Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

                                                                                     Référence : 2011 COMC 213

Date de la décision : 2011-11-07

DANS L’AFFAIRE DE TROIS OPPOSITIONS produites par la Banque canadienne de l’Ouest à l’encontre des demandes d’enregistrement no 1,310,790, 1,310,791 et 1,310,792 pour les marques de commerce CW CAPITAL, CWCAPITAL & DESSIN, et CWCAPITAL INVESTMENTS, au nom de CW Financial Services LLC

Demande no 1,310,790 - CW CAPITAL

Le dossier

[1]        Le 27 juillet 2006, CW Financial Services LLC (« CW Financial ») a demandé l’enregistrement de la marque de commerce CW CAPITAL sur le fondement (i) de l’emploi et de l’enregistrement de la marque aux États-Unis d’Amérique et (ii) de l’emploi projeté au Canada en liaison avec divers services financiers ainsi qu’avec des services bancaires.

[2]        Le 20 avril 2007, un examinateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») affecté aux demandes de marques de commerce a élevé une objection à la demande portant que la requérante, CW Financial, était tenue de se désister de l’usage exclusif du mot CAPITAL en dehors de la marque, en raison de la nature clairement descriptive du mot CAPITAL à l’égard des services en cause. L’examinateur a également demandé à la requérante (i) de confirmer qu’elle était autorisée à fournir des services bancaires sous le régime de la Loi sur les banques et (ii) de fournir une copie certifiée conforme de l’enregistrement de la marque aux États-Unis.

[3]        Le 20 août 2007, la requérante a répondu à l’objection de l’examinateur relative au mot CAPITAL en invoquant l’énoncé de pratique suivant de l’OPIC, daté du 15 août 2007 :

Le présent énoncé a pour objet de fournir une orientation sur les pratiques du Bureau du registraire et sur l’interprétation des lois pertinentes. Toutefois, en cas de disparité entre cet énoncé de pratique et les lois pertinentes, ces dernières doivent prévaloir.

 

Désormais, en général, le registraire n’exigera plus de celui qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce l’inscription à des désistements conformément à l’article 35 de la Loi sur les marques de commerce.

 

Les désistements volontaires continueront d’être acceptés.

 

[4]        L’examinateur a donc renoncé à exiger un désistement à l’égard de la composante CAPITAL. La requérante a aussi (i) indiqué à l’examinateur qu’elle n’était pas autorisée à fournir des services bancaires et soumis, en conséquence, une demande modifiée ne faisant plus état de ces services et (ii) déposé une copie certifiée conforme de l’enregistrement de la marque de commerce aux États-Unis. Elle a ensuite obtenu l’autorisation (voir la décision de la Commission datée du 21 juillet 2009) de modifier de nouveau l’état déclaratif des services pour qu’il se lise ainsi :

[traduction] Prêts hypothécaires commerciaux, prêts hypothécaires, émission de prêts, administration de prêts, courtage de prêts, courtage hypothécaire, financement par actions de biens immobiliers, nommément prêts mezzanine, émission et achat et vente de titres adossés à des créances hypothécaires, le tout uniquement offert aux emprunteurs et investisseurs immobiliers commerciaux.

 

[5]        La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 28 novembre 2007, et Banque canadienne de l’Ouest a produit son opposition le 28 avril 2008. Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 19 juin 2008, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration niant l’ensemble des allégations de la déclaration d’opposition. L’opposante a ensuite été autorisée par deux fois à modifier sa déclaration d’opposition : voir les décisions de la Commission datées du 16 mars et du 21 juillet 2009.

[6]        La preuve de l’opposante se compose de deux affidavits de Peter Kenneth Morrison souscrits les 24 et 25 novembre 2008. La preuve de la requérante est constituée des affidavits de Jeffery M. Goodman, Leanne Notenboom et Kathryn Stewart. Dans sa preuve en réponse, l’opposante a déposé un nouvel affidavit de Peter Kenneth Morrison, souscrit le 22 avril 2009. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. La date de l’audience a été fixée au 1er février 2011. Les deux parties étaient présentes.

