Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 260

Date de la décision : 2011‑12‑21

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Bauer International Ltd., Bauer Nike Hockey Inc. et Nike International Ltd. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1 185 832 pour la marque de commerce VAPOR au nom de Brooks Sports, Inc.

 

 

 

Introduction

[1]               Le 28 juillet 2003, Brooks Sports, Inc. (la Requérante) a produit la demande no 1 185 832 pour l'enregistrement de la marque de commerce VAPOR (la Marque), fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis septembre 1998. La demande a été modifiée en réponse à la décision d'un examinateur, et les marchandises sont maintenant décrites dans les termes suivants : chaussures d’athlétisme pour la marche et la course (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 6 juillet 2005. Le 6 février 206, Bauer International Ltd. (Bauer), Bauer Nike Hockey Inc (Nike Hockey) et Nike International Ltd. (Nike) (ci-après collectivement appelées l'Opposante) ont produit une déclaration d'opposition que le registraire a fait parvenir à la Requérante le 20 février 2006. La Requérante a produit une contre-déclaration le 17 octobre 2006. L'Opposante a demandé à trois reprises l'autorisation de modifier sa déclaration d'opposition, et chaque fois l'autorisation lui a été accordée. Je me reporterai ci-après à la dernière version de la déclaration d'opposition au dossier, datée du 8 mars 2010.

[3]               L'Opposante a produit les affidavits de John F. Coburn III et de Tasia Beros, et la Requérante a produit l'affidavit de David Bohan. Aucune preuve n'a été verse en réponse, et aucun déposant n'a été contre-interrogé.

[4]               Seule la Requérante a produit des observations écrites. Une audience a été prévue, mais à la demande des parties, elle n'a pas eu lieu.

Motifs d’opposition

[5]               Les motifs d’opposition soulevés par l'Opposante sont les suivants :

     [traduction]

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle a ou avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, étant donné l'emploi antérieur par l'Opposante (à titre de propriétaire inscrite et de licenciée) et l'enregistrement de la marque identique VAPOR pour la même catégorie de produits.

2.      Conformément à l'alinéa 12(1)d) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée VAPOR de Nike, qui est enregistrée sous le no LMC518051 en liaison avec des : « sacs à dos; articles de sport et pièces de rechange connexes, nommément, patins de hockey, bâtons de hockey, manches de bâtons de hockey, lames de bâtons de hockey, sacs de sport conçus spécialement pour transporter de l'équipement de hockey, épaulières de hockey, coudières de hockey, gants de hockey, culottes de hockey comprenant des protecteurs et des coquilles pour le corps, protège-tibias de hockey » (les marchandises de Nike).

3.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, suivant les dispositions de l'alinéa 16(1)a) de la Loi, parce qu'à la date de premier emploi de la Marque par la Requérante, soit septembre 1998, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce VAPOR antérieurement employée au Canada par l'Opposante en liaison avec les marchandises de Nike ainsi que sur des chaussures d’athlétisme pour la course, nommément des chaussures de course.

4.      Comme le prévoient l'alinéa 38(2)d) et l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive, ne distingue pas véritablement ni n'est adaptée à distinguer les Marchandises de celles de l'Opposante, ni ne sera adaptée à distinguer les Marchandises de celles de l'Opposante employées en liaison avec la marque de commerce VAPOR. La marque de commerce VAPOR est distinctive du propriétaire inscrit de l'enregistrement no LMC518051.

Fardeau ultime et fardeau de preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[6]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime d’établir que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne font pas obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, 2005 CF 722].

Dates pertinentes

[7]               La date pertinente pour l’analyse de chacun des motifs d’opposition varie selon le motif d’opposition à examiner :

  non-conformité aux dispositions de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande (28 juillet 2003);

  enregistrabilité de la Marque eu égard à l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)];

  droit à l’enregistrement de la Marque, dans le cas où la demande est fondée sur l’emploi : la date de premier emploi alléguée dans la demande (septembre 1998) [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

  caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (6 février 2006) [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Motif d’opposition fondé sur l’article 30

[8]               Le premier motif d’opposition, tel qu'il est rédigé, ne constitue pas un motif d’opposition valable. L'alinéa 30i) de la Loi exige seulement que la Requérante se déclare convaincue qu'elle a droit d'employer la Marque au Canada. Or, la demande comporte une telle déclaration. L'alinéa 30i) peut servir de fondement à un motif d'opposition dans des cas précis, comme lorsqu’il est allégué que la Requérante a commis une fraude [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. La déclaration d’opposition ne comporte aucune allégation de cette nature et il n'existe au dossier aucune preuve à cet effet.

