Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

    Référence: 2014 COMC 108   

Date de la décision: 2014-05-27

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Communauto Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,493,890 pour la marque de commerce COMMUNOLOFT au nom de 9021-1988 Québec Inc.

Introduction

[1]               Communauto Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce COMMUNOLOFT (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,493,890 au nom de 9021-1988 Québec Inc. (la Requérante).

[2]               Cette demande, produite le 27 août 2010, couvre l’énoncé de marchandises et services suivant, tel que révisé le 8 avril 2011 :

MARCHANDISES :

(1)       Livre, nommément: brochure contenant de l'information à propos de l'entrepreneurship.

(2)       Objets promotionnels, nommément des clés USB, des coffrets contenant des dépliants publicitaires et des dépliants publicitaires.

SERVICES :

(1)       Exploitation d'un centre d'affaires offrant la location d'espaces à bureau, fermé ou à aire ouverte, de salles de conférence, de salles de réceptions et de meubles de bureau; exploitation d'un centre d'affaires offrant la fourniture d'une réceptionniste, la fourniture de stationnement et la fourniture de services téléphoniques et d'accès à Internet.

(2)       Exploitation d'un portail web s'adressant aux entrepreneurs.

(3)       Service conseil relativement à la création d'entreprises.

(4)       Fourniture de formation en entrepreneurship, nommément octroi de conférences[.]

(5)       Organisation et animation d'événements de réseautage d'affaires pour les entrepreneurs.

(6)       Distribution à des tiers d'un périodique, nommément une infolettre portant sur l'entrepreneurship.

(7)       Édition et distribution d'un livre, nommément une brochure contenant de l'information à propos de l'entrepreneurship.

REVENDICATIONS :

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que 2009 en liaison avec les services (1).

Emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises et en liaison avec les services (2), (3), (4), (5), (6), (7).

(ci-après parfois collectivement référés les Marchandises et Services).

[3]               Tel qu’il ressortira de mon analyse, l’Opposante fonde son opposition sur divers motifs tournant tous autour de la question de la probabilité de confusion au sens de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), entre la Marque et la marque de commerce COMMUNAUTO enregistrée sous le no 585956 ou les noms commerciaux Communauto Inc. et Communauto, appartenant à l’Opposante et précédemment employés au Canada par celle-ci.

[4]               Pour les raisons expliquées ci-après, j’estime qu’il y a lieu de repousser la demande.

Le dossier

[5]               La déclaration d’opposition fut produite le 6 septembre 2011. La Requérante a produit une contre-déclaration déniant chacun des motifs d’opposition plaidés.

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit une déclaration statutaire de son président, Benoît Robert, datée du 22 mai 2012, et un affidavit de Johanne Montpetit, secrétaire au sein du cabinet d’agents de marques de commerce représentant l’Opposante dans le présent dossier, également daté du 22 mai 2012, de même qu’un certificat d’authenticité concernant l’enregistrement no 585956 pour la marque de commerce COMMUNAUTO.

[7]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit une déclaration statutaire de sa présidente et actionnaire unique, Natalie Voland, datée du 20 septembre 2012. Mme Voland a été contre-interrogée sur sa déclaration statutaire et la transcription de son contre-interrogatoire de même que les réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci ont été produites au dossier.

[8]               À la suite de la production de la preuve de la Requérante, l’Opposante a demandé la permission de produire une déclaration d’opposition amendée afin d’ajouter à l’un des motifs d’opposition plaidés, nommément celui basé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque, une référence à sa marque de commerce COMMUNOPOLIS. Cette permission lui fut refusée par le registraire le 18 décembre 2012.

[9]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience tenue dans ce dossier.

[10]           Lors de l’audience, la Requérante a demandé la permission de produire une preuve additionnelle consistant en un affidavit original de Margaret Miguel. L’Opposante s’est objectée à cette demande de permission. Pour les raisons expliquées ci-après, j’ai refusé, lors de l’audience, d’accorder la permission demandée.

Questions préliminaires

Demande de permission de produire l’affidavit de Mme Miguel comme preuve additionnelle

[11]           Cette demande de permission fut motivée verbalement lors de l’audience.

[12]           Plus particulièrement, la Requérante a fait valoir que ce n’est qu’à la lecture du plaidoyer écrit de l’Opposante qu’elle a appris que l’Opposante remettait en cause la date de premier emploi de la Marque alléguée dans la présente demande pour les services (1) décrits plus haut. Bien que la Requérante soit d’avis qu’aucun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante dans la déclaration d’opposition au dossier ne porte sur la non-conformité de la demande au sens de l’article 30(b) de la Loi (je reviendrai plus loin sur ce point), la Requérante souhaitait néanmoins produire l’affidavit de Mme Miguel afin d’éviter que toute inférence négative ne soit tirée des suites du contre-interrogatoire de Mme Voland.

[13]           Sans entrer dans le détail des pourquoi et des comment de l’affidavit de Mme Miguel, celui-ci visait à produire comme pièces « R 2-1 » et « R 2-2 » respectivement, copies de captures d’écran faisant voir la date de création des documents produits comme engagements U-2 et U-11 suite au contre-interrogatoire de Mme Voland. Il importe de souligner ici que bien que les documents produits comme engagements U-2 et U-11 puissent tirer leur origine de documents créés aux dates indiquées sur les captures d’écran en question, les versions des documents produits comme engagements U-2 et U-11 ne correspondent pas nécessairement aux versions originales telles qu’elles existaient aux dates de création en question. En d’autres mots, et tel qu’expliqué par la Requérante lors de l’audience, les documents produits comme engagements U-2 et U-11 peuvent avoir été modifiés depuis leur date de création originale et ne font aucunement preuve de leur contenu aux dates de création référencées dans l’affidavit de Mme Miguel.