[7]        Peu avant l’audience, l’opposante a communiqué avec la Commission pour obtenir l’autorisation de produire un autre affidavit de Peter Kenneth Morrison, souscrit le 25 janvier 2011. Elle s’est également engagée à faire en sorte que le déposant puisse être contre‑interrogé. La Commission n’ayant pas eu le temps d’examiner cette demande avant la date d’audience, je l’ai étudiée lors de l’audience en tant que question préliminaire. Après avoir entendu les observations des parties à son sujet, j’ai conclu (i) que cet élément de preuve supplémentaire devrait faire partie de la preuve au dossier, (ii) que la demanderesse devrait être autorisée à produire un complément à son plaidoyer écrit, portant sur le nouvel élément de preuve et (iii) qu’il y avait lieu d’ajourner l’audience et de fixer une nouvelle date d’audience à bref délai.

[8]        J’ai rendu une décision motivée le 3 février 2011, laquelle a naturellement été versée au dossier. Le contre‑interrogatoire a eu lieu le 27 avril 2011, et sa transcription a été produite le 4 mai suivant; le plaidoyer écrit supplémentaire de la requérante a été produit le 31 mai 2011. La nouvelle date d’audience a été fixée au 8 septembre 2011. Les deux parties étaient présentes à l’audience, comme la dernière fois.

 

Déclaration d’opposition

[9]        1 et 2.  Les deux premiers motifs d’opposition, fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi, allèguent que la requérante n’est pas admise à l’enregistrement de la marque CW CAPITAL parce qu’à la date de production de la demande, cette marque créait de la confusion avec les marques déposées de l’opposante énumérées ci‑dessous, que l’opposante avait antérieurement révélées et employées au Canada [traduction] « en liaison avec des services financiers substantiellement semblables à ceux qui sont énumérés dans la demande d’enregistrement de la requérante » :

 

                        CANADIAN WESTERN CAPITAL

 

                        CWB

                        CWEB

                        CWT

 

                        CWB DIRECT

                        CWBDIRECT ADVANCED INTERNET BANKING

 

                        CANADIAN WESTERN

                        CANADIAN WESTERN BANK

                        CANADIAN WESTERN BANK & Dessin

                        CANADIAN WESTERN TRUST

                        CANADIAN WESTERN TRUST & Dessin

 

                        CANADA’S WESTERN BANK

                        CANADA’S WESTERN BUSINESS BANK

 

                        CWB CANADIAN WESTERN FINANCIAL

                        CANADIAN WESTERN BANK & TRUST & Dessin

 

 

            3.         Le troisième motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 12(1)d), allègue que la marque CW CAPITAL n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées susmentionnées de l’opposante employées en liaison avec divers services financiers.

            4.         Le quatrième motif allègue que la marque CW CAPITAL ne peut distinguer les services de la requérante car elle crée de la confusion avec les marques susmentionnées de l’opposante.

            5.         Le cinquième motif, fondé sur l’alinéa 30i), allègue que la requérante ne pouvait affirmer de bonne foi qu’elle était convaincue d’avoir le droit d’employer la marque CW CAPITAL, compte tenu de l’emploi antérieur par l’opposante de ses marques susmentionnées.

            6 et 7. Les sixième et septième motifs, fondés sur les alinéas 16(2)c) et 16(3)c), allèguent que la requérante n’est pas admise à l’enregistrement de la marque CW CAPITAL parce qu’à la date de production de sa demande, cette marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de l’opposante énumérés ci‑dessous, antérieurement employés par l’opposante au Canada [traduction] « en liaison avec substantiellement les mêmes services que ceux qui sont énoncés dans la demande » :

                        Canadian Western Bank

                        Canadian Western Financial Ltd.

                        Canadian Western Bank Leasing Inc.

                        Canadian Western Trust Company

 

La preuve de l’opposante

Peter Kenneth Morrison - affidavit du 24 novembre 2008

[10]      M. Morrison déclare être un cadre supérieur de l’opposante, la Banque canadienne de l’Ouest, laquelle est une banque à charte ayant son siège social à Edmonton et comptant 35 succursales dans l’Ouest canadien. Les sociétés de fiducie Canadian Western Trust Company et Valiant Trust Company de l’opposante sont inscrites au registre des entreprises fédérales, et elles sont exploitées en Ontario ainsi que dans l’Ouest canadien. L’opposante fournit des services financiers comprenant des services bancaires et des services d’assurance, de placement de valeurs mobilières, de fonds mutuels et de fiducie. Les services financiers offerts par l’opposante comprennent (i) des services financiers personnels tels des comptes de dépôt, des hypothèques et des prêts de même que (ii) des services financiers commerciaux, tels des prêts commerciaux, des crédits d’équipement, du financement immobilier. L’opposante a commencé à exploiter son entreprise sous son appellation commerciale actuelle CANADIAN WESTERN BANK, faisant également office de nom commercial et de marque de commerce, au mois d’avril 1988, époque où elle a également commencé à employer sa marque CWB en liaison avec des services bancaires et comme acronyme de son symbole boursier aux Bourses de l’Alberta et de Toronto.

