Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION

de Mister Coffee & Services Inc. à la demande

no 700,146 produite par Mr. Coffee, Inc.,

appartenant actuellement à Sunbeam Products,

Inc., en vue de l’enregistrement de la marque

de commerce MR. COFFEE_________________

 

 

Le 2 mars 1992, Mr. Coffee, Inc. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce MR. COFFEE. La demande est basée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des appareils ménagers, à savoir des filtreurs d’eau, des grille

pain, des centrifugeuses, des chauffe

tasses et des chauffe

carafes, des carbonateurs et des mélangeurs à main. La demande est basée également sur l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États

Unis en liaison avec des appareils ménagers, à savoir des chauffe

tasses et des chauffe

carafes. Une priorité conventionnelle datée du 3 septembre 1991 et fondée sur la demande présentée aux États

Unis est revendiquée dans la demande. Celle

ci renferme également un désistement du droit à l’usage exclusif du mot COFFEE en dehors de la marque.

 

La propriétaire actuelle de la demande est Sunbeam Products, Inc. (la requérante), les propriétaires intermédiaires ayant été Health o meter, Inc. et Signature Brands, Inc.

 

La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 2 août 1995 aux fins de toute opposition éventuelle. L’opposante, Mister Coffee & Services Inc., a produit une déclaration d’opposition le 4 mai 1998, dans laquelle elle invoquait trois motifs d’opposition. Les deux premiers motifs sont fondés sur l’article 16 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi). L’opposante allègue que la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque faisant l’objet de la demande parce que, aux dates pertinentes, la marque de commerce de celle

ci causait de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial MISTER COFFEE antérieurement employés au Canada par l’opposante. Celle

ci revendique l’emploi antérieur de sa marque de commerce en liaison avec du café et des cafetières, notamment des chauffe

carafes fournis avec les services d’approvisionnement en café aux bureaux et aux entreprises. Elle revendique l’emploi antérieur de son nom commercial en liaison avec une entreprise d’approvisionnement en café moulu préemballé et en cafetières pour les bureaux et les entreprises. Comme troisième motif d’opposition, l’opposante fait valoir que la marque de commerce de la requérante ne distingue pas véritablement les marchandises de cette dernière des marchandises, services et entreprise de l’opposante, et qu’elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi.

 

Mr. Coffee, Inc. a produit et signifié une contre

déclaration dans laquelle elle niait les allégations de l’opposante et prétendait que l’emploi sur lequel celle

ci se fondait était illégal. Au soutien de sa prétention selon laquelle l’opposante n’a jamais employé légalement les mots MISTER COFFEE, la requérante a affirmé qu’elle avait droit, en vertu de la loi, à l’usage exclusif de la marque MR. COFFEE partout au Canada, en liaison avec des cafetières et des filtres à café jetables depuis le 16 juillet 1976 et en liaison avec des carafes depuis le 1er décembre 1978.

 

L’opposante a déposé en preuve l’affidavit de son directeur général, Robert Hale. La requérante a obtenu l’autorisation de contre

interroger M. Hale au regard de son affidavit, mais elle ne l’a pas exercé dans le délai alloué par la Commission des oppositions.

 

La preuve de la requérante est constituée des affidavits d’une secrétaire juridique, Christine Walo, et du président de Sunbeam Corporation (Canada) Ltd., Bruce MacDougall.

 

Les deux parties ont produit des arguments écrits et étaient représentées à l’audience.

 

L’affaire est quelque peu inhabituelle car les parties reconnaissent qu’il existe un risque de confusion entre les marques. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner les différentes circonstances énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Je dois en fait seulement décider si l’opposante devrait être autorisée à se fonder sur son emploi des mots MISTER COFFEE devant la Commission et si elle s’est déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait.