[9]               Dans les circonstances, le premier motif d'opposition est rejeté.

Droit à l'enregistrement

[10]           Pour s'acquitter du fardeau initial qui lui incombe au regard de ce motif d'opposition, l'Opposante doit prouver qu'elle avait employé la marque de commerce VAPOR au Canada au sens de l'article 4 de la Loi avant septembre 1998 et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi le 6 juillet 2005 [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. Je souligne que le motif d’opposition, tel qu'il est plaidé, se limite à l'emploi antérieur de la marque de commerce VAPOR. La déclaration d’opposition ne comporte aucune allégation portant que la marque de commerce a été révélée par l'Opposante au Canada avant la date pertinente.

[11]           Mme Beros est directrice des affaires juridiques de l'Opposante chez Nike Bauer Hockey Inc. (Nike Bauer). Je constate que cette entité n'est pas partie à la présente opposition. Tout au long de son affidavit, Mme Beros fait référence à Nike Bauer. Pourtant, M. Coburn III, secrétaire adjoint de Nike, mentionne Nike Hockey, mais pas Nike Bauer.

[12]           Je dois souligner que dans la présente décision, j'emploie les termes Nike, Nike Hockey, Bauer et Nike Bauer tels qu'ils sont définis dans les présentes. Ces termes définis n'ont peut-être pas été employés par certains déposants, mais j'ai apporté les ajustements nécessaires pour qu'il n'y ait aucune confusion quant à l'emploi de ces termes dans ma décision. Je m'efforcerai de clarifier les différentes sociétés mentionnées dans ces affidavits ainsi que les entités auxquelles il est fait référence dans les documents produits par les déposants. Toute incohérence ou ambiguïté sera tranchée à l'encontre de l'Opposante.

[13]           En général, la déclaration d'opposition fait référence à certaines des entités particulières qui composent l'Opposante en utilisant des termes définis. Cependant, lorsqu’elle traite du présent motif d'opposition, elle mentionne tout simplement « l'opposante ». Je suis disposé à accepter comme élément pertinent toute preuve d'emploi de la marque de commerce VAPOR au sens de l'article 4, pour autant que cet emploi soit celui d'une des entités comprises dans la définition donnée au terme Opposante, que ce soit à titre de propriétaire de la marque de commerce VAPOR au Canada ou à titre de licenciée autorisée, si cet emploi est antérieur à la date pertinente. Quoi qu'il en soit, aucune preuve, dans l'affidavit de M. Coburn III ni dans celui de Mme Beros, n'indique que les conditions prévues à l'article 50 de la Loi ont été remplies. Enfin, tout emploi antérieur par un tiers ne peut justifier un motif d’opposition fondé sur le droit à l'enregistrement [voir CTV Ltd. c. InterMedia Vibe Holdings LLC (2010), 88 C.P.R. (4th) 188 (C.O.M.C.)].

[14]           M. Coburn III déclare que la société Nike a été créée en 1972. Il allègue que Nike Hockey, important fabricant de vêtements et d'équipement de hockey, est une licenciée et une filiale en propriété exclusive de Nike. La ou les marques de commerce qui font l'objet de la licence ne sont pas précisées. De plus, aucune information ne mentionne la date d'octroi de la licence, ni n’indique si l'accord de licence prévoit un contrôle de la qualité des caractéristiques des marchandises vendues sous licence.

[15]           M. Coburn III soutient qu'au Canada, [traduction] « la réputation de Nike à titre d’important fournisseur de chaussures d’athlétisme s'est forgée par l'emploi de la marque de commerce VAPOR dans la publicité, et, surtout, par l'apposition de marques de commerce VAPOR sur les chaussures d’athlétisme de Nike. Actuellement, au Canada, on peut voir la marque de commerce VAPOR dans des points de vente, des publicités, des expositions, sur du matériel promotionnel ainsi que dans des évènements de grande envergure commandités par Nike et des publicités dans les médias comme les journaux et les magazines » [non souligné dans l'original]. La pièce C produite par M. Coburn III pour étayer une telle allégation semble être constituée d'extraits de catalogues. La date inscrite sur les extraits qui sont datés est toujours postérieure à la date de premier emploi alléguée par la Requérante dans sa demande.