[11]      Le tableau qui suit résume les paragraphes 10 à 29 de l’affidavit de M. Morrison portant sur les dates de premier emploi des marques de l’opposante :

 

 

 

MARQUE

 

DATE DE PREMIER EMPLOI

 

CANADIAN WESTERN BANK

                

 Avril 1988

 

CANADA’S WESTERN BANK

(acquise d’une tierce partie, enregistrée en 1976)

 

CWB CANADIAN WESTERN FINANCIAL

                        Janvier 1999

 

CANADIAN WESTERN TRUST

 

CANADIAN WESTERN TRUST & Dessin

                        Janvier 1999 pour les deux marques                                             

 

CWT

                         Avril 1996

 

CANADIAN WESTERN BANK & TRUST & Dessin

                      Septembre 1996

 

CANADAIN WESTERN CAPITAL

                        Janvier 1988

 

CWB DIRECT

                          1998

 

CWEB

                     Septembre 1999

 

CANADA’S WESTERN BUSINESS BANK

                          2003

 

CWBDIRECT ADVANCED INTERNET BANKING

                         2006

 

[12]      L’opposante a enregistré son nom de domaine « cwbank.com » au mois de juillet 1996, et c’est à ce moment que les marques de commerce existantes ont commencé à figurer dans son site Web, lequel a reçu des milliers de « visites » et des dizaines de milliers d’appels de fichier par jour. Par exemple, au mois d’octobre 2008, le site a reçu 131 000 visites et 2,9 millions d’appels de fichier.

[13]      Les services financiers annoncés et commercialisés en liaison avec l’appellation commerciale, le nom commercial et la marque de commerce CANADIAN WESTERN BANK sont offerts dans 26 succursales au Canada. Ils sont annoncés par affichage sur immeubles et par brochures, affiches et circulaires que les clients et le public peuvent voir ou prendre dans toutes ses succursales. Au mois de novembre 2008, l’opposante comptait approximativement 430 000 clients, dont 22 600 employaient les services bancaires CWB DIRECT.

[14]      Les dépenses publicitaires et promotionnelles de l’opposante pour les services qu’elle offre en liaison avec sa marque CANADIAN WESTERN BANK et ses autres marques ont été d’environ 840 000 $ en 2001, 3,7 millions de dollars en 2004 et 5,3 millions de dollars en 2007 et couvraient de la publicité par voie radiophonique, télévisuelle ou d’imprimés. En l’absence de contre‑interrogatoire sur ce point, l’affidavit pris dans son ensemble me fait présumer qu’on peut établir par interpolation le montant approximatif des dépenses publicitaires pour les années non mentionnées.

 

Peter Kenneth Morrison - affidavit du 25 novembre 2008

[15]      En plus des marques de commerce énumérées précédemment, l’opposante possède des appellations et noms commerciaux comportant les mots « Canadian Western » et l’acronyme « CW ». L’une de ses filiales, Canadian Western Financial Ltd., s’appelait initialement CWB Canadian Western Financial Ltd. avant de changer de nom au mois d’août 2007. L’opposante utilise le nom commercial CWF comme acronyme de Canadian Western Financial Ltd. Deux autres filiales, Canadian Western Trust Company et Canadian Western Bank Leasing Inc., sont respectivement exploitées depuis 1996 et 2008. L’opposante utilise aussi le nom commercial CWT comme acronyme de Canadian Western Trust Company.

