Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Horn Abbot Ltd. à la demande no1258291 produite par John Orlicky en vue de l’enregistrement de la marque de commerce MEANINGFUL PURSUIT
Le 20 mai 2005, John Orlicky a produit une demande d’enregistrement pour la marque de
commerce MEANINGFUL PURSUIT fondée sur l’emploi de la marque depuis le 1er avril 2005 en liaison
avec un
outil pédagogique imprimé, nommément fiches de questions et mode d’emploi d’accompagnement.
Cette demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du
14 juin 2006 et a fait l’objet d’une opposition de la part de Horn Abbot Ltd. le 4 octobre 2006. Le
31 octobre 2006, le registraire des marques de commerce a transmis au requérant une copie de la
déclaration d’opposition, ainsi que le prescrit le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce . En
réponse, le requérant a produit et signifié une contre-déclaration.
La preuve de l’opposante consiste en l’affidavit de James G. Ware, président de la société
opposante. Le requérant, John Orlicky, a souscrit un affidavit pour son propre compte. Les deux parties
ont déposé un plaidoyer écrit. Ni l’une ni l’autre n’a sollicité la tenue d’une audience.
Après avoir reçu le plaidoyer écrit du requérant, l’opposante a objecté que certaines parties de ces
observations constituent en réalité en des éléments de preuve. Étant aussi de cet avis, je n’ai pas tenu compte
des parties des paragraphes 2, 5 et 7 du plaidoyer écrit du requérant qui participent de la preuve.
DÉCLARATION D’OPPOSITION
L’opposante a soulevé différents moyens d’opposition, y compris des motifs fondés sur
les alinéas 30a) et 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, reproduits ci-dessous :
[traduction]
i) Alinéa 30a) : Le requérant a délibérément omis de mentionner les jeux dans son état déclaratif des marchandises, malgré le fait que le produit pour lequel il entend employer la marque de commerce consiste en un jeu de questions et réponses. Le requérant camoufle ainsi sa véritable intention, qui est d’employer la marque en liaison avec des jeux de questions et réponses. L’état déclaratif des marchandises n’est pas précis et il ne décrit pas les marchandises dans les termes ordinaires du commerce, de telle sorte que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a).
b) L’opposante fonde également son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)b). En effet, la marque de commerce MEANINGFUL PURSUIT n’est pas enregistrable parce que, en application des dispositions de l’alinéa 12(1)d), elle crée de la confusion au sens de l’article 6 avec la famille des marques de commerce TRIVIAL PURSUIT enregistrées par l’opposante, présentées dans l’annexe A ci‑jointe. Les marques de commerce de l’opposante, plus particulièrement les marques TRIVIAL PURSUIT, sont des marques de commerce réputées qui jouissent d’un caractère distinctif marqué.
Les marques répertoriées dans l’annexe A, mentionnée ci-dessus, sont TRIVIAL PURSUIT,
TRIVIAL PURSUIT ONLINE, TRIVIAL PURSUIT & Dessin, PARTY PURSUIT,
POINT PURSUIT et CLASSIC PURSUIT. Les marchandises visées par la marque TRIVIAL PURSUIT de l’opposante comprennent les suivantes :
Jeux de société et matériel, nommément planche de jeu, dés, règles du jeu, cartes questions et réponses, boîtes de cartes, jetons et blocs de pointage vendus séparément ou en unités.
Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a)
Le fardeau qui incombe au requérant est d’établir que sa demande satisfait à l’alinéa 30a). En d’autres
termes, le requérant doit démontrer que l’énoncé des marchandises est exact quant aux faits et
que les marchandises sont décrites dans les termes ordinaires du commerce. Il incombe par ailleurs
à l’opposante, conformément aux règles ordinaires de la preuve, de prouver les faits invoqués au
soutien de son allégation selon laquelle la description des marchandises contenue dans la demande
n’est pas rédigée dans les termes ordinaires du commerce ou est inexacte quant aux faits.
L’imposition d’un fardeau de preuve à une partie relativement à une question particulière signifie qu’il est essentiel, pour que cette question soit prise en compte, que des éléments de preuve suffisants permettent de conclure à la véracité des faits allégués au soutien de la question. Le fardeau imposé à l’opposante au regard de l’alinéa 30a) est moins exigeant que dans une instance ordinaire : voir, par exemple, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 298 à 300 (C.F. 1re inst.). La date pertinente pour l’appréciation des circonstances entourant le non-respect de l’alinéa 30a) est la date de la production de la demande : voir Thomas J. Lipton Inc. c. Primo Foods Ltd. (1992), 44 C.P.R. (3d) 556, à la page 560 (C.O.M.C.); Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 468, à la page 475 (C.O.M.C.).