[16]           Il n'y a aucune information quant à l'étendue de la distribution de ces documents au Canada. De toute façon, la simple distribution de catalogues ne peut être assimilée à l'emploi, au sens de l'article 4 de la Loi, des marques de commerce figurant dans les catalogues [voir Spy Optic Inc. c. YM Inc. (2008), 70 C.P.R. (4th) 125 (C.O.M.C.)].

[17]           M. Coburn III avance que [traduction] « certains des athlètes les plus accomplis et les plus connus dans le monde utilisent actuellement les produits VAPOR de Nike » [non souligné dans l'original]. L'Opposante a produit une photo du joueur de tennis Roger Federer associé à la marque de commerce VAPOR, mais cette preuve ne démontre pas l'emploi de la marque de commerce au Canada au sens de l'article 4 de la Loi à quelque date que ce soit, et encore moins à une date précédant la date de premier emploi alléguée par la Requérante dans sa demande.

[18]           M. Coburn III mentionne que la marque de commerce VAPOR est [traduction] « étroitement associée à de nombreux produits pour le hockey de Bauer/Nike vendus partout au Canada ». Il a versé en preuve des documents qu'il décrit comme [traduction] « des échantillons de matériel promotionnel et de publicités pour les produits portant la marque de commerce VAPOR ».

[19]           L'expression « Bauer/Nike » n'est définie nulle part dans son affidavit. Il ressort des éléments susmentionnés, comme de ceux qui seront présentés ci-après, que la dénomination sociale de nombreuses entités mentionnées dans les affidavits de M. Coburn III et de Mme Beros inclut les mots « Nike » ou « Bauer », ou une combinaison de ces deux mots. De plus, nous ignorons quand, comment et où ce matériel a été distribué. Qui plus est, lorsqu'une date figure sur les documents, cette date est toujours postérieure à la date de premier emploi alléguée par la Requérante dans sa demande.

[20]           M. Coburn III décrit le site Web de Nike comme un moyen d'annoncer les produits portant la marque de commerce VAPOR. Aucune information n’indique si les Canadiens ont eu accès à ce matériel; dans l'affirmative, la question serait de savoir depuis quand, puisque les éléments versés en preuve portent la date du 8 mai 2007.

[21]           Enfin, M. Coburn III fournit des chiffres d'affaires tirés du rapport annuel de 2006 de Nike. Les chiffres d'affaires ne sont pas ventilés par marque de commerce ni par pays, bien que M. Coburn III affirme dans son affidavit que le Canada fait partie de [traduction] « la région des Amériques ». Même si l'on tient pour acquis que les chiffres d'affaires mentionnés pour « la région des Amériques » sont ceux du Canada seulement et ne concernent que la marque de commerce VAPOR, ce qui ne semble pas être le cas, ces données se rapportent à une période subséquente à la date pertinente (2004, 2005 et 2006).

[22]           Comme on peut le voir, aucune preuve ne montre qu'il y a eu transfert de propriété au Canada, avant septembre 1998, de quelque produit que ce soit portant la marque de commerce VAPOR, qu'il s'agisse de chaussures ou d'équipement de hockey, entre Nike ou un licencié autorisé et un consommateur. Par conséquent, je ne peux conclure que l'Opposante a employé la marque de commerce VAPOR au Canada en liaison avec ces marchandises, au sens de l'article 4 de la Loi, avant la date pertinente.

[23]           Le contenu de l'affidavit de Mme Beros pourrait-il aider l'Opposante? Je crains que non. Comme il a été mentionné, Mme Beros atteste qu'elle est directrice des affaires juridiques pour Nike Bauer Hockey Inc. Aucune entité n'est identifiée ainsi dans la déclaration d'opposition ni dans l'affidavit de M. Coburn III. Je ne suis pas disposé à considérer cette erreur comme une simple coquille. Trop d'entités sont mentionnées dans la déclaration d'opposition, les affidavits et les pièces produites pour conclure à une simple coquille. Il pourrait très bien s'agir d'une entité différente de celles mentionnées dans les documents susmentionnés. Même si je considérais qu'il s'agit d'une coquille, la preuve contenue dans l'affidavit de Mme Beros ne serait pas suffisante pour satisfaire au fardeau initial de l'Opposante au regard de ce motif d'opposition, pour les motifs exposés ci-après.

[24]           Mme Beros affirme que Nike a accordé une licence exclusive à Nike Bauer pour la vente de produits de hockey sur glace et de hockey sur patins à roulettes avec la marque de commerce VAPOR au Canada. Là encore, nous n'avons aucun renseignement sur la licence : nous ignorons quand elle a été octroyée et comment Nike contrôle les caractéristiques des marchandises vendues sous licence.

