Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 42

Date de la décision : 2014-02-25
TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par YM Inc. (Sales) à l'encontre de la demande no 641,981(1) visant à étendre l'état déclaratif des marchandises et services de l'enregistrement no LMC387,969 de la marque de commerce PLANET au nom de Jacques Vert Group Limited

[1]               Jacques Vert PLC a produit une demande d'extension de l'état déclaratif des marchandises et services associé à sa marque de commerce déposée PLANET afin d'y inclure les bijoux, les montres, les sacs à main, les parapluies et la vente au détail de tels articles, ainsi que les articles vestimentaires et vêtements prêts-à-porter haute couture. YM Inc. (Sales) s'est opposée à cette demande d'extension de l'état déclaratif des marchandises et services pour plusieurs motifs, notamment l'existence d'une probabilité raisonnable de confusion entre cette marque de commerce et sa marque de commerce déposée URBAN PLANET, antérieurement employée et révélée en liaison avec des services de magasin de vente au détail de vêtements. 

[2]               Pour les raisons exposées ci-dessous, j'ai conclu que cette demande d'extension devait être rejetée.

Contexte

[3]               L'enregistrement no LMC387,969 de la marque de commerce PLANET a été accordé à Planet Fashion Limited le 3 août 1991. L'enregistrement vise les marchandises suivantes :

[TRADUCTION]
Manteaux, imperméables, blazers, pantalons, chemisiers, jupes, tailleurs, vestes, gilets en tricot, cardigans, chandails, pull-overs, foulards, ceintures (à vocation vestimentaire), pour femmes et filles.

[4]               Le 12 décembre 2007, Planet Fashion Limited a cédé l'enregistrement no LMC386,969 à Jacques Vert PLC.

[5]               Le 24 avril 2008, Jacques Vert PLC a produit une demande d'extension de l'état déclaratif des marchandises et services compris dans l'enregistrement no LMC387,969 de la marque de commerce PLANET en vue d'ajouter les marchandises et services suivants :

[TRADUCTION]
Marchandises :

(1) Bijoux et montres; sacs à main, sacs-pochettes, sacs de soirée, porte-monnaie, portefeuilles, parapluies.
(2) Bijoux et montres.
(3) Sacs à main et parapluies.

Services :

(1) Vente au détail de bijoux, montres, sacs à main, sacs-pochettes, sacs de soirée, porte-monnaie, portefeuilles, parapluies, tenues de cérémonie, complets-vestons, articles vestimentaires et vêtements prêts-à-porter haute couture, costumes, gilets, manteaux, imperméables, blazers, vestes, pantalons, jupes, chemises, chemisiers, gilets de corps, tee-shirts, cardigans, chandails, chasubles, pull-overs, foulards, châles, ceintures, chapeaux, chaussures de cérémonie, chaussures de soirée, chaussures de plage, chaussures de sport, pantoufles.

[6]               Les revendications relatives à ces modifications sont les suivantes :

         [TRADUCTION]
Employée au CANADA depuis au moins 1997 en liaison avec les marchandises (1) et avec les services.

         Employée au ROYAUME-UNI en liaison avec les marchandises (2), (3).

         Enregistrée auprès de ou pour l'OHMI (UE) le 14 décembre 2001 sous le no 530790 en liaison avec les marchandises (2).

         Enregistrée au ou pour le ROYAUME-UNI le 3 août 1978 sous le no 1099722 en liaison avec les marchandises (3).

[7]               Les modifications envisagées ont été annoncées dans le Journal des marques de commerce du 29 septembre 2010. Le 7 mars 2011, YM Inc. (Sales) (l'Opposante) s'est opposée à la demande sur le fondement de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-‑13 (la Loi). Les deux premiers motifs d'opposition sont fondés sur la non-conformité à l'article 30 de la Loi. Les quatre autres motifs, respectivement fondés sur l'article 12(1)d), l'article 16(1), l'article 16(2) et l'article 38(2)d) de la Loi, sont tous liés à la question de la confusion ente la Marque et la marque de commerce URBAN PLANET de l'Opposante enregistrée sous le no LMC653,892.

[8]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de Jeff Vansteenkiste, employé de Digital Evidence International Inc., et de Hugh Eric Grundy, président-directeur général de l'Opposante, ainsi qu'une copie certifiée de l'enregistrement no LMC653,892 de la marque de commerce URBAN PLANET. Aucun des déposants n'a été contre-interrogé. 

