Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
DE Loblaws Inc. à la demande numéro 1,084,479
produite par Hertz System, Inc. en vue de
l’enregistrement de la marque de commerce
CERCLE DU PRÉSIDENT
Le 30 novembre 2000, la requérante, Hertz System, Inc. (Hertz System), a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce CERCLE DU PRÉSIDENT afin de l’employer en liaison avec des « services de location de véhicules » ainsi qu’en liaison avec les marchandises suivantes :
véhicules, nommément automobiles particulières, autobus, camions; imprimés, nommément prospectus, brochures, cartes, guides et livres.
La demande est fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada par la requérante ou par l’entremise d’un licencié. La demande a été publiée aux fins d’opposition le 9 octobre 2002.
Le 28 novembre 2002, l’opposante, Loblaws Inc. (Loblaws), a produit une déclaration d’opposition dont copie a été transmise à la requérante le 10 décembre 2002. Selon le premier motif d’opposition invoqué, la demande de la requérante n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la requérante n’a pas l’intention d’employer la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé. Selon le deuxième motif d’opposition, la demande de la requérante n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, parce que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle était la personne ayant le droit d’employer au Canada la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé.
Selon le troisième motif d’opposition, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec au moins une des 38 marques de commerce déposées appartenant à l’opposante, dont la plupart comprennent ou renferment les mots PRESIDENT’S CHOICE et dont une bonne partie couvrent différents produits alimentaires. Quelques-uns des enregistrements concernent des produits non alimentaires habituellement vendus par l’entremise de magasins d’alimentation. Deux enregistrements se rapportent à des services bancaires et un (no 469,003), à la marque de commerce LE CHOIX DU PRÉSIDENT, qui couvre différents produits alimentaires.
Selon le quatrième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement conformément à l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la marque de commerce visée par celle-ci créait de la confusion avec 41 marques de commerce différentes antérieurement employées au Canada en liaison avec différents services et marchandises. Les 41 marques en question comprennent les 38 marques de commerce déposées qui sont invoquées dans le troisième motif d’opposition ainsi que la marque PRESIDENT’S CHOICE FINANCIAL, qui se rapporte à des services bancaires, et deux marques PRESIDENT’S CHOICE, qui sont employées en liaison avec un programme de primes d’encouragement destiné à la clientèle. Cependant, l’opposante n’a pas invoqué l’emploi antérieur des marques en question par elle-même ou par un prédécesseur en titre. Selon le cinquième motif d’opposition, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé n’est pas distinctive, eu égard à l’emploi des différentes marques PRESIDENT’S CHOICE par l’opposante.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. La preuve de l’opposante se compose des affidavits de Jacqueline Chernys et de Pietro Satriano et celle de la requérante, de la déclaration solennelle de Jeff Hudson ainsi que des affidavits de Gay J. Owens et de P. Claire Gordon. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et étaient représentées au cours de l’audience qui a été tenue.
Avant de produire son plaidoyer écrit, l’opposante a demandé, le 4 février 2005, conformément à l’article 40 du Règlement sur les marques de commerce, l’autorisation de modifier la déclaration d’opposition par l’ajout d’un motif d’opposition fondé sur le non‑respect des dispositions de l’alinéa 30b) de la Loi. L’opposante a soutenu que la déclaration solennelle de Jeff Hudson déposée par la requérante montre que la marque dont l’enregistrement est demandé a été employée avant la date de production de la demande, ce qui va à l’encontre de l’emploi projeté de la marque en question, fondement de ladite demande. La requérante a contesté la demande de l’opposante et, dans une lettre du 4 août 2005, le membre de la Commission qui était saisi de la demande a rejeté celle-ci.
LA PREUVE DE L’OPPOSANTE
Dans son affidavit, Jacqueline Chernys souligne qu’elle a téléphoné à un centre de location Hertz Rent A Car d’Ottawa et a demandé des renseignements au sujet de PRESIDENT’S CIRCLE; elle s’est alors fait dire qu’il s’agissait d’un « club d’adhésion » et a obtenu un numéro sans frais à composer afin d’obtenir des renseignements supplémentaires. Mme Chernys a téléphoné au numéro sans frais et a appris que PRESIDENT’S CIRCLE était un programme de fidélisation de la clientèle élite à l’intention des membres Or de Hertz. Elle a posé des questions semblables au sujet de la marque CERCLE DU PRÉSIDENT et a obtenu des réponses similaires. La plupart des déclarations contenues dans l’affidavit de Chernys constituent du ouï-dire inadmissible.
