaines les plus reconnues pour le barbecue; la quatrième est une liste d’entreprises à proximité de Memphis, au Tennessee; les quatre inscriptions suivantes mentionnent la marque de l’Opposante, MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE; l’avant-dernière concerne un traiteur spécialisé en barbecue à Kelowna et définit le barbecue de Memphis; la dernière est une recette dite « facile » de côtes levées au barbecue façon Memphis.

         Les résultats d’une recherche sur le site www.canada411.ca de « Memphis » sous « nom d’entreprise » et de « Canada » sous « lieu » (voir pièce « D »); bien que la recherche ait donné 21 résultats, seulement les 13 premiers ont été fournis – les inscriptions concernaient, outre les restaurants Memphis Blues Barbeque House, une taverne appelée Little Memphis Cabaret et quatre restaurants appelés respectivement Memphis Belle, Memphis Belles, Memphis BBQ et Memphis Blues Bbq.

         Les résultats d’une recherche sur le site www.canada411.ca de « Memphis barbeque » sous « nom d’entreprise » et de « Canada » sous « lieu » (voir pièce « E »); la recherche a donné neuf noms d’entreprises desservant le Canada – il y avait cinq inscriptions pour Memphis Blues Barbeque House; une pour Memphis BBQ; deux pour Memphis Blues Bbq; et une pour Memphis Mike’ s BBQ (la dernière entreprise est désignée comme étant un traiteur, tandis que les autres correspondent à des restaurants).

Affidavit de Siu no 2

[17]           Au début de son second affidavit, M. Siu déclare qu’il s’agit d’une réponse à l’affidavit de M. Rombos. Toutefois, je souscris à l’argument de la Requérante selon laquelle cet affidavit ne constitue pas une preuve en réponse régulière. Le second affidavit de M. Siu fournit i) des copies d’une lettre de mise en demeure et d’une lettre de suivi envoyées à la Requérante par l’Opposante, et ii) des renseignements et pièces concernant l’emploi et la réputation de la marque de l’Opposante. La preuve contenue dans le second affidavit de M. Siu aurait dû être produite en preuve principale ou une fois la permission accordée, conformément au paragraphe 44(1) des Règlements sur les marques de commerce, DORS/96-195. J’écarte alors la totalité du second affidavit de M. Siu parce que la façon dont il a été produit le rend inadmissible. [Voir London Life Insurance Co. c. Manufacturers Life Insurance Co. (1996), 67 C.P.R. (3d) 563 (C.O.M.C.), conf. par 87 C.P.R. (3d) 229 (C.F.P.I.).]

Motifs rejetés du fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial

[18]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante n’a présenté des arguments que pour les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d) et 30b). Bien qu’il ne soit pas indiqué clairement si l’Opposante retire le reste des motifs d’opposition, ceux-ci peuvent tous être rejetés du fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à leur égard, notamment pour les motifs suivants :

         le motif fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté faute de preuve de mauvaise foi de la part de la Requérante [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155];

         le motif fondé sur l’alinéa 16(1)a) est rejeté faute de preuve recevable établissant l’emploi de la marque de l’Opposante avant le 1er mars 2006;

         le motif fondé sur l’alinéa 16(1)b) est rejeté faute de preuve d’une demande pendante pour la marque de l’Opposante au 1er mars 2006 (l’Opposante avait peut-être eu l’intention de s’appuyer sur la demande qui a donné lieu à l’enregistrement nLMC599073, mais cette demande n’était pas pendante à la date pertinente puisqu’elle a donné lieu à l’enregistrement le 12 janvier 2004 : voir le paragraphe 16(4) et Gouverneur et Compagnie d’aventuriers d’Angleterre faisant la traite à la Baie d’Hudson, communément appelée la Cie de la Baie d’Hudson c. Kmart Canada Ltd. (1997), 76 C.P.R. (3d) 526 (C.O.M.C.), à la page 528);

         le motif fondé sur l’alinéa 16(1)c) est rejeté faute d’une preuve recevable établissant l’emploi du nom commercial de l’Opposante avant le 1er mars 2006;

         le motif fondé sur l’alinéa 16(3)a) est rejeté faute d’une preuve recevable établissant l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante avant le 16 mai 2006;

         le motif fondé sur l’alinéa 16(3)c) est rejeté faute d’une preuve recevable établissant l’emploi du nom commercial de l’Opposante avant le 16 mai 2006;

         le motif fondé sur le caractère distinctif est rejeté parce que la preuve recevable de l’Opposante n’établit pas que sa marque ou son nom commercial avaient au Canada une réputation importante, significative ou suffisante en date du 9 novembre 2007 [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)].

Je souligne que la déclaration d’emploi dans l’enregistrement de l’Opposante n’est pas suffisante pour lui permettre de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait eu égard aux motifs d’opposition relatifs au droit à l’enregistrement et au caractère distinctif [voir Rooxs, Inc. c. Edit-SRL (2002), 23 C.P.R. (4th) 265 (C.O.M.C.)].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[19]           L’Opposante s’est acquittée du fardeau initial à l’égard de ce motif parce que son enregistrement de la marque MEMPHIS BLUES BARBEQUE HOUSE est encore en vigueur.

