Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 1

Date de la décision : 2013‑01‑02

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée par Gowling Lafleur Henderson LLP contre la demande d’enregistrement no TMA396165 pour la marque de commerce JUST ADD WATER au nom de Gerald Alan Croxall

 

 

[1]               À la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP (la requérante), le registraire des marques de commerce a délivré un avis au titre de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) le 12 mai 2010 à Gerald Alan Croxall (le propriétaire inscrit), titulaire de l’enregistrement no TMA396165 pour la marque de commerce JUST ADD WATER (la marque).

[2]               La marque a été enregistrée en liaison avec « des vêtements; à savoir, des chandails, des survêtements, des t‑shirts, des casquettes et des vestes » (les marchandises).

[3]               Conformément à l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit d’une marque de commerce doit montrer que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chaque marchandise et service mentionné dans l’enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Dans la présente espèce, la période pertinente pour montrer l’emploi de la marque est entre le 12 mai 2007 et le 12 mai 2010 (la période pertinente).

[4]               Le paragraphe 4(1) de la Loi donne la définition suivante du terme « emploi » :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi qu’une surdose de preuves n’est pas nécessaire pour répondre convenablement à un avis délivré au titre de l’article 45 [Union Electric Supply Co Ltd c. Registrar of Trade-marks (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (CF)]. Le critère auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire en vertu de l’article 45 n’est pas sévère. Tout ce qu’il doit faire est de présenter une preuve suffisante à première vue relative à l’emploi [Cinnabon, Inc c. Yoo-Hoo of Florida Corp (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (CAF)]. Toutefois, cette preuve doit contenir suffisamment de faits pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chaque marchandise et service mentionné dans l’enregistrement durant la période pertinente.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, le propriétaire inscrit a déposé un affidavit sous serment le 5 août 2010. Seule la requérante a présenté des observations écrites; toutefois, les deux parties étaient présentes à l’audience.

[7]               Dans son affidavit, M. Croxall explique qu’il a apposé la marque sur les marchandises au moyen de la broderie et de la sérigraphie durant la période pertinente. Pour appuyer sa déclaration, il joint une photographie constituant la pièce « A » de son affidavit et montrant la marque apposée sur un t‑shirt, lequel il décrit comme étant un échantillon type des marchandises.

[8]               M. Croxall explique qu’une fois la marque apposée sur les marchandises, il distribue et vend ces marchandises à des clients au Canada. À titre de preuve de vente des marchandises, il joint des échantillons types de factures de vente des marchandises durant la période pertinente, constituant la pièce « B ». La pièce « B » se compose de deux factures pour la vente de t‑shirts émises par « Nature Force ». Je remarque que l’adresse de « Nature Force » est la même que celle du propriétaire inscrit, M. Croxall. De plus, je remarque que l’affidavit de M. Croxall est imprimé sur du papier à en‑tête de « Nature Force Graphics », sur lequel on peut également lire l’adresse de M. Croxall.

[9]               Finalement, M. Croxall joint les lettres de deux clients canadiens et déclare qu’elles confirment l’achat et la revente de ses marchandises durant la période pertinente. Je remarque que ces lettres ont été écrites par les mêmes clients canadiens qui ont acheté les t‑shirts du propriétaire inscrit et dont le apparaît sur les factures constituant la pièce « B ».

[10]           Les principaux arguments de la requérante sont les suivants :

         La preuve n’est pas fiable ni admissible;

         La preuve ne montre pas l’emploi de la marque par le propriétaire inscrit;

         La preuve ne montre pas l’emploi de la marque en liaison avec chaque marchandise spécifiée dans l’enregistrement.