La preuve de l’opposante comporte une description du produit du requérant ainsi que des
pièces, en l’occurrence des photographies du produit vendu sous la marque MEANINGFUL PURSUIT. Il appert de la preuve que le produit du requérant comprend environ 50 cartes sur lesquelles sont inscrites une question à l’endroit et une autre au verso. Voici quelques exemples des questions que l’on peut lire sur les cartes :
[traduction]
Si je pouvais choisir n’importe quel emploi, lequel choisirais-je?
De quelle façon est-ce que je me limite dans la vie?
Est-ce-que je consacre plus de temps à regretter le passé ou à m’inquiéter de l’avenir?
À quoi ont ressemblé mes vacances les plus agréables ou mon plus beau voyage?
Les instructions concernant le produit peuvent se résumer comme suit : les cartes sont d’abord mêlées, puis une personne prend une carte, lit à voix haute la question qui y est inscrite et y répond honnêtement. La personne suivante prend une nouvelle carte, et le processus se répète. Voici une partie du feuillet de règles joint au produit du requérant :
[traduction]
QU’EST-CE QUE MEANINGFUL PURSUIT
MEANINGFUL PURSUIT est nouveau et différent. Pour le plaisir de tous, vous êtes appelé à répondre à des questions personnelles à la fois intéressantes et révélatrices. Certaines questions sont faciles et amusantes, d’autres sont difficiles et demandent réflexion. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses; les réponses doivent simplement être honnêtes. Amusez-vous! Personne ne juge vos réponses.
MEANINGFUL PURSUIT consiste en une activité sociale qui permet de passer du temps de qualité en famille ou entre amis. Ce produit est différent de la plupart des jeux. Il ne comporte ni planche, ni pièces, ni grosse boîte, ni système de pointage, et il ne détermine aucun perdant. Chacun y gagne du temps de qualité passé avec les autres participants dans un contexte amusant et divertissant.
COMMENT JOUER
Lisez d’abord à voix haute pour tous les participants QU’EST-CE QUE MEANINGFUL PURSUIT, puis poursuivez en lisant ces instructions.
L’opposante, dans son plaidoyer écrit, soutient que le requérant n’a pas décrit la véritable nature de son produit, cette nature consistant en réalité en un jeu de questions et réponses. De plus, fait-elle valoir, [traduction] « il est remarquable que le mot “jeu”n’est mentionné nulle part dans la description des marchandises, alors qu’il figure dans tous les enregistrements des produits de l’opposante ». Le requérant avance pour sa part, dans son plaidoyer écrit, que son produit n’est pas un jeu, parce qu’un jeu [traduction] « suppose un système de pointage, des concurrents, un gagnant et des perdants ». Il définit son produit comme [traduction] « un outil de communication pédagogique qui favorise une meilleure connaissance personnelle [...] », destiné à consolider les liens entre les membres d’une famille, d’un groupe d’amis ou de collègues de travail.
Je constate que : i) le produit du requérant contient le titre [traduction] « COMMENT JOUER » (ce qui indique que le produit est un jeu) au-dessus des instructions; ii) le produit lui-même est décrit comme étant [traduction] « différent de la plupart des jeux » (ce qui suppose que le produit est une sorte de jeu); iii) la carte professionnelle du requérant comporte la mention [traduction] « Des jeux différents qui font une différence » (ce qui indique que les activités commerciales du requérant consistent à vendre des jeux).
Je conviens avec le requérant que son produit n’est pas à proprement parler un jeu, au sens strict d’une activité récréative entre concurrents qui doivent respecter des règles bien définies. Néanmoins, j’estime que le produit du requérant répond à la définition générique d’un jeu, à savoir une activité qui vise à divertir. Quelle que soit la catégorie exacte dans laquelle on place le produit du requérant, la preuve au dossier indique que du point de vue commercial, le produit est destiné à être commercialisé comme un jeu de société pour adultes plutôt que comme un outil pédagogique. Par conséquent, je conclus que le requérant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a produit un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises en liaison avec lesquelles la marque a été employée ou sera employée. La demande est donc repousée parce qu’‘elle ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a).
Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)
La principale question, au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), est de savoir si la marque MEANINGFUL PURSUIT, dont l’emploi est projeté en liaison avec un produit consistant en des cartes de questions et des règles de fonctionnement, crée de la confusion avec la marque de commerce TRIVIAL PURSUIT de l’opposante, associée à un jeu de société. La date pertinente pour apprécier la question de la confusion est celle de ma décision : pour un aperçu de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les instances d’opposition, voir la décision American Association of Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités/Canadian Association of Retired Persons (1998), 84 C.P.R. (3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F. 1re inst.).
Il incombe au requérant de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, entre la marque MEANINGFUL PURSUIT visée par la demande et la marque de commerce TRIVIAL PURSUIT de l’opposante. L’imposition d’un fardeau de preuve à la partie requérante signifie que si l’on ne peut parvenir à une conclusion déterminante une fois toute la preuve produite, la question doit être tranchée à l’encontre de la partie requérante : voir la décision John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., précitée, aux pages 297 et 298.
Le test pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Pour évaluer s’il existe une probabilité raisonnable de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être examinés. Tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids; le poids qu’il convient d’attribuer à chacun dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).
Examen des facteurs prévus au paragraphe 6(5)
La marque de commerce TRIVIAL PURSUIT de l’opposante possède un caractère distinctif inhérent relativement marqué, puisqu’elle ne comporte aucune connotation descriptive de la nature du jeu de société offert par l’opposante. Le requérant ne conteste pas que la marque TRIVIAL PURSUIT de l’opposante, tout comme la famille de marques de commerce de l’opposante répertoriées dans l’annexe A précitée, sont célèbres au Canada. La marque MEANINGFUL PURSUIT possède un caractère distinctif inhérent un peu moins marqué que celle de l’opposante. À cet égard, bien que la marque visée par la demande ne comporte pas de connotation descriptive de la nature des marchandises du requérant, la composante MEANINGFUL exprime néanmoins une proposition en quelque sorte élogieuse, suggérant que des suites remarquables ou importantes découleront de l’usage du produit du requérant. Aucune preuve n’établit que la marque visée par la demande a acquis quelque caractère distinctif que ce soit au Canada grâce à des ventes réalisées sous la marque en cause ou à la suite de publicité. Quant à la période pendant laquelle les marques respectives ont été en usage, l’opposante a prouvé qu’elle emploie sa marque au Canada depuis 1981, alors que la demande à l’étude est fondée sur l’emploi depuis avril 2005. Le genre de marchandises offertes par les parties se chevauche à tout le moins dans la mesure où les deux produits se composent en partie de cartes de questions. Comme je l’ai mentionné, la preuve indique que les marchandises du requérant seraient commercialisées comme un jeu de société, et je suis porté à croire en conséquence que les marchandises des parties seraient vendues en empruntant essentiellement les mêmes voies de commercialisation ou des voies de commercialisation qui se recoupent.
Pour ce qui est de la ressemblance entre les marques, l’opposante signale les points énoncés ci‑dessous dans son plaidoyer écrit :
Les noms TRIVIAL PURSUIT® et MEANINGFUL PURSUIT présentent les similitudes suivantes :
~ l’un et l’autre sont formés de deux mots;
~l’un et l’autre partagent le second mot, PURSUIT;
~ dans les deux cas, le premier mot comporte trois syllabes;
~ l’un et l’autre décrivent le même produit, conduisant de ce fait le consommateur à conclure raisonnablement que les deux produits proviennent de la même source.
Le nom et l’apparence du nom « Meaningful Pursuit », associé à un jeu de questions et réponses, donnent l’impression immédiate qu’il s’agit d’un produit de la famille des jeux TRIVIAL PURSUIT® ou d’un produit parrainé par les jeux TRIVIAL PURSUIT® ou lié à ceux-ci.
Étant donné que le public connaît bien la marque TRIVIAL PURSUIT de l’opposante,
que le mot MEANINGFUL est apparenté au mot TRIVIAL du fait qu’il en est l’antonyme, et que
la marque visée par la demande est destinée à être employée en liaison avec un produit commercialisé comme un jeu de société, je suis d’avis que l’opposante a raison de craindre que le consommateur moyen croie que les marchandises du requérant sont parrainées par l’opposante, bénéficient d’une licence de l’opposante ou sont autrement liées à celle-ci. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le requérant n’a pas réussi à démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques TRIVIAL PURSUIT et MEANINGFUL PURSUIT.
DÉCISION
La présente demande est repoussée, l’opposante s’étant déchargée de son fardeau à l’égard de deux motifs d’opposition. Partant, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs