Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS de Rothmans Benson & Hedges Inc. aux demandes nos 1122426 et 1122428 produites par Matinée Company Inc. en vue de l’enregistrement des marques de commerce MATINÉE OR et MATINÉE GOLD

 

 

Le 19 novembre 2001, Matinée Company Inc. (la « Requérante ») a produit des demandes d’enregistrement pour les marques de commerce MATINÉE OR et MATINÉE GOLD (les « Marques ») fondées sur l’emploi projeté des marques au Canada en liaison avec des « produits de tabac fabriqués » (les « Marchandises »).

 

Les demandes ont été publiées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 5 mars 2003.

 

Le 5 août 2003, Rothmans Benson & Hedges Inc. (l’« Opposante ») a produit des déclarations d’opposition essentiellement identiques à l’encontre de chacune des demandes. Les motifs d’opposition se résument ainsi :

 

  1. Les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T‑13, modifiée) (la « Loi ») en ce que la Requérante n’a pas l’intention d’employer les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans les demandes.

 

  1. Les Marques ne sont pas enregistrables parce que, contrairement à l’alinéa 12(1)d) de la Loi, les demandes d’enregistrement pour les Marques créent de la confusion avec les marques de commerce enregistrées suivantes :

 

No d’enreg.

Marque de commerce

Marchandises

Propriétaire actuel

LCD32508

UNE ÉTIQUETTE DE BUFFLE CONTENANT UN TEXTE … DE PIÈCES EN OR (« GOLD »)

Cigarettes.

British American Tobacco (Brands) Inc.

LMC362227

ALSBO GOLD & Dessin

Tabac, brut et fabriqué.

Peter Stokkebye International A/S

LMC496655

ATLANTIC PREMIUM GOLD

 

(Le droit à l’usage exclusif du mot PREMIUM en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement)

Tabac; produits du tabac, nommément cigarettes.

Maritime Tobacco Corporation

LMC427462

CANADIAN GOLD

 

(Le droit à l’usage exclusif du mot CANADIAN en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement)

Tabac à fumer, cigarettes et papier à cigarette.

Imperial Tobacco Products Limited

LMC453962

CANADIAN GOLD & Dessin

 

(Le droit à l’usage exclusif de tout le texte, à l’exception du mot GOLD, en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement)

Produits du tabac.

Imperial Tobacco Products Limited

LMC111508

GOLD BAND

Cigares, cigarettes et tabac en tout genre et de toute nature.

Dunhill Tobacco of London Limited

LMCDF44706

GOLD BAND & Dessin

Cigares, cigarettes et tabac en tout genre et de toute nature.

Dunhill Tobacco of London Limited

LMC177604

GOLD BLEND

 

(Le droit à l’usage exclusif du mot BLEND en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement)

Cigarettes, tabac et cigares.

Dunhill Tobacco of London Limited

LMC279372

GOLD BLOCK

Produits de tabac fabriqués.

Imperial Tobacco Products Limited

LMC185438

GOLD COAST

Cigarettes, cigares et produits du tabac.

Japan Tobacco Inc.

LMC300504

GOLD COAST

Cigarettes.

Japan Tobacco Inc.

LMCDF52285

GOLD FLAKE

Tabac sous toutes ses formes, à être employée plus particulièrement en liaison avec la vente de cigarettes, de papier à cigarette, de tubes de cigarettes, de tabac, de tabac sans fumée et de cigares.

Imperial Tobacco Products Limited

LMC486928

GOLD SEAL

Produits du tabac.

P.T. Djarum

LMC195576

GOLD SHAG

 

(Le droit à l’usage exclusif du mot SHAG en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement)

Tabac à fumer.

Lane Limited

LMCDF52298

OLD GOLD

Tabac sous toutes ses formes, à être employée plus particulièrement en liaison avec la vente de cigarettes, de papier à cigarette, de tubes de cigarettes, de tabac, de tabac sans fumée et de cigares.

Produits de tabac fabriqués.

British American Tobacco (Brands) Inc.

LMC199239

MACDONALD’S & Dessin

Cigarettes, cigares, tabac à pipe et produits du tabac.

JTI-Macdonal TM Corp.

 

  1. Les Marques ne sont pas distinctives de la Requérante puisqu’elles ne distinguent pas les marchandises de la Requérante ni ne sont adaptées à les distinguer.