Dans son affidavit, M. Satriano se décrit comme le premier vice-président de Loblaw Brands Limited (Loblaw Brands), où il est responsable des produits « sous étiquette contrôlée », dont les produits vendus sous les marques PRESIDENT’S CHOICE et PC. Selon M. Satriano, Les Compagnies Loblaw Limitée (Compagnies Loblaw) est le plus grand détaillant et distributeur de produits alimentaires du Canada et la société mère d’une famille d’entreprises comprenant Loblaws, Loblaw Brands et Sunfresh Limited (Sunfresh). Loblaws exploite des épiceries de détail et Loblaw Brands s’occupe du développement de produits et de la localisation des fournisseurs de produits sous étiquette contrôlée, tandis que Sunfresh se spécialise dans la vente de ces produits. Au paragraphe 5 de son affidavit, M. Santriano s’exprime comme suit :
[TRADUCTION] Loblaws, Loblaw Brands et Sunfresh appartiennent toutes en propriété exclusive à la société Les Compagnies Loblaw Limitée, que ce soit directement ou indirectement. En ce qui concerne le secteur de la distribution de produits alimentaires, le groupe Loblaw fonctionne par souci de commodité comme une seule organisation commerciale intégrée et occupe des bureaux communs. De plus, les entreprises du groupe Loblaw ont des dirigeants et administrateurs communs, qui gèrent et contrôlent les activités commerciales quotidiennes du groupe et de ses membres.
M. Satriano déclare qu’en 1983, le groupe Loblaw a conçu un plan visant à lancer un certain nombre de produits de qualité supérieure sous les marques de commerce PRESIDENT’S CHOICE et PC. L’éventail des produits vendus sous ces marques s’est élargi au fil des années et les produits en question sont vendus par l’entremise des « bannières affiliées » de Loblaws, qui comprennent de nombreuses chaînes de magasins de détail comme Loblaws, No Frills, Super Valu, Provigo et The Real Canadian Superstore. Un examen des pièces jointes à l’affidavit de Satriano donne à penser que des conclusions similaires s’appliquent à la version française de la marque de commerce, soit LE CHOIX DU PRÉSIDENT.
Selon M. Satriano, Loblaws comptait, au 29 décembre 2002, plus de 1 000 magasins détenus en propre et magasins franchisés qui étaient exploités sous 17 bannières dans l’ensemble du Canada et qui offraient un éventail complet de produits PRESIDENT’S CHOICE. Ces produits étaient également disponibles dans environ 7 000 magasins indépendants.
Bien que les marques PRESIDENT’S CHOICE soient employées principalement en liaison avec des produits alimentaires, elles sont aussi de plus en plus utilisées en liaison avec des produits non alimentaires comme des produits de beauté, des suppléments alimentaires naturels, des articles ménagers et des vêtements. En février 1998, Loblaws a engagé la Banque Amicus pour qu’elle fournisse des services financiers sous les marques de commerce PRESIDENT’S CHOICE FINANCIAL, PRESIDENT’S CHOICE et PC. Le 26 mars 2001, la Banque le Choix du Président, filiale en propriété exclusive de Loblaws, a lancé la carte PRESIDENT’S CHOICE FINANCIAL MASTERCARD. Dans le cadre des services financiers qu’elle offre, Loblaws a conçu un programme de fidélisation appelé points PC, qui permet aux clients d’accumuler des points qu’ils peuvent ensuite échanger contre des produits par l’entremise des bannières affiliées et d’autres détaillants et fournisseurs de services, dont Thomas Cook Travel Ltd. et Petro-Canada. Loblaws elle-même exploite des postes d’essence à différents endroits du Canada, bien qu’elle ne le fasse apparemment pas en liaison avec l’une ou l’autre des marques de commerce PRESIDENT’S CHOICE.