 

La preuve de la requérante

Jeffrey M. Goodman

[16]      M. Goodman déclare être un cadre de la société requérante. Par l’intermédiaire de sociétés dont elle est issue, la requérante est en exploitation depuis 1972 et, depuis 2002, elle fournit des services de gestion immobilière et de gestion de placement pour entreprises. Elle a autorisé par licence une des sociétés appartenant à son groupe, CWCapital LLC, à employer la marque CW CAPITAL et la marque CWCAPITAL & Dessin, reproduite ci‑dessous :

[17]      Contrairement à l’opposante, la requérante n’offre pas de services bancaires personnels; ses services financiers sont uniquement destinés à des emprunteurs et prêteurs commerciaux du secteur de l’immobilier. L’émission de prêts hypothécaires commerciaux suppose une communication entre la requérante, en tant que prêteuse, et les emprunteurs commerciaux. Le processus comporte de nombreux échanges avec les emprunteurs afin d’établir leur identité, leurs capacités financières et la valeur des biens fonciers susceptibles de garantir le prêt. La requérante ne prête que sur garantie foncière commerciale, notamment des hôtels, des immeubles à logements, des centres commerciaux, des édifices à bureaux, etc. La gestion des prêts consiste en la perception des versements des emprunteurs à l’égard des prêts hypothécaires commerciaux consentis. Le courtage hypothécaire commercial fait intervenir la recherche de prêteurs immobiliers commerciaux, qu’il s’agisse de la requérante ou d’une autre entité. La nature de l’entreprise de la requérante fait que l’emprunteur communique intensivement avec le prêteur et que, par suite, il comprend parfaitement auprès de quelle entité il emprunte. M. Goodman ajoute au paragraphe 18 de son affidavit :

[traduction] Les clients actuels et potentiels de CWCapital LLC sont tous des entités commerciales, qui ont le savoir et l’expérience voulus pour comprendre avec qui ils font affaire. Le processus de vérification diligente est long et complexe, de sorte que les clients de CWCapital LLC ont le temps et l’occasion de bien connaître leur partenaire commercial. Il s’ensuit que nos clients ne croiraient pas par erreur qu’ils traitent avec la Banque canadienne de l’Ouest.

 

[18]      Les prêts les plus bas ne sont généralement pas inférieurs à 3 millions de dollars. En général, les nouveaux clients se recrutent par le bouche à oreille, par des contacts personnels ou par l’intermédiaire de relations d’affaires. Selon M. Goodman (par. 20 de son affidavit) :

[traduction] Il serait très improbable qu’un emprunteur immobilier commercial atteigne notre niveau de prêt sans savoir avec quelle entité il traite.

 

[19]      CWCapital Investments LLC, autre société du groupe, peut elle aussi utiliser sous licence les marques CW CAPITAL et CWCAPITAL & Dessin, ainsi que la marque CWCAPITAL INVESTMENTS, laquelle est employée en liaison avec la gestion de placements, l’émission, l’achat et la vente d’instruments commerciaux d’emprunt immobilier, etc. CWCapital Investments LLC traite avec des investisseurs institutionnels et s’occupe uniquement de placements immobiliers commerciaux. Elle ne traite pas avec des particuliers. En général, les nouveaux clients se recrutent par le bouche à oreille, par des contacts personnels ou par l’intermédiaire de relations d’affaires.

[20]      Selon ce que je comprends, ce témoignage de M. Goodman porte sur les activités commerciales actuelles de la requérante aux États-Unis et envisage l’application de pratiques commerciales analogues au Canada.

 

Leanne Notenboom

[21]      Mme Notenboom dit être une recherchiste consultante dont les services sont retenus par le cabinet représentant la requérante. Elle a effectué des recherches dans diverses bases de données de nouvelles afin de relever les cas où les mots « CWB » et « managed futures » apparaissaient ensemble dans un article. Son témoignage indique que CWB est un acronyme de Canadian Wheat Board (Commission canadienne du blé). Les résultats de sa recherche sont joints en annexe à son affidavit.

 

Kathryn Stewart

[22]      Mme Stewart se présente comme une consultante technique dont les services sont retenus par le cabinet représentant la requérante. Elle a effectué une recherche sur les mots « CWB Managed Futures » à l’aide du moteur de recherche Google afin de trouver des renseignements au sujet de la famille d’instruments de placement dont la Commission canadienne du blé fait la promotion en employant l’acronyme « CWB ». D’autres recherches qu’elle a effectuées indiquent que (i) Tricycle Asset Management a employé les mots « CWB Notes » pour désigner des billets de la Commission canadienne du blé et que (ii) Canadian Wealth Management Group Inc. utilise « CWM » comme abréviation de son nom depuis 1998 environ.

 

La preuve en réponse de l’opposante

Peter Kenneth Morrison - affidavit du 22 avril 2009

[23]      M. Morrison affirme que l’opposante fournit tous les services offerts par la requérante, dans certains cas, de façon directe, et dans d’autres, par l’intermédiaire de ses filiales Canadian Western Trust Company et Adroit Investment Management Ltd. (acquise par l’opposante en 2008). À cet égard, 20 % du portefeuille de prêts de l’opposante concerne le secteur commercial général, 21 %, le secteur hypothécaire commercial, et 23 %, des projets immobiliers. Seulement 13 % du portefeuille de prêts est constitué de prêts et d’hypothèques personnels. L’opposante sait quelles sont les activités de la Commission canadienne du blé, mais elle considère que [traduction] « ses contrats à termes gérés et ses billets de contrats à termes ne font pas concurrence aux services de l’opposante ». L’opposante a commencé à offrir le même type de services financiers que Canadian Wealth Management Group Inc. lorsqu’elle a fait l’acquisition d’Adroit Investment en 2008.

 

Preuve supplémentaire et transcription du contre‑interrogatoire

[24]      Relativement au dernier affidavit produit par M. Morrison, daté du 25 janvier 2011, et au contre‑interrogatoire s’y rapportant, je souscris de façon générale à l’argument formulé par la requérante dans l’extrait suivant de son plaidoyer écrit supplémentaire, selon lequel le nouvel élément de preuve de l’opposante ne lui est guère utile :

 

[traduction] 10.            S’agissant de Canadian Western Trust Company, M. Morrison ne savait pas s’il existait un accord de licence verbal entre l’opposante et cette société.

                 Contre‑interrogatoire, p. 13, q. 46

 

11.            Il a pu déterminer que deux documents (les pièces « A » et « B » du contre‑interrogatoire) qui lui ont été présentés étaient un accord de licence entre l’opposante et Canadian Western Trust Company et un addenda à l’accord.

    

12.            Il est à signaler que la marque CWT ne figure pas à la liste des marques que Canadian Western Trust Company est autorisée à employer en vertu de l’accord du 5 avril 2005 formant la pièce « A ».

 

13.            En outre, la pièce « B », présentée comme un accord en date du 15 avril 2009 modifiant l’accord de licence du 5 avril 2005, ajoute la marque de commerce CWT à la liste des marques visées par la licence, mais elle énonce également que cette modification prend effet à la date de l’accord modificatif [c.‑à‑d. le 15 avril 2009].

 

14.                        Autrement dit, bien que l’opposante ait été dûment informée des objections élevées par la requérante à la preuve qu’elle présentait, elle n’a pas pu ou voulu confirmer par écrit qu’elle avait, avant le 15 avril 2009, autorisé par licence Canadian Western Trust Company à employer la marque CWT. Sa décision de conférer cette licence à Canadian Western Trust Company n’a plutôt été prise que le 15 avril 2009.

 

15.                        Lorsque l’agent de marque de commerce de la requérante a tenté de contre‑interroger M. Morrison au sujet de la pièce « B », l’agent de l’opposante s’est opposé aux questions, affirmant que cette pièce parlait par elle‑même.

                 Contre‑interrogatoire, p. 10, q. 26

 

16.            Compte tenu de la position de l’opposante selon laquelle la pièce « B » parle par elle‑même, elle ne peut à présent soutenir que ce document constitue de quelque manière la preuve que l’opposante avait autorisé par licence Canadian Western Trust Company à employer la marque CWT avant la date du document, le 15 avril 2009. Par conséquent, ce document établit tout au plus que l’opposante a conféré une telle licence à Canadian Western Trust Company après le 15 avril 2009.

    

17.            Qui plus est, la seule déduction que la pièce « B » permet est que l’emploi que Canadian Western Trust Company a pu faire de la marque CWT avant le 15 avril 2009 n’était pas autorisé par licence, ce qui fait obstacle à la capacité de cette marque de distinguer les services de l’opposante.

 

[25]      Je suis en outre d’avis, après examen de la transcription du contre‑interrogatoire, que M. Morrison n’avait pas une connaissance personnelle suffisante des faits et n’a pas cherché à s’informer assez pour donner un témoignage probant au sujet des accords de licence conclus par l’opposante et de l’étendue du contrôle qu’elle exerçait sur les services fournis par la titulaire de licence Canadian Western Trust.

[26]      Il convient également de mentionner que la pièce A du contre‑interrogatoire mentionnée aux paragraphes 11 et 12 du plaidoyer écrit supplémentaire était incomplète. Une copie complète de l’accord a été produite (le 7 septembre 2011) sur consentement des parties, pour remplacer la version incomplète. À l’audience, le 8 septembre 2011, j’ai accepté la copie complète remplaçant la version précédente.

 [27]     J’ajouterais aussi que pendant l’audience, le 8 septembre 2011, la requérante a demandé et obtenu l’autorisation de modifier sa demande afin d’indiquer plus clairement que ses services financiers sont de nature commerciale et non personnelle; la nouvelle description des services est la suivante :

 

[traduction] Financement hypothécaire commercial, prêts hypothécaires commerciaux, émission de prêts commerciaux, administration de prêts commerciaux, courtage de prêts commerciaux, courtage hypothécaire commercial, financement par actions de biens immobiliers commerciaux, nommément prêts mezzanine, émission et achat et vente de titres adossés à des créances hypothécaires commerciales, le tout uniquement offert aux emprunteurs investisseurs immobiliers commerciaux.

 

La modification a été dûment inscrite à une date ultérieure : voir la décision de la Commission en date du 25 octobre 2011.

 

Fardeau de persuasion et fardeau de preuve

[28]      C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce invoquées dans la déclaration d’opposition. Ce fardeau signifie que si l’ensemble de la preuve produite ne permet pas de tirer une conclusion décisive, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant. Cependant, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposant a le fardeau de prouver les faits sur lesquels reposent les allégations de sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, page 298. Ce fardeau signifie que, pour que l’examen d’une question soit entrepris, il doit exister suffisamment d’éléments de preuve permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. 

 

question principale et fardeau de persuasion

[29]      La principale question qui se pose en l’espèce est de savoir si la marque CW CAPITAL dont l’enregistrement est recherché pour emploi avec les services financiers énumérés dans la demande crée de la confusion avec l’un ou plusieurs des noms commerciaux ou marques de commerce invoqués dans l’opposition. Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont (i) la date de la décision pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur la non‑enregistrabilité, (ii) la date de production de la demande (le 27 juillet 2006) pour ce qui est des motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et (iii) la date de l’opposition (le 28 avril 2008) pour ce qui est de la question relative au caractère distinctif : pour une recension de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les affaires d’opposition : American Association of Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R. (3d) 198, p. 206 - 209 (C.F. 1re inst.). Que l’examen de la confusion s’effectue en fonction d’une date ou l’autre ne porte pas à conséquence en l’espèce.

[30]      La requérante a le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion au sens des paragraphes 6(2) et (3) de la Loi sur les marques de commerce – paraphrasés ci‑dessous – entre la marque CW CAPITAL visée par la demande et les marques de commerce et noms commerciaux de l’opposante :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce (ou un nom commercial) lorsque l’emploi des deux marques de commerce (ou de la marque de commerce et d’un nom commercial) dans la même région serait susceptible de faire conclure que les services liés à ces marques de commerce (ou noms commerciaux) sont exécutés par la même personne, que ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

On voit que les paragraphes 6(2) et 6(3) concernent la confusion non pas entre les marques elles-mêmes, mais entre les sources des services. En l’espèce, il faut déterminer si les services financiers fournis par la requérante sous la marque CW CAPITAL pourraient être confondus avec les services financiers fournis par la Banque canadienne de l’Ouest opposante ou avec son autorisation.

[31]      Comme la requérante l’indique aux paragraphes 43 à 45 de son plaidoyer écrit, la preuve relative à l’emploi que l’opposante dit faire de certaines des marques de commerce et noms commerciaux invoqués dans l’opposition est quelque peu ambiguë. Notamment, certains exemples d’emploi mentionnés dans l’affidavit de M. Morrison et censément démontrés par des pièces jointes ne sont pas le fait de l’opposante elle‑même mais, semble‑t‑il, de filiales de cette dernière, et je souscris à cet égard à l’affirmation de la requérante selon laquelle la structure organisationnelle d’un groupe n’autorise pas en soi à présumer que la société mère a octroyé une licence autorisant l’utilisation de ses marques à une filiale ni qu’elle exerce un contrôle direct ou indirect sur les services offerts par la filiale en liaison avec ces marques : voir London Drugs c. Purepharm Inc. (2006) 54 C.P.R.(4th) 87 (COMC); Ricard c. Molson Canada 2005 (2007), 60 C.P.R.(4th) 338 (COMC) pour la question des dispositions de l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce relatives à l’octroi de licences.

[32]      À mon avis, l’opposante n’a pas démontré que l’une quelconque de ses marques connaissait un niveau d’emploi autre que minimal, sauf pour ce qui est de CANADIAN WESTERN BANK et CWB. Je conviens également avec la requérante que l’opposante ne peut se prévaloir de l’emploi des noms commerciaux de ses filiales pour étayer ses motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement : voir le paragraphe 17(1) de la Loi sur les marques de commerce. Par conséquent, le seul nom commercial que peut invoquer l’opposante est Canadian Western Bank.

[33]      Par conséquent, l’issue de la présente espèce dépend de la question de la confusion entre la marque CW CAPITAL visée par la demande d’enregistrement et l’une ou plusieurs des marques suivantes de l’opposante : CANADIAN WESTERN BANK (qui est également son nom commercial), CWB et CWT. S’agissant de la marque CWT, l’opposante n’est pas tenue d’établir la réputation d’une marque déposée aux termes de l’alinéa 12(1)d).

 

Le test en matière de confusion

[34]   Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en compte pour déterminer si deux marques créent de la confusion englobent « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles qui sont expressément énoncées aux alinéas 6(5)a) à e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. De plus, tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids, l’importance de chacun variant en fonction des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.). Toutefois, comme l’a signalé le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), bien que le degré de ressemblance soit le dernier facteur énuméré au paragraphe 6(5), c’est souvent celui qui est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

 

Examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5)

[35]      La marque visée par la demande, CW CAPITAL, n’est pas très intrinsèquement distinctive puisque sa première composante est une simple série de lettres, et que la seconde, CAPITAL, suggère les services financiers de l’opposante. CANADIAN WESTERN BANK, marque de commerce et nom commercial de l’opposante, a aussi un caractère distinctif inhérent relativement faible, car la marque dans son ensemble est très suggestive, pour ne pas dire descriptive, à l’égard de l’entreprise et des services de l’opposante, principalement concentrés dans l’Ouest du Canada. Le caractère distinctif inhérent des marques CWB et CWT de l’opposante est pareillement assez faible puisqu’il s’agit de simples séries de lettres. Leur fonction d’acronyme de CANADIAN WESTERN BANK et de CANADIAN WESTERN TRUST, respectivement, ne les rend pas plus distinctives. Je suis disposé à inférer de la preuve de l’opposante que son nom commercial / marque de commerce CANADIAN WESTERN BANK et sa marque CWB avaient acquis un caractère distinctif assez élevé, à tout le moins dans l’Ouest canadien, à toutes les dates pertinentes. Toutefois, l’emploi des acronymes CWB et CWM par des tiers, mis en preuve par la requérante, tend à diminuer quelque peu le caractère distinctif de la marque CWB de l’opposante. Comme il en a été question aux paragraphes 28 et 29, il n’est pas certain que l’opposante puisse revendiquer un avantage découlant de toute réputation attachée à la marque déposée CWT.

[36]      La présente demande d’enregistrement de CW CAPITAL est fondée sur l’emploi projeté de cette marque au Canada ainsi que sur son emploi et son enregistrement aux États-Unis. La preuve n’indique pas que la marque avait, à l’une quelconque des dates pertinentes, acquis la moindre réputation au Canada. La période pendant laquelle les marques en cause ont été en usage favorise l’opposante, laquelle utilisait déjà sa marque et son nom collectif depuis environ dix‑huit ans lorsque la requérante a fait connaître son intention d’employer la marque CW CAPITAL au Canada.

[37]      Dans la mesure où la preuve me permet de l’établir, les services des parties et la nature de leur commerce sont semblables, de façon générale, du fait que leur entreprise à toutes deux consiste à procurer des fonds à des tiers pour permettre la réalisation d’opérations commerciales immobilières. Il appert toutefois que la requérante entend occuper un créneau spécialisé de services de courtage que n’offre pas l’opposante.

[38]      S’agissant du degré de ressemblance entre les marques en cause, j’estime que les différences l’emportent sur les similitudes. À cet égard, l’effet global des marques CANADIAN WESTERN BANK, CWB et CWT, dans la présentation et dans le son, diffère passablement de celui de CW CAPITAL, lorsque l’on considère les marques dans leur intégralité. De plus, les idées suggérées par les marques des parties ont peu en commun, sauf pour ce qui est de l’idée, suggérée par la marque CANADIAN WESTERN BANK, qu’une banque est une source de capital.

