Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2012 COMC 42

Date de la décision : 2012-03-02

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de 1772887 Ontario Limited et de sa prédécesseure en titre Toronto Life Publishing Company Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,453,378 pour la marque de commerce FASHIONISM & Dessin au nom de Bell Canada

[1]               Le 28 septembre 2009, Bell Canada (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce FASHIONISM & Dessin (la Marque), reproduite ci‑dessous, sur le fondement de l’emploi de cette marque au Canada, depuis le 31 août 2008 au moins, en liaison avec l’« [e]xploitation d’un site Web de divertissement diffusant de l’information dans le domaine du style de vie, nommément de la mode et de la beauté, présentant des articles, des blogues, des galeries de photos, des concours, des bulletins d’information et du contenu créé par les utilisateurs; [des] services de publicité, nommément publicité de marchandises et de services de tiers; [des] services de promotion, nommément promotion de marchandises et de services de tiers permettant à des commanditaires d’associer leurs marchandises et leurs services à du contenu Internet » (les Services).

FASHIONISM & DESIGN

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 24 mars 2010.

[3]               Le 24 août 2010, 1772887 Ontario Limited et sa prédécesseure en titre Toronto Life Publishing Company Limited (collectivement appelées l’Opposante) ont produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués peuvent être résumés ainsi :

  • La Requérante n’a pas employé la Marque à compter de la date de premier emploi déclarée, contrevenant à l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

 

  • À la date du dépôt de la demande d’enregistrement visant la Marque, la Requérante était ou aurait dû être au courant de l’existence de l’Opposante ainsi que de l’emploi et de la notoriété des marques de commerce mentionnées ci‑dessous dans les motifs fondés sur l’alinéa 12(1)d) et l’absence de droit. Elle ne pouvait donc être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque comme l’exige l’alinéa 30i) de la Loi.

 

  • La Marque n’est pas enregistrable, aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque déposée FASHION18 de l’Opposante, enregistrée le 21 février 2005 sous le no LMC633,226.

 

  • Aux termes des alinéas 16(1)a) et b) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, car cette marque, à la date de son premier emploi, créait de la confusion avec les marques de commerce suivantes de l’Opposante, visées par une demande d’enregistrement et/ou employées au Canada depuis une date de beaucoup antérieure à la date de premier emploi de la Marque :
    • la marque déposée FASHION18, LMC633,226 – enregistrée le 21 février 2005 pour emploi en liaison avec les marchandises « publications imprimées, nommément un magazine et des bulletins » et les services « Services d’Internet, nommément services de magazine électronique et de site Web disponibles sur le Web destinés aux consommateurs; services médiatiques, nommément services éducatifs et informatifs ayant tous trait à des magazines; services de divertissement, nommément création et production de spectacles télédiffusés et radiodiffusés destinés aux consommateurs et CD et DVD préenregistrés pouvant être achetés par les consommateurs »;
    • la demande no 1447752 – FASHION – produite le 31 juillet 2009, visant les marchandises : [traduction] « magazines », et les services : [traduction] services Internet, nommément, services d’information prenant la forme de magazines électroniques et services de publication au moyen du Web ».

 

  • Compte tenu des faits énoncés à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d) et l’article 16, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi et ne peut le devenir.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration niant les allégations de l’Opposante et en exigeant la preuve. Je constate que la contre‑déclaration de la Requérante renferme également des éléments relevant de la preuve ou de l’argumentation. Plus particulièrement, elle (a) présente une preuve d’état du registre relativement au mot FASHION, (b) elle mentionne le fait que l’examinateur n’a pas soulevé l’objection de l’existence des marques de l’Opposante lors de l’examen de la demande d’enregistrement de la Marque et (c) elle mentionne le fait que depuis la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la Marque, elle a obtenu l’enregistrement des marques suivantes : FASHIONISM.CA (LMC780,887), FASHIONISM.CA & Dessin (LMC780,886) et FASHIONISM.CA LOVE YOUR LOOK & Dessin (LMC780,885), et elle joint à sa contre‑déclaration des renseignements afférents à ces enregistrements. Je n’attacherai aucun poids à ces arguments et à ces éléments de preuve car ils n’ont pas été versés au dossier dans les règles.