[25]           Au soutien de son allégation selon laquelle les produits portant la marque de commerce VAPOR sont vendus au Canada, Mme Beros a produit des échantillons de catalogues montrant de l'équipement de hockey. Elle précise que Nike Bauer a lancé son catalogue de 1998 pour le hockey sur glace, dans lequel figure la marque de commerce VAPOR, à l'intention des consommateurs canadiens avant la date de production de la demande visée par la présente opposition. Pour étayer cette prétention, elle renvoie à la dernière page du catalogue de 1998 pour le hockey sur glace, sur laquelle Bauer Inc. est décrite comme titulaire du droit d'auteur pour le catalogue en 1997. Elle affirme que le catalogue de 1998 pour le hockey sur glace [traduction] « a été distribué par les représentants commerciaux de Bauer Nike à des détaillants pour la revente au Canada ». Qui est Bauer Inc.? Qu'entend-on par l'expression [traduction] « pour la revente au Canada » : les produits VAPOR ou les catalogues? Nous ne disposons d'aucun renseignement sur Bauer Inc., et surtout, la distribution de catalogues ne constitue pas une preuve d’emploi d’une marque de commerce [voir la décision Spy Optic Inc., précitée]. Enfin, ni Bauer ni Bauer Nike n’est identifiée par M. Coburn III (le représentant de Nike) comme une licenciée de Nike.

[26]           Compte tenu de toutes ces lacunes et ambiguïtés dans les affidavits de M. Coburn III et de Mme Beros, je conclus que l'Opposante n'a pas établi quelque emploi que ce soit de la marque de commerce VAPOR au Canada avant la date pertinente, soit septembre 1998. Par conséquent, elle ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

[27]           Je rejette donc le troisième motif d'opposition.

Caractère distinctif

[28]           À l'égard de ce motif d'opposition, l’Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de démontrer qu'à la date de production de la déclaration d'opposition, le 6 février 2006, sa marque de commerce VAPOR était devenue suffisamment connue au Canada pour annuler tout caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58; Bojangles' International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Une fois cette preuve faite, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce VAPOR de l’Opposante parce qu'à la date pertinente, elle était adaptée à distinguer ou distinguait véritablement, partout au Canada, les Marchandises de celles de l'Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[29]           La preuve présentée au regard du motif d'opposition fondé sur le droit à l'enregistrement est‑elle suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante? Pour répondre à cette question, je me réfère à la première partie du paragraphe 33 de la décision Bojangles' International LLC, précitée, qui est reproduite ci‑dessous :

[33] Les propositions qui suivent résument la jurisprudence pertinente portant sur le caractère distinctif lorsqu’il est allégué que la réputation d’une marque annule le caractère distinctif d’une autre marque, selon l’article 2 et l’alinéa 38(2)d) de la Loi :

-   La charge de la preuve incombe à la partie qui allègue que la réputation de sa marque empêche la marque de l’autre partie d’être distinctive;

-   Toutefois, il incombe encore à l’auteur de la demande d’enregistrement de prouver que sa marque est distinctive;

-   Une marque devrait être connue au Canada au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif d’une autre marque;

-   Subsidiairement, une marque pourrait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada;

-   Le propriétaire d’une marque de commerce étrangère ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce est connue au Canada; il doit plutôt présenter une preuve claire à ce sujet;

-   La réputation de la marque peut être prouvée par n’importe quel moyen; elle n’est pas limitée aux moyens précis mentionnés à l’article 5 de la Loi; il appartient au décideur de soupeser la preuve sur une base individuelle.

 

[30]           La preuve de l'Opposante ne me permet pas de conclure que la marque de commerce VAPOR de Nike était connue dans une certaine mesure au Canada. Bien que, à l'égard de ce motif, l'Opposante n'ait pas à prouver l’emploi de sa marque de commerce avant la date pertinente, elle doit tout de même démontrer que la marque de commerce VAPOR de Nike était connue dans une certaine mesure au Canada avant le 6 février 2006. Même en tenant compte des éléments de preuve exclus de l'analyse du droit à l'enregistrement, comme les chiffres d'affaires de Nike pour 2004, 2005 et 2006, nous n'avons toujours aucune indication de ventes de produits portant la marque de commerce VAPOR qui auraient été réalisées au Canada. Quant au matériel publicitaire dont je n'ai pas tenu compte dans l'examen du motif fondé sur le droit à l'enregistrement parce que les dates n'étaient pas antérieures à la date pertinente au regard de ce motif, je ne dispose d'aucun renseignement sur l'étendue de sa distribution au Canada. Les catalogues joints à l'affidavit de Mme Beros semblent avoir été publiés par un tiers, Bauer Inc.

[31]           Enfin, dans ces catalogues, une note laisse savoir que toute marque de commerce suivie du symbole « * » est une marque de commerce de Bauer Inc. La marque de commerce VAPOR est suivie d'un tel symbole. Le public est ainsi avisé, dans ces catalogues, que la marque de commerce VAPOR appartient à un tiers, Bauer Inc. Manifestement, ces catalogues soulèvent une autre préoccupation : la marque de commerce VAPOR est‑elle distinctive de Nike? La présente procédure d’opposition n’est pas le recours approprié pour aborder cette question. Cependant, on ne peut pas dire que la preuve de l'Opposante établit, suivant la prépondérance des probabilités, que la marque de commerce VAPOR était distinctive de Nike à la date pertinente.

[32]           Par conséquent, je rejette également le dernier motif d'opposition, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau initial.

Enregistrabilité de la Marque suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[33]           Pour s'acquitter du fardeau initial qui lui incombe au regard de ce motif d'opposition, l'Opposante peut s'appuyer simplement sur son certificat d’enregistrement. Or, celle-ci n'a produit aucune copie du certificat de l’enregistrement portant le numéro LMC518051 allégué au soutien de ce motif d'opposition. Toutefois, le registraire peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’examiner le registre pour vérifier si Nike est bien la propriétaire inscrite mentionnée dans la déclaration d'opposition, et si, dans l'affirmative, l'enregistrement est toujours en règle [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats Ltée. c. Manu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410].

[34]           J'ai vérifié le registre, et je confirme l'inscription de cet enregistrement. Le propriétaire actuel est Nike, et l'enregistrement vise les marchandises de Nike. La Requérante, dans son plaidoyer écrit, affirme que la preuve versée au dossier établit que son emploi de la Marque est antérieur à tout emploi de la marque de commerce VAPOR signalé dans la preuve de l'Opposante, et que par conséquent, son emploi antérieur de la Marque invalide ce motif d'opposition. La Requérante n'a pas soumis de jurisprudence au soutien de cette prétention. De toute façon, la date pertinente pour l'évaluation de ce motif d'opposition est la date de la décision du registraire. Comme il a été mentionné, l'Opposante, à l'égard de ce motif d'opposition, n'a pas à prouver qu'elle employait sa marque de commerce déposée. Le fait que l'enregistrement est toujours en cours de validité aujourd'hui est suffisant pour conclure que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial à l'égard de ce motif.

[35]           En conséquence, il incombe à la Requérante de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que l'emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises ne risque pas de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée VAPOR de Nike. Le test permettant de trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[36]           Cette liste de critères n'est pas exhaustive, et il n'est pas nécessaire d’attribuer à chacun le même poids. Dans un arrêt récent, Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al., 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques. En l'espèce, les marques des parties sont identiques.

le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[37]           La Requérante soutient que le mot « vapor » [vapeur] est suggestif, parce qu'il est un mot courant qui évoque quelque chose de difficile à saisir. Le mot « vapor » est effectivement un mot courant de la langue anglaise. Cependant, je ne vois aucun lien entre ce mot et les marchandises susmentionnées de l'Opposante, ni avec les Marchandises. J'estime que la Marque et la marque de commerce VAPOR de Nike possèdent un certain caractère distinctif inhérent lorsqu'elles sont employées en liaison avec les marchandises respectives des parties.

[38]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif accru par la promotion ou l’emploi qui en est fait au Canada. Une fois de plus, la preuve de l'Opposante au regard des motifs d'opposition fondés sur le droit à l'enregistrement et sur le caractère distinctif ne me permet pas de conclure que la marque de commerce VAPOR de Nike était connue dans une mesure appréciable au Canada.

[39]           La Requérante a produit l'affidavit de David Bohan. M. Bohan est directeur de l'exploitation de la Requérante. Il affirme que la Requérante vend des chaussures d’athlétisme pour la marche et la course en liaison avec la Marque depuis au moins septembre 1998 à son distributeur au Canada. Pour la période s'échelonnant de 2001 à 2007, la Requérante a vendu plus de 105 000 paires de chaussures d’athlétisme portant la Marque. M. Bohan a produit une facture établie par son distributeur au nom d'un magasin de détail, à titre d’exemple de la vente de ces marchandises.