 

Dans son affidavit, Mme Walo traite de la légalité de l’emploi par l’opposante. Elle présente des copies certifiées de deux enregistrements canadiens de la marque de commerce MR. COFFEE, portant les nos 214,811 et 231,109 et appartenant à Signature Brands, Inc. (qui était la propriétaire de la présente demande à la date de l’affidavit de Mme Walo). Elle présente aussi des copies des documents suivants, tirés du dossier no T

95 de la Cour fédérale : la nouvelle déclaration modifiée; la défense et demande reconventionnelle; la réponse et défense reconventionnelle; la réponse reconventionnelle. Dans cette poursuite l’opposant à Mister Coffee & Services Inc., Signature Brands, Inc. fait valoir notamment que l’emploi des mots MISTER COFFEE par la défenderesse constitue une contrefaçon des enregistrements nos 214,811 et 231,109. Dans sa demande reconventionnelle, la défenderesse soutenait que ces enregistrements étaient invalides parce que le prédécesseur de la demanderesse aurait consenti à l’emploi par la défenderesse, de sorte que la marque de la demanderesse n’était pas distinctive. Dans les documents de procédure, la demanderesse a nié avoir jamais consenti à l’emploi par la défenderesse. Ces pièces ne prouvent évidemment pas la véracité des déclarations figurant dans les documents de procédure, mais simplement l’existence de ces documents. Il convient de noter que cette poursuite a débuté en juin 1995 et qu’elle n’est pas encore terminée, semble

il.

 

Ce n’est pas la première fois que la marque de commerce MR. COFFEE faisait l’objet d’une procédure d’opposition. Ainsi, dans Mister Coffee & Services Inc. v. Mr. Coffee, Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 405 (C.O.M.C.), aux pages 412 à 414, la commissaire Folz a examiné l’allégation selon laquelle l’opposante employait la marque illégalement :

[TRADUCTION] En ce qui concerne les motifs fondés sur l’absence de droit invoqués dans les deux oppositions, l’opposante devait établir que sa marque avait été employée ou révélée et que son nom commercial avait été employé avant la date de production des demandes de la requérante, soit le 20 juin 1990 pour ce qui est de la première demande et le 14 décembre 1990 pour ce qui est de la deuxième. La requérante prétend que, pour que ces motifs soient accueillis, il faut que l’opposante démontre que son emploi antérieur des mots MISTER COFFEE était légal. La requérante fait valoir à cet égard que les marchandises et services offerts par l’opposante en liaison avec sa marque de commerce et son nom MISTER COFFEE constituent une contrefaçon des droits exclusifs que lui confèrent, en vertu de la loi, les enregistrements nos 214,811 et 231,109. Par conséquent, ils ne peuvent servir à établir que la marque de commerce ou le nom commercial MISTER COFFEE a été antérieurement employé légalement.

 

La question de savoir si l’emploi illégal d’une marque de commerce peut constituer l’« emploi » d’une marque de commerce au Canada au sens de la Loi, ou peut autrement constituer un emploi qui fait échec aux droits du propriétaire apparent de la marque, a été examinée par le juge Joyal dans McCabe v. Yamamoto & Co. (America) Inc. (1989), 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F. 1re inst.) (McCabe). Le juge Joyal a fait les commentaires suivants aux pages 504 et 505 :

J’interprète la Loi sur les marques de commerce comme ayant pour objet de continuer la politique et le but poursuivis par celle qui la précède, savoir la Loi sur la concurrence déloyale, pour assurer un certain ordre dans le commerce et consacrer ou organiser, par voie législative, les droits, obligations et privilèges que connaissaient en common law les détenteurs de propriété intellectuelle. Cette Loi a pour objet de promouvoir et de réglementer l’utilisation licite des marques de commerce. Si les conditions nécessaires sont réunies, une personne peut se voir attribuer un monopole légal pour l’utilisation exclusive d’une marque de commerce relative à des biens ou services déterminés. Le cas échéant, peut

on soutenir sérieusement que la loi n’interdirait pas, expressément ou implicitement, l’utilisation illicite? À première vue, la réponse à cette question paraît évidente.

 

Je reconnais cependant que ce qui pourrait être illicite à certains égards, comme en cas de rupture de contrat de concession ou de distribution donnant lieu à des recours civils ordinaires, ne tomberait pas sous le coup de la Loi sur les marques de commerce sauf violation de l’une quelconque de ses dispositions expresses ou implicites. Si pareille violation se produit, l’utilisation illicite d’une marque de commerce ne pourrait être invoquée par un opposant pour faire échec aux droits du propriétaire.

 

On peut conclure, en règle générale, que lorsqu’une loi a pour objet de protéger les propriétaires de marques de commerce, enregistrées ou non enregistrées, on ne saurait invoquer cette même loi pour en légitimer l’utilisation illicite. Qui plus est, toujours à titre de règle générale, le fait de priver un utilisateur illicite de cette possibilité ne fait pas échec à l’objectif global de la Loi. Si la protection publique est l’un de ses objets, l’expression « antérieurement employé au Canada » pourrait s’interpréter comme signifiant « antérieurement employé de façon licite au Canada ».

 

Je conviens avec la requérante qu’une opposante ne devrait pas être autorisée à fonder son opposition sur des activités de contrefaçon (à ce sujet, voir Lunettes Cartier Ltée v. Cartier, Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 391 (C.O.M.C.)). Bien que j’aie des doutes quant à la légalité des activités de l’opposante en l’espèce, aucun tribunal n’a conclu à la contrefaçon et je ne considère pas que cette question relève de ma compétence. J’aimerais ajouter qu’il est étonnant, compte tenu de l’emploi simultané relativement important par l’opposante du nom Mister Coffee and Services Inc. et de la marque MISTER COFFEE en liaison avec des marchandises et services qui recoupent en partie ceux de la requérante, que cette dernière n’ait pris aucune mesure pour empêcher l’opposante d’utiliser sa marque ou son nom (p. ex. elle n’a pas intenté d’action en contrefaçon contre l’opposante) au cours des quelques années pendant lesquelles les marques ont coexisté sur le marché avant la date de production des demandes. À mon avis, en l’absence de toute indication que la requérante n’était pas au courant des activités de l’opposante, l’omission de la première d’agir pendant cette période pourrait être considérée comme un consentement à l’emploi par l’opposante de sa marque et de son nom. En conséquence, je ne vois aucune raison d’interdire à l’opposante de se fonder sur son emploi antérieur de la marque de commerce et du nom MISTER COFFEE pour contester le droit de la requérante à l’enregistrement de ces deux marques.

 

La commissaire Folz a dit un peu plus loin, à la page 416, au sujet du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif :

[TRADUCTION] Les commentaires que j’ai formulés précédemment s’appliquent aussi à l’argument de la requérante selon lequel l’opposante a employé illégalement sa marque et son nom. Comme je conclus que la preuve de l’opposante montre que sa marque MISTER COFFEE était devenue suffisamment connue à la date pertinente pour faire disparaître le caractère distinctif des marques de la requérante, je suis convaincue que l’opposante s’est déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à cette question. Je ne suis pas convaincue par contre que la requérante a réussi à démontrer, comme elle devait le faire, que ses marques MR. COFFEE distinguaient véritablement ses marchandises des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qu’elles étaient adaptées à les distinguer ainsi, à la date pertinente. Bien que la requérante ait démontré un emploi important de ses autres marques de commerce MR. COFFEE au Canada en liaison avec des cafetières, l’opposante a également démontré un emploi simultané relativement important pendant plusieurs années de sa marque de commerce et de son nom commercial MISTER COFFEE en liaison avec des marchandises et des services qui recoupent en partie ceux de la requérante. En outre, comme l’opposante l’a fait remarquer, l’article 19 de la Loi ne confère pas automatiquement au propriétaire d’un enregistrement le droit d’obtenir d’autres enregistrements, peu importe à quel point les marques de commerce peuvent être liés à la marque faisant l’objet du premier enregistrement (American Cyanamid Co. v. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 572 (C.O.M.C.)). Comme je conclus que, à la date pertinente, les marques de la requérante ne distinguaient pas ses marchandises des marchandises et services de l’opposante au Canada et qu’elles n’étaient pas adaptées à les distinguer ainsi, ce motif d’opposition doit aussi être accueilli.