[5]               Conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), l’Opposante a produit en preuve un affidavit accompagné des pièces A à E, souscrit le 4 avril 2011 par Mme Elenita Anastacio, recherchiste en marques de commerce travaillant pour l’agent de l’Opposante, laquelle n’a pas été contre‑interrogée sur affidavit. Mme Anastacio a joint à son affidavit les renseignements afférents à l’enregistrement no LMC633,226 visant la marque de commerce FASHION18 et à la demande d’enregistrement no 1,447,752 visant la marque de commerce FASHION. Mme Anastacio a également joint le résultat de recherches effectuées dans la base de données FPInfomart et de recherches effectuées au moyen du service d’archivage Internet Wayback Machine.

[6]               La Requérante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de sa demande.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit.

[8]               Une audience a été tenue et les deux parties y étaient représentées.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[9]               C’est sur la Requérante que repose le fardeau ultime de démontrer selon la prépondérance des probabilités que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[10]           Voici quelles sont les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition :

         alinéa 38(2)a)/alinéas 30b) et i) – la date de production de la demande [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475 (C.O.M.C.), et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428, p. 432 (C.O.M.C.)],

         alinéas 38(2)b)/12(1)d)la date de la décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)],

         alinéas 38(2)c)/16(1)a) et b) – la date de premier emploi déclarée [voir le paragraphe 16(1) de la Loi],

         alinéas 38(2)d/article 2 –la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Les motifs d’opposition fondés sur l’article 30

Alinéa 30i) de la Loi

[11]           Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration requise, et la présente espèce n’est pas un cas exceptionnel; le motif fondé sur l’alinéa 30i) est donc rejeté.

Alinéa 30b) de la Loi

[12]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est étayé par les pièces B – D de l’affidavit de Mme Anastacio.

[13]           Le 14 mars 2011, Mme Anastacio a effectué une recherche dans la base de données FPInfomart au sujet du mot FASHIONISM employé en liaison avec « Bell Canada ». Elle déclare que cette base de données est [traduction] « le plus important fournisseur de services de renseignements sur les entreprises et de services de dépouillement de médias, et compte plus de 275 sources de nouvelles d’un océan à l’autre […] FPInfomart.ca donne accès en texte intégral aux archives de plus de 1 100 journaux, magazines, fils de presse, transcriptions, blogues et sources nationales, régionales et internationales … ». Elle déclare aussi qu’elle n’a relevé aucune occurrence de FASHIONISM en liaison avec Bell Canada antérieure au 1er septembre 2008 (pièce B). Sa recherche, couvrant la période du 1er janvier 2007 à la date de la recherche) a permis de repérer une mention concernant Bell Canada et le site Web www.fashionism.ca (pièce B), en date du 12 juillet 2010.

[14]           Mme Anastacio a également effectué une recherche concernant le site Web www.fashionism.ca dans le système d’archives Internet Wayback Machine. Elle fournit les résultats d’une recherche dans l’annuaire Internet WHOIS au sujet du propriétaire de fashionism.ca indiquant que le nom de domaine est la propriété de la Requérante et qu’il a été créé le 28 janvier 2008 (pièce C). Mme Anastacio était chargée d’imprimer la version archivée du site Web www.fashionism.ca tel qu’il était en date du 31 août 2008 ainsi que du contenu auquel renvoyaient les liens du site Web archivé. Elle a déclaré que la majeure partie des liens n’ont produit aucun renseignement supplémentaire (pièces C et D). Je relève que la pièce C de l’affidavit de la déposante montre, comme celle‑ci l’a indiqué à l’audience, que la Marque figure en regard de contenus axés sur la mode.

[15]           La Requérante qualifie ces pièces jointes à l’affidavit Anastacio de ouï‑dire et s’oppose à leur dépôt en preuve. J’estime que Mme Anastacio a établi la fiabilité de la base de données FPInfomart. Je signale en outre que les éléments de preuve relatifs à des versions antérieures de sites Web, obtenus au moyen de Wayback Machine, ont généralement été jugés fiables [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), infirmée pour d’autres motifs par 2008 C.A.F. 100]. En conséquence, je ne puis retenir l’argument de la Requérante selon lequel l’affidavit de Mme Anastacio dans son ensemble est inadmissible.

[16]           Selon l’Opposante, je devrais conclure de la déclaration de Mme Anastacio portant que la plupart des liens de la version archivée en date du 31 août 2008 du site Web de la Requérante ne révèle aucun renseignement supplémentaire que le site était alors en construction et que la Requérante n’offrait donc aucun des Services à cette date. Le simple fait que les liens d’une version archivée d’un site Web datant de quelques années n’étaient pas fonctionnels ne m’incline pas à tirer une telle conclusion. On ne m’a présenté aucun élément de preuve sur les fonctionnalités de sites Web archivés trouvés au moyen de Wayback Machine.

