Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 213

Date de la décision : 2015-11-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Partie requérante

et

 

San Miguel Corporation

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC694,748 pour la marque de commerce SUNCATCH

 

Enregistrement

[1]               Le 4 juin 2012, à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à San Miguel Corporation (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC694,748 de la marque de commerce SUNCATCH (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée en liaison avec des [Traduction] « jus ».

[3]               L'article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l'égard des produits spécifiés dans l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu'il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l'emploi s'étend du 4 juin 2009 au 4 juin 2012.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que l'article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre et qu'à ce titre, la norme de preuve à laquelle le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu exigeante [Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l'avis du Registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Lorenzo Manabat, souscrit le 3 janvier 2013 aux Philippines. Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites; aucune audience n'a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[7]               Dans son affidavit, M. Manabat atteste qu'il est le directeur des exportations de Ginebra San Miguel Inc. (GSMI), une filiale de la Propriétaire et une usagère autorisée de la Marque. Il explique que la Propriétaire et GSMI sont toutes deux des sociétés dont le siège social est situé aux Philippines et que la Propriétaire est la plus importante société de boissons, de produits alimentaires et d'emballage des Philippines. M. Manabat atteste que les activités de fabrication et de distribution de la Propriétaire et de GSMI s'étendent au-delà des Philippines, car elles exportent leurs produits vers les marchés internationaux, notamment au Canada. À cet égard, M. Manabat atteste qu'une gamme de boissons non alcoolisées est offerte à l'échelle internationale par l'entremise du site Web des exportations de la Propriétaire.

[8]               En particulier, M. Manabat atteste que, depuis 2009, GMSI expédie des boissons non alcoolisées à Gardena Food Corporation, située en Ontario. Tel que décrit ci-après, il fournit la preuve d'une telle expédition faite en septembre/octobre 2009.

[9]               Les pièces suivantes sont jointes à l'affidavit de M. Manabat :

         Les pièces A et B se composent d'imprimés tirés du site Web des exportations de la Propriétaire, accessible à l'adresse www.sanmiguelexports.com. La pièce A est formée de la page d'accueil du site Web et décrit de façon générale la société de la Propriétaire. M. Manabat atteste que les imprimés de la Pièce B dressent la liste des [Traduction] « boissons non alcoolisées qui arborent la marque de commerce SUNCATCH (les “Marchandises portant la marque de commerce”) et qui sont offertes à l'échelle internationale par l'entremise du site Web des exportations ».
Je souligne que les boissons « Suncatch Mango Juice Drink » (boisson à base de jus de mangue Suncatch) et « Suncatch Calamansi Juice Drink » (boisson à base de jus de calamondin Suncatch) sont présentées et décrites à côté de photographies de ce qui semble être l'emballage de chaque boisson. La Marque figure sur les emballages.
L'avis de droit d'auteur du site Web mentionne le nom de « San Miguel Integrated Global Sales », lequel nom est aussi présenté dans la bannière figurant au haut de chaque page Web.

         La pièce C est un bordereau de marchandises qui, atteste M. Manabat, témoigne de l'expédition de boissons SUNCATCH de la Propriétaire à Gardena au Canada. Les produits sont décrits comme étant les boissons « SunCatch Tropical Fruit Drink – Calamansi » (Boisson à base de fruits tropicaux SunCatch – Calamondin) et « SunCatch Tropical Fruit Drink – Mango » (Boisson à base de fruits tropicaux SunCatch – Mangue). La description indique que le bordereau se rapporte à l'expédition de plus de 1 000 caisses, dont l'expédition de centaines de caisses de chaque saveur dans des formats de 250 millilitres et de 1 litre. Je souligne que, au bas du document, il est indiqué « ETA – ONTARIO: October 2009 » (Date d'arrivée prévue – ONTARIO : octobre 2009), date qui est comprise dans la période pertinente.

         La pièce D consiste en un versement reçu par GSMI se rapportant à un paiement de Gardena effectué par virement télégraphique et daté du 18 septembre 2009.

         La pièce E est un document de Déclaration d'exportation des Philippines daté du 19 septembre 2009. Tel que l'atteste M. Manabat, le document désigne Gardena comme étant l'importatrice des boissons « SunCatch Tropical Drinks » (Boissons tropicales SunCatch) des Philippines à Toronto.

         La pièce F est un Certificat d'origine daté du 20 septembre 2009 qui, atteste M. Manabat, désigne GSMI comme étant l'Exportatrice des boissons « SunCatch Tropical Fruit Drinks » (Boissons aux fruits tropicaux SunCatch) et Gardena comme étant l'Importatrice. Je souligne que la description des produits, y compris les quantités indiquées, concorde avec le bordereau de marchandises de la pièce C.