[11]           La requérante fait valoir, comme premier argument, que la preuve du propriétaire n’est pas fiable ni admissible pour un certain nombre de raisons. D’abord, la requérante souligne que les pièces jointes à l’affidavit de M. Croxall n’ont pas été demandées. Elle soutient que ces pièces non demandées ne répondent pas aux exigences de la règle 80(3) des Règles des Cours fédérales; par conséquent, elles ne répondent pas à la norme de la preuve prévue par la Loi et ne doivent pas être acceptées. La requérante cite l’affaire Perley-Robertson Panet Hill & McDougall c. Early Morning Productions Inc (1998), 87 C.P.R. (3d) 347, à la page 349 (CMOC) dans laquelle le registraire a dit que les éléments de preuve joints aux affidavits doivent satisfaire aux exigences de l’article 45 de la Loi.

[12]           Cependant, je remarque que les pièces qui n’ont pas été légalisées, mais qui ont été désignées dans l’affidavit sont acceptées dans le cadre de procédures en vertu de l’article 45 [voir, par exemple : Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer c. Pharmaglobe Laboratories Ltd (1996), 75 C.P.R. (3d) 85 (COMC)]. En outre, le registraire n’adhère pas strictement aux Règles des Cours fédérales relativement à l’admissibilité des pièces [voir Maximilian Fur Co Inc c. Maximilian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 C.P.R. (2d) 146, à la page 149 (COMC)]. Dans la présente espèce, contrairement à la situation dans Perley-Robertson précitée, M. Croxall mentionne clairement que les pièces font partie de son affidavit et fournit une description claire de celles‑ci. Comme je ne vois aucune incohérence entre la description des pièces faite par M. Croxall et les pièces fournies, je suis prête à accepter cette lacune comme étant simplement une lacune de nature technique. Il est bien établi que les lacunes techniques ne doivent pas empêcher une réponse appropriée à un avis délivré au titre de l’article 45 [voir Baume & Mercier SA c. Brown (1985), 4 C.P.R. (3d) 96 (CF)] et que les « exigences techniques » contenues à l’article 45 ne doivent pas devenir « un piège pour qui n’est pas sur ses gardes ». [George Weston Ltd c. Sterling & Affiliates (1984), 3 C.P.R. (3d) 527 (CF)]. Par conséquent, je suis prête à accepter que ces pièces sont admissibles.

[13]           La requérante met aussi en doute la fiabilité et l’admissibilité de l’ensemble de la preuve du propriétaire inscrit, en faisant valoir que la preuve que le registraire lui a transmise diffère de celle que le propriétaire inscrit a transmise au registraire en réponse à l’avis délivré au titre de l’article 45. La requérante allègue que le simple fait qu’il y ait deux séries de preuves rend la preuve fournie peu fiable et ambigüe, et susceptible d’être interprétée de plusieurs façons. En outre, la requérante fait valoir que les affidavits contradictoires sont interdits et que comme les affidavits présentés au titre de l’article 45 ne peuvent pas faire l’objet d’un contre‑interrogatoire, le registraire a l’obligation spéciale de garantir la fiabilité de la preuve fournie.

[14]           Toutefois, je remarque que le registraire peut seulement recevoir une preuve fournie par le propriétaire inscrit ou pour le compte de celui‑ci. En outre, la seule preuve contenue au dossier de la présente procédure est celle que le propriétaire inscrit a fournie au registraire. Le propriétaire inscrit n’a pas soumis d’affidavits contradictoires au registraire. En tout cas, la preuve fournie au registraire et la preuve que le propriétaire inscrit aurait soumise à la requérante, telle que décrite en détail dans les observations écrites de la requérante, ne semblent pas très différentes ni contradictoires. De plus, je remarque que la requérante a demandé une copie de la preuve fournie par le propriétaire inscrit auprès du Bureau des marques de commerce et qu’elle a présenté des observations concernant la preuve au dossier; ainsi, la requérante a eu l’occasion de répondre à la preuve soumise au registraire et n’a subi aucun préjudice apparent.

[15]           En ce qui concerne le deuxième argument de la requérante, elle affirme que la preuve ne montre pas l’emploi de la marque par le propriétaire inscrit, ni l’emploi à son avantage. À cet égard, la requérante souligne que le nom du vendeur qui apparaît sur les factures est « Nature Force » et que M. Croxall ne fait pas référence à Nature Force et ne définit pas sa relation avec Nature Force dans son affidavit. En outre, la requérante soutient qu’il n’existe aucune preuve d’une licence d’emploi de la marque, et que la preuve ne laisse pas présumer l’existence d’une telle licence. 

[16]           Même s’il est vrai que M. Croxall n’a pas défini sa relation avec Nature Force, je juge raisonnable de présumer que Nature Force, à tout le moins, est le nom de commerce du propriétaire inscrit. Nature Force a la même adresse que M. Croxall, et M. Croxall a produit son affidavit sur du papier à en‑tête de Nature Force, qui porte lui aussi la même adresse que M. Croxall. Je remarque qu’une conclusion similaire a été tirée relativement à une adresse commune dans la décision Effigi Inc c. Big Feats Entertainment, LP, (17 mars 2006 COMC (non publiée), pour l’enregistrement no TMA313402. En tout cas, même si Nature Force constitue une entité légale distincte, je suis prête à présumer, d’après l’ensemble de la preuve, que l’emploi répondrait aux exigences contenues à l’article 50 de la Loi. Dans cette situation, M. Croxall, le propriétaire inscrit de la marque, accorderait effectivement une licence à l’entreprise qu’il possède, exploite et contrôle. Le paragraphe 50(1) de la Loi n’exige pas la présentation d’observations écrites [Well’s Dairy Inc c. UL Canada Inc (2000), 7 C.P.R. (4th) 77 (CF)], et il semblerait que cette situation permettent de présumer, de façon raisonnable et en tenant compte de l’objet de l’article 45 de la Loi, l’existence du contrôle exigé au paragraphe 50(1) [Petro-Canada c. 2946661 Canada Inc (1999), 83 C.P.R. (3d) 129 (CF); Lindy c. Canada (Registrar of Trade Marks) 1999 CarswellNat 652 (CAF)]. 

[17]           Toutefois, quant à savoir si le propriétaire inscrit a employé la marque en liaison avec chacune des marchandises, je suis d’accord avec la requérante pour dire que la preuve concerne seulement des « t‑shirts ». À cet égard, les photographies constituant la pièce « A » montrent des t‑shirts seulement, et les factures constituant la pièce « B » montrent seulement la vente de t‑shirts. Ces preuves montrent clairement que la marque a été apposée sur les t‑shirts au moment du transfert et que la vente de ces t‑shirts a été effectuée au Canada durant la période pertinente. En conséquence, j’admets que le propriétaire inscrit a montré l’emploi de la marque en liaison avec « des vêtements; à savoir, des t‑shirts » conformément aux articles 4 et 45 de la Loi.

[18]           En revanche, en ce qui concerne les autres marchandises, M. Croxall ne fait aucune déclaration dans son affidavit qui me permettrait de présumer que l’emploi de la marque en association avec les t‑shirts est représentatif de chacune des autres marchandises. Dans les circonstances, il n’aurait pas été coûteux pour le propriétaire inscrit de produire une preuve pour chacune des cinq marchandises enregistrées. Par conséquent, je ne peux pas conclure que le propriétaire inscrit a montré l’emploi de la marque en liaison avec les autres marchandises, et aucune circonstance particulière n’a été invoquée pour justifier cette absence d’emploi.

Décision

[19]           Compte tenu des dispositions précédentes, conformément au pouvoir qui m’est conféré par le paragraphe 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les marchandises suivantes : chandails, survêtements, casquettes et vestes. Ainsi, les marchandises visées par l’enregistrement en cause, tel que modifié, seront : des vêtements; à savoir, des t‑shirts.

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Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Lou-Ann Dubé, trad.

 

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