Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 94

Date de la décision : 2012-05-29

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Groupe Procycle inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1473720 pour la marque de commerce BIKE ATTITUDE au nom de CASTELLO CYCLE Company Ltd.

[1]               Le 18 mars 2010, CASTELLO CYCLE COMPANY LTD. (la Requérante), a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BIKE ATTITUDE (la Marque) sur la base DE SON emploi au Canada depuis le 1er août 2007 en liaison avec les marchandises suivantes : « Vélos et pièces de vélo, nommément sonnettes, freins, patins de frein, chaînes, garde‑boue, fourches, cadres, pivots de fourche avant, pignons et plateaux, guidons, embouts de cintre, poignées de guidon, ruban antidérapant pour vélo, potences, avertisseurs, béquilles, pédales, housses de selle, selles, tiges de selle, pignons, porte‑bouteilles, roues; supports à vélos; pompes à vélo; roues stabilisatrices; cadres pour porte‑bagages, cadres pour vélos; suspensions de vélo; moyeux de roue pour vélos; tricycles » (les Marchandises).

[2]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 août 2010.

[3]               Le 20 septembre 2010, le Groupe Procycle inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d’opposition invoqués peuvent être résumés ainsi :

         Eu égard aux dispositions des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), la Marque n'est pas enregistrable en ce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce ALTITUDE de l'Opposante enregistrée sous le no LMC429690 en liaison avec des « bicyclettes ».

         Eu égard aux dispositions des alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en ce qu’à la date de production de la demande la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce ALTITUDE de l'Opposante, laquelle a été antérieurement employée au Canada par l’Opposante en liaison avec des bicyclettes.

         Eu égard aux dispositions de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2, la Marque n'est pas distinctive parce qu'elle ne peut pas distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises d'autres propriétaires, incluant les marchandises de l'Opposante associées à la marque de commerce ALTITUDE de l'Opposante.

[4]               La Requérante a signifié et produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et demande à celle-ci d’établir le bien-fondé de ses allégations.  

[5]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l’affidavit de Raymond Dutil, souscrit le 4 mars 2011, auquel sont jointes les pièces RD‑1 à RD‑4. La Requérante n'a produit aucun élément de preuve.

[6]               Aucune des parties n’a produit de plaidoyer écrit. Aucune une audience n’a été tenue.

Le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[7]               L’opposant s’acquitte du fardeau initial que lui impose le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) si l’enregistrement invoqué est valide à la date de la décision relative à l’opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. J'ai exercé ce pouvoir discrétionnaire en l'espèce et je confirme que l'enregistrement relatif à la marque de commerce ALTITUDE (LMC429690) de l'Opposante est toujours valide; l'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve. Il me faut à présent évaluer si la Requérante a satisfait au sien.

[8]               Le test en matière de confusion est un test de première impression et de souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[9]               Lorsqu’il applique ce test, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont explicitement énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Tous ces facteurs n’auront pas nécessairement le même poids. [Voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.)].

[10]           La Cour suprême du Canada a récemment souligné, dans l’arrêt Masterpiece, l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’examen de la probabilité de confusion entre marques au sens de l’article 6 de la Loi (voir le paragraphe 49) :

[…] le degré de ressemblance [est] le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) […]. [S]i les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...]. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...].

[11]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, est le facteur décisif, les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans l'appréciation globale des autres circonstances de l'espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2) 145, conf. Par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)].

[12]           Dans les circonstances de l’espèce, j’estime qu’il convient de commencer par l’analyse du degré de ressemblance entre les marques des parties.  

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[13]           Le seul élément de ressemblance entre les marques de commerce des parties est l'inclusion du mot « attitude » dans la Marque. Le mot « attitude » ressemble quelque peu à la marque de l'Opposante, ALTITUDE, dans la présentation et le son en ce qu'une seule lettre diffère entre les deux mots. Comme nous le verrons ci-après, ces mots ont cependant une signification entièrement différente.