[17]           Après examen de l’affidavit de Mme Anastacio dans son ensemble, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a satisfait au fardeau de preuve découlant de l’alinéa 30b) de la Loi. Plus précisément, les résultats de la recherche dans l’annuaire WHOIS indiquent que la Requérante a créé le domaine fashionism.ca au mois de janvier 2008, et les résultats obtenus par Wayback Machine, que le site Web www.fashionism.ca était en activité et affichait du contenu en liaison avec la Marque le 31 août 2008. Aucun de ces faits n’est incompatible avec la date de premier emploi déclarée, à savoir le 31 août 2008.

[18]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’alinéa 30b) de la Loi est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[19]           S’agissant du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), un opposant satisfait à son fardeau initial de preuve si les enregistrements qu’il invoque sont en règle à la date de la décision relative à l’opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire en l’espèce, et je confirme que l’enregistrement relatif à la marque de commerce FASHION18 est toujours valide; l’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve. Il me faut à présent évaluer si la Requérante a satisfait au sien.

[20]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[21]           En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles que mentionne expressément le paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : (a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, (b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, (c) le genre de marchandises, services ou entreprises, (d) la nature du commerce et (e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.).]

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[22]           Les marques des parties ont en commun le mot « fashion ». Je puis prendre connaissance d’office de la définition de ce mot donnée par des dictionnaires [voir Envirodrive Inc. c. 836442 Canada Inc., 2005 ABQB 446, et Aladdin Industries, Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd. (1969), 57 C.P.R. 230 (C. de l’É.), confirmé par (1974), 6 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.)]. Le Canadian Oxford Dictionary renferme la définition suivante : [traduction] « habitude ou style populaire du moment, plus particulièrement en matière vestimentaire ou de conduite en société ».

[23]           Il appert du libellé des Services, que certains d’entre eux se rapportent expressément à la mode. Les marchandises et services de l’Opposante se rapportent à divers types de publications. Le mot « fashion » suggère donc la nature des marchandises et services des parties, et il ne possède pas de caractère distinctif inhérent.

[24]           Je signale qu’en concluant à l’absence de caractère distinctif inhérent du mot « fashion », je n’ai accordé aucun poids à l’argument non étayé de la Requérante posant qu’il s’agit d’un mot usuel dans l’industrie. L’assertion relative à l’état du registre figurant dans la contre‑déclaration de la Requérante n’a pas valeur d’élément de preuve. En effet, la preuve relative à l’état du registre ne peut être prise en compte lorsqu’elle est présentée dans un acte de procédure et qu’elle n’est pas accompagnée d’une copie certifiée des enregistrements ou, à tout le moins, d’un affidavit fournissant des détails au sujet des enregistrements invoqués [voir Unitron Industries Ltd. c. Miller Electronics Ltd. (1983), 78 C.P.R. (2d) 244, p. 253 (C.O.M.C.)]. En outre, il est bien établi en droit que, lorsqu’il statue en matière d’opposition, le registraire ne jouit pas du pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance du registre, sauf pour vérifier l’existence des enregistrements de marques de commerce ou demandes d’enregistrement invoqués [voir Quaker Oats, p. 411, et Royal Appliance Mfg. Co. c. Iona Appliance Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 525 (C.O.M.C.)]. Les parties à une instance en opposition doivent prouver conformément à des règles de preuve relativement strictes tous aspects de leur thèse [voir Loblaw’s Inc. c. Telecombo Inc., 2004 CarswellNat 5135, par. 13 (C.O.M.C.)].

[25]           Dans la Marque, le suffixe « ism » est ajouté au mot « fashion », ce qui en fait un mot inventé. La Requérante en tire l’argument que la marque ainsi inventée n’a pas de sens particulier, hormis qu’elle suggère l’idée de mode. L’Opposante, quant à elle, a soutenu à l’audience que « ism » dénote une croyance commune en un principe; selon elle, tout comme « communism » suggère une croyance commune en des idées communistes « fashionism » suggère une croyance commune relative à la mode. Cette interprétation du suffixe « ism » n’est étayée par aucun élément de preuve. Le Canadian Oxford Dictionary indique que ce suffixe intervient dans la création de substantifs dérivés pouvant avoir diverses connotations.

[26]           La Marque comporte également des éléments graphiques prenant la forme de texte stylisé où la lettre A est remplacée par la représentation d’une femme tenant des sacs d’emplettes.

[27]           J’ai pris en considération les arguments de l’Opposante et les définitions du dictionnaire, mais je demeure d’avis que la Marque, du fait qu’il s’agit d’un mot inventé incorporant des éléments graphiques, possède un caractère distinctif inhérent supérieur à la marque FASHION18, laquelle est simplement constituée par l’adjonction de 18 au mot « fashion ».