[9]               Jacques Vert Group PLC a choisi de ne pas produire de preuve.

[10]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; une audience a été tenue et les parties y étaient toutes deux représentées.

Questions préliminaires

[11]           Le 15 janvier 2014, une demande modifiée faisant état du changement de nom de Jacques Vert PLC pour Jacques Vert Group Limited ainsi que d’une modification à sa revendication d'emploi visant à inclure l'emploi fait par son prédécesseur en titre Planet Fashions Limited a été produite. Jacques Vert PLC a également demandé l'autorisation de produire une contre-déclaration modifiée reflétant son nom actuel.

[12]           Une lettre en date du 21 janvier 2014 a été envoyée pour signaler que les modifications à la demande avaient été acceptées par le registraire. Jacques Vert Group Limited (la Requérante) a obtenu l'autorisation de produire sa contre-déclaration modifiée le 30 janvier 2014.

[13]           À titre préliminaire, je souligne également qu'à l'audience, l'Opposante a abandonné son motif fondé sur l'article 30e).

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[14]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[15]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         article 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p. 475];

         article 38(2)b)/article 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         article 38(2)c)/article 16(1) – la date de premier emploi revendiquée par la Requérante [voir l'article 16(1)];

         article 38(2)c)/article 16(2) – la date de production de la demande [voir l'article 16(2)];

         article 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d'opposition

Article 30b) – Non-conformité

[16]           L'article 30b) est ainsi libellé :

Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande.

[17]           Comme je l'ai mentionné précédemment, en l'espèce, la Requérante a produit, le 15 janvier 2014, une demande modifiée visant à inclure dans sa revendication d'emploi l'emploi fait par son prédécesseur en titre. Invoquant la décision rendue dans Empire Comfort Systems Inc c. Onward Multi-Corp Inc 2010 COMC 38, la Requérante soutient qu'une demande peut être modifiée à tout moment pour revendiquer l'emploi fait par un prédécesseur en titre. La Requérante soutient, en outre, que la modification à sa demande ne correspond à aucune des interdictions expressément énoncées aux articles 31 ou 32 du Règlement sur les marques de commerce.

[18]           À l'audience, l'Opposante a fait valoir que, à la date pertinente qui s'applique à ce motif (c.-à-d. la date de production de la demande), la présente demande n'était pas conforme à l'article 30b) parce que le prédécesseur en titre n'avait pas encore été nommé à ce moment. Arguant que l'emploi revendiqué n'a pas été fait par la Requérante, l'Opposante soutient que la demande n'était pas conforme à l'article 30b) au moment où elle a été produite.

[19]           L'Opposante a soulevé la question de savoir si la modification apportée par la Requérante avait pour effet de corriger rétroactivement un problème ou une irrégularité présents dans la demande originale. À mon sens, cette situation est similaire à une situation où l'état déclaratif des marchandises initialement produit n'est pas correctement dressé dans les termes ordinaires du commerce, comme l'exige l'article 30a) de la Loi. À cet égard, bien que la date pertinente qui s'applique à l'article 30 soit la date de production de la demande, en l'espèce, j'estime qu'il est approprié d'envisager la Marque dans son état actuel et qu'il ne fait aucun doute que la demande, dans sa version modifiée, est conforme à l'article 30b) de la Loi [voir Ipex Inc c. Royal Group Technologies Ltd (2009), 77 CPR (4th) 297 (COMC)].

[20]           Le second argument avancé par l'Opposante relativement à ce motif est que la Requérante n'avait pas employé la Marque en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services figurant dans la demande à la date de premier emploi revendiquée, à savoir 1997. L'Opposante cite l'affidavit de M. Vansteenskiste à l'appui de ce motif.

[21]           M. Vansteenskiste a effectué dans Internet de vastes recherches par mots clés à l'aide de multiples moteurs de recherche dans le but spécifique de repérer des documents qui corroboreraient les revendications en cause dans la demande. Les marchandises répertoriées sur le site Web The Bay [La Baie] qu'il mentionne dans son affidavit suggèrent une référence aux produits visés par l'enregistrement de marque de commerce LMC641,981 de l'Opposante, mais aucune des marchandises visées par la demande n'est expressément nommée. En outre, aucun élément de preuve de nature à confirmer que la Marque a été employée par la Requérante en liaison avec les services visés par la demande n'a été repéré. 

[22]           L'Opposante soutient qu’il est révélateur que les recherches menées par M. Vansteenskiste pour repérer des éléments de preuve corroborant l'emploi par la Requérante soient restées vaines, étant donné que la Requérante affirme que la Marque est employée au Canada en liaison avec les marchandises et services visés par la demande depuis 16 ans. L'Opposante soutient que si la Marque est effectivement employée depuis 16 ans, il serait raisonnable de s'attendre à trouver en ligne de l'information s’y rattachant, surtout que la demande concerne des produits et des services grand public.

[23]           La Requérante a formulé les observations suivantes quant à la fiabilité de la preuve de M. Vansteenskiste :

         Ses affirmations concernant la date de cession à la Requérante sont inexactes;

         Il a joint le mauvais document comme pièce à son affidavit [para. 7 et pièce B];

         La recherche qu'il a effectuée dans Internet manque de rigueur en ce qui a trait à ses paramètres, sa portée et son exécution;

         Il n'a pas compétence pour donner un avis sur l'emploi d'une marque de commerce.

[24]           Je conviens avec la Requérante qu'il y a lieu de n'accorder qu'un poids limité à la preuve de M. Vansteenkiste pour les raisons invoquées par la Requérante relativement à sa fiabilité. Même si j'accordais pleine valeur probante à sa preuve, je ne suis pas convaincue que l'absence d'une preuve d'emploi de la Marque sur Internet serait suffisante, en soi, pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau. À cet égard, j'ai tenu compte des observations formulées par Mme de Paulsen, membre de la Commission, dans Blistex Inc c. Smith Medical ASD Inc (2012), 106 CPR (4th) 125 (COMC) au para. 19 :

[TRADUCTION]
À l’instar de la Requérante, je suis d’avis que le fait que la Requérante semble, en apparence, absente du site Web www.smiths-medical.com n’est pas suffisant pour satisfaire au fardeau initial qui incombe à l’Opposante. Je souligne que la preuve de l’Opposante ne permet pas d’inférer que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada depuis la date revendiquée dans la demande. L’allégation de l’Opposante s’appuie sur l’hypothèse non vérifiée voulant que l’emploi d’une marque de commerce s’accompagne obligatoirement d’une présence sur Internet. Je ne crois pas que cette hypothèse soit fondée. Le fait que Mme Waked n’ait pas repéré la Requérante et les Marchandises ou produits commercialisés sous la Marque dans le cadre d’une recherche très restreinte dans un seul site Web, qui comprend des références à de nombreuses entités juridiques apparentées, à la marque en cause et à des distributeurs canadiens, ne permet pas à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve.

[25]           Je reconnais que les magasins en ligne sont chose courante depuis un certain temps déjà, mais j'admets également d'office qu'Internet n'en était encore qu'à ses débuts à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante (c.-à-d. en 1997). En outre, dans sa demande, la Requérante ne revendique aucun emploi de la Marque sur Internet. On ne peut donc pas présumer que la Requérante n'a pas employé sa Marque en liaison avec les marchandises ou services visés par la demande du seul fait qu'il n'existe pas de preuve d'emploi de la Marque sur Internet. En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Article 12(1)d) – Non-enregistrabilité

[26]                 L'Opposante allègue également que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec sa marque de commerce URBAN PLANET mentionnée précédemment. J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre, et je confirme que l'enregistrement no LMC653,892 de l'Opposante est en règle [voir Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif.

[27]                 L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[28]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. 

[29]           Les facteurs énumérés ci-dessus ne constituent pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)]. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l'article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues

[30]           Les marques des parties possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent, car le mot PLANET n'est pas descriptif, ni suggestif, des marchandises ou services des parties. La marque de l'Opposante n'est pas aussi intrinsèquement forte que la Marque de la Requérante, car elle comprend le mot URBAN, lequel suggère que les vêtements de l'Opposante ont un style urbain ou sont inspirés de la mode urbaine.

[31]           Quant au caractère distinctif acquis de la marque de l'Opposante, la preuve présentée par le déposant de l'Opposante, M. Grundy, contient les renseignements suivants :

         Le premier magasin URBAN PLANET a ouvert ses portes le 7 juillet 1998, dans le Centre Eaton de Toronto;

         URBAN PLANET est une chaîne de magasins de détail offrant un assortiment de marchandises et accessoires mode;

         Les magasins URBAN PLANET ont connu une croissance importante au Canada, passant d'un seul magasin en 1998 à plus de 86 aujourd'hui;

         Les ventes au Canada en liaison avec la marque de commerce URBAN PLANET sont passées de plus de 1,2 million de dollars en 1998 à plus de 184 millions de dollars en 2009, et étaient supérieures à 186 millions de dollars à la date à laquelle M. Grundy a souscrit son affidavit (c.-à-d. le 20 janvier 2012);

         Depuis janvier 2010, les consommateurs ont la possibilité d'acheter des produits en ligne sur le site Web urban-planet.com;

         Les dépenses totales engagées pour le marketing des magasins de la chaîne URBAN PLANET au Canada se sont élevées à plus de 1,8 million de dollars en 2009 et à plus de 2,4 millions en 2011;

         La marque de commerce URBAN PLANET est annoncée à la radio, dans les journaux et dans les magasins au moyen de matériel imprimé.

[32]           À la lumière des renseignements exposés ci-dessus, je conclus que la marque de l'Opposante est devenue très bien connue dans l'ensemble du Canada.

[33]           Comme il n'y a aucune preuve d'emploi de la Marque, l'examen global de ce facteur favorise l'Opposante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[34]           Compte tenu de ce qui précède, la période pendant laquelle chaque marque a été en usage favorise l'Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[35]           Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des marchandises et services qui figure dans la demande de la Requérante avec les services visés par l'enregistrement de l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c. Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[36]           Les services visés par l'enregistrement de l'Opposante sont décrits comme des [TRADUCTION] « services de magasin de vente au détail de vêtements ». Les marchandises visées par la demande comprennent des bijoux, des montres, des sacs à main et des parapluies, et les services visés par la demande comprennent la vente au détail de ces marchandises ainsi que d'autres marchandises comprenant des tenues de cérémonie, des complets-vestons, des articles vestimentaires et des vêtements prêts-à-porter haute couture, et divers types d'articles chaussants. Les marchandises et services des parties diffèrent dans la mesure où les services visés par la demande comprennent la vente au détail de divers types d'articles chaussants. Quant aux autres marchandises et services visés par la demande, bien qu'ils ne soient pas identiques aux services visés par l'enregistrement de l'Opposante, j'estime qu'ils sont apparentés.  

[37]           La Requérante soutient que les voies de commercialisation des parties sont différentes parce que la Requérante vend sa propre marque de vêtements tandis que l'Opposante vend les marchandises de tiers. La Requérante n'a toutefois produit aucun élément de preuve relativement à ses marchandises et services ou aux voies de commercialisation associées à la Marque. En outre, ni l'enregistrement de l'Opposante ni la demande de la Requérante ne comportent de restrictions quant aux voies de commercialisation. Par conséquent, en l’absence d’une preuve contraire, on peut présumer que les voies de commercialisation des parties se recouperaient également.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[38]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. En outre, bien que la Cour suprême du Canada, dans Masterpiece, ait fait observer que le premier mot d'une marque de commerce peut être l'élément le plus important au chapitre de la distinction [voir également Conde Nast Publications c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.)], elle a également indiqué qu'il était préférable de se demander d'abord si l'un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique. 

[39]           La Requérante soutient que le mot « URBAN » est l'élément dominant et, en ce sens, l'élément le plus important de la marque de l'Opposante. À cet égard, la Requérante prétend que ce mot confère un certain aura à la marque dans son ensemble en ce qu'il évoque la vie urbaine ou revêt une connotation citadine. Étant donné que les consommateurs voient et entendent cet élément de la marque de l'Opposante en premier, la principale idée évoquée est celle d'un milieu ou d'un style urbain ou citadin La Requérante soutient que cette idée diffère de la principale idée évoquée par la Marque, c'est-à-dire l'espace, la planète Terre ou l'environnement.

[40]           Bien que je convienne avec la Requérante que la première partie d'une marque peut s'avérer la plus importante lorsqu'il s'agit de distinguer des marques entre elles, il a également été déterminé que lorsque la première partie ou la partie dominante d'une marque est un mot descriptif d'usage courant, son importance s'en trouve diminuée : voir Conde Nast Publications Inc c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, p. 188 (CF 1re inst.). Étant donné que le mot « URBAN » est un mot qui évoque un style vestimentaire, je ne considère pas qu'il s'agit de l'élément le plus frappant ou le plus unique de la marque de l'Opposante. À mon sens, l'élément le plus frappant ou le plus unique de la marque de l'Opposante est le mot PLANET. Étant donné que le mot PLANET est le seul élément de la Marque, j'estime qu'il existe une ressemblance considérable entre les marques dans la présentation, dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent. 