 

La Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l’appel visant cette décision rendue en matière d’opposition (Sunbeam Products, Inc. v. Mister Coffee & Services Inc. (2001), 16 C.P.R. (4th) 53 (C.F. 1re inst.), confirmant 3 C.P.R. (4th) 405). L’appel qui a été interjeté de la décision de la Section de première instance le 7 décembre 2001 est toujours en instance devant la Cour d’appel fédérale.

 

À la page 56 de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale, le juge Kelen a parlé de l’importance du fait que la requérante avait intenté une action en contrefaçon de marque de commerce contre l’opposante :

 

La preuve additionnelle déposée par la demanderesse était l’affidavit de Christine Waldo, secrétaire juridique. Ledit affidavit a simplement été joint aux actes de procédure déposés dans l’affaire T-1182-95, une action en contrefaçon de marque de commerce engagée par le prédécesseur en titre de la demanderesse contre Mr. Coffee and Services Inc. Cette action a été intentée le 6 juin 1995, soit plusieurs années après que la demanderesse eut appris l’emploi par la défenderesse du nom commercial MISTER COFFEE, et trois (3) ans après que la défenderesse eut déposé en l’espèce ses déclarations d’opposition devant le registraire.

 

La date pertinente pour déterminer si la demanderesse a le droit d’enregistrer la marque de commerce est la date de la demande, c’est-à-dire le 14 décembre 1990. À cette date, la présente action intentée devant la Cour fédérale n’existait pas et, par conséquent, n’est pas pertinente. De toute façon, l’action en contrefaçon engagée devant la Cour fédérale soulève uniquement la question suivante : « Quel est le statut juridique de la marque de commerce MR. COFFEE et du nom commercial MISTER COFFEE? »

 

La preuve additionnelle déposée par la demanderesse devant la Section de première instance n’aurait eu aucune incidence concrète sur la décision du registraire quant à savoir si l’emploi de la marque de commerce MISTER COFFEE par la défenderesse était légal.

 

 

Les dates pertinentes au regard des motifs d’opposition fondés sur l’article 16 en l’espèce (soit le 3 septembre 1991 et le 2 mars 1992) sont antérieures au dépôt de l’action en contrefaçon de marque de commerce. L’action no T

95 intentée en Cour fédérale n’est donc pas pertinente à cet égard.

 

Par contre, la date pertinente pour ce qui est du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est postérieure au dépôt de l’action no T

95 à la Cour fédérale. Je ne peux néanmoins conclure sur la foi des éléments de preuve dont je dispose que l’emploi sur lequel se fonde l’opposante était illégal, comme la requérante le prétend. Aucune décision n’a encore été rendue relativement à l’action no T

95, et l’issue de l’affaire est incertaine compte tenu de la défense et de la demande reconventionnelle de l’opposante. 

 

Bien que le registraire ait la compétence nécessaire pour statuer, dans une procédure d’opposition, que l’emploi d’une marque de commerce est illégale, le juge Kelen précise dans quels cas il est raisonnable de le faire, aux pages 58 et 59 de la décision Sunbeam Products, Inc. v. Mister Coffee & Services Inc., précitée :

La demanderesse soutient que le registraire avait la compétence nécessaire pour conclure que l’emploi par la défenderesse du nom commercial MISTER COFFEE était illégal. Elle invoque à cette fin les décisions McCabe c. Yamamoto & Co. (America) Inc. (1989), 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F. 1re inst.) et Lunettes Cartier Ltée c. Cartier, Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 391 (C.O.M.C.) dans lesquelles le registraire a jugé illégal l’emploi d’une marque de commerce par l’opposante. Dans l’affaire McCabe, la Cour fédérale avait été saisie de la preuve qu’un tribunal américain avait conclu que l’emploi de la marque de commerce par l’intimée constituait une atteinte aux droits de l’appelante. Dans l’affaire Lunettes Cartier, la Commission des oppositions avait été saisie d’éléments de preuve indiquant que l’intimée était visée par une injonction de la Cour fédérale lui interdisant d’employer les marques de commerce, les mêmes marques de commerce qu’invoquait l’intimée au soutien de son opposition.

