Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 117    

Date de la décision : 2013-06-28 TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Ecco Heating Products Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement nº 1,446,089 pour la marque de commerce SPIRAL ELBOWS, au nom de la société 606381 Alberta Ltd.

[1]               Le 24 juillet 2009, la société 606381 Alberta Ltd (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SPIRAL ELBOWS (la Marque) fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants :

Marchandises : Coudes pour systèmes de CVCA commerciaux, systèmes de chauffage et de refroidissement commerciaux, systèmes collecteurs pour la ventilation, l’échappement, la poussière, le gaz ou la fumée.

 

Services : Fabrication sur mesure de coudes pour systèmes de CVCA commerciaux, de systèmes de chauffage et de refroidissement commerciaux et de systèmes collecteurs pour la ventilation, l’échappement, la poussière, le gaz ou la fumée.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans l'édition du Journal des marques de commerce du 27 octobre 2010.

[3]               Le 4 novembre 2010, Ecco Heating Products Ltd. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués peuvent être résumés comme suit :

         En vertu des alinéas 38(2)(a) et 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à la date de dépôt, la Requérante ne pouvait pas être convaincue de son droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services, parce que [TRADUCTION] « elle ne pouvait pas ignorer que ‘spiral elbows’ [coudes en spirale] est un terme générique largement utilisé dans le secteur de la fabrication des systèmes de CVCA ».

         En vertu des alinéas 38(2)(b) et 12(1)(b) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce que le terme « spiral elbows » donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et services, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises et services.

         En vertu des alinéas 38(2)(b) et 12(1)(c) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable, parce que le terme « spiral elbows » est le nom en anglais des marchandises.

         En vertu des articles 38(2)(d) et 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas véritablement les marchandises et services en liaison avec lesquels elle est employée, des marchandises et services d’autres propriétaires, particulièrement des coudes en spirale fabriqués et vendus par de nombreuses autres entités dans le domaine CVCA, et elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi.

         En vertu des articles 38(2)(d) et 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive, parce qu’elle n’a pas été employée par la Requérante aux fins de distinguer les marchandises, des marchandises et services d’autres propriétaires dans le marché.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l'Opposante et en exigeant la preuve.

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit deux affidavits de Jennifer Marles, avocate employée par l’agent de l’Opposante (l’un daté du 13 mai 2011, soumis en preuve principale de l’Opposante, et l’autre, daté du 18 octobre 2011, soumis en preuve en réponse de l’Opposante), ainsi qu'un affidavit de Lauris Krisch, responsable des techniques de fabrication chez ECCO Manufacturing, une division de l’Opposante. Seul M. Krisch a été contre-interrogé relativement à son affidavit, et la transcription du contre-interrogatoire a été produite au dossier.

[6]               À l’appui de sa demande, la requérante a produit l’affidavit de Henry Warkentin, l’un des directeurs de la Requérante. M. Warkentin n’a pas été contre-interrogé relativement à son affidavit.

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l'audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l'Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. Les Compagnies Molson Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (CF 1ère inst.), à la page 298].

[9]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         articles 38(2)(a)/30 – la date de dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 à 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 à 432 (COMC)].

         alinéas 38(2)(b)/12(1)(b) - la date de dépôt de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd c. General Housewares Corp (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (CF 1ère inst.)];

         alinéas 38(2)b)/12(1)(c) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C P R (3d) 413 (CAF)];

         articles 38(2)(d)/2 – la date de production de la demande d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (CF)].

Motifs d'opposition fondés sur la non-enregistrabilité

Alinéa 12(1)(c) de la Loi – La Marque est-elle constituée du nom, en anglais, des Marchandises?

[10]           L’Opposante fait valoir que pour qu’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(c) soit accepté, il n’est pas nécessaire d’établir que la Marque est constituée principalement du nom des marchandises [voir Saputo Dairy Products Canada GP c. Grande Cheese Co (2011), 98 C.P.R. (4th) 459 (COMC)]. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que le nom soit [TRADUCTION] « reconnu dans un pays, ou universellement, comme étant le nom des marchandises dans une langue donnée » [voir Jordan & Ste-Michelle Cellars Ltd c. Andres Wines Ltd (1986), 11 C.P.R. (3d) 252 (COMC)]. Il suffit que la Marque soit le nom des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée. Je suis d’accord avec les observations de la Requérante en ce qui concerne la portée de l’alinéa 12(1)(c) de la Loi.