Les chiffres de vente que M. Satriano a fournis à l’égard des marques de commerce PRESIDENT’S CHOICE et PC pour la période allant de 1997 à 2002 dépassent 7 milliards $ au total. Les marques ont été annoncées par différents moyens, dont la radio, la télévision, les journaux, les revues, la distribution de coupons et des dépliants comme le « Insider’s Report » (Trouvailles le Choix du Président). À la date de l’affidavit de M. Satriano (8 août 2003), plus de 2 300 produits et services portaient les marques PRESIDENT’S CHOICE et PC.
Bien que M. Satriano ait fait état de ventes et d’une publicité très importantes en ce qui concerne les différentes marques PRESIDENT’S CHOICE, il ne mentionne pas dans son affidavit le nom de l’entreprise qui a employé les marques, que ce soit directement ou dans le cadre d’un accord de licence. À cet égard, le paragraphe 50(1) de la Loi est ainsi libellé :
50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.
50. (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.
M. Satriano décrit simplement en termes généraux la structure de ce qu’il appelle le groupe de sociétés Loblaw. Il ne mentionne nulle part dans son affidavit que l’une ou l’autre des entreprises qu’il nomme a été autorisée par Loblaws, le propriétaire inscrit des différentes marques PRESIDENT’S CHOICE, à employer ces marques au Canada. De plus, il ne mentionne même pas le fait que Loblaws contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques et la qualité des marchandises portant les marques PRESIDENT’S CHOICE et ne décrit nullement la façon dont ce contrôle pourrait être exercé. Nous avons simplement en main la structure organisationnelle, laquelle ne peut établir à elle seule l’existence d’un accord de licence. À la page 254 de la décision MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.), j’ai formulé les commentaires suivants :
[TRADUCTION] Il appartenait donc à l’opposante de mettre en preuve les faits qui auraient permis de conclure qu’un accord de licence informel existait et que l’opposante contrôlait, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des services fournis en application de cet accord. L’opposante soutient qu’elle s’est déchargée de ce fardeau en prouvant que MCIT et MCII sont ses filiales à part entière. À mon avis, ce fait à lui seul ne suffit pas à établir l’existence d’une licence au sens de l’article 50. Il doit également y avoir une preuve du fait que l’opposante contrôle l’emploi de ses marques de commerce par ses filiales et qu’elle prend des mesures pour assurer la préservation des caractéristiques et de la qualité des services fournis.
La preuve présentée en l’espèce ne respecte pas ce critère. L’opposante doit présenter une preuve qui appuie cette conclusion : voir la décision en matière d’opposition Loblaws Inc. c. Tritap Food Broker (1999), 3 C.P.R. (4th) 108, aux pages 112 à 114. Ainsi, l’opposante n’a pas réussi à montrer qui emploie les marques PRESIDENT’S CHOICE et si cet emploi, s’il n’est pas fait par Loblaws, constitue un emploi autorisé qui est admissible en vertu des dispositions du paragraphe 50(1). L’opposante s’est fondée sur la décision Well’s Dairy Inc. c. U L Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77, aux pages 87 et 88 (C.F. 1re inst.), pour soutenir que l’affidavit de Satriano suffit pour respecter les exigences du paragraphe 50(1). Cependant, cette décision ne permet pas de dire que la structure organisationnelle suffit à elle seule, étant donné que la décision rendue dans cette affaire était fondée sur une description, par le souscripteur d’affidavit, de l’accord de licence et de certaines étiquettes qui donnaient lieu à une présomption d’emploi sous licence conformément au paragraphe 50(2) de la Loi.
LA PREUVE DE LA REQUÉRANTE
Dans sa déclaration solennelle, M. Hudson se décrit comme le directeur du marketing national de la société Hertz Canada Limited (Hertz Canada), filiale de la société The Hertz Corporation, qui est également la société mère de la requérante, Hertz System. M. Hudson déclare que les marques PRESIDENT’S CIRCLE et CERCLE DU PRÉSIDENT ont été employées pour la première fois au Canada en juillet 2000 en liaison avec un programme de fidélisation destiné aux membres de ce qui est appelé le HERTZ #1 CLUB GOLD. Les membres qui atteignent certains niveaux de location obtiennent des jours de location gratuits, des possibilités de surclassement et une disponibilité garantie de véhicules.