 

Dans chaque cas, la Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition.

 

Dans chaque cas, l’Opposante a déposé en preuve un affidavit de Perry J. Lao. La Requérante a produit une seule série d’affidavits souscrits par Edmond Ricard, Chantal Dorais, Timothy Owen Stevenson, Adamo Santoianni et Iva Morina à l’égard des présentes oppositions et de deux autres oppositions concernant d’autres demandes intéressant les mêmes Requérante et Opposante.

 

Chaque partie a déposé un plaidoyer écrit dans chaque cas. Seule la Requérante était représentée à l’audience dans chaque cas.

 

Résumé de la preuve de l’Opposante

 

Perry J. Lao atteste qu’il est un avocat travaillant pour le cabinet qui représente l’Opposante dans la présente procédure d’opposition.

 

Monsieur Lao déclare que, le 10 mai 2004, il s’est procuré plusieurs paquets de cigarettes de la Requérante au magasin International News de la Place Scotia, à Toronto (Ontario). Il joint à son affidavit, comme pièces A et B, des images balayées par scanner du dessin et du texte figurant sur les panneaux de devant des paquets de cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » et « MATINÉE ULTRA MILD » de la Requérante. Je reproduis ci‑dessous les principales caractéristiques des panneaux de devant des paquets de cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » et « MATINÉE ULTRA MILD » de la Requérante dont il est fait mention dans la présente procédure d’opposition :

 

MATINÉE EXTRA MILD & DESIGN

MATINÉE ULTRA MILD & DESIGN

 

Monsieur Lao formule plusieurs observations au sujet des indications figurant sur ledit emballage. Il affirme en outre que, compte tenu des produits de commerce de la Requérante joints comme pièces A et B, il est raisonnable de conclure que les marques MATINÉE OR et MATINÉE GOLD figureraient sur leur emballage d’une manière semblable à celle des marques « MATINÉE Extra Mild » et « MATINÉE Ultra Mild », le mot « MATINÉE » étant ainsi séparé des mots « OR » ou « GOLD ». J’écarte cette dernière partie de l’affidavit de M. Lao qui constitue une preuve d’opinion inadmissible.

 

Monsieur Lao a également produit des copies certifiées, provenant du Bureau des marques de commerce, des seize enregistrements de marques « GOLD » énumérés ci‑dessus et invoqués par l’Opposante.

 

Résumé de la preuve de la Requérante

 
Affidavit d’Edmond Ricard

Edmond Ricard atteste qu’il est le chef de division, Commercialisation future et développement, de la Division de la commercialisation d’Imperial Tobacco Canada Limited/Imperial Tobacco Canada Limitée (« ITCan »). Il déclare que, de par sa fonction, il est notamment responsable du maintien des marques de commerce que possèdent ITCan et ses filiales (dont Imperial Tobacco Company Limited (« ITCo »), Allan Ramsay & Company Ltd. (« Allan Ramsay ») et la Requérante) et de la surveillance de l’usage de ces marques de commerce.

 

Monsieur Ricard déclare que, en vertu d’un contrat de licence intervenu entre la Requérante et Allan Ramsay, cette dernière est autorisée à employer toutes les marques de commerce de la Requérante en liaison avec la fabrication et la vente de produits du tabac. La licence lui permettant également d’accorder des sous‑licences à des tiers, Allan Ramsay a accordé une sous‑licence à ITCan selon les mêmes modalités que le contrat de licence intervenu entre elle et la Requérante.

 

Monsieur Ricard affirme qu’ITCan fabrique, commercialise et vend des cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » au Canada depuis au moins juin 2001.

 

Monsieur Ricard explique comment les cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » sont vendues au Canada. Il joint en outre à son affidavit des échantillons représentatifs de l’emballage, des bons de commande et des factures les concernant.

 
Affidavit de Chantal Dorais

Chantal Dorais atteste qu’elle est chef d’équipe, Relations avec les consommateurs, pour ITCan. Madame Dorais déclare que son service s’occupe des communications avec les clients, y compris des questions, compliments, commentaires et plaintes ayant trait aux produits fabriqués par ITCan, dont les cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD ».