[28]           L’emploi ou la promotion d’une marque peut en accroître le caractère distinctif, mais ni l’une ni l’autre des parties n’ont présenté de preuve concernant l’emploi ou la promotion de leur marque au Canada. Certes, l’enregistrement de l’Opposante est fondé sur l’emploi au Canada, mais cela peut tout au plus faire présumer un emploi de minimis de la marque FASHION18 [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.) p. 430], lequel ne permet pas de conclure que la marque est devenue connue dans une mesure appréciable.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[29]           Je ne partage pas l’avis de l’Opposante que ce facteur la favorise. Il est vrai que l’emploi de minimis vaut mieux que l’absence d’emploi, mais sans preuve d’emploi de l’une ou l’autre des marques des parties, ce facteur n’en favorise aucune de façon significative.

Alinéas 6(5)c) et d) – la nature des marchandises, du commerce et des entreprises

[30]           Mon appréciation de ce facteur repose sur l’examen de l’état déclaratif des services de la Requérante tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement par rapport aux marchandises et/ou services visés par l’enregistrement de l’Opposante [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.)].

[31]           Je conviens avec l’Opposante que ses « [s]ervices d’Internet, nommément services de magazine électronique et de site Web disponibles sur le Web destinés aux consommateurs » font qu’il existe un recoupement dans la nature des services des parties.

[32]           Étant donné que certains des Services recoupent les « [s]ervices d’Internet, nommément services de magazine électronique et de site Web disponibles sur le Web destinés aux consommateurs » de l’Opposante et que je ne dispose d’aucun élément de preuve concernant le commerce des parties, j’estime possible que les voies de commercialisation puissent elles aussi se recouper.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[33]           La Cour suprême du Canada a récemment souligné, dans l’arrêt Masterpiece, l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’examen de la probabilité de confusion entre marques au sens de l’article 6 de la Loi (voir par. 49) :

… il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire.  En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[34]           Comme l’a signalé la Requérante, la Cour d’appel fédérale avait indiqué dans United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247, p. 263 (C.A.F.) :

Même s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public.

[35]           La Requérante a soutenu à l’audience que bien que la première partie d’une marque en soit habituellement l’élément le plus important pour fin de distinction (voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.) p. 188), cette importance diminue si la marque est constituée d’un substantif usuel descriptif. Elle fait valoir qu’en l’absence de preuve permettant de conclure que la marque de commerce FASHION18 a acquis un quelconque caractère distinctif, il ne convient pas d’accorder à l’Opposante une protection étendue à l’égard du substantif suggestif «fashion ». Elle invoque à l’appui de cet argument la décision Johnson & Johnson c. Mahrukh Panthakey, 2011 COMC 60, par. 24 (12 avril 2011 C.O.M.C. (inédite), demande no1,141,824), ayant conclu qu’il n’existait pas de confusion entre les marques ACUVUE et ACCUWAVE, employées toutes deux en liaison avec des lentilles de contact, malgré la similitude de leur premier élément.

[36]           Il s’agit d’un argument valable. Qui plus est, la Cour suprême a indiqué récemment, au paragraphe 64 de l’arrêt Masterpiece, que lorsqu’il s’agit de comparer des marques, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique. En l’espèce, c’est l’élément « ism » de la Marque qui ressort, car il confère un caractère distinctif au mot« fashion », qui en est intrinsèquement dépourvu, et c’est lui qui peut donc être considéré comme « frappant » ou « unique ».

[37]           L’élément frappant « ism » de la Marque ne ressemble à aucun élément de la marque FASHION18 par la présentation, le son ou les idées suggérées, et le graphisme de la Marque ajoute un facteur de distinction supplémentaire.

[38]            La confusion est peu probable dans les cas où les marques possèdent des caractéristiques communes mais présentent également des différences dominantes [voir Foodcorp Ltd. c. Chalet Bar B Q (Canada) Inc. (1982), 66 C.P.R. (2d) 56, p. 73 (C.A.F.)].

[39]           Après examen des marques dans leur ensemble, je ne suis pas convaincue, en définitive, que la seule présence du mot suggestif « fashion » dans la Marque suffit à faire conclure à l’existence d’un degré de ressemblance important entre les marques, dans la présentation, le son ou les idées suggérées.