[11]           Cela dit, pour s’acquitter de son fardeau de preuve, il incombe à l’Opposante de démontrer que le terme « spiral elbows » a été accepté, en langue anglaise, pour les marchandises « coudes pour systèmes de CVCA commerciaux, de systèmes de chauffage et de refroidissement commerciaux et de systèmes collecteurs pour la ventilation, l’échappement, la poussière, le gaz ou la fumée » [voir Boyer Candy Co c. Hershey Canada Inc (2001), 21 C.P.R. (4th) 257 (COMC); Airos Systems Ltd c. Windsurfing International, Inc (1983), 75 C.P.R. (2d) 74 (COMC)].

[12]           À l’audience, l’Opposante m’a fourni de la terminologie de base que j’estime utile pour examiner la preuve :

         Le terme « ductwork » [conduit] » désigne des tuyaux qui traversent les murs et les plafonds des bâtiments et servent à transférer le chauffage ou la climatisation de l’air aux locaux;

         le terme « elbow » [coude] désigne des tronçons de conduits utilisés pour raccorder les conduits horizontaux des plafonds aux conduits verticaux des murs, et

         le terme « spiral pipe » [tube en spirale] désigne un tuyau à soudure hélicoïdale continue.

[13]           La Requérante ne s’est pas expressément opposée à cette terminologie générale à l’audience.

[14]           L’Opposante fait valoir que la preuve démontre que la Requérante, l’Opposante et les tierces parties œuvrant dans le domaine CVCA utilisent le terme « spiral elbows » [coudes en spirale] pour désigner les coudes utilisés dans les systèmes de CVCA. En particulier, dans son affidavit, M. Krisch affirme que, historiquement, le terme « spiral elbows » est utilisé dans l’industrie CVCA pour désigner un coude utilisé pour relier deux tuyaux en spirale (la « définition classique »). M. Krisch explique également qu’en raison du développement récent d’une technique qui permet de fabriquer un coude à partir d’un tuyau en spirale, le terme « spiral elbows » a aussi un nouveau sens (la « nouvelle définition »). Enfin, M. Krisch affirme que, quelle que soit la définition adoptée, les deux définitions désignent des coudes qui peuvent être utilisés pour raccorder des tronçons de tuyaux en spirale et qu’elles sont donc équivalentes du point de vue fonctionnel.

[15]           À l’audience et dans leur plaidoyer écrit, les deux parties ont axé leurs observations sur ces deux définitions du terme « spiral elbow ». Je suis convaincue que la preuve démontre que les deux définitions désignent des produits fonctionnellement équivalents. De plus, je suis convaincue que, quelle que soit la définition adoptée, la preuve est suffisante pour en conclure le terme « spiral elbows » est employé pour désigner les coudes utilisés dans l’industrie CVCA, et donc la Marque contrevient aux dispositions de l'alinéa 12(1)(c) de la Loi quant à son emploi en liaison avec les Marchandises. J’examinerai la preuve à l’appui de cette conclusion dans les paragraphes qui suivent.

[16]           La preuve la plus solide produite par l’Opposante provient du propre site Web de la Requérante (affidavit Krisch, pièce D). Bien qu’il soit vrai que les imprimés extraits de sites Web de tierces parties sont généralement considérés comme du ouï-dire sur lequel on ne peut s’appuyer pour prouver la vérité du contenu, je suis convaincue que l’on peut accorder un certain poids à la pièce D, puisque le site Web appartient à la Requérante, et que la Requérante a eu la possibilité de répondre advenant qu’une préoccupation ait été exprimée quant au contenu.

[17]           L’Opposante fait valoir que la Requérante utilise le terme « spiral elbows » dans un sens générique ou descriptif sur son site Web. En particulier, des « spiral elbows » [coudes en spirale] sont énumérés en tant que catégorie de produits dans la liste de « Produits » de la Requérante, aux côtés d’autres catégories de produits comme [TRADUCTION] « round fittings » [raccords ronds], « square fittings » [raccords carrés], «oval fittings » [raccords ovales], « miscellaneous » [divers] et « specialty » [spécialité]. L’Opposante signale également d’autres emplois génériques du terme sur le site Web de la Requérante, comme [TRADUCTION] « les coudes en spirale permettent une baisse importante du coût de main-d’œuvre… »; « l’un des principaux avantages du coude en spirale est l’économie de main-d’œuvre… »; « pour la fabrication du coude en spirale, on utilise la même soudure que pour le tuyau en spirale », voir l’affidavit de M. Krisch, pièce D). Je suis convaincue que cette preuve permet de conclure que le terme « spiral elbow » est le nom des marchandises.