Selon M. Hudson, le nombre de locations annuelles faites par les membres du programme canadien pendant la période allant de 2000 à 2002 dépassait 134 000 et les revenus correspondants totalisaient plus de 17 millions $. À la date de la déclaration de M. Hudson (soit le 10 mars 2004), le programme comptait environ 1 350 membres au Canada. Les marques ont été annoncées par courrier direct et par l’Internet. Malgré l’emploi concurrent des marques de la requérante et de celles de l’opposante, M. Hudson déclare qu’aucune confusion réelle n’a été démontrée.
Dans son affidavit, Mme Owens se décrit comme une spécialiste en recherche de marques de commerce et fournit les résultats d’une recherche sur l’état du registre qu’elle a menée relativement aux marques de commerce comprenant le mot PRESIDENT, à l’exclusion des marques de Loblaws. Mme Owens a trouvé 60 marques déposées, dont plus de 50 comportent le mot PRESIDENT affiché bien en vue relativement à différents services et marchandises. De ces marques, quatorze comprennent le mot PRESIDENT’S ou PRESIDENTS.
L’affidavit de Gordon concerne les résultats des recherches que M. Gordon a faites sur Internet afin de trouver des marques de commerce et noms commerciaux comportant le mot PRESIDENT’S. M. Gordon a trouvé un vin appelé PRESIDENT’S SELECTION, disponible à Régie des alcools de l’Ontario, et un vin appelé CUVÉE DU PRÉSIDENT OULED, vendu par la Société des alcools du Québec. Une recherche dans l’annuaire des entreprises en ligne a révélé l’existence de quatre noms commerciaux comportant le mot PRESIDENT’S, bien que l’un de ces noms semble lié à l’opposante. Le reste de l’affidavit de M. Gordon concerne les résultats des recherches qu’il a menées à l’aide du moteur de recherche Google pour trouver des expressions comme PRESIDENT’S CLUB, CLUB DU PRÉSIDENT, PRESIDENT’S CIRCLE, CERCLE DU PRÉSIDENT, PRESIDENT’S PICK et PRESIDENT’S SELECTION. Bien que le nombre d’inscriptions canadiennes pertinentes ne soit pas élevé, il appuie jusqu’à un certain point l’allégation de la requérante selon laquelle le mot PRESIDENT’S est couramment employé dans de nombreux noms commerciaux et marques de commerce.
Les motifs d’opposition
Les deux premiers motifs reproduisent simplement le libellé des alinéas 30e) et 30i) de la Loi sans inclure la moindre allégation de fait qui appuierait ces motifs. Ils ne sont donc pas appropriés et ne peuvent être retenus. De l’avis de l’opposante, la preuve de la requérante montre que la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé a été employée avant la date de production d’une façon incompatible avec l’emploi projeté qui constitue le fondement de la demande. Cependant, comme la requérante l’a souligné et contrairement à la situation qui existait dans l’affaire Calvin Klein Trademark Trust c. Calvin Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 397 (C.O.M.C.), l’opposante n’a pas inclus cette allégation dans sa déclaration d’opposition. Si l’opposante avait obtenu l’autorisation de modifier la déclaration d’opposition, il aurait peut-être été possible de retenir un motif fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30b) ou 30e) de la Loi.
L’opposante a ajouté que la preuve de la requérante ne montrait pas l’emploi de la marque demandée en liaison avec les marchandises et services visés par la demande et que l’emploi démontré, le cas échéant, n’était pas un emploi fait par la requérante. Encore là, l’opposante n’a pas inclus cette allégation dans sa déclaration d’opposition. La preuve au dossier au sujet de l’emploi par une entité autre que la requérante n’est pas incompatible avec sa demande fondée sur l’emploi projeté au Canada par elle-même ou par l’entremise d’un licencié. Si la marque dont l’enregistrement est demandé n’a pas été employée à ce jour par la requérante elle‑même, elle pourrait l’avoir été par une société liée par licence. De plus, compte tenu de la définition de l’expression « marque de commerce » à l’article 2 de la Loi, une marque de commerce peut être employée en liaison avec des marchandises comme des « véhicules », si elle est utilisée dans le cadre de la location de véhicules.
Quant au troisième motif d’opposition, la date pertinente pour l’examen des circonstances concernant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir la décision Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). De plus, il appartient à la requérante de démontrer qu’il n’y a aucun risque raisonnable de confusion entre les marques en question. Enfin, au moment d’appliquer le critère énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi au sujet de la confusion, il est nécessaire de tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, les marques PRESIDENT’S CHOICE de l’opposante et la marque LE CHOIX DU PRÉSIDENT sont intrinsèquement distinctives. Cependant, les mots PRESIDENT’S CHOICE et LE CHOIX DU PRÉSIDENT sont élogieux en ce qu’ils évoquent un produit de qualité supérieure choisi par le président de l’entreprise qui le fabrique ou le vend. Par conséquent, les marques de l’opposante ne sont pas intrinsèquement fortes. Compte tenu des lacunes que comporte l’affidavit de Satriano, il est difficile de savoir si l’emploi des marques de l’opposante a été fait par celle-ci ou par l’entremise d’un licencié de telle sorte que cet emploi pourrait être attribué à l’opposante. Cependant, dans son plaidoyer écrit, la requérante a admis que les marques PRESIDENT’S CHOICE et LE CHOIX DU PRÉSIDENT de l’opposante sont bien connues au Canada.
La marque de la requérante est également intrinsèquement distinctive. Elle comporte toutefois une connotation élogieuse, parce qu’elle donne à penser que les services et marchandises sont réservés à des clients choisis, soit ceux qui appartiennent au cercle du président. En conséquence, la marque de la requérante n’est pas non plus une marque intrinsèquement forte. Bien que la marque de la requérante ait été employée après la date de production, la preuve ne montre pas clairement que cet emploi a été fait par la requérante ou par une personne ou entreprise dûment autorisée à le faire. Je ne puis donc attribuer aucune réputation acquise importante à la marque dont la requérante demande l’enregistrement.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)b) de la Loi, compte tenu des lacunes que comporte la preuve présentée par les deux parties, il est difficile de déterminer la durée de la période d’emploi des marques. Néanmoins, dans son plaidoyer écrit, la requérante a admis que ce facteur favorisait l’opposante.
En ce qui a trait aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs de marchandises et de services de la requérante et ceux qui figurent dans les différents enregistrements de l’opposante qui constituent le point de référence : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, aux pages 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, à la page 112 (C.A.F.), et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, aux pages 390 à 392 (C.A.F.). Toutefois, il faut lire ces états déclaratifs en vue de déterminer le type probable d’opérations ou activités commerciales envisagé par les parties plutôt que l’ensemble des activités commerciales que le libellé est susceptible d’englober. À cet égard, une preuve des activités commerciales réelles des parties est utile : voir McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, à la page 169 (C.A.F.).
Dans la présente affaire, les marchandises, les services et les activités commerciales des parties sont différents. Les enregistrements de l’opposante couvrent des produits alimentaires et non alimentaires vendus dans des épiceries ainsi que des services financiers. Les marchandises de la requérante se composent de véhicules et d’imprimés utilisés dans une entreprise de location de véhicules et ses services comprennent la location de véhicules. Compte tenu de la preuve au dossier, il ne semble pas y avoir chevauchement des activités commerciales en litige. L’opposante a fait valoir qu’il existe un chevauchement du fait que les deux parties utilisent un programme de fidélisation de la clientèle. Cependant, cette technique de commercialisation n’est pas unique. De plus, le programme de l’opposante est exploité sous la marque de commerce PC et non sous ses marques PRESIDENT’S CHOICE ou sous sa marque LE CHOIX DU PRÉSIDENT.
Quant à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il existe un certain degré de ressemblance entre les marques en litige dans la présentation ou le son, en raison principalement de l’emploi commun du mot PRESIDENT’S ou PRÉSIDENT. Il y a également à tout le moins une certaine ressemblance entre les marques dans les idées qu’elles suggèrent, puisqu’elles évoquent toutes l’idée d’exclusivité ou de qualité supérieure.
La requérante a fait valoir que l’importance de la ressemblance, le cas échéant, entre les marques est atténuée par l’état du registre, mis en preuve au moyen de l’affidavit d’Owens ainsi que des résultats des recherches joints à l’affidavit de Gordon. La preuve relative à l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des déductions au sujet de l’état du marché : voir la décision en matière d’opposition Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il convient également de souligner la décision Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992) 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), qui appuie la proposition selon laquelle des déductions concernant l’état du marché ne peuvent être tirées de la preuve relative à l’état du registre que lorsqu’un nombre élevé d’enregistrements pertinents est repéré.
Dans la présente affaire, l’affidavit d’Owens fait état d’un grand nombre de marques comprenant ou comportant le mot PRESIDENT ainsi que d’un nombre assez élevé de marques qui débutent par le mot PRESIDENT’S. Il m’est donc possible de conclure qu’au moins quelques-unes de ces marques sont employées activement et que les consommateurs font probablement aisément la distinction entre ces marques en se fondant sur les autres éléments de celles-ci. Bien que les résultats de la recherche menée par Gordon soient moins importants, ils tendent à fournir à tout le moins quelques éléments de preuve sur le marché qui confirment l’emploi courant des marques PRESIDENT et PRESIDENT’S.
À titre de circonstance supplémentaire, j’ai tenu compte de l’observation de M. Hudson selon laquelle, malgré l’emploi concurrent des marques des parties pendant au moins trois ans, il ne connaît aucun cas de confusion réelle. Toutefois, étant donné que M. Hudson n’a pas expliqué comment des incidents de confusion seraient éventuellement portés à son attention, je n’ai pas accordé beaucoup d’importance à cette circonstance.
Dans l’application du critère relatif à la confusion, j’ai tenu compte du fait qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions que j’ai formulées plus haut, notamment des différences entre les marchandises, les services et les activités commerciales des parties et de l’emploi courant des marques PRESIDENT ou PRESIDENT’S par des tiers, et malgré l’admission de la requérante selon laquelle les marques de l’opposante sont bien connues, je suis d’avis que la requérante a réussi à prouver, comme elle devait le faire, que la marque dont elle demande l’enregistrement ne crée pas de confusion avec les marques déposées de l’opposante. En conséquence, le troisième motif d’opposition n’est pas retenu non plus.
Le quatrième motif est fondé sur les dispositions de l’article 16 de la Loi, qui exigent que l’opposante prouve que ses marques ont été employées avant la date de production de la demande de la requérante. Tel qu’il est mentionné plus haut, le motif invoqué ne comporte pas la moindre allusion à un emploi antérieur des différentes marques de commerce par l’opposante ou par un prédécesseur en titre. Cependant, même si le motif avait été plaidé de façon appropriée, tel qu’il est mentionné plus haut, compte tenu des lacunes que comporte l’affidavit de Satriano, l’opposante n’a pas réussi à démontrer l’emploi de ses marques par elle-même ou par l’entremise d’un licencié avant la date pertinente. En conséquence, le quatrième motif d’opposition n’est pas retenu non plus.
Quant au cinquième motif d’opposition, il appartient à la requérante de démontrer que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue effectivement ses marchandises et services des marchandises fabriquées ou vendues ou des services exécutés par d’autres dans l’ensemble du Canada : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la date pertinente aux fins de l’examen des circonstances concernant cette question est celle de la production de l’opposition (c.-à-d. le 28 novembre 2002) : voir Re Andres Wines Ltd. et E. J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.). Enfin, il appartient à l’opposante de prouver les allégations de fait qu’elle formule à l’appui du motif de la non-distinctivité.
Étant donné que l’opposante n’a pas réussi à démontrer clairement un emploi de ses marques pouvant lui être attribué, elle ne s’est pas déchargée du fardeau de preuve initial qui lui incombait relativement à ce motif. Cependant, même si elle avait réussi, le cinquième motif aurait porté en définitive sur la question de la confusion et la plupart de mes conclusions concernant le troisième motif se seraient appliquées à cette question également. En conséquence, même si je pouvais présumer que l’emploi démontré des marques PRESIDENT’S CHOICE et de la marque LE CHOIX DU PRÉSIDENT était un emploi pouvant être attribué à l’opposante, je serais encore arrivé à la conclusion que les marques en litige ne créent pas de confusion. En conséquence, le cinquième motif n’est pas retenu non plus.
Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui me sont conférés au paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 1er DÉCEMBRE 2006.
David J. Martin,
Membre,
Commission des oppositions des marques de commerce.