[14]           Tel qu’indiqué plus haut, l’Opposante s’est objectée à la demande de permission de la Requérante. En cours d’argumentation, elle a toutefois consenti à ne tirer aucune inférence négative par rapport à la date de création originale du document produit comme engagement U-11.

[15]           Après discussion avec les parties, j’en suis venue à la conclusion de refuser la demande de permission de la Requérante. Sans entrer dans le détail des circonstances ayant motivé ce refus, qu’il suffise de dire que tel que reconnu ultimement par chacune des parties lors de l’audience, aucune des pièces « R 2-1 » et « R 2-2 » ne s’avère nécessaire dans le présent dossier. Point n’est besoin de remonter à la date de création originale du document produit comme engagement U-2 puisque celui-ci fait, de toute manière, état à sa face même d’un évènement survenu le 28 octobre 2009. En d’autres mots, il est possible de situer ce document dans l’échelle de temps. Point n’est besoin également de remonter à la date de création de l’engagement U-11 puisque pareille date de création n’assure, de toute manière, aucunement que le document produit sous U-11 existait tel quel à cette date.

[16]           Ceci m’amène à trancher comme deuxième question préliminaire, la portée du motif d’opposition plaidé sous l’article 38(2)(a) de la Loi.

Portée du motif d’opposition plaidé sous l’article 38(2)(a) de la Loi

[17]           Tel qu’indiqué plus haut, la Requérante est d’avis qu’aucun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante dans la déclaration d’opposition au dossier ne porte sur la non-conformité de la demande au sens de l’article 30(b) de la Loi.

[18]           L’Opposante soumet au contraire que bien que le motif d’opposition sous l’article 30(b) de la Loi ne soit pas « bien articulé » dans la déclaration d’opposition au dossier, celui-ci se dégage néanmoins de celle-ci. Je ne suis pas d’accord.

[19]           Il convient de reproduire le motif d’opposition tel que plaidé au paragraphe 1(a) de la déclaration d’opposition au dossier :

[L]’Opposante base d’abord son opposition sur le motif prévu à l’article 38(2)(a) de la Loi, en ce que la [d]emande ne satisfait pas toutes et chacune des exigences de l’article 30, notamment celle prévue à son alinéa (i) en ce qu’a été insérée une déclaration portant que la Requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises décrites comme « [(1)] Livre, nommément […], (2) Objets promotionnels, nommément […] » (ci-après les « Marchandises »), et en liaison avec des services décrits comme « [(1)] Exploitation d’un centre d’affaires, […]; (2) Exploitation d’un portail web […]; (3) Service conseil […]; (4) Fourniture de formation en entrepreneurship […]; (5) Organisation et animation […]; (6) Distribution à des tiers […]; et (7) Édition […] » (ci-après les « Services »), et que la Requérante ne pouvait pas être convaincue de tel droit à la date de la [d]emande, la Requérante ayant une excellente connaissance de la marque de commerce déposée de l’Opposante […]; et (ii) des noms commerciaux […] de l’Opposante […], bien connues [sic] au Canada; ainsi que de (iii) de leur distinctivité au sens de l’article 2 de la Loi, la Requérante ne pouvant de ce fait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada, le tout constituant un motif d’opposition en vertu de l’article 38(2)(a) de la Loi. [mon soulignement]

[20]           Tel qu’il ressort de ce libellé, bien que l’Opposante fasse référence dans le paragraphe introductif de son motif d’opposition « à toutes et chacune des exigences de l’article 30 », l’Opposante a par la suite développé son motif d’opposition fondé sur la non-conformité de la demande au sens de l’article 30 de la Loi en regard de l’alinéa 30(i) seulement. L’Opposante n’a aucunement plaidé que la Requérante n’avait pas employé la Marque tel qu’allégué dans sa demande au sens de l’article 30(b) de la Loi. Tel qu’édicté à l’article 38(3) de la Loi, il incombait à l’Opposante de plaider pareil motif avec détails suffisants de manière à permettre à la Requérante d’y répondre [voir Novopharm Ltd c AstraZeneca [2002] 219 DLR (4th) 290 (FCA); et Imperial Developments Ltd c Imperial Oil Limited (1984), 79 CPR (2d) 12 (FCTD)].

[21]           J’ajouterai sur ce point que rien dans la preuve de l’Opposante produite par le biais de la déclaration solennelle de M. Robert et de l’affidavit de Mme Petit, ne permettait à la Requérante d’anticiper l’approche adoptée par l’Opposante dans son plaidoyer écrit et lors de l’audience en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi. Le fait que l’Opposante, dans le cadre du contre-interrogatoire de Mme Voland, ait questionné celle-ci sur l’emploi fait de la Marque de manière à situer pareil emploi dans le temps et à en mesurer l’étendue, ne saurait également être interprété comme annonçant et appuyant pareil motif, d’autant plus que la Requérante s’est objectée, à juste titre, à nombre de questions posées à ce sujet lors de ce contre-interrogatoire.

[22]           Par conséquent, la portée du motif d’opposition plaidé sous l’article 38(2)(a) de la Loi est restreinte à l’article 30(i) de la Loi tel que plaidé par l’Opposante au paragraphe 1(a) de la déclaration d’opposition au dossier.

Le fardeau qui repose sur les parties

[23]           C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].


Analyse

[24]           Tel qu’indiqué plus haut, l’ensemble des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante tournent autour de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce COMMUNAUTO enregistrée sous le no 585956 ou les noms commerciaux Communauto Inc. et Communauto, appartenant à l’Opposante et précédemment employés au Canada par celle-ci.

[25]           Je débuterai mon analyse par le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi, à savoir que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle porte à confusion avec la marque enregistrée COMMUNAUTO de l’Opposante.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi.