Autres circonstances

[40]           À l’audience, la Requérante a fait état de l’existence de ses enregistrements de marques FASHIONISM : FASHIONISM.CA (LMC780,887), FASHIONISM.CA & Dessin (LMC780,886) et FASHIONISM.CA LOVE YOUR LOOK & Dessin (LMC780,885).

[41]           Je précise que la propriété de ces enregistrements ne confère pas automatiquement à la Requérante le droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque [voir Mister Coffee & Services Inc. c. Mr. Coffee, Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 405 (C.O.M.C.), p. 416, et American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 572 (C.O.M.C.), p. 576].

[42]           J’estime donc que ce facteur constitue une circonstance supplémentaire étayant la position de la Requérante.

Conclusion

[43]           Comme on l’a vu, la Cour suprême du Canada a souligné, dans Masterpiece, l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’analyse du risque de confusion. En l’espèce, je constate que les marques en cause présentent des différences importantes, et j’estime qu’aucun des autres facteurs ne permet à l’Opposante d’annuler l’effet de ces différences. L’Opposante n’a pas prouvé que l’emploi ou la promotion de sa marque de commerce a conféré à celle‑ci un caractère distinctif. Comme on l’a indiqué dans l’analyse relative au facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a), bien que l’enregistrement de l’Opposante soit fondé sur l’emploi de la marque au Canada, l’enregistrement en lui‑même n’établit qu’un emploi de minimis et ne permet pas de conclure à un emploi important et continu [voir Entre Computer]. La protection dont jouit la marque de commerce FASHION18 de l’Opposante a une portée très étroite à cause, notamment, de son faible caractère distinctif inhérent. Par conséquent, bien que les services des parties se recoupent quelque peu, les différences entre les marques et le caractère distinctif inhérent de la Marque font que ce recoupement n’est pas suffisant pour engendrer un risque de confusion.

[44]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, en particulier le caractère distinctif inhérent de la Marque et les différences entre les marques des parties dans la présentation, le son et les idées suggérées, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce FASHION 18. 

[45]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est rejeté.

Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

Alinéa 16(1)a) de la Loi

[46]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante antérieurement utilisées par celle‑ci, l’Opposante a le fardeau initial de prouver qu’au moins une des marques de commerce invoquées à l’appui de son motif d’opposition fondé sur le par. 16(1) de la Loi était employée au Canada avant la date de premier emploi déclarée (le 31 août 2008) et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (le 24 mars 2010) [par. 16(5) de la Loi].

[47]           L’Opposante n’a fourni aucune preuve d’emploi des marques invoquées et, je le répète, la simple existence d’un enregistrement ne peut établir qu’une utilisation de minimis et ne permet pas de conclure à un emploi important et continu de la marque de commerce [voir Entre Computer].

[48]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi est rejeté.

Alinéa 16(1)b) de la Loi

[49]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante, cette dernière a le fardeau initial de prouver que l’une au moins des demandes d’enregistrement invoquées à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) de la Loi était pendante à la date de premier emploi déclarée à l’égard de la Marque, et l’était toujours à la date où la demande d’enregistrement de la Marque a été annoncée [par. 16(5) de la Loi]. Le registraire est investi du pouvoir discrétionnaire de vérifier au registre, dans l’intérêt public, les demandes invoquées par un opposant [voir Royal Appliance]. J’ai exercé ce pouvoir et vérifié l’état des demandes invoquées par l’Opposante.

[50]           Comme je l’ai indiqué dans l’examen du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d), la marque de commerce FASHION18 a été enregistrée le 21 février 2005, de sorte qu’elle n’était plus pendante à la date où la demande d’enregistrement de la Marque a été annoncée. Qui plus est, la demande no 1,447,752 visant la marque de commerce FASHION a été déposée le 31 juillet 2009, c’est‑à‑dire après la date de premier emploi déclarée de la Marque.

[51]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) est rejeté parce qu’il n’est pas valablement invoqué.

Le motif relatif à l’absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)d) de la Loi

[52]           Pour satisfaire au fardeau de preuve initial applicable à ce motif, l’Opposante doit établir que l’une au moins des marques de commerce qu’elle invoque était connue au Canada en date du 24 août 2010, à tout le moins dans une certaine mesure [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.) et Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)].

[53]           L’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve relatif à l’emploi des marques invoquées. L’enregistrement en lui‑même n’établissant qu’un emploi de minimis et ne permettant pas de conclure à un emploi important et continu d’une marque de commerce [voir Entre Computer], les renseignements joints à l’affidavit de Mme Anastacio ne sont donc pas suffisants pour satisfaire au fardeau de l’Opposante à l’égard de ce motif.

Décision

[54]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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