 

En l’espèce, la preuve n’indique pas clairement que l’emploi de la marque de commerce MISTER COFFEE par la défenderesse est illégal. Cette question nécessite la tenue d’une audience. Le fait que la demanderesse n’ait pas sollicité d’injonction interlocutoire ni engagé de procédures judiciaires avant 1995 soulève des questions qui doivent être tranchées par un tribunal compétent. Dans le cadre d’une opposition faite en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, le registraire n’a pas compétence pour procéder à une audience complète avec présentation de preuves orales pour déterminer la légalité de l’emploi par la défenderesse de sa marque de commerce. Si la question de la légalité est claire, le registraire a alors compétence pour statuer que la défenderesse ne peut pas invoquer son emploi de la marque de commerce parce que cet emploi n’est pas légal. En l’espèce, le registraire ne peut pas en arriver à cette conclusion claire dans la procédure d’opposition.

 

Il poursuit à la page 60 :

La défenderesse a commencé à employer le nom MISTER COFFEE en liaison avec des services, puis elle l’a fait relativement à des marchandises associées au café. La demanderesse a toujours employé le nom MR. COFFEE en liaison avec des marchandises, savoir des cafetières et des carafes à café, mais elle cherche maintenant à étendre sa marque de commerce à d’autres marchandises, savoir du café et des nettoyeurs. Les activités de la demanderesse et de la défenderesse ont tellement évolué qu’elles entrent maintenant en conflit. Par conséquent, leur emploi respectif de la marque de commerce MR. COFFEE et du nom commercial MISTER COFFEE nécessite une audience complète ainsi que la détermination des droits respectifs des parties.

 

Je conclus de même qu’en l’espèce la preuve n’indique pas clairement que l’emploi des mots MISTER COFFEE par l’opposante est illégal. Cette question doit faire l’objet d’une audience complète. Par conséquent, je ne suis pas habilitée à statuer que l’opposante ne peut pas se fonder sur son emploi. Dans les circonstances, la seule question sur laquelle il me reste à me prononcer est celle de savoir si l’opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve.

 

Les paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi exigent de l’opposante qu’elle prouve l’emploi de sa marque de commerce ou de son nom commercial avant le 3 septembre 1991 ou le 2 mars 1992 et qu’elle établisse qu’elle n’avait pas abandonné sa marque de commerce ou son nom commercial à la date de l’annonce de la demande de la requérante, soit le 2 août 1995. Pour que le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif soit accueilli, il faut que l’opposante démontre que sa marque de commerce ou son nom commercial était devenu suffisamment connu le 4 mai 1998 pour faire disparaître le caractère distinctif de la marque faisant l’objet de la demande (Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la p. 130 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la p. 424 (C.A.F.); Motel 6, Inc. v. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la p. 58 (C.F. 1re inst.)).

 

M. Hale atteste que l’opposante a commencé à employer les mots MISTER COFFEE comme marque de commerce et nom commercial en liaison avec des services d’approvisionnement pour les bureaux dès qu’elle a été constituée en société le 5 novembre 1980. En 1985, les services d’approvisionnement MISTER COFFEE pour les bureaux étaient devenus seulement des services d’approvisionnement en café et en boissons. Des chauffe

carafes à café et des distributeurs d’eau filtrée portant la marque de commerce MISTER COFFEE étaient notamment offerts aux clients qui utilisaient ces services.

 

M. Hale présente différentes pièces afin de démontrer de quelle manière la marque de commerce et le nom commercial de l’opposante sont employés, mais, dans de nombreux cas, la date de l’emploi n’est pas indiquée ou elle n’est pas antérieure aux dates pertinentes. Cependant, la marque MISTER COFFEE figure dans les pièces suivantes, qui sont antérieures aux dates pertinentes : une circulaire de 1987 (pièce J); une brochure publicitaire de 1991 (pièce I); de la publicité parue dans l’édition des Pages jaunes du secteur est de Toronto de juin 1997 à juin 1998 (pièce H).