[26]           La date pertinente pour décider d’un motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité d’une marque de commerce au regard de la confusion créée avec une marque de commerce enregistrée est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. J’ai exercé ma discrétion et vérifié que l’enregistrement allégué par l’Opposante au soutien du présent motif est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque enregistrée de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[27]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[28]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[29]           Les marques des parties possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent équivalent et relativement faible dans le contexte des marchandises et/ou services leur étant associés compte tenu de leur caractère suggestif ou descriptif. Je reviendrai sur les idées suggérées par les marques sous étude plus loin lorsque je considérerai le cinquième facteur de l’article 6(5) de la Loi.

[30]           Je conviens toutefois avec l’Opposante que la mesure dans laquelle ces marques de commerce sont devenues connues la favorise nettement, le tout tel qu’il ressort de ma revue ci-après de la preuve produite par les parties sur cette question.

La preuve de l’Opposante introduite par le biais de la déclaration statutaire de M. Robert

[31]           M. Robert affirme essentiellement ce qui suit :

1.      l’Opposante a été constituée au Québec le 16 juin 1995 et emploie le nom commercial et la marque de commerce COMMUNAUTO depuis cette date afin de faire connaître et commercialiser ses services de partage de véhicules automobiles. Ces services sont décrits comme « Location de véhicules à très court terme (à l’heure et à la journée) » dans l’enregistrement de marque de commerce no 585956 obtenu par l’Opposante [paragraphes 2, 3 et 6; pièces P-1, P-2 et P-3 – copie du certificat de constitution émis par l’Inspecteur général des institutions financières; extrait du registre des entreprises du Québec; et copie certifiée de l’enregistrement no 585956];

2.            la marque COMMUNAUTO provient de la combinaison du préfixe « COMMUN » et du mot « AUTO ». M. Robert explique que cette marque a été crée par lui et ses associés de l’époque, afin d’exprimer le caractère communautaire qui découlait de l’utilisation collective d’un bien matériel que l’Opposante proposait pour accéder à la mobilité automobile [paragraphe 4];

3.            la marque COMMUNAUTO est employée dans l’annonce et l’exécution des services de l’Opposante, le tout tel qu’il appert des pièces suivantes;

a)          P-4.1 : échantillons d’enseigne métallique d’espace réservé pour des véhicules de l’Opposante, sur laquelle apparaît la marque de l’Opposante de même que son nom de domaine www.communauto.com;

b)          P-4.2. : liste des stations de véhicules et localisations des coffrets à clé dans les villes de Montréal, Québec, Gatineau, et Sherbrooke;

c)          P-4.4 : divers communiqués de presse émis par l’Opposante;

d)         P-4.5 : échantillons de papeterie de l’Opposante, incluant cartes d’affaires, enveloppe, papier à lettres;

e)          P-4.6 : document d’analyse du projet « Auto + Bus », daté du 13 février 2007, préparé par la société Tecsult, pour le bénéfice de l’Opposante et Transports Canada;

f)          P-4.7 : rapports annuels 2008, 2009 et 2010, incluant certains résultats financiers et documents d’analyse stratégique de l’Opposante;

g)          P-4.8, P-4.9 et P-4.10: divers échantillons de publicités de l’Opposante au fil du temps;

h)          P-4.11 : document promotionnel de l’Opposante daté de 1995;

i)           P-4.12 : disque CD-Rom comprenant des copies du bulletin officiel de l’Opposante (« Echo-Mobile ») au cours des ans, ainsi que différentes vidéos de la communauté « Communopolis » mise sur pied par l’Opposante;

j)           P-4.13 : copie d’un document de communication concernant le portail « Communopolis » mis sur pied par l’Opposante et proposant entre autres des nouvelles et discussions exclusives sur COMMUNAUTO et sur la mobilité durable;

k)          P-4.14 : photographies de véhicules de l’Opposante sur lesquels est apposée la marque de l’Opposante;

l)           P-4.15 : document récapitulatif de la dernière campagne publicitaire de l’Opposante, incluant un volet dans le journal du métro de Montréal « 24 heures », ainsi qu’un volet publicitaire destiné à la télévision;

m)         P-4.16 : document récapitulatif général présentant l’Opposante et divers aspects de ses activités incluant statistiques de croissance de 1995 à 2011, et évolution du chiffre d’affaire de 2000 à 2011;

4.            pour l’année se terminant le 31 décembre 2011, les ventes effectuées pour les services rendus sous la marque COMMUNAUTO de l’Opposante ont excédé 500 millions $. L’évolution du chiffre d’affaires de l’Opposante est reproduit dans un graphique inclus dans la pièce P-4.16 [paragraphes 8 et 9]; et

5.            à la date de signature de sa déclaration statutaire, le nombre d’usagers des services de l’Opposante était d’environ 25 000, le nombre de véhicules d’environ 12 000, et le nombre de stations d’environ 370. L’évolution de ces diverses données est reproduit dans un graphique inclus dans la pièce P-4.16 [paragraphe 10];

6.            les régions urbaines où sont offerts les services de l’Opposante sous la marque COMMUNAUTO, ainsi que l’emplacement détaillé des stations dans les régions de Montréal et de Québec sont incluses dans la pièce P-4.16 [paragraphe 11];

7.            l’Opposante compte plusieurs partenaires stratégiques, incluant les villes de Montréal, Québec, Gatineau et Sherbrooke; Hydro-Québec; diverses sociétés de transport telles l’Agence métropolitaine de transport (AMT) et la Société de transport de l’Outaouais (STO); Via Rail Canada; etc. [paragraphe 12];

8.            la clientèle de l’Opposante se compose essentiellement de personnes physiques (environ 23 977 à la date de signature de sa déclaration statutaire) et de clients corporatifs (417 comptes regroupant 1277 conducteurs ayant accès aux véhicules de l’Opposante) [paragraphe 14]; et

9.            l’Opposante détient plusieurs noms de domaine et est présente sur le Web, que ce soit par le biais de son site Internet www.communauto.com ou des médias sociaux Facebook et Twitter [paragraphes 15 à 20; pièce P-5 – preuves des enregistrements de noms de domaine sécurisés par l’Opposante; et pièces P-6 à P-8 – copies de diverses pages tirées des sites en question].