[18]           Dans son affidavit, M. Krisch fait valoir que l’Opposante emploie aussi le terme « spiral elbows » [coudes en spirale] pour désigner un type de coude qu’elle vend. À l’appui de cette déclaration, M. Krisch fournit un imprimé d’une annonce extraite du site Web de l’Opposante (pièce E) qui présente clairement le terme « spiral elbows » employé pour désigner un type de coude utilisé dans l’industrie CVCA. Je suis convaincue que cette preuve permet de conclure que l’Opposante emploie aussi le terme « spiral elbows » en tant que nom d’un type de coude utilisé dans l’industrie CVCA.

[19]           L’Opposante fournit également des imprimés de sites Web de tierces parties qui, d’après elle, montrent que des tiers utilisent le terme « spiral elbows » comme un terme générique pour désigner un type de coude utilisé dans le domaine CVCA (pièces A, B, C, E). De ces sites Web, l’Opposante a retenu la pièce A extraite du site Web d’un fabricant de « spiral elbow line » [ligne de fabrication de coudes en spirale]. L’Opposante a affirmé qu’il s’agit d’un fabricant américain d’équipement utilisé pour fabriquer des coudes en spirale à partir de tuyaux en spirale. L’Opposante soutient qu'elle-même et la Requérante ont acheté de l’équipement auprès de ce fabricant. L’Opposante a fait valoir que la pièce B à l’affidavit de M. Krisch (une copie d’un article en ligne d’une publication intitulée SNIPS) permet de conclure que la Requérante avait acheté cet équipement en juin 2009.

[20]           Comme je l’ai indiqué précédemment, la preuve obtenue sur les sites Web de tierces parties est considérée comme du ouï-dire et je ne suis pas disposée à m’appuyer sur elle en tant que preuve de la vérité du contenu sur lequel elle se fonde [voir Candrug Health Solutions Inc c. Thorkelson (2007), 60 CPR (4th) 35 (CF 1ère inst.), infirmé (2008), 64 CPR (4th) 431 (CAF)]. Ainsi, les observations de l’Opposante concernant l’emploi par des tiers du terme « spiral elbows », qui sont fondées sur cette preuve par ouï-dire, sont d’une importance limitée.

[21]           Cela dit, je reste convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve puisqu’elle a clairement démontré l’emploi générique du terme « spiral elbows » par les deux parties pour désigner des coudes utilisés dans l’industrie CVCA. Il incombe maintenant à la Requérante de démontrer que la Marque est enregistrable.

[22]           La Requérante observe que la preuve de M. Warkentin est suffisante pour permettre de conclure que la Marque n’est pas un terme générique employé dans l’industrie CVCA pour désigner un type de coude. Dans son affidavit, M. Warkentin déclare qu’il travaille dans l’industrie CVCA depuis 40 ans et que la voix faisant autorité dans ce secteur est la Sheet Metal and Air Conditioning Contractors’ National Association (SMACNA). M. Warkentin affirme que SMACNA ne reconnaît pas de type de coude appelé « spiral elbow » [coude en spirale]. Il ajoute que le terme « spiral elbow » n’a aucune signification pour les membres de SMACNA, à part dans les activités promotionnelles des parties pour leurs produits respectifs.

[23]           Premièrement, je remarque que les déclarations de M. Warkentin à propos de SMACNA constituent du ouï-dire. La Requérante n’a fourni ni preuve ni déclarations pour expliquer pourquoi un représentant de SMACNA n’aurait pu fournir cette preuve directement. Je ne suis pas convaincue qu’il était nécessaire que M. Warkentin fournisse cette preuve.

[24]           Même si j’étais disposée à accepter la déclaration de M. Warkentin sur ce sujet, je remarque que la seule pièce justificative qu’il fournit est un [TRADUCTION] « extrait du manuel qui illustre les catégories de coudes qui sont reconnues » (pièce B). Ce document, non daté, est simplement intitulé « FIGURE 3-4 ROUND DUCT ELBOWS - HVAC Duct Construction Standards Metal and Flexible – Third Edition » [FIGURE 3-4 COUDES DE CONDUIT ROND – Normes de fabrication de conduit CVCA en métal et flexible]. Il n’est indiqué nulle part dans ce document qu’il s’agit d’une liste exhaustive des types de coudes reconnus par SMACNA.