[20]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[21]           En appliquant le test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles que mentionne expressément le paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. On n’accordera pas forcément la même importance à tous les facteurs qui viennent d’être mentionnés. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[22]           Ni l’une ni l’autre des marques des parties ne possède un fort caractère distinctif inhérent. Les désignations géographiques, comme MEMPHIS, n’ont pas de caractère distinctif inhérent. [Voir California Fashion Industries Inc. c. Reitmans (Canada) Ltd. (1991), 38 C.P.R. (3d) 439 (C.F.P.I.), par. 13]. Les mots qui décrivent le genre de nourriture servi dans les restaurants des parties, tels que BARBEQUE, BBQ et WINGS, ne possèdent pas non plus de caractère distinctif inhérent. L’élément le plus distinctif de la marque de l’Opposante est le mot BLUES. L’élément le plus distinctif de la Marque de la Requérante est le mot WICKED. Dans l’ensemble, j’estime que les marques des parties possèdent des caractères distinctifs inhérents équivalents.

[23]           Outre le sens géographique du mot MEMPHIS, la preuve soumise indique que le mot Memphis évoque également un style de cuisson au barbecue. L’Opposante n’a pas contesté cet argument – elle a plutôt fait valoir qu’aucune preuve ne démontre que les Canadiens soient au courant de ce sens.

[24]           Une marque peut acquérir son caractère distinctif du fait de son emploi ou de sa promotion. Bien que la preuve principale de M. Siu démontre l’emploi et la promotion de la marque de l’Opposante, la mesure dans laquelle cela a été fait n’est pas précisée. En revanche, la preuve de M. Rombos me permet de conclure que la Marque de la Requérante a acquis, à un certain degré, un caractère distinctif. Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée en bonne et due forme, je conclus que la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues milite en faveur de la Requérante.

La période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[25]           En s’appuyant uniquement sur les dates de premier emploi revendiquées par les parties, la considération de la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage favorise l’Opposante. Toutefois, faute d’une preuve démontrant un emploi continu de la marque de l’Opposante depuis la date de premier emploi revendiquée, ce n’est pas une circonstance particulièrement importante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises

[26]           Les parties offrent le même genre de services et rien dans leur état déclaratif des services n’indique que les voies de commercialisation empruntées pouvaient être restreintes. Par conséquent, le genre de services et d’entreprise joue en faveur de l’Opposante.

[27]           Je fais toutefois remarquer qu’aucune preuve n’indique que l’Opposante vend des vêtements.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[28]           Il est bien établi que c’est la première partie d’une marque de commerce qui importe le plus pour ce qui est de son caractère distinctif. Toutefois, lorsque la première partie d’une marque est un mot courant, descriptif ou suggestif, son importance diminue [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Éditions Modernes (1979), 26 C.P.R. (2d) 183 188 (C.F.P.I.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)].

[29]           Puisque le mot MEMPHIS, qui apparait dans les deux marques, est une désignation géographique, son importance est diminuée. La Marque de la Requérante évoque principalement le genre de nourriture qu’une personne s’attend à recevoir dans les restaurants correspondants. La marque de l’Opposante suggère aussi le genre de nourriture qu’une personne s’attend à recevoir, mais l’ajout du mot BLUES, faisant partie du terme MEMPHIS BLUES, suggère également une ambiance avec ce genre de musique ou, comme la Requérante le dit, un établissement spécialisé dans le barbecue où l’on peut entendre du Memphis blues.

Autres circonstances de l’espèce

i) La preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[30]           La preuve de l’état du registre indique que dans le domaine d’activité des parties, aucune marque de commerce déposée appartenant à un tiers ne contient le mot MEMPHIS. Cependant, la preuve de la Requérante a démontré que, dans ce même domaine d’activité, deux entités au Canada utilisent le mot MEMPHIS dans leurs noms commerciaux (voir l’affidavit d’Edwards). En outre, l’Opposante a elle-même produit une preuve qui non seulement confirme l’existence d’une de ces deux entreprises, mais témoigne également du fait qu’au moins trois autres entreprises au Canada oeuvrent dans le domaine d’activité des parties (voir l’affidavit de Sargent).

Conclusion

[31]           En l’espèce, je suis convaincu que les différences entre les marques sont suffisantes dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent pour qu’il y ait peu de chances de confusion entre les marques dans leur ensemble. Je précise que dans le cas de marques faibles, de légères différences peuvent suffire à distinguer une marque de l’autre [voir par exemple : GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. et al. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (C.F.P.I.); Associated Brands Inc. c. Scott Paper Ltd. (2004), 43 C.P.R. (4th) 361 (C.O.M.C.)].

[32]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[33]           L’Opposante fait valoir que la Requérante n’a pas utilisé la Marque depuis la date revendiquée au vu de deux choses : i) la recherche exécutée par Mme Sargent sur le site de Canada 411 a donné des résultats pour « Memphis BBQ », mais pas pour « Memphis BBQ & Wicked Wings »; et ii) les pièces « A » et « B » afférentes à l’affidavit de M. Rombos mettent davantage l’accent sur les mots MEMPHIS BBQ que sur les mots & WICKED WINGS et incorporent des éléments graphiques. Toutefois, une telle preuve ne suffit pas pour que l’Opposante s’acquitte du fardeau de preuve initial que lui impose l’alinéa 30b). D’abord, la preuve déposée par Mme Sargent concerne ce qui est (ou n’est pas) apparu en 2009, alors que la date pertinente est le 1er mars 2006. Ensuite, la Requérante a demandé l’enregistrement de la marque MEMPHIS BBQ & WICKED WINGS sans restriction quant à une présentation particulière et l’emploi qui en est fait dans les pièces « A » et « B », produites par M. Rombos, constitue un emploi de la marque faisant l’objet de la demande [en général, voir Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, et Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale Pour L’Informatique CII Honeywell Bull Societe Anonyme et al. (1985) 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.)].

[34]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

Décision

[35]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jill Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

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