Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : SPRING THAW

NUMÉRO D’ENREGISTREMENT : LMC123130

 

 

Le 4 décembre 2003, sur demande de Labatt Brewing Company Limited, le registraire a envoyé l'avis prescrit par l'article 45 à M. J. Mavor Moore, le propriétaire inscrit du susdit enregistrement.

 

La marque de commerce SPRING THAW est déposée en liaison avec des livres, des disques et des rubans magnétiques; des divertissements, c'est-à-dire la production et la présentation de spectacles musicaux, burlesques et dramatiques; la production et la présentation de spectacles télédiffusés et radiodiffusés.

 

Le droit

L'article 45 de la Loi sur les marques de commerce oblige le propriétaire inscrit d'une marque de commerce à prouver que la marque a été employée au Canada à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce est tout moment entre le 4 décembre 2000 et le 4 décembre 2003. L'emploi d'une marque de commerce est défini à l'article de 4 de la Loi, dont voici le libellé :

 

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

Si un emploi de cette nature n'est pas prouvé, il convient alors de décider si le défaut d’emploi de la marque par l'inscrivant a été justifiée par des circonstances spéciales. À la page 81 de l'arrêt NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.), la juge Layden-Stevenson a résumé de la manière suivante la démarche qu'il convient de suivre pour apprécier si la preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi a été établie :

 

Il faut examiner trois critères pour décider s'il existe des circonstances spéciales justifiant le défaut d'usage. Le premier touche à la période pendant laquelle la marque n'est pas employée. Le deuxième consiste à se demander si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit et le troisième à décider s'il existe une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l'emploi de la marque : Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 60 N.R. 380, 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.).

 

Dans la décision Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd. (1999), 171 F.T.R. 79, 87 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Lemieux fait les observations suivantes après avoir examiné l'arrêt Harris Knitting Mills, précité :

Il est utile de rappeler les faits saillants des motifs du jugement du juge d'appel Pratte dans Harris Knitting Mills, précitée). À mon avis, le juge d'appel Pratte a établi les éléments suivants :

a) il est impossible de définir précisément les circonstances qui peuvent, selon le paragraphe 44(3) [actuellement 45(3)], justifier le défaut d'emploi;

b) les circonstances justifiant le défaut d'emploi doivent être spéciales; c'est-à-dire des circonstances qui ne se retrouvent pas dans la majorité des affaires relatives au défaut d'emploi;

c) la raison du défaut d'emploi ne peut être volontaire de la part du propriétaire inscrit; le défaut d'emploi doit être indépendant de la volonté du propriétaire; le propriétaire inscrit doit manifester qu'au moins un inconvénient sérieux justifie l'interruption d'emploi de la marque;

d) la durée de l'emploi et la probabilité d'un défaut d'emploi continu constituent un facteur à considérer;

e) les circonstances spéciales forment une exception à la règle générale en vertu de laquelle une marque de commerce qui n'est pas employée doit être radiée.

 

Et à la page 421 de l'arrêt Lander Co. Canada Ltd. c. Alex E. Macrae & Co. (1993), 46 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.), il a été jugé que l'intention de reprendre l'emploi dans un bref délai « doit être établie par des éléments factuels comme des bons de commande ou, à tout le moins, une date certaine de reprise ».

 

La preuve

En réponse à l’avis, l'inscrivant a déposé son propre affidavit dont je résume ci-après les passages pertinents :

 