[39]      Quant aux autres circonstances, les facteurs favorisant la requérante sont le savoir de ses clients et le fait qu’elle compte, pour leur recrutement, sur le bouche à oreille, les contacts personnels ou les relations d’affaires. Ces facteurs accréditent le témoignage non contesté de M. Goodman (voir le par. 20 ci‑dessus) selon lequel il est fort peu probable qu’un emprunteur immobilier commercial chercherait à retenir les services de la requérante sans savoir à qui il s’adresse.

 

Conclusion

[40]      Pour ces motifs, j’estime que la requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer suivant la prépondérance des probabilités qu’à aucune des dates pertinentes il n’existait de probabilité de confusion entre la marque CW CAPITAL visée par la demande d’enregistrement et l’un quelconque des noms commerciaux ou marques de commerce invoqués dans l’opposition.

 

 

Demande no 1,310,791 - CWCAPITAL & Dessin

[41]      La demande d’enregistrement de la marque CW CAPITAL & Dessin, reproduite ci‑dessous, a été produite en même temps que celle de la marque CW CAPITAL, dont il a été question plus haut.

[42]      La demande relative à CWCAPITAL & Dessin porte sur les mêmes services et est elle aussi fondée sur (i) l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis et (ii) l’emploi projeté au Canada. Les actes de procédure, questions, éléments de preuve et dates pertinentes des deux oppositions sont essentiellement les mêmes. De plus, la marque CW CAPITAL & Dessin visée par la demande peut être considérée comme une variante de la marque CW CAPITAL du fait que ses éléments ne changent pas le caractère distinctif inhérent de la marque CW CAPITAL et n’en altèrent pas significativement l’identité. En reprenant le raisonnement appliqué pour l’analyse de l’opposition à la marque CW CAPITAL, on arrive à la conclusion que la requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer suivant la prépondérance des probabilités qu’à aucune des dates pertinentes il n’existait de probabilité de confusion entre la marque CWCAPITAL & Dessin visée par la demande d’enregistrement et l’un quelconque des noms commerciaux ou marques de commerce invoqués dans l’opposition.

 

Demande no 1,310,792 - CWCAPITAL INVESTMENTS

[43]      La demande d’enregistrement de la marque CWCAPITAL INVESTMENTS a été produite en même temps que celle des deux demandes connexes dont il a été question plus haut et, comme ces demandes, elle est fondée sur (i) l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis et (ii) l’emploi projeté au Canada. Les services visés par la demande d’enregistrement de CWCAPITAL INVESTMENTS, énumérés ci‑dessous, diffèrent de ceux que visaient les deux demandes connexes tout en y étant apparentés :

[traduction] services de gestion de placements, services conseil en placement, nommément la prestation de services conseil au sujet de l’acquisition et la vente de titres adossés à des créances hypothécaires et instruments d’emprunt commerciaux immobiliers, de la souscription de placements, de la recherche et de la consultation en matière de placement, le tout uniquement offert aux emprunteurs investisseurs immobiliers commerciaux.

 

Pour le reste, les actes de procédure, questions, éléments de preuve et dates pertinentes de l’opposition concernant CWCAPITAL INVESTMENTS sont essentiellement les mêmes que pour les oppositions examinées précédemment. Il convient toutefois de signaler une différence notoire, à savoir que la marque CWCAPITAL INVESTMENTS de la requérante, considérée dans son intégralité ressemble moins aux marques de commerce et noms commerciaux de l’opposante que ne le faisaient CW CAPITAL ou CWCAPITAL & Dessin. En reprenant le raisonnement appliqué pour l’analyse de l’opposition à la marque CW CAPITAL, on arrive à la conclusion que la requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer suivant la prépondérance des probabilités qu’à aucune des dates pertinentes il n’existait de probabilité de confusion entre la marque CWCAPITAL INVESTMENTS visée par la demande d’enregistrement et l’un quelconque des noms commerciaux ou marques de commerce invoqués dans l’opposition.

 

Décision

[44]      En conséquence, les oppositions aux demandes no 1,310,790, 1,310,791 et 1,310,792 sont rejetées. Les présentes décisions sont prises dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

___________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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