 

Pendant la période de 10 ans qui a précédé le mois d’avril 1999, l’opposante a dépensé chaque année entre 75 000 et 80 000 $ pour la publicité des mots MISTER COFFEE, ce qui représente des dépenses de publicité de plus de 675 000 $ engagées avant le 4 mai 1998, et d’au moins 150 000 $ avant le 3 septembre 1991. Pendant la même période, les ventes annuelles de l’opposante ont dépassé les 3 millions de dollars, soit des ventes de plus de 27 millions de dollars avant le 4 mai 1998 et de 6 millions de dollars avant le 3 septembre 1991.

 

Dans l’ensemble, j’estime que la preuve de M. Hale révèle que la marque de commerce et le nom commercial MISTER COFFEE de l’opposante étaient devenus suffisamment connus le 4 mai 1998 pour faire disparaître le caractère distinctif de la marque faisant l’objet de la demande en liaison avec les marchandises visées par celles

ci, et que le nom commercial MISTER COFFEE avait été employé au Canada avant le 3 septembre 1991 et n’avait pas été abandonné en date du 2 août 1995. Comme les parties reconnaissent que leurs marques de commerce créent de la confusion, les deuxième et troisième motifs d’opposition doivent être accueillis. Je traiterai brièvement, néanmoins, de la preuve relative à l’emploi de MR. COFFEE par la requérante.

 

M. MacDougall déclare : [TRADUCTION] « J’ai toutes les raisons de croire que Sunbeam Corporation (Canada) Ltd. est une filiale en propriété exclusive de Sunbeam Corporation, une société ayant son siège social en Floride, aux États

Unis. J’ai aussi toutes les raisons de croire que Signature Brands Inc. est une filiale en propriété exclusive de Sunbeam Corporation. » M. MacDougall explique comment il a connaissance des faits qu’il atteste : [TRADUCTION] « J’ai accès à certains dossiers et renseignements de la société concernant la gamme de produits MR. COFFEE, et le présent affidavit est basé sur ma connaissance personnelle, notamment ma connaissance du marché canadien des produits de consommation, et sur ma connaissance des dossiers et renseignements de la société. »

 

M. MacDougall atteste que Sunbeam Corporation (Canada) Ltd. était, le 22 mars 2000, le distributeur canadien autorisé des produits MR. COFFEE. Comme l’a fait remarquer l’opposante, M. MacDougall ne précise pas qui a autorisé Sunbeam Corporation (Canada) Ltd. et ne décrit pas non plus la nature des produits MR. COFFEE qui sont ainsi distribués. Il dit cependant que Sunbeam Corporation (Canada) Ltd. a commencé à s’occuper de la mise en marché et des ventes des produits MR. COFFEE au Canada vers 1999.

 

La pièce 1 jointe à l’affidavit de M. MacDougall est [TRADUCTION] « une copie d’une liste de prix pour le Canada, applicable à compter du 1er mai 1984, où figurent notamment des cafetières, des filtres en papier et des carafes MR. COFFEE ». Le nom North American Systems, Inc. y apparaît. Selon le document, cette entreprise est représentée au Canada par Somerset House. D’autres listes de prix semblables pour les années 1996 et 1997 ont aussi été produites, mais aucun nom de société n’y est mentionné.

 

M. MacDougall a aussi produit des relevés de ventes et des factures mais, comme ils concernent tous Sunbeam Corporation (Canada) Ltd., ils sont postérieurs aux dates pertinentes. En outre, ils semblent tous avoir trait à des marchandises qui ne sont pas visées par la présente demande.

 

M. MacDougall a aussi révélé différents chiffres de ventes et divers montants de dépenses de publicité, dont certains sont postérieurs aux dates pertinentes. Les paiements afférents à la publicité collectivité des produits MR. COFFEE au Canada ont dépassé 400 000 $ pour la période allant de 1994 à 1998. Entre octobre 1993 et septembre 1998, plus de 585 000 unités de produits MR. COFFEE ont été vendues au Canada, pour des ventes totales supérieures à 13 millions de dollars. On ne sait pas cependant quelle proportion de ces ventes ont été effectuées avant la date pertinente applicable au regard de l’absence de caractère distinctif, c.

d. le 4 mai 1998. De plus, M. MacDougall ne précise pas quelle proportion concerne les marchandises qui sont visées par la présente demande.