[14]           Les marques des deux parties proviennent de mots du dictionnaire. Je suis habilitée à consulter un dictionnaire pour établir la signification des mots [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999), 2 C.P.R. (4th) 103 (C.O.M.C.)]. J'ai consulté le Canadian Oxford Dictionary et y ai trouvé les définitions suivantes :

         [le mot anglais] bike : [traduction] « nom; une bicyclette ou une motocyclette » ou « verbe intransitif; rouler en bicyclette ou à motocyclette » ;

         [le mot anglais] attitude : [traduction] nom; une opinion arrêtée ou une façon de penser; comportement la reflétant »;

         [le mot anglais] altitude: [traduction] « nom; la hauteur d'un objet par rapport à un point donné, particulièrement le niveau de la mer ou l'horizon ».

[15]           Enfin, lorsque j'examine les marques dans leur ensemble, je ne suis pas convaincue que le simple fait que la Marque comporte le mot « attitude » qui ressemble quelque peu à la marque de commerce ALTITUDE de l'Opposante dans la présentation et le son est suffisant pour conclure que les marques des parties ont un degré de ressemblance important dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[16]           Ayant conclu que les marques des parties ne se ressemblent d’aucune manière appréciable, je dois maintenant examiner les autres circonstances pertinentes pour déterminer si l’une de ces autres circonstances est suffisante pour conclure à une probabilité de confusion [voir Masterpiece, précité, au paragraphe 49].

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[17]           Comme je l'ai mentionné précédemment lors de l'analyse du facteur énoncé à l'alinéa 6(5)e), les marques des parties sont constituées de mots du dictionnaire. Alors que le mot « bike » [bicyclette, en français] décrit les Marchandises, l'ajout du mot « attitude » qui n'a pas de signification particulière en lien avec les Marchandises crée un certain caractère distinctif inhérent de la Marque. La marque de l'Opposante possède un certain caractère distinctif inhérent, mais celui-ci est réduit en fonction du fait que le mot « altitude » pourrait être interprété comme indiquant une caractéristique du terrain sur lequel les bicyclettes de l'Opposante seraient utilisées.

[18]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le caractère distinctif inhérent des marques des parties est le même, tout en indiquant qu'aucune des deux marques n'est particulièrement forte.

[19]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l’usage. J’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.  

[20]           La Requérante n'a fourni aucune preuve concernant la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue et par conséquent, je ne peux que conclure de la Marque n'est pas devenue connue.

[21]           Dans son affidavit, M. Dutil déclare que la marque de l'Opposante a été employée en liaison avec des bicyclettes depuis au moins juillet 1990. Au soutien de cette déclaration, M. Dutil fournit des échantillons de catalogues et de brochures qui ont été diffusés au Canada entre 1991 et 2010. Je reconnais que la présentation d'une marque de commerce dans un catalogue ne constitue pas nécessairement une preuve de l'emploi de la marque en liaison avec des marchandises comme le prévoit le paragraphe 4(1) de la Loi. Je constate cependant que les catalogues présentent tous des photographies des bicyclettes de l'Opposante et que sur les photographies, la marque de l'Opposante est apposée sur les bicyclettes. Je suis par conséquent disposée à accepter qu’il s’agit d’un élément de preuve concernant la présentation des bicyclettes de l'Opposante aux dates des divers catalogues et je suis par conséquent convaincue que l'Opposante a établi que la marque de commerce ALTITUDE est apposée sur ses bicyclettes depuis au moins 1991.

[22]           Monsieur Dutil fournit également des échantillons d'articles publiés dans diverses revues entre 2008 et 2010, dans lesquels il est question des bicyclettes de la marque ALTITUDE de l'Opposante. On ne m'a pas fourni les chiffres relatifs à la diffusion de ces revues, qui semblent toutes être des revues spécialisées sur les bicyclettes. En conséquence, je ne peux que conclure de cet élément de preuve que les bicyclettes de l'Opposante ont été mentionnées dans des revues entre 2008 et 2010.