[40]           Il affirme que la promotion des Marchandises portant la Marque au Canada se fait surtout par catalogue et sur le site Web de la Requérante. Il produit des pages représentatives des catalogues de 1998 et de 2003 sur lesquelles figurent des chaussures d’athlétisme annoncées en liaison avec la Marque. Il produit également une copie d'une page du site Web canadien de la Requérante sur laquelle sont annoncées des chaussures d’athlétisme en liaison avec la Marque. Cependant, nous ne disposons d'aucune information sur l'étendue de la distribution de ces catalogues ni sur le nombre de Canadiens qui ont visité cette page précise du site Web de la Requérante.

[41]           Me fondant sur les chiffres d'affaires fournis par M. Bohan concernant les Marchandises au Canada, je conclus que la Marque est connue dans une certaine mesure au Canada. Comme l'Opposante n'a pas produit de preuve de cette nature, je conclus que le facteur énoncé à l'alinéa 6(5)a) de la Loi favorise la Requérante.

la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[42]           La Requérante a allégué qu'elle employait la Marque depuis septembre 1998,  mais elle n'a pas prouvé cette allégation. Comme il a été mentionné, la distribution de catalogues ne constitue pas une preuve de l’emploi d’une marque de commerce. La production d'un extrait du catalogue de 1998 par la Requérante ne suffit donc pas. M. Bohan a produit une facture du 27 août 2003 à titre d’exemple de la vente de chaussures d’athlétisme en liaison avec la Marque.

[43]           Quant à l'Opposante, aucune preuve n'atteste la vente de l'une ou l'autre des marchandises de Nike en liaison avec la marque de commerce VAPOR. L'enregistrement a été accordé sur la base d'une déclaration d'emploi produite le 28 septembre 1999. La production de la déclaration d'emploi ne peut établir davantage qu’un emploi de minimis de la marque de commerce VAPOR en liaison avec les marchandises visées par l'enregistrement [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.M.O.C.)].

[44]           Si l'on accepte la date de premier emploi revendiquée par les parties à l'égard de leurs marques de commerce respectives, ce facteur ne favorise particulièrement aucune partie. J'estime que ce n'est pas un facteur déterminant, si ce n'est qu'on pourrait faire valoir que les marques ont coexisté pendant plus de 10 ans. J'analyserai la situation plus en détail ci-après.

le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[45]           L'enregistrement de l'Opposante vise des sacs à dos, de l'équipement de hockey et des sacs de sport conçus pour transporter de l'équipement de hockey, tandis que les marchandises définies plus haut sont des chaussures d’athlétisme pour la marche et la course. Ces marchandises appartiennent à la catégorie générale des articles de sport. Les marchandises des parties sont utilisées pour la pratique d'activités sportives. Bien que différentes, ces activités sont néanmoins des activités sportives : le hockey, la marche et la course. Par conséquent, le genre de marchandises des parties présente quelques ressemblances.

[46]           En l'absence de preuve sur la nature des voies de commercialisation respectives des parties et en raison des ressemblances dans le genre des marchandises des parties, je présumerai que les marchandises empruntent les mêmes voies de commercialisation. En effet, il n'est pas difficile d'imaginer qu'un magasin d'articles de sport vende de l'équipement de hockey et des chaussures de course.

[47]           Par conséquent, ces deux facteurs favorisent l'Opposante.

 

 

le degré de ressemblance

[48]           Les marques sont identiques. Ce facteur favorise donc l'Opposante.

Autres circonstances de l’espèce

[49]           La Requérante fait valoir que la Marque a coexisté avec l'enregistrement de l'Opposante pendant plus de 10 ans sans qu'il y ait la moindre preuve de cas concrets de confusion. Le test à appliquer est la probabilité de confusion. Il n'est pas nécessaire de fournir la preuve d'un cas concret de confusion. Toutefois, la Cour suprême du Canada a statué dans l'arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, qu'une « conclusion défavorable peut toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée ». L'Opposante n'a fourni aucune preuve de cas concret de confusion. Cependant, comme je l’ai mentionné plus tôt, je ne dispose d'aucune preuve claire de l'étendue des ventes de Nike en liaison avec la marque de commerce VAPOR au Canada pendant cette période. L'absence de ventes considérables ou l'emploi des marques de commerce des parties dans des régions différentes du Canada pourraient expliquer cette situation.

[50]           Après analyse, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée VAPOR de Nike. Par conséquent, il est fait droit au deuxième motif d’opposition.

 


 

Décision

[51]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, trad. a.

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