         La pièce G consiste en un Connaissement daté du 20 septembre 2009. Tel que l'atteste M. Manabat, le document témoigne de l'expédition des boissons à Gardena à Toronto, en Ontario.

         La pièce H est une facture émise par GSMI à l'intention de Gardena, datée du 6 octobre 2009, pour les boissons « SUNCATCH Tropical Fruit Drinks » (Boissons aux fruits tropicaux SUNCATCH) décrites dans les documents d'expédition susmentionnés. Conformément à la pièce C, la facture indique que le paiement a été fait avant l'expédition.

Analyse

[10]           Pour résumer ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la Propriétaire n'a pas établi l'emploi de la Marque au sens de l'article 4(1) de la Loi, parce que la Propriétaire n'a pas établi l'emploi de la Marque i) par sa présentation sur les produits ou leur emballage; ii) par l'entremise du site Web des exportations; ou iii) dans les factures et les documents connexes produits en preuve. À titre subsidiaire, la Partie requérante fait valoir que tout emploi de la Marque n’a pas été fait sous licence par GSMI ou l'exploitant du site Web des exportations.

Octroi de licences

[11]           En ce qui concerne la question de l'octroi de licences, la Partie requérante soutient que, au titre de l'article 50 de la Loi, lorsqu'un propriétaire inscrit cherche à s'appuyer sur l'emploi de la marque de commerce par un licencié, le propriétaire doit démontrer que l'emploi a été autorisé et que le propriétaire a exercé un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des produits. Elle fait valoir que le simple fait qu'une marque de commerce est employée par une filiale en propriété exclusive n'est pas suffisant pour remplir ces exigences, citant à l'appui des documents de jurisprudence indiquant que la structure organisationnelle à elle seule ne permet pas d'établir l'existence d'un accord de licence [par exemple, Flanders Filters Inc c Trade Mark Reflections, 2006 CF 145, 48 CPR (4th) 269].

[12]           Je soulignerais en premier lieu qu'il n'apparaît pas clairement que la Propriétaire s'appuie véritablement sur l'« emploi » de la Marque par GSMI. Même si M. Manabat désigne GSMI comme étant [Traduction] « l'usagère autorisée de la Marque » et même si GSMI est clairement l'exportatrice des produits des Philippines, les déclarations de M. Manabat indiqueraient que la Propriétaire est la source des produits. Par exemple, M. Manabat indique que les produits ont été expédiés de la Propriétaire (plutôt que GSMI) à Gardena. Bien que M. Manabat mentionne ailleurs dans son affidavit que les produits ont été expédiés par GSMI, ces déclarations ne sont pas incompatibles, puisque GSMI est l'exportatrice. La conclusion selon laquelle la Propriétaire est la source des produits est étayée par la description de la société de la Propriétaire figurant dans la page Web de la Pièce A. De plus, comme je l'expliquerai ci-après, je suis convaincu que la Marque figurait sur l'emballage des produits expédiés.

[13]           Il est bien établi que le concept de « pratique normale du commerce » admet la continuité de l'action qui est entamée par le propriétaire et se poursuit à travers l'action d'agents ou de distributeurs jusqu'au consommateur final. Ainsi, la preuve des produits de la Propriétaire arborant la Marque distribués et vendus par l'entremise d'une autre entité – en l'espèce, GSMI – peut suffire pour satisfaire aux exigences de l'article 4 [tel qu'établi dans Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst.], auquel cas la preuve d'un accord de licence entre la Propriétaire et sa distributrice GSMI n'est ni nécessaire ni applicable.

[14]           Malheureusement, la Propriétaire n'a pas produit de représentations écrites en réponse aux observations de la Partie requérante sur ce point. Cependant, dans la mesure où il y a ambiguïté dans l'affidavit de M. Manabat quant à savoir si les produits provenaient de la Propriétaire ou de GSMI, j'estime en dernière analyse que cette ambiguïté n'est pas fatale à la cause de la Propriétaire. Comme l'a indiqué la Cour fédérale, il y a, pour le propriétaire d'une marque de commerce, essentiellement trois manières de démontrer qu'il exerce le contrôle requis en vertu de l'article 50(1) de la Loi : premièrement, en attestant clairement qu'il exerce le contrôle requis; deuxièmement, en produisant une preuve démontrant qu'il exerce le contrôle requis; ou troisièmement, en produisant une copie de l'accord de licence prévoyant le contrôle requis [voir Empresa Cubana Del Tabaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, 91 CPR (4th) 248, paragraphe 84].