[23]           Monsieur Dutil fournit les chiffres de vente et les dépenses de publicité, dont les montants semblent tous deux importants, pour les trois années précédant la date de son affidavit, soit les années 2008 à 2011.

[24]           Monsieur Dutil fournit des échantillons de factures concernant des bicyclettes vendues par l'Opposante sous la marque de commerce ALTITUDE entre 2008 et 2011.

[25]           Je constate qu'une grande partie de la preuve, notamment les brochures et les factures, indique « Rocky Mountain Bicycles » comme la source des bicyclettes. Je suis convaincue qu'il s'agit de l'Opposante, car M. Dutil déclare dans son affidavit que l'Opposante fait également affaire sous la raison sociale « Rocky Mountain Bicycle ».

[26]           Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, je suis convaincue que l'Opposante a établi que sa marque de commerce ALTITUDE avait acquis une réputation.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[27]           La Requérante allègue dans sa demande que la Marque serait employée depuis le 1er août 2007. Aucun élément de preuve relatif à l'emploi n'a cependant été présenté au soutien de cette allégation.

[28]           Comme je l'ai mentionné précédemment lors de l'analyse du facteur énoncé à l'alinéa 6(5)a), je suis convaincue que l'Opposante a prouvé que sa marque de commerce ALTITUDE est employée au Canada depuis 1991.

Alinéas 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[29]           Les marchandises des deux parties visent des bicyclettes et il y a par conséquent un chevauchement important.

[30]           En l'absence de preuve concernant le commerce de la Requérante et compte tenu du chevauchement dans la nature des marchandises des parties, je suis disposée à inférer que les voies de commercialisation pourraient également se chevaucher.

Conclusion

[31]           Comme nous l’avpns vu, la Cour suprême du Canada a souligné, dans Masterpiece, l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’analyse de la probabilité de confusion. En l'espèce, j'ai conclu qu'il existait très peu de ressemblance entre les marques des parties. Je suis d'avis qu'aucun autre facteur n’aide l'Opposante à combler cette absence de ressemblance entre les marques en ce qui concerne la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent. En conséquence, même s'il existe un certain chevauchement en ce qui a trait aux marchandises des parties, il est insuffisant pour rendre la confusion probable compte tenu de l'absence de ressemblance entre les marques des parties.

[32]           Eu égard à ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

Le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – alinéa 16(1)a) de la Loi

[33]           Comme il a été exposé plus en détail lors de l'analyse du motif d’opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), je suis convaincue que la preuve de l'Opposante étaye une conclusion selon laquelle sa marque était employée au Canada à la date pertinente et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce. L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve.

[34]           Il me faut à présent évaluer si la Requérante a satisfait au sien. Plus précisément, il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité de confusion entre les marques des parties.

[35]           La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’importance et mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi s’appliquent donc également ici. Par conséquent, je suis d'avis que la Requérante s'est acquittée de son fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. Eu égard à ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)a) de la Loi.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)d) de la Loi

[36]           Pour satisfaire au fardeau de preuve initial applicable à ce motif, l'Opposante doit établir que sa marque de commerce était connue dans une certaine mesure au moins au Canada en date du 20 septembre 2010 [voir Bojangles' International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.), et Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. Dans Bojangles, la Cour fédérale déclare ce qui suit au paragraphe 34 :

Une marque doit être connue au moins jusqu'à un certain point pour annuler le caractère distinctif établi d'une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante.

[37]           Comme il a été exposé plus en détail lors de l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), je suis convaincue que la preuve présentée par l'Opposante permet de conclure que la marque de l'Opposante a acquis une certaine réputation au Canada depuis la date pertinente et, en conséquence, que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve.  

[38]           Il me faut à présent évaluer si la Requérante a satisfait au sien. Plus précisément, il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité de confusion entre les marques des parties.

[39]           La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’importance et mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi s’appliquent donc également ici. J'estime donc que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. Eu égard à ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Décision

[40]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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