[25]           À l’audience, la Requérante a fait valoir qu’en contre-interrogatoire, M. Krisch a admis qu’il ne serait pas suffisant pour un consommateur de simplement demander un « coude en spirale » chez un détaillant. Le consommateur devrait plutôt fournir d’autres précisions afin d’obtenir le produit désiré. Il est peut-être vrai que d’autres précisions sont nécessaires pour passer une commande de coudes. Cependant, je n’estime pas que cela soit suffisant pour éviter de contrevenir à l’alinéa 12(1)(c) de la Loi. Pour faire une analogie, je fais remarquer que le mot « tournevis » désigne un type d’outil utilisé par un bricoleur. S’il est vrai que lors de l’achat d’un tournevis dans une quincaillerie, un bricoleur serait tenu d’en préciser le type (c.-à-d., Phillips, Robertson, etc.) pour obtenir le type exact de tournevis qu’il souhaite, cela ne change rien au fait que le produit que le consommateur veut acheter est un tournevis (c.-à-d., le nom du produit). Ainsi, la marque de commerce TOURNEVIS ne serait pas enregistrable pour l’emploi en liaison avec des tournevis, et contreviendrait à l’alinéa 12(1)(c) de la Loi.

[26]           De plus, je note que les marchandises sont définies au sens relativement large comme des « coudes pour systèmes de CVCA commerciaux, de systèmes de chauffage et de refroidissement commerciaux et de systèmes collecteurs pour la ventilation, l’échappement, la poussière, le gaz ou la fumée. » Les détails exacts des coudes visés par les Marchandises (par exemple, fabriqués à partir de tuyau en spirale ou non fabriqués à partir de tuyau en spirale) ne sont pas contenus dans la description des marchandises.

[27]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable.

[28]           À l’audience, j’ai souligné que, tel qu’il est allégué, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(c) semble concerner uniquement les marchandises, et donc, s’il est accepté, il entraînerait seulement le refus de la demande en liaison avec les marchandises. L’Opposante a fait valoir que puisque les Services consistent simplement dans la fabrication des marchandises, le motif d’opposition devrait s’appliquer aux deux. Je ne suis pas d’accord. J’estime que, tel qu’il est allégué, ce motif d’opposition est limité aux marchandises. Par conséquent, ce motif d’opposition est retenu seulement en ce qui concerne les marchandises. Cela dit, comme l’a souligné l’Opposante à l’audience, les autres motifs d’opposition sont clairement fondés sur les marchandises et les services, et donc, si un motif d’opposition au moins est accepté, la demande dans son ensemble sera repoussée.

Alinéa 12(1)(b) de la Loi – La Marque donne-t-elle une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises et Services?

[29]           À l’audience, l’Opposante m’a renvoyée au passage suivant du récent jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c. Canada (2012), 99 C.P.R. (4th) 213 (CAF) qui résume clairement le critère qu’il convient d’appliquer pour évaluer si une marque de commerce contrevient à l’alinéa 12(1)(b) de la Loi [Ontario Teachers’, précité au paragraphe 29] :

[TRADUCTION]

Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire soit celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. […] On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être utilisée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services.

[30]           De plus, je note que « nature » signifie un attribut, un trait ou une caractéristique des marchandises, et « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c. American Home Products Corp (1968), 55 C.P.R. 29 (C. de l’É.) au paragraphe 34].

[31]           À titre de remarque préliminaire, je note que toutes les observations ci-après en ce qui a trait aux marchandises s’appliquent également aux services qui sont simplement la fabrication sur mesure des marchandises.

[32]           Dans son affidavit, M. Krisch déclare sous serment que [TRADUCTION] « habituellement, dans le domaine CVCA, le terme ‘spiral elbow’ désignait un coude utilisé pour raccorder deux tronçons de tuyau en spirale » (paragraphe 6); et « [l’Opposante] et les autres entreprises dans l’industrie CVCA utilisent maintenant le terme ‘spiral elbow’ pour décrire, de manière générale, des coudes en spirale fabriqués selon cette nouvelle technique [le coude en spirale est fabriqué à partir d’un tuyau en spirale] » (paragraphes 7 et 8). M. Krisch travaille dans le domaine CVCA depuis 1987 et il fonde ces déclarations sur ses propres connaissances de l’industrie. Cela dit, il m’est impossible d’accorder du poids à ces avis formulés par M. Krisch, car il est partial du fait de son emploi par l’Opposante.