[15]           Il ne s'agit pas en l'espèce d'une affaire dans laquelle la seule preuve du contrôle exercé est la « structure organisationnelle ». Dans son affidavit, M. Manabat désigne GSMI comme étant une filiale de la Propriétaire et une [Traduction] « usagère autorisée » de la Marque. De plus, ses déclarations font mention des activités de fabrication et de distribution de la Propriétaire et de GSMI réunies. En ce qui concerne le site Web des exportations, j'estime raisonnable de déduire que « San Miguel Integrated Global Sales » est un nom commercial de la Propriétaire. En conséquence, à la lumière de la preuve dans son ensemble, j'estime que la Propriétaire a fourni une preuve suffisante démontrant qu'elle a maintenu le contrôle requis au titre de l'article 50 de la Loi.

Preuve de transfert

[16]           Malgré les observations de la Partie requérante, j'admets que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque au sens des articles 4 et 45 de la Loi. À cet égard, M. Manabat atteste que GSMI exporte des boissons arborant la Marque au Canada depuis septembre 2009 et il fournit la preuve d'une expédition.

[17]           Même si la preuve n'est pas accablante, la Cour fédérale a affirmé que [Traduction] « la preuve d'une seule vente, en gros ou au détail, effectuée dans la pratique normale du commerce peut suffire, dans la mesure où il s'agit d'une véritable transaction commerciale et qu'elle n'est pas perçue comme ayant été fabriquée ou conçue délibérément pour protéger l'enregistrement de la marque de commerce » [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst.), p. 293].

[18]           En l'espèce, même si elles ne sont pas faites à un consommateur final, la vente et la livraison à Gardena au Canada représentent une partie de la chaîne de transactions envisagée par l'article 4 de la Loi, comme il en a été question dans l'affaire Manhattan Industries, précitée. De plus, la documentation montrant l'importante expédition de plus de 1 000 caisses faite en septembre/octobre 2009 n'étaye pas une conclusion selon laquelle la transaction produite en preuve a été [Traduction] « conçue délibérément pour protéger l'enregistrement ».

[19]           Bien que M. Manabat n'affirme pas explicitement dans son affidavit que cette expédition en particulier est réellement arrivée au Canada et a été transférée à Gardena, j'estime raisonnable de déduire de la preuve dans son ensemble que ce transfert a véritablement eu lieu. Par exemple, je souligne que M. Manabat décrit le Connaissement de la Pièce G comme [Traduction] « démontrant l'expédition des Marchandises portant la marque de commerce… de GSMI à Gardena », Toronto étant le [Traduction] « lieu de livraison ».

[20]           De plus, bien que M. Manabat n'affirme pas explicitement que la documentation relative à l'expédition produite en preuve, dans laquelle il est fait mention de la Marque, accompagnait l'expédition, j'estime raisonnable de déduire que cette documentation accompagnerait une telle expédition. Quoi qu'il en soit, ceci n'est pas non plus fatal à la cause de la Propriétaire.

[21]           À cet égard, je souligne que M. Manabat établit une corrélation entre les [Traduction] « Marchandises portant la marque de commerce » expédiées et les « Marchandises portant la marque de commerce » présentées dans les pages du site Web de la Pièce B. La Partie requérante soutient que les images des produits présentées dans les pages du site Web sont de mauvaise qualité et que, de toute façon, les pages portent une date postérieure à la période pertinente et sont par conséquent inadmissibles. Cependant, il faut considérer la preuve dans son ensemble et éviter de s'attarder aux éléments de preuve individuels [Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC)]. Ainsi, bien que les pages produites en preuve puissent avoir été imprimées après la période pertinente, elles semblent montrer que la Marque figure sur l'emballage des produits de jus SUNCATCH, ce qui est compatible avec la déclaration de M. Manabat selon laquelle le site Web montre des [Traduction] « boissons non alcoolisées qui arborent la marque de commerce SUNCATCH » (je souligne). Ainsi, compte tenu de la corrélation établie par M. Manabat entre les produits du site Web et l'expédition démontrée, je suis convaincu que les produits visés par l'enregistrement arboraient la Marque telle qu'elle est enregistrée sur leur emballage lors du transfert de la possession au Canada.

[22]           Bien que la preuve en l'espèce ne soit ni parfaite ni accablante, comme je l'ai déjà souligné, il est bien établi que la norme de preuve à laquelle le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu exigeante [tel qu'établi dans Uvex Toko, précité]. En l'espèce, compte tenu de la preuve dans son ensemble, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les produits de [Traduction] « jus » visés par l'enregistrement au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

Décision

[23]           En conséquence, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera maintenu conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

______________________________

Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

Date de l'audience : Aucune audience tenue

 

Agents au dossier

 

Boughton Law Corporation                                                    Pour la Propriétaire inscrite

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           Pour la Partie requérante

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