 

Madame Dorais déclare que les communications concernant les produits d’ITCan sont la plupart du temps reçues par téléphone, au numéro imprimé sur l’emballage de ces produits. Elle déclare en outre que les employés de son service, dont elle‑même, répondent à ces appels et entrent directement l’objet de la discussion dans une base de données électronique. À la fin de ces appels, le service demande au client de lui fournir, par écrit, des précisions sur la communication à l’aide d’un formulaire de commentaires qu’il lui expédie par la poste. Ces formulaires sont ensuite retournés au service.

 

Madame Dorais déclare que, dans la plupart des cas, les clients désignent le produit en question par son nom complet. Donc, les clients qui ont communiqué avec le service au sujet du produit « MATINÉE EXTRA MILD » d’ITCan l’ont, dans la plupart des cas, appelé « MATINÉE EXTRA MILD ». Madame Dorais, qui déclare en outre qu’ITCan a reçu plus de 450 communications concernant ses cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD », joint à son affidavit, comme pièce A, des échantillons représentatifs des communications reçues des consommateurs canadiens à leur sujet.

 
Affidavit d’Adamo Santoianni

Adamo Santoianni atteste qu’il est représentant de commerce pour ITCo. Il occupe ce poste chez ITCo et ses prédécesseurs depuis vingt‑trois ans.

 

Il déclare que son rôle consiste à travailler avec les détaillants de la région de Montréal dans le marchandisage des produits fabriqués par ITCan, pour laquelle ITCo distribue des cigarettes. Monsieur Santoianni explique qu’il parle régulièrement avec les détaillants et qu’il leur rend aussi visite dans leurs magasins pour leur remettre des documents d’information, assurer le maintien de leur stock de cigarettes dans les présentoirs, etc. Il déclare en outre qu’il a souvent l’occasion de parler avec des clients ou d’entendre parler les clients qui entrent dans les magasins lorsqu’il est en visite chez les détaillants. Il déclare qu’au cours des vingt‑trois dernières années, il a parlé avec des milliers de clients ou les a entendus discuter ou acheter leurs cigarettes, et que, dans la grande majorité des cas (environ 95 % du temps, selon lui), ces clients ont désigné la marque de cigarette en question par son nom complet. Il déclare qu’il en est ainsi des cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » d’ITCan, que lesdits clients appellent « MATINÉE EXTRA MILD ».

 

Monsieur Santoianni ajoute que ce n’est pas étonnant puisque, selon son expérience, il est et a toujours été courant pour un fabricant de tabac d’offrir un certain nombre de marques dont les noms ont un premier élément en commun. Sans fournir d’autres faits justificatifs, il cite les exemples suivants : PLAYER’S FILTER, PLAYER’S LIGHT SMOOTH, PLAYER’S SILVER et PLAYER’S SPECIAL BLEND; et EXPORT A EXTRA LIGHT, EXPORT A LIGHT, EXPORT A MEDIUM, EXPORT A MEDIUM FLAVOUR et EXPORT A MILD.

 

Bien que l’Opposante n’ait pas contesté l’admissibilité en preuve des déclarations de M. Santoianni, j’y reviendrai plus loin dans ma décision.

 

Affidavits d’Iva Morina et de Timothy Owen Stevenson

Iva Morina et Timothy Owen Stevenson attestent qu’ils occupent respectivement un poste de technicienne juridique et de stagiaire d’été au sein du cabinet d’avocats qui représente la Requérante dans la présente procédure d’opposition.

 

Chacun d’eux s’est rendu dans un ou plusieurs dépanneurs et a demandé verbalement un paquet de cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD ». Des photocopies du paquet de cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » qu’on leur a remis et du reçu s’y rapportant sont jointes à chacun de leurs affidavits.

 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

 

Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ses demandes sont conformes aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment étayé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Dans les présents cas, les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances en ce qui concerne chacun des motifs d’opposition sont les suivantes :

 

  • motif fondé sur l’article 30 de la Loi : la date de production des demandes [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];
  • motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];
  • motif fondé sur l’absence de caractère distinctif des Marques : généralement reconnue comme étant la date de production des déclarations d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

J’analyserai maintenant ces motifs d’opposition l’un après l’autre eu égard à la preuve produite au dossier.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

 

Selon le premier motif d’opposition de l’Opposante, les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi en ce que la Requérante n’a pas l’intention d’employer les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans les demandes.