 

Entre mars et septembre 1993, plus de 144 000 unités de produits MR. COFFEE ont été vendues au Canada, ce qui représente des ventes d’environ un million de dollars. On ne sait pas ici non plus quelle proportion de ces ventes concerne les marchandises visées par la présente demande. Les appareils MR. COFFEE sont vendus dans des magasins à rayons et dans des magasins à grande surface.

 

M. MacDougall a aussi joint à son affidavit une copie d’un affidavit signé par David M. Gabrielson le 22 décembre 1993, et déposé au soutien de la demande relative à MR. COFFEE produite par Mr. Coffee, Inc., qui faisait l’objet de l’opposition dont la décision a été publiée à 3 C.P.R. (4th) 405. M. MacDougall déclare : [TRADUCTION] « Sur la foi de ce que je sais au sujet de la promotion, de la publicité, de la mise en vente et de la vente des produits MR. COFFEE au Canada, je suis convaincu que les paragraphes 2, 3, 4, 5, 7 et 8 de l’affidavit de M. Gabrielson relatent fidèlement l’historique de ces produits, de leur promotion et de leurs ventes aux États

Unis et au Canada ». Dans ces paragraphes, M. Gabrielson déclarait que Mr. Coffee, Inc. avait vendu 900 000 unités au Canada pendant la période allant de 1983 à 1993 et que la société avait fait son entrée sur le marché canadien en 1976 en menant une importante campagne de mise en marché.

 

Bon nombre des faits qui sont attestés par M. MacDougall dans son affidavit sont survenus non seulement avant que sa société devienne un distributeur autorisé, mais aussi avant que la propriétaire de la présente demande de l’époque soit devenue propriétaire de la marque faisant l’objet de celle

ci. Il faut rappeler cependant que l’opposante n’a pas contre

interrogé M. MacDougall sur son affidavit. 

 

La requérante a prétendu que l’opposante doit, en tant qu’utilisatrice la moins ancienne, démontrer que son emploi l’a emporté sur le caractère distinctif acquis par la requérante relativement à la marque de commerce MR. COFFEE, employée en liaison avec les marchandises visées par ses deux enregistrements antérieurs. Toutefois, comme le président de la Commission des oppositions des marques de commerce l’a dit, le 12 novembre 1998, dans la décision inédite Edolf William Eliason v. Shachihata Inc., à la page 6, [TRADUCTION] « ... ainsi que l’agent d’audience l’a souligné dans Coronet

Werke Heinrich Schlerf GmbH v. Produits Menagers Coronet Inc., 4 C.P.R. (3d) 108, à la page 115, l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce ne confère pas automatiquement au propriétaire d’un enregistrement le droit d’obtenir d’autres enregistrements, peu importe à quel point ceux

ci peuvent être liés à la marque faisant l’objet du premier enregistrement (voir aussi Groupe Lavo Inc. v. Proctor & Gamble Inc., 32 C.P.R. (3d) 533, à la p. 538) ».

 

L’emploi des mots MR. COFFEE en liaison avec les marchandises visées par la demande n’était peut

tre pas commencé à la date de l’affidavit de M. MacDougall, sauf relativement à des filtres à eau et des réchauds à l’égard desquels l’étendue de l’emploi est imprécise. Malgré l’emploi considérable de mots MR. COFFEE en liaison avec d’autres marchandises et des différences relatives aux canaux de distribution, il existe un risque raisonnable de confusion entre les marchandises visées par la demande de la requérante et les marchandises, services et entreprise de l’opposante, en raison du fort degré de ressemblance existant entre les marques, du fait que les marchandises et services des parties se recoupent en partie et de l’emploi considérable des mots MISTER COFFEE par l’opposante.

 

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À   HULL, QUÉBEC, LE  23  AVRIL 2002.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Agente d’audience

 

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