  • M. Moore a eu une carrière artistique illustre.
  • [Traduction] « La marque de commerce SPRING THAW est née en même temps que la revue théâtrale du même titre, de concert avec des productions musicales et théâtrales ainsi que des activités et des marchandises connexes qui ont débuté en 1948 et se sont poursuivies sous la forme de rééditions annuelles pendant 20 années. »
  • [Traduction] « La documentation de SPRING THAW, avec référence aux mots SPRING THAW, continue de figurer dans les anthologies de l’humour canadien qui sont actuellement disponibles dans les librairies et autrement ».
  • [Traduction] « La documentation de SPRING THAW continue à être employée occasionnellement partout au Canada et à l'étranger, avec emploi de la marque de commerce SPRING THAW, comme l'indique un échantillon de l'état trimestriel de redevances de SOCAN concernant SPRING THAW qui révèle l'existence de gains provenant du seul Japon, même si ceux-ci sont modestes, un exemplaire dudit état trimestriel de redevances de SOCAN du 15 août 2002 étant joint comme pièce D ».
  • [Traduction] « En raison de la nature des services et des marchandises de SPRING THAW, les productions et l'emploi réels sont de nature cyclique ». M. Moore fournit ce qu'il qualifie comme un autre exemple de l'emploi, c'est-à-dire des négociations avec la CBC pour l'utilisation de documentation de SPRING THAW lors du programme télévisé spécial du 50anniversaire de la CBC télédiffusé pour la première fois le 6 septembre 2002. [Traduction] « Le sketch de Spring Thaw qui a été employé à l'occasion s'intitulait " relations étrangères" ».
  • Au cours des trois années précédant le 3 mars 2004, [traduction] « des négociations se sont poursuivies pour une nouvelle édition de SPRING THAW au Confederation Center of the Arts à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Si une telle production a lieu, l'on s'attend à ce que -- et il est inévitable que -- la marque de commerce SPRING THAW soit employée de manière intensive sur des documents publicitaires comme des annonces publicitaires, des affiches, des programmes, des billets, des tasses et des tee-shirts, et d'autres marchandises connexes. » Des pièces ont été fournies pour démontrer que M. Moore a entrepris depuis plusieurs années des discussions avec des individus responsables au Confederation Center of the Arts pour ressusciter SPRING THAW, et qu'une production est envisagée pour la saison 2001 et faisait l'objet de discussions pour les saisons 2004 ou  2005. Étant donné que M. Moore a signé son affidavit au mois de mars 2004, il semble peu probable que ces plans se soient réalisés pour la saison 2004.
  • Au cas où les activités qui se sont produites au cours de la période pertinente de trois ans ne puissent être qualifiées comme un emploi de la marque SPRING THAW, M. Moore a indiqué ce qu'il considère être des circonstances spéciales qui justifieraient tout défaut d'emploi :

 

[traduction] Des efforts réguliers et poursuivis pour donner lieu à de nouvelles productions de la documentation SPRING THAW et pour exploiter la marque de commerce ont été effectués par moi-même, et il n'y a jamais eu de décision de cesser l'emploi. Cependant, certaines catégories d'exploitation commerciale comme les productions à des festivals où les marchandises et les services en liaison avec la marque de commerce feraient l'objet de publicité, seraient publicisées et vendues, sont possibles, habituellement après certains intervalles dictés par les modes et les goûts en matière de théâtre. Par exemple, il y a eu une production SPRING THAW au Collège Georges Brown sous la direction de Heinar Pillar il y a 15 ans environ, et la marque de commerce a été employée en liaison avec cette production après que j'en ai octroyé à la licence. Étant donné qu'une production importante comme celle qui est envisagée pour les saisons théâtrales 2004 ou 2005 au Confederation Center of the Arts à Charlottetown est une entreprise importante à monter, des périodes s'écoulent nécessairement entre les productions en raison de la nature des productions théâtrales, des pratiques de mise en marché et de la détermination des calendriers.

 

Les pièces déposées par M. Moore comprennent [traduction] « un programme des grands succès de la 17production annuelle de 1964 "SPRING THAW" » [pièce B].

 

Aucune des parties n'a déposé d'observations écrites et aucune audience orale n’a été demandée. Toutefois, la partie requérante a indiqué qu'elle demeure intéressée à recevoir une décision.

 

Analyse concernant les marchandises

Je commencerai par une étude des marchandises énumérées dans l'enregistrement. La seule preuve d'une liaison entre SPRING THAW et chacune de ces marchandises figure est pièce C, c'est-à-dire des extraits d'une bibliographie rédigée en 2002 de Dave Broadfoot, dans laquelle ce dernier dit qu’il est [traduction] « retourné à Spring Thaw pour une deuxième saison en février 1954... ». Il est clair qu'il ne s'agit pas d'un emploi en liaison avec des livres conformément à l'article 4. En outre, aucune circonstance spéciale ne justifie l'absence d'emploi de la marque en liaison avec les marchandises inscrites. Il n'existe aucun élément de preuve indiquant que la marque ait jamais été utilisée en liaison avec les marchandises, ou que des mesures aient été prises pour en commencer l'emploi dans un avenir rapproché. Par conséquent, les marchandises seront radiées de l'enregistrement.