 

Bien que j’aie des doutes sur la suffisance de cet argument, je retiens de l’affidavit Lao et du plaidoyer écrit de l’Opposante dans chaque cas que celle‑ci prétend, en se fondant sur les produits de commerce de la Requérante joints audit affidavit comme pièces A et B, qu’il est raisonnable de conclure que les marques MATINÉE OR et MATINÉE GOLD dont l’enregistrement est demandé figureraient sur leur emballage d’une manière semblable à celle des marques « MATINÉE Extra Mild » et « MATINÉE Ultra Mild », le mot « MATINÉE » étant ainsi séparé des mots « OR » ou « GOLD », et qu’un tel emploi des marques MATINÉE OR ou MATINÉE GOLD ne constituerait pas un emploi d’une marque de commerce monolithique.

 

La Requérante prétend au contraire que cet élément de preuve démontre tout au plus comment la Requérante a vendu ses marques de cigarettes non liées « MATINÉE EXTRA MILD » et « MATINÉE ULTRA MILD » en 2004, et ne saurait être considéré comme une preuve de l’intention que la Requérante a pu avoir, trois ans auparavant, quant à la manière de vendre ses marques de cigarettes MATINÉE OR et MATINÉE GOLD. La Requérante soutient donc que la preuve produite au dossier ne permet pas de conclure que son intention, en 2001, était de ne pas employer les marques MATINÉE OR et MATINÉE GOLD, compte tenu notamment des déclarations non équivoques et contemporaines dans ses demandes portant qu’elle entendait employer les marques MATINÉE OR et MATINÉE GOLD comme marques de commerce. Je suis d’accord.

 

Néanmoins, pour le cas où j’aurais tort, j’examinerai davantage les prétentions de l’Opposante à cet égard tout en gardant à l’esprit que le fardeau de preuve initial de celle‑ci en ce qui a trait à un motif fondé sur la non‑conformité avec l’alinéa 30e) est relativement léger [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F.)].

 

Dans son plaidoyer écrit déposé dans chaque cas, l’Opposante prétend ceci :

 

[traduction] B. 6.    Il ressort de la preuve que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la marque en question comme marque de commerce. La Requérante confirme que la conception d’emballage pour sa famille de produits « Matinée » est uniforme. La preuve de la Requérante confirme en outre que son emballage de MATINÉE EXTRA MILD représente le mode d’emploi typique de sa marque MATINÉE sur l’emballage. Sur tous les emballages de ce produit, le premier élément « MATINÉE », en script rouge éclatant, est séparé du deuxième élément « EXTRA MILD », qui est de couleur obscure, de plus petite dimension et dans une police différente du mot « MATINÉE ». Les deux éléments figurent toujours dans des combinaisons de lettres majuscules et minuscules différentes, à savoir « EXTRA MILD » par opposition à « Matinée ». (C’est moi qui souligne.)

 

La preuve n’étaye pas les prétentions soulignées citées ci-dessus, qui sont contestées par la Requérante.

 

Tout ce que la preuve produite tant par l’Opposante que par la Requérante réussit à faire, c’est de montrer clairement que les paquets de cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » sont vendus au Canada, et ce, même si l’affidavit Lao met aussi en preuve un échantillon de l’emballage des paquets de cigarettes « MATINÉE ULTRA MILD » de la Requérante.

 

Dans son plaidoyer écrit déposé dans chaque cas, l’Opposante prétend en outre ce qui suit :

 

[traduction] C. 1 (k)           La preuve établit que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la [M]arque comme marque de commerce aux fins de distinguer ou de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres négociants. Le mot GOLD [OR] sera séparé physiquement de l’élément MATINÉE, dans une police différente de couleur beaucoup plus obscure et de dimension beaucoup plus petite que l’élément MATINÉE, et se présentera sous la forme d’une combinaison de lettres majuscules et minuscules différente de l’élément MATINÉE.

[…]

 

(m)       […] La Requérante elle‑même convient qu’elle emploiera la marque en question selon le même mode de présentation que ses produits MATINÉE EXTRA MILD et autres produits MATINÉE.

 

Ici encore, aucune preuve n’étaye ces prétentions, que je rejette parce qu’elles relèvent de la spéculation pure. Et si c’était le cas, je suis d’accord avec la Requérante pour dire qu’un tel mode d’emploi constituerait un emploi comme marques de commerce.

 

En effet, si la Requérante devait employer les Marques selon le même mode de présentation que ses cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD », je crois que ce mode d’emploi constituerait un emploi comme marques de commerce puisque le fait que les mots « MATINÉE » et « EXTRA MILD » [ou « GOLD » ou « OR »] figurent [ou figureraient] dans des polices et des couleurs différentes sur les panneaux de devant, de côté et de dessus des paquets de cigarettes n’empêche pas en soi que ces mots soient considérés comme un emploi de la marque « MATINÉE EXTRA MILD » [ou MATINÉE GOLD ou MATINÉE OR] dans son ensemble. Les mots « MATINÉE » et « EXTRA MILD » [ou « GOLD » ou « OR »] sont toujours [ou seraient toujours] situés près les uns des autres, sans autre signe (panneau de côté) ni autre texte (panneau de dessus) autour d’eux. Ce sont les seuls mots de dimension importante qui figurent sur le panneau de devant.

 

Si on poursuit la comparaison, ledit emploi des marques « MATINÉE GOLD » et « MATINÉE OR » comme marques de commerce sur des paquets de cigarettes est étayé par l’emploi de la marque « MATINÉE EXTRA MILD » sur les factures et bons de commande joints à l’affidavit Ricard. La marque « MATINÉE EXTRA MILD » figure dans le corps des factures, qui accompagnent les marchandises ou sont expédiées aux acheteurs. La marque « MATINÉE EXTRA MILD » figure sur les bons de commande qu’utilisent les détaillants et les grossistes pour commander des cigarettes d’ITCo. La marque « MATINÉE EXTRA MILD » figure également sur les reçus remis aux consommateurs, comme en fait foi l’affidavit Stevenson.

 

En outre, les échantillons de communications joints à l’affidavit Dorais révèlent que les cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD » sont appelées « MATINÉE EXTRA MILD » par les clients.

 

Je n’ai pas à me prononcer sur l’admissibilité des déclarations de M. Santoianni puisque j’estime que l’élément de preuve souligné ci-dessus est suffisant pour conclure, dans les circonstances, que si la Requérante devait employer les marques visées par l’enregistrement selon le même mode de présentation que ses cigarettes « MATINÉE EXTRA MILD », cet emploi constituerait un emploi des marques de commerce projetées.

 

Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial dont elle devait s’acquitter pour mettre en cause les allégations portant que la Requérante n’a pas l’intention d’employer les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans les demandes. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e) n’est donc pas retenu.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

Comme nous l’avons vu, l’Opposante a produit des copies certifiées, provenant du Bureau des marques de commerce, des seize enregistrements de marques « GOLD » énumérés ci‑dessus et invoqués par l’Opposante. Comme l’a fait observer la Requérante dans son plaidoyer écrit déposé dans chaque cas, trois des enregistrements cités [ALSBO GOLD & Dessin, GOLD SHAG et MACDONALD’S & Dessin], qui étaient en vigueur à l’époque des demandes de la Requérante en 2001, ont cependant été radiés pour non‑renouvellement après que la preuve eut été produite dans les présentes oppositions. Par conséquent, comme le prétend la Requérante, ces enregistrements ne sont pas pertinents quant aux oppositions aux Marques de la Requérante fondées sur l’alinéa 12(1)d).

 

Vu cette preuve produite par l’Opposante, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucun risque de confusion entre les Marques et lesdits enregistrements.

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse exhaustive des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

Comme l’a reconnu l’Opposante dans son plaidoyer écrit déposé dans chaque cas, les Marques se composent de deux éléments, à savoir la marque maison bien connue « MATINÉE » et le mot « GOLD » ou « OR ». Le mot « GOLD » ou « OR » peut donner à penser que les Marchandises sont de grande qualité ou que les produits de tabac ou leur emballage sont de couleur or. Cela dit, j’estime que les Marques possèdent un certain caractère distinctif inhérent.

 

Les enregistrements de marques de commerce cités possèdent aussi un certain caractère distinctif inhérent.

 

On peut accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’emploi. Les parties n’ont cependant fourni aucun élément de preuve établissant que les marques en question sont devenues connues au Canada dans quelque mesure que ce soit. Tout ce que l’on peut déduire de la seule existence des enregistrements cités est un emploi de minimis qui ne permet pas de conclure que les marques sont devenues connues au Canada [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

 

Ce facteur ne joue donc en faveur d’aucune partie.

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

Rien ne permettant de conclure à l’usage continu des marques citées depuis les dates de premier emploi revendiquées dans les enregistrements, je n’accorde aucune importance à ce facteur.

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises, et d) la nature du commerce

 

Les marques en question se rapportent à des marchandises identiques ou étroitement liées. Ces troisième et quatrième facteurs jouent donc en faveur de l’Opposante.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce

 

La seule caractéristique commune entre chacun des enregistrements cités et la marque MATINÉE GOLD de la Requérante est le mot « GOLD ». Si ce n’est que le mot « OR » est l’équivalent français du mot anglais « GOLD », il n’existe aucune caractéristique commune entre chacun des enregistrements cités et la marque MATINÉE OR de la Requérante.

 

Compte tenu des différences très importantes qui existent entre les Marques et chacune des marques citées dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, je ne crois pas qu’il soit nécessaire ici de présenter de façon détaillée l’analyse qui a été faite à l’égard de chacune des treize marques en question. Qu’il suffise de dire que les Marques de la Requérante se composent de l’élément distinctif « MATINÉE » figurant au début de celles-ci alors que les enregistrements cités comportent d’autres caractéristiques distinctives. Ce cinquième facteur joue donc clairement en faveur de la Requérante.

 

Autres circonstances

 

Les marques citées comptent treize enregistrements de marques de commerce appartenant à six entités différentes. Bien que ce nombre puisse ne pas être considéré par la jurisprudence comme suffisamment élevé pour permettre de tirer des conclusions sur l’état du marché portant que les marques contenant le mot « GOLD » sont courantes sur le marché des produits du tabac, je crois néanmoins que de telles conclusions peuvent raisonnablement être tirées dans les circonstances de la présente procédure d’opposition vu le caractère suggestif du mot « GOLD » dont il a été question plus haut et le fait que la Requérante et l’Opposante ont toutes deux reconnu dans leurs plaidoyers écrits que ce mot a un faible caractère distinctif inhérent.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

En appliquant le test en matière de confusion, j’ai tenu compte du fait qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en question quant à la source des marchandises des parties. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) n’est donc pas retenu.

 

Dans son plaidoyer écrit déposé dans chaque cas, l’Opposante a allégué subsidiairement ceci :

 

[traduction] 2.(j) Subsidiairement, si l’agent d’audience estime que l[es] [M]arqu[es] en question ne créent pas de confusion avec les marques de commerce enregistrées parce que les autres éléments composant chacune des marques de commerce en cause suffisent à les distinguer, nous prétendons que le mot GOLD [OR] contenu dans l[es] [M]arqu[es] en question est un élément faible et non distinctif qui constitue un mot courant anglais [français] auquel tous les négociants dans le domaine devraient avoir accès.

 

Compte tenu de mes conclusions ci-dessus selon lesquelles le mot « GOLD » est courant sur le marché et du fait que la Requérante ne cherche pas à enregistrer les marques GOLD et OR en soi mais les marques MATINÉE OR et MATINÉE GOLD dans leur ensemble, je n’entends pas m’attarder davantage sur cette dernière prétention de l’Opposante.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

Selon le troisième motif d’opposition, les Marques ne sont pas distinctives de la Requérante en ce qu’elles ne distinguent pas les marchandises de la Requérante ni ne sont adaptées à les distinguer. L’Opposante n’a fourni aucun autre détail à l’appui de cet argument. Par conséquent, le troisième motif d’opposition n’est pas conforme à l’alinéa 38(3)a) de la Loi et ne peut donc être retenu.

 

Même si on avait suffisamment fait valoir le motif d’opposition ayant trait au caractère distinctif, je rejetterais tout de même ce motif puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait d’établir que, à la date de production des oppositions, les marques citées étaient devenues suffisamment connues pour faire obstacle au caractère distinctif des marques dont l’enregistrement est demandé. En outre, si ce motif était considéré comme étant fondé sur l’allégation portant que les Marques ne seront pas employées aux fins de distinguer les Marchandises de celles des autres négociants, comme le prétend l’Opposante dans son plaidoyer écrit déposé dans chaque cas, il faudrait également le rejeter à tout le moins pour les mêmes raisons que celles qui ont fait échouer le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e).

 

Décision

Conformément aux pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions à l’enregistrement des marques MATINÉE OR et MATINÉE GOLD, le tout en application du paragraphe 38(8).

 

Fait à Montréal (Québec), le 13 février 2008.

 

Annie Robitaille

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

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