[33]           L’Opposante attire également l’attention sur les déclarations formulées par la Requérante dans l’instruction de sa demande américaine pour la marque de commerce SPIRAL ELBOWS (pièce A au premier affidavit de Mme Marles). Dans le contexte de l’instruction américaine, la Requérante a reconnu que la Marque pouvait être considérée comme étant descriptive des marchandises, et elle a donc demandé qu’elle soit enregistrée sur le registre supplémentaire. Le registre supplémentaire procure un deuxième niveau d’enregistrement des marques de commerce, notamment des marques descriptives. L’Opposante demande que je considère cette reconnaissance du caractère descriptif de la Marque comme un aveu contre intérêt dans la présente procédure.

[34]           À l’audience, la Requérante a fait valoir que je ne devrais pas considérer ces déclarations comme des aveux contre intérêt, à la lumière des différences de droit et de pratique entre l’USPTO et l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Je suis d’accord avec la Requérante, et je ne considérerai donc pas les déclarations faites par la Requérante, dans le contexte de l’instruction américaine de sa demande, comme des aveux contre intérêt dans la présente procédure.

[35]           L’Opposante fait valoir que même si « spiral elbows » n’est pas un terme reconnu par le dictionnaire, il est néanmoins composé de deux mots ayant des significations clairement établies dans le domaine CVCA. Plus précisément, « spiral pipe » [tuyau en spirale]» est un tuyau fabriqué avec une soudure hélicoïdale continue; « elbow » [coude] est un tronçon courbe de conduit utilisé pour raccorder deux autres sections de conduit (affidavit de M. Krisch, paragraphes 4 et 5). La Requérante ne semble pas contester ces définitions. Ainsi, le terme « spiral elbow », en tant que terme composé, décrit clairement un coude constitué d’un tronçon de tuyau en spirale. L’Opposante fait valoir qu’un terme composé de deux mots peut être clairement descriptif [voir A Lassonde Inc c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2000), 5 C.P.R. (4th) 517, paragraphes 35 à 37 (CF 1ère inst.); confirmé 15 C.P.R. (4th) 384 (CAF)].

[36]           Je peux moi-même consulter un dictionnaire pour déterminer le sens des mots [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999), 2 C.P.R. (4th) 103 (COMC)]. Je remarque que le Canadian Oxford English Dictionary inclut cette définition du mot « elbow » : « a short piece of pipe bent at a right angle » [court tronçon de tuyau courbé à angle droit]. Cette définition appuie clairement la preuve de l’Opposante selon laquelle le mot « elbow » désigne un tronçon courbe de conduit utilisé pour raccorder deux autres sections de conduit. Le mot « spiral » inclut la définition « winding continuously along or as if along a cylinder, like the threaf of a screw » [s’enroulant continuellement autour d’un cylindre, ou de façon semblable, comme le filet d’une vis] qui appuie également la preuve de l’Opposante concernant le tuyau en spirale.

[37]           Quant aux déclarations faites à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(c) de la Loi, les parties se sont concentrées sur la question des deux définitions de SPIRAL ELBOWS (c.-à-d., la définition classique d’un coude utilisé pour raccorder deux tronçons de tuyau en spirale, et la nouvelle définition d’un coude fabriqué à partir d’un seul tronçon de tuyau en spirale). La Requérante fait valoir que la présence de plus d’une définition d’un terme signifie forcément que l’on ne peut en conclure que l’emploi du terme est à l’encontre de l’alinéa 12(1)(b) de la Loi. En revanche, l’Opposante souligne que les deux définitions donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et services. De plus, l’Opposante a rappelé le fait que les définitions concernent des produits qui sont fonctionnellement équivalents (c.-à-d., des coudes qui peuvent être utilisés pour raccorder un tuyau en spirale).

[38]           Enfin, je remarque que la Cour d’appel fédérale a récemment rappelé l’importance d’appliquer une « approche fondée sur le bon sens » lorsque l’on détermine si une marque est contraire à l’alinéa 12(1)(b) de la Loi. En d’autres termes, il faut considérer non seulement la preuve au dossier, mais également faire preuve de bon sens [voir Ontario Teachers’, précité].

[39]           Eu égard à ma conclusion relative au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(c), compte tenu des observations de l’Opposante concernant la signification des mots composant la Marque, compte tenu de mon examen du Canadian Oxford English Dictionary, et en faisant preuve de bon sens, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de démontrer que la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et des services à la première date pertinente. Je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable.

[40]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(b) de la Loi est également retenu.

Autres motifs d’opposition

[41]           Comme j’ai déjà repoussé la demande pour deux motifs d’opposition, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition alléguant la non-conformité à l’article 30(i) et l’absence de caractère distinctif.

Décision

[42]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande en vertu de l’article 38(8) de la Loi.

__________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad. a.

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