 

Analyse concernant les services

Je passerai maintenant aux services enregistrés. Je conclus qu'il n'existe pas de preuve de l'emploi de la marque de commerce en conformité avec les dispositions du paragraphe 4(2) en liaison avec chacun des services enregistrés suivants au cours de la période pertinente de trois ans :  la production et la présentation de spectacles musicaux, comiques et dramatiques ; la production et la présentation de spectacles radiodiffusés.

 

En ce qui concerne les autres services, c'est-à-dire la production et la présentation de spectacles télédiffusés, il existe deux éléments de preuve pertinents. La pièce D concernant le versement de redevances n’est d’aucun secours pour l'inscrivant, étant donné qu'elle porte sur l'emploi au Japon. La pièce E est davantage pertinente. Il s'agit de la preuve que, le 6 septembre 2002, CBC Television a diffusé une rétrospective historique des émissions satiriques à CBC, laquelle comprenait un extrait d'un sketch tiré de SPRING THAW ‘64. Il semble que l'autorisation de M. Moore pour utiliser cet extrait ait été demandée, et qu'une forme ou une autre de paiement ait été offerte. Par conséquent, la question posée devient la suivante : la télédiffusion de cet extrait constitue-t-elle une forme d'emploi de la marque de commerce SPRING THAW en conformité avec les dispositions du paragraphe 4(2)? Je conclus que ce n'est pas le cas, pour plusieurs raisons. Premièrement, rien n’indique que l'expression SPRING THAW soit apparue dans l'émission télévisée. Deuxièmement, rien n’indique que la marque SPRING THAW ait été employée pour faire la promotion de ce spectacle télévisé. Je note que la correspondance venant de CBC ne fait aucune mention de la marque SPRING THAW, ces mots n'apparaissant que sur les pièces manuscrites que je présume être de la main de M. Moore. Je ne sais si CBC a reçu des exemplaires de la correspondance portant les notes manuscrites, mais même si c'eût été le cas, étant donné qu'il appert que CBC obtenait la licence du sketch comique de M. Moore, l'inscription des mots SPRING THAW par celui-ci sur la correspondance n'indique pas que la marque ait été employée au cours de la production ou de la présentation d'émissions télévisées. (En fait, CBC a identifié l'extrait comme ayant été tiré du programme diffusé autrefois sous le nom de « PARADE ».) En outre, l'affichage de la marque de commerce sur des documents envoyés à un titulaire de licence ne pourrait être qualifié de forme de publicité des services enregistrés en liaison avec la marque.

 

Je me pencherai ensuite sur la preuve de circonstances spéciales pour justifier le défaut d'emploi de la marque en liaison avec les services. Comme je l'ai indiqué auparavant, une décision quant à l'existence de circonstances spéciales justifiant l'absence d'emploi doit tenir compte de trois critères :

            1.         la période pendant laquelle la marque n'est pas employée;

            2.         l’indépendance des raisons du défaut d'emploi à l’égard de la volonté du propriétaire inscrit;

3.         l'existence d’une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l'emploi de la marque.

 

Je conclus que la preuve déposée par l'inscrivant est insuffisante pour justifier le défaut d'emploi. La durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été employée est très longue. L'on m'a dit que les raisons du défaut d'emploi étaient communes dans ce secteur industriel et qu'elles n'étaient pas particulières à l'inscrivant. Sur le plan technique, elles ne sont pas indépendantes de la volonté de ce dernier. Enfin, il n'y a pas de preuve satisfaisant l'obligation que l'emploi de la marque reprenne dans un bref délai. La jurisprudence indique que de simples discussions concernant l'emploi d'une marque de commerce sont insuffisantes pour étayer la prétention que des circonstances spéciales justifient le défaut d'emploi. [Lander Co. Canada Ltd., précité.]

 

Décision

Pour ces motifs, l'enregistrement numéro LMC123130 sera radié en conformité avec les dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi. Il convient de noter que la présente décision porte uniquement sur l'insuffisance de la preuve déposée au regard des exigences de l'article 45 ; cette décision ne porte en aucune manière sur l'existence d'un reliquat d'achalandage en ce qui concerne la marque de commerce SPRING THAW.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 10 FÉVRIER 2006.

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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