Autres circonstances de l'espèce

[41]           La Requérante soutient que trois circonstances de l'espèce appuient la conclusion qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre le Marque et la marque de l'Opposante, à savoir le fait que l'examinateur de marques de commerce n'a pas cité la marque de commerce PLANET lors de l'examen de la marque URBAN PLANET, pas plus qu'il n'a donné d'avis en vertu de l'article 37(3) à Planet Fashion Limited; l'absence de toute preuve de confusion malgré la coexistence des marques; et le fait que la présente demande est une demande d'extension de l'état déclaratif d'une marque de commerce qui est enregistrée depuis plus de 21 ans. J'examinerai tour à tour chacune de ces circonstances.

[42]           Premièrement, la Commission n’est pas liée par les décisions de la Section de l’examen de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada et ces dernières n’ont pas valeur de précédent pour la Commission. Comme il a été mentionné dans Interdoc Corp c. Xerox Corp,1998 CanLii 18615 COMC, à la p. 5 :

[TRADUCTION]
La Commission n’est pas en mesure d’expliquer les conclusions auxquelles est parvenue la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce. En outre, au moment où elle effectue son examen, la Section de l’examen ne dispose pas de la preuve qui est produite par les parties dans le cadre de la procédure d’opposition : voir les décisions rendues par la Commission dans Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 CPR (3d) 272, p. 277 et Proctor & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 CPR (3d) 377, p. 386.

 

[43]           Deuxièmement, bien qu'il ne soit pas nécessaire qu'un opposant prouve qu'il y a confusion pour que je conclus qu'il existe une probabilité de confusion, l'absence de confusion malgré le recoupement des marchandises et des voies de commercialisation peut donner lieu à une inférence défavorable à la cause de l'Opposante [voir Mattel, précité; Christian Dior SA c. Dion Neckwear Ltd (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)]. En l'espèce, cependant, l'absence d'une preuve admissible confirmant que la Marque a été employée au Canada dans une quelconque mesure significative m'empêche de tirer quelque inférence défavorable que ce soit.

[44]           Enfin, la Requérante soutient que puisque la présente demande est une demande d'extension de l'état déclaratif d'une marque de commerce enregistrée il y a plus de 21 ans, les marchandises et services visés par la demande seraient perçus par les consommateurs comme le prolongement naturel de la gamme de vêtements et d'accessoires PLANET de la Requérante. Bien que je convienne avec la Requérante que ce facteur pourrait atténuer la probabilité de confusion entre les marques des parties en l'espèce, je souligne que l'article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d'un enregistrement le droit d'obtenir automatiquement d’autres enregistrements pour la même marque ou pour des marques similaires [voir Groupe Lavo Inc c. Procter & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC), p. 538].

Conclusion

[45]           Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la marque PLANET employée en liaison avec les marchandises ou services de la Requérante produit dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce URBAN PLANET de l’Opposante, et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner les marques en détail [voir Veuve Clicquot]. 

[46]           Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, et en particulier de la grande renommée que la marque URBAN PLANET de l'Opposante a acquise en liaison avec les services qui se recoupent et du degré élevé de ressemblance entre les marques, j'estime qu'un tel consommateur serait porté à croire, sous le coup de la première impression, que les marchandises et services associés aux marques URBAN PLANET et PLANET sont fabriqués, vendus ou exécutés par la même entité. 

[47]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Autres motifs d'opposition

[48]           Les autres motifs d'opposition soulevés sont également liés à la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de l'Opposante. Je suis convaincue, au vu de la preuve qu'elle a produite, que l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l'égard de chacun de ses motifs.

[49]           Les dates pertinentes pour l'examen de la probabilité de confusion qui s'appliquent aux motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et sur l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, la date de production de la demande et la date de production de la déclaration d'opposition. À mon sens, les différences entre les dates pertinentes n'ont pas d'incidence significative sur la détermination de la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion formulée précédemment selon laquelle les marques de commerce des parties sont susceptibles d'être confondues s'applique à ces motifs d'opposition, lesquels sont également accueillis.

Décision

[50]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’extension de l’état déclaratif des marchandises et services de l’enregistrement no LMC387,969, conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

 

 

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