[32]           M. Robert émet par ailleurs quelques opinions personnelles sur l’originalité de la marque de commerce COMMUNAUTO de l’Opposante et la notoriété acquise par celle-ci. Pareilles opinions personnelles s’avèrent inadmissibles en preuve, si ce n’est parce que M. Robert ne peut être qualifié d’expert en l’occurrence, et relèvent de questions de faits et de droit du ressort du registraire.

[33]           M. Robert réfère également dans sa déclaration statutaire à des enquêtes de notoriété réalisées au sujet de la marque COMMUNAUTO de l’Opposante par la société Ad Hoc Recherche inc. à Québec en 2007 et à Montréal en 2010 [paragraphes 7 et 13; pièces P-4.3 et pièce P-4.16]. Je note que la Requérante n’a soulevé aucune objection quant à l’admissibilité de ces recherches en preuve au motif qu’il s’agit-là de ouï-dire. Quoiqu’il en soit, il convient de noter que la Requérante a elle-même concédé lors de l’audience, deux fois plutôt qu’une, qu’elle ne remettait pas en cause le fait que la marque de commerce COMMUNAUTO de l’Opposante est bien connue, voir extrêmement bien connue (« extremely well-known ») à Montréal, à tout le moins. Je n’ai au surplus aucune difficulté à conclure de l’ensemble de la preuve de M. Robert discutée plus haut au paragraphe 31 de ma décision, que la marque de commerce COMMUNAUTO est devenue très bien connue au Québec, à tout le moins dans les villes de Montréal, Québec, Gatineau et Sherbrooke.

[34]           Par comparaison, la preuve de la Requérante sur cette question m’amène à conclure que la Marque n’a été employée que dans une certaine mesure, et ce pour une partie seulement des Services.

La preuve de la Requérante introduite par le biais de la déclaration statutaire et du contre-interrogatoire de Mme Holland

[35]           Mme Holland affirme essentiellement ce qui suit :

1.      l’Opposante est une société immobilière incorporée au Québec depuis le 31 mai 1995. Elle détient et gère des actifs immobiliers sous le nom commercial Complexe Dompark depuis son incorporation [paragraphes 2 et 3, pièce R-1 – copie du certificat de constitution émis par l’Inspecteur général des institutions financières];

2.      l’Opposante a employé la Marque depuis 2009, lorsqu’elle a implémenté un projet pilote dans son immeuble situé au 5524 rue St-Patrick, à Montréal [paragraphe 4];

3.      les services offerts en liaison avec la Marque comprennent l’implantation et l’opération de centres d’affaires, incluant la location d’espaces à bureaux avec accès partagé à des salles de conférences, des aires de réception, des aires de stationnement et des services de télécommunication. La Marque est également employée en liaison avec l’organisation d’évènements de réseautage d’affaires pour les entrepreneurs, de même que la production d’une infolettre et de brochures. La Requérante a l’intention d’employer la Marque en liaison avec des programmes de formation destinés aux entrepreneurs, l’organisation de conférences et divers autres servies destinés aux entrepreneurs [paragraphes 6 et 9];

4.      concernant plus particulièrement la manière dont la Marque est employée par la Requérante, je note que Mme Voland réfère entre autres aux pièces suivantes :

a)          R-2 : extrait du site Internet http://www.communoloft.com, exploité par la société Gestion immobilière Quo Vadis Inc. (Quo Vadis) dont Mme Voland est également présidente et actionnaire unique. Quo Vadis est décrite par Mme Voland comme une société reliée à la Requérante, contrôlée et licenciée par celle-ci aux fins de l’emploi de la Marque [paragraphes 12, 13 et 18, pièce R-6 – copie du certificat d’incorporation émis par Industrie Canada, engagement U-13 – copie du contrat de licence intervenu entre la Requérante et Quo Vadis]. Bien que Mme Voland affirme au paragraphe 7 de sa déclaration statutaire que ce site Internet fournit des informations sur les services de la Requérante, l’extrait fourni ne nous éclaire pas vraiment sur la nature des services offerts sous la Marque;

b)          R-3 : extraits de pages tirées des médias sociaux Facebook, Twitter et Linkedin faisant tous référence à la Marque. Encore ici, les extraits fournis ne nous éclairent pas vraiment sur la nature des services offerts sous la Marque [paragraphe 8];

c)          R-4 : photographies de codes QR affichés sur certains des murs des centres d’affaires de la Requérante mis à la disposition de ses clients, lesquels codes permettent aux usagers de téléphones cellulaires d’avoir accès à de l’information se rattachant aux centres en question [paragraphe 10];

d)         R-5 : copies de divers documents, tels encarts promotionnels, carte d’affaires, brochures, bulletins d’information, etc. publiés par la Requérante ou Quo Vadis, arborant la Marque et décrivant la gamme de services offerts en liaison avec celle-ci. Je discuterai plus en détail de la nature des services offerts sous la Marque et du modèle d’affaires de la Requérante, incluant ses « partenaires stratégiques », tel que décrit par Mme Voland lorsque je considérerai les troisième et quatrième facteurs de l’article 6(5) de la Loi;

5.      à la date de sa déclaration statutaire, cinq centres d’affaires COMMUNOLOFT étaient en opération au Canada, à savoir quatre à Montréal et un à Toronto. Deux autres centres étaient planifiés pour ouvrir prochainement dans ces mêmes villes [paragraphes 14 et 15]. Je note que ces centres sont référencés, avec photographies à l’appui, dans certains des documents produits sous la pièce R-5;

6.      la Requérante, Quo Vadis et/ou Mme Voland ont fait l’objet d’une certaine couverture médiatique et se seraient vus décerner sept prix de reconnaissance au fil des années 2009 à 2012 [paragraphe 16, pièces R-7 et R-8]. À la revue de ces pièces, il est difficile de déterminer à qui de la Requérante, Quo Vadis ou Mme Voland ces prix ont de fait été décernés, de même que la nature exacte de ceux-ci. Considérant toutefois le nom de ces prix, ceux-ci semblent se rapporter au domaine de la gestion immobilière. Il ressort également du contre-interrogatoire de Mme Voland que ces prix seraient reliés au « Complexe Dompark » et d’une certaine manière au concept « COMMUNOLOFT » en ce que ces prix s’inscrivent dans le sens de la vision et de la mission de Quo Vadis décrite dans l’une des brochures produites sous la pièce R-5, comme ayant pour but de : « Préserver et restaurer la valeur historique et architecturale des édifices importants; Recycler et adapter ces bâtiments pour offrir des opportunités aux entrepreneurs […]; Favoriser la croissance et le développement des affaires, de la culture et de la communauté. »

[36]           Mme Voland émet diverses opinions personnelles ayant trait, entre autres, à l’originalité de la Marque et la notoriété acquise par celle-ci. Elle se prononce également sur les similitudes ou l’absence de similitudes existant entre les marques sous étude et se lance dans une argumentation concernant l’absence de probabilité de confusion entre celles-ci. À l’exception de certaines portions de son témoignage portant sur des faits précis, à savoir l’absence de cas de confusion entre les marques sous étude ayant été portés à la connaissance de la Requérante, et la preuve de l’état du registre et du marché ayant trait aux marques de commerce, noms de domaine ou noms d’entreprises commençant par le préfixe « commun », discutés plus bas dans l’analyse des circonstances additionnelles devant être considérées aux termes de l’article 6(5) de la Loi, je n’ai pas l’intention de discuter de l’ensemble des opinions personnelles émises par Mme Voland. Tout comme dans le cas de M. Robert, pareilles opinions s’avèrent inadmissibles en preuve et relèvent de questions de faits et de droit du ressort du registraire.

[37]           Tel qu’indiqué plus haut, Mme Voland a été contre-interrogée sur sa déclaration statutaire. Sans entrer dans le détail des questions posées par le procureur de l’Opposante et des objections formulées par le procureur de la Requérante, il ressort de la transcription de ce contre-interrogatoire que plusieurs des questions posées entraient dans un degré de détail non justifié relevant au surplus de données confidentielles, comme par exemple : le nom des employés de la Requérante, la liste de ses clients passés et actuels, copie des baux commerciaux signés, etc. Ceci dit, le fait demeure qu’il est difficile de déterminer le degré de reconnaissance acquis par la Marque en liaison avec les services discutés plus haut faute de plus d’explications fournies par Mme Voland. Aucun chiffre de vente ou de publicité n’a été fourni par Mme Voland dans sa déclaration statutaire, ni discuté lors de son contre-interrogatoire.

[38]           Tel qu’indiqué plus haut, les centres d’affaires COMMUNOLOFT de la Requérante sont implantés dans cinq immeubles, soit quatre à Montréal et un à Toronto. Selon la compilation effectuée par l’agent de l’Opposante, et non contredite par la Requérante lors de l’audience, il ressort du contre-interrogatoire de Mme Voland que ces centres auraient accueilli en tout et pour tout entre 67 et 69 locataires. Bien que le concept COMMUNOLOFT de la Requérante puisse jouir d’une certaine reconnaissance si l’on présume que les sept prix de reconnaissance listés sous la pièce R-8 s’y rattachent bel et bien d’une manière quelconque, pareille reconnaissance semble néanmoins restreinte au domaine immobilier commercial. Ceci combiné au nombre restreint de locataires de la Requérante, m’amène à conclure que la Marque de la Requérante est devenue connue seulement de manière limitée, et plus particulièrement à Montréal.

[39]           Par conséquent, mon appréciation globale de ce premier facteur, qui est une combinaison des caractères distinctif inhérent et acquis des marques en cause, favorise l’Opposante compte tenu que sa marque jouit d’un caractère distinctif acquis beaucoup plus important que la Marque.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40]           Compte tenu des mes commentaires précédents, ce facteur favorise également l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[41]           En considérant le genre de marchandises et services, et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises et services couvert par la demande sous opposition avec l’état déclaratif des marchandises et services couvert par le(s) enregistrement(s) allégué(s) dans la déclaration d’opposition [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. La preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp  c Coffee Hut Stores Ltd, (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[42]           Je conviens avec la Requérante que les services de location de véhicules à très court terme de l’Opposante diffèrent des Marchandises et Services de la Requérante, lesquels tournent essentiellement autour de l’exploitation de centres d’affaires offrant la location d’espaces à bureaux, et de marchandises et services connexes ou accessoires.

[43]           Plus particulièrement, il ressort de la pièce R-5 jointe à la déclaration statutaire de Mme Voland que le modèle d’affaires COMMUNOLOFT propose quatre services de base, soit :

1.                              Modèle de bureau clé en main : des espaces de bureaux entièrement meublés et équipés;

2.                              Partenaires stratégiques : tous les produits et services nécessaires à des taux préférentiels;

3.                              Formation continue : des conférences et des évènements de réseautage pour soutenir l’entrepreneur;

4.                              Parti-pris pour l’innovation : Communoloft MC est flexible et sait s’adapter aux besoins des clients et aux particularités géographiques et commerciales.

[44]           L’Opposante fait par contre valoir que la nature du commerce de la Requérante et de l’Opposante ont comme similitude le partage de biens mis en commun afin d’en permettre un accès à un plus grand nombre de clients en réduisant pour chacun d’eux la charge financière.

[45]           Il ressort en effet du contre-interrogatoire de Mme Voland et de la pièce R-5 discutée plus haut, que le modèle d’affaires de la Requérante est basé sur le concept d’une « communauté d’affaires ». Plus particulièrement, le modèle d’affaires COMMUNOLOFT favorise un développement organique des nouvelles entreprises grâce à un programme de soutien qui réduit les risques en assurant les plus bas coûts possibles à ses membres. Les quatre services de base décrits plus haut aident les compagnies naissantes à contourner les dépenses exorbitantes entraînées par leur démarrage.

[46]           Pareillement, le caractère « communautaire » des services de l’Opposante découle de l’utilisation collective d’un véhicule offert en location à très court terme.

[47]           L’Opposante fait à cet égard valoir que la clientèle visée par les Marchandises et Services de la Requérante, ainsi que la durée des relations avec cette clientèle, sont du même ordre ou recoupent celles de l’Opposante. Plus particulièrement, l’Opposante fait valoir que tout comme elle, la Requérante offre ses services tant à des individus qu’à des corporations [paragraphe 20 de la déclaration statutaire de Mme Voland; réponse à la question 525]. De même, malgré le fait que les services de location de véhicules de l’Opposante soient à très court terme, Mme Voland a reconnu le caractère de relations à long terme de l’Opposante avec sa clientèle [réponse à la question 519]. Elle a de plus reconnu que dans plusieurs cas, les arrangements avec les locataires des services « COMMUNOLOFT » étaient à court terme. En fait, pour reprendre les propos de l’Opposante lors de l’audience, les parties sont dans le court terme pour bâtir du long terme.

[48]           L’Opposante fait également valoir qu’il ressort du témoignage de Mme Voland qu’un des « partenaires stratégiques » de la Requérante est la compagnie de locations de véhicules Discount Car Rentals [paragraphe 17, pièce R-9, et réponse à la question 530]. Elle fait de plus valoir qu’il ressort du contre-interrogatoire de Mme Voland que la Requérante a par le passé approché l’Opposante afin de lui demander s’il était possible de voir à l’installation d’une de ses stations de véhicules devant un des immeubles de la Requérante [transcription, réponses aux questions 70 et 71]. Je conviens avec l’Opposante que ceci confirme certainement que les services offerts par la Requérante et ceux offerts par l’Opposante peuvent s’adresser à une même clientèle ou à une clientèle pouvant raisonnablement se recouper, tel que mentionné plus haut. Ceci confirme également que les services de l’Opposante s’inscrivent dans l’optique des services complémentaires mis de l’avant par le service de « partenaires stratégiques » proposé par la Requérante.

[49]           Il convient en terminant sur ce point de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les parties œuvrent dans le même domaine général ou la même industrie, ou que leurs marchandises et services respectifs soient du même type ou de la même qualité, pour qu’il existe une probabilité de confusion. Comme l’indique l’article 6(2) de la Loi, la confusion peut être créée « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». Qui plus est, tel que rappelé par la Cour suprême au paragraphe 72 de l’affaire Masterpiece, supra, le test en matière de confusion doit être fondé sur la première impression du consommateur : « Ce qui compte, c’est la confusion qui naît dans son esprit lorsqu’il voit les marques de commerce. Il ne faut pas déduire de la dissipation ultérieure de la confusion au terme de recherches approfondies qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cessera de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches. » En d’autres mots, le fait qu’un consommateur intéressé par les Services de la Requérante ne décide de retenir ceux-ci qu’après mûre réflexion et signature d’un contrat, n’implique pas nécessairement que toute confusion quant à l’origine de ces services n’ait jamais existé dans l’esprit de celui-ci.

[50]           En résumé, mon appréciation globale de ces troisième et quatrième facteurs m’amènent à conclure que les marchandises et/ou services des parties et la nature de leurs commerces respectifs ne sont pas aussi éloignés que la Requérante le prétend.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[51]           Je conviens avec l’Opposante qu’il existe un certain degré de ressemblance entre les marques des parties.

[52]           Au plan phonétique, les marques comptent le même nombre de syllabes et commencent toutes deux par l’élément « communo » / « communau » prononcé de la même manière.

[53]           Aux plans visuel et des idées suggérées, les marques partagent la même « architecture » en ce qu’elles sont toutes deux formées d’un premier élément évoquant le mot « communauté » ou un mot de la même famille, suivi d’un élément descriptif dans le contexte des marchandises et/ou services leur étant associés.

[54]           Il ressort d’ailleurs clairement du contre-interrogatoire de Mme Voland, tel qu’indiqué plus haut, que la Marque a été crée de manière à évoquer le concept d’une « communauté d’affaires ». La Requérante souhaitait combiner l’équivalent français du mot « community » au mot « loft » comme ses espaces à bureaux (lofts commerciaux) offerts en location étaient situés au Québec. Elle était d’avis que « Communiloft » ne sonnait pas bien (« didn’t sound right ») [réponses aux questions 86-89, et 466-468]. Pareillement, et tel qu’indiqué plus haut, il ressort du témoignage de M. Robert que la marque COMMUNAUTO provient de la combinaison du préfixe « COMMUN » et du mot « AUTO » de manière à exprimer le caractère communautaire des services de location automobile de l’Opposante.

[55]           La Requérante fait valoir sur ce point le fait que la marque COMMUNAUTO de l’Opposante évoque plutôt l’idée de « comme une auto » (« like a car »). Cette position de la Requérante s’appuie sur certains spécimens d’emploi de la marque COMMUNAUTO produits en preuve par M. Robert, faisant voir une police de caractère et une couleur différentes employées pour la portion « comm » de la marque, laquelle se détache de la portion « unauto ». À mon avis, ceci n’empêche pas que la marque COMMUNAUTO de l’Opposante puisse être perçue comme renvoyant de manière fantaisiste à la fois à la phrase « comme une auto » et à l’idée d’une auto partagée par plusieurs. La Requérante semble d’ailleurs elle-même le concéder à la fois aux paragraphes 22 et 23 de la déclaration statutaire de Mme Voland, et dans son plaidoyer écrit lorsqu’elle écrit que la marque de l’Opposante est constituée des mots de langue courante « commun » et « auto ». Il importe au surplus de rappeler sur ce point que la marque enregistrée de l’Opposante vise non pas une marque dessin, mais bien la marque nominale COMMUNAUTO, indépendamment de tout graphisme particulier.

[56]           La Requérante fait également valoir que le premier élément de chacune des marques des parties est un mot d’usage fréquent ou commun, apparaissant dans nombre de marques de commerce, alors que chacun de leur deuxième élément est suggestif de leurs services respectifs. Ce faisant, la Requérante soutient que c’est ce deuxième élément qui est le plus important et distinctif. Je ne suis pas d’accord.

[57]           Tel qu’indiqué plus haut, les éléments « auto » et « loft » sont descriptifs dans le contexte des services leur étant associés. En cela, j’estime que chacun de ces éléments ne saurait être considéré comme l’élément dominant des marques sous étude, d’autant plus qu’ils en constituent la dernière partie. Au mieux pour la Requérante, aucun des éléments constituant les marques des parties ne saurait être considéré comme dominant par rapport à l’autre lorsque celles-ci sont considérées dans leur ensemble.

[58]           Ceci m’amène à discuter de la preuve de l’état du registre et du marché en regard de l’élément « commun ».

Circonstances additionnelles

La preuve de l’état du registre et du marché

[59]           Mme Voland fait valoir dans sa déclaration statutaire que le fait de combiner le mot « commun » avec un autre mot n’est pas original et ne relève pas seulement de l’Opposante mais consiste plutôt en une pratique répandue.

[60]           Plus particulièrement, Mme Voland liste au paragraphe 24 de sa déclaration statutaire, une quinzaine de marques de commerce figurant au registre des marques de commerce. À la revue des détails des enregistrements ou demandes d’enregistrement les concernant, joints à titre de pièce R-10, je note que certains de ces enregistrements ont été radiés ou encore que certaines de ces demandes ont été abandonnées ou n’ont pas été admises à l’enregistrement. Reste les enregistrements suivants :

       COMMUNI-BUS - enregistrée en liaison avec « Public bus transportation »;

       CommuniCancer enregistrée en liaison avec « Computer services, namely emotional support services for people affected by cancer, […]Providing on-line information concerning cancer through a website […] »;

       COMMUNICARE - enregistrée en liaison avec « Newsletter for churches and other nonprofit entities […] »

       COMMUNICAST enregistrée en liaison avec « Hosting and management of meetings, seminars and conferences for others via a global computer network […] »;

       COMMUNIGEN - enregistrée en liaison avec « Provision of information and documentation through a website with respect to the ethical, legal and social issues raised by human genetic research »;

       COMMUNIMAX - enregistrée en liaison avec « Print production management and coordination services for promotional, advertising, direct mail, sales […] »

       COMMUNISIS - enregistrée en liaison avec « Printed matter namely, stationery, namely business forms, […] Compilation of documents, direct mail services for others, the preparation and forwarding of written communications for others […]»

       COMMUNI-T Design - enregistrée en liaison avec « Application software enabling the development and management of easily accessible and configurable software interfaces […] »;

       COMMUNIVERS - enregistrée en liaison avec « Printed promotion material […] »

[61]           La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont relevés [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[62]           En l’occurrence, j’estime que la preuve de l’état du registre n’assiste pas de manière significative la Requérante. Le nombre d’enregistrements énumérés plus haut est modeste et semble davantage porter sur la troncation du mot « communication » plutôt que du mot « communautaire » en tant que tel, si l’on se fie au contexte des marchandises et/ou services leur étant associés.

[63]           Mme Voland liste par ailleurs huit noms commerciaux figurant au registre des entreprises du Québec, et joint à titre de pièce R-11, les relevés du registraire des entreprises du Québec les concernant, à savoir :

         Communauthé Arts Café - en liaison avec « Café bistro/salon de thé, endroit pour activités artistiques et fêtes »;

         Communaut’Aide - dont les secteurs d’activités ne sont pas précisés;

         Communautel Inc. - en liaison avec services de télécommunication;

         Communo-Terres - dont les secteurs d’activités ne sont pas précisés;

         Les plateaux Commun‘Ô’Terre - en liaison avec « planifier gérer & coordonner le développement socio-économique de communaut [sic] promouvoir le respect des règles écologiques et sauvegarde environnement »

         Communau-thé - en liaison avec « un magasin qui offre une aire de jeu pour les enfants et les bébés pendant que leurs parents font des achats, prennent un café avec des amis ou travaillent sur les lieux »;

         Communautech - en liaison avec « réparation et entretien de matériel informatique »

         Communo Gym - en liaison avec « centre de conditionnement physique »

[64]           Mme Voland liste également onze sites Internet, blogues, ou adresses courriel, et joint des impressions de page(s) Web les concernant à titre de pièce R-12, à savoir :

         Collectif Communauterre

         Fête communauTERRE

         Communauterre – Indymedia-Québec

         communauterre@hotmail.com

         Association communauterre

         Communautel

         Communo Phone

         Communautech

         Communo Gym

         Corp de Developpement Communau

[65]           À la revue des pièces R-11 et R-12, il semble que certains des noms commerciaux listés sous R-11 se retrouvent sous R-12 comme par exemple « Communo Gym », « Communautel », et « Communautech ». Les quatre premières références listées sous R-12 semblent se rapporter à la même organisation et possiblement à la société Communo-Terres référencée sous R-11 bien que l’on ne puisse en être certain étant donné le peu d’informations fourni par les pièces R-11 et R-12. Les références listées sous R-12 concernant « Association communauterre » et « Communo Phone » semblent quant à elles tirer leurs sources respectives de sites français et américain n’ayant aucune activité au Canada.

[66]           Quoiqu’il en soit, j’estime la preuve introduite par les pièces R-11 et R-12 trop fragmentaire pour tirer quelque inférence pouvant assister de manière significative la Requérante. Faute de plus d’informations permettant d’apprécier la nature et l’étendue de l’emploi fait des noms commerciaux ou autres désignations référencés sous R-11 et R-12, j’estime le nombre de ceux-ci insuffisant en soi pour tirer quelque inférence quant à l’état du marché en ce qui a trait à la prévalence de noms commerciaux constitués du préfixe « communau » / « communo » combiné à un autre suffixe.

La coexistence des marques sous étude

[67]           Mme Voland fait valoir au paragraphe 21 de sa déclaration statutaire, l’absence de cas de confusion entre les marques des parties malgré leur coexistence depuis 2009 au Canada.

[68]           Tel qu’indiqué dans l’affaire Dion Neckwear, précitée :

En ce qui concerne l’insuffisance des éléments de preuve présentés par l’opposante au sujet de cas concrets de confusion, le registraire s’est dit d’avis qu’un opposant n’a pas à produire ce genre de preuve. C’est vrai en théorie, mais lorsque le requérant a présenté certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure à l’absence de risque de confusion, l’opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu’il n’a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion. (Voir l’arrêt Pink Panther [Beauty Corp. c. United Artists Corp. [1998], 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.)]; Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A. (1994), 55 C.P.R. (3d) 372 (C.F. 1re inst.); Bally Schuhfabriken AG/Bally’s Shoe Factories Ltd. c. Big Blue Jeans Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.)).

[69]           En l’occurrence, bien que je convienne avec la Requérante que celle-ci a démontré l’emploi de la Marque avec une partie de ses Services à Montréal, il m’est difficile de qualifier pareil emploi de significatif. Tel qu’indiqué plus haut, le nombre de locataires de la Requérante semble être restreint à quelque 67 ou 69 locataires. Faute de plus de détails quant à l’étendue de l’emploi et de la publicité rattachés à la Marque, je ne suis pas prête à accorder de poids significatif à la coexistence des marques en présence.

L’emploi fait de la marque COMMUNOPOLIS par l’Opposante

[70]           L’Opposante fait valoir à titre de circonstance additionnelle, son emploi de la marque COMMUNOPOLIS. Tel qu’indiqué plus haut, la marque COMMUNOPOLIS n’est pas plaidée comme telle dans la déclaration d’opposition au dossier. Quoiqu’il en soit, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de me prononcer sur le bien-fondé des représentations de l’Opposante faites en regard de cette marque de commerce pour conclure en sa faveur dans le présent dossier.

Conclusion – probabilité de confusion

[71]           Tel qu’indiqué plus haut, le test en matière de confusion consiste à se demander si une personne qui conserve un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante pourrait conclure, sur la base de la première impression, que les Marchandises et Services de la Requérante associés à la Marque proviennent de la même source ou sont autrement reliés ou associés aux services de l’Opposante.

[72]           Compte tenu de mon analyse qui précède, j’estime qu’au mieux pour la Requérante, la balance des probabilités est égale entre (1) l’absence de probabilité de confusion compte tenu des différences existant dans la nature intrinsèque des marchandises et services des parties, et (2) la probabilité de confusion compte tenu que (i) la marque de l’Opposante est devenue extrêmement bien connue au Québec, à tout le moins dans les villes de Montréal, Québec, Gatineau et Sherbrooke, alors que je ne peux conclure tout au plus que la Marque de la Requérante est devenue connue dans une certaine mesure seulement, et plus particulièrement à Montréal, (ii) que la marque de l’Opposante est employée depuis plus d’une quinzaine d’années, soit depuis 1995 alors que la Marque l’est depuis tout au plus depuis l’automne 2009, et ce pour une partie des Services seulement, (iii) qu’il existe des ressemblances certaines entre les marques des parties, notamment en ce qu’elles partagent la même « architecture », et (iv) que les services de l’Opposante s’inscrivent dans l’optique des services complémentaires mis de l’avant par le service de « partenaires stratégiques » proposé par la Requérante.

[73]           Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque COMMUNAUTO de l’Opposante.

[74]           J’accueille le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[75]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce COMMUNAUTO était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition, soit le 6 septembre 2011, de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)].

[76]           Tel qu’il ressort de ma revue plus haut de la déclaration statutaire de M. Robert, ce fardeau a été rencontré par l’Opposante.

[77]           Puisque l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant, la Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante.

[78]           Ayant précédemment conclu à la probabilité de confusion en vertu du motif d’opposition fondé sur de l’article 12(1)(d) de la Loi, et puisque la différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse précédente, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 2 de la Loi.

Autres motifs d’opposition

[79]           Comme j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante sous deux des motifs d’opposition plaidés, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.

Décision

[80]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je


repousse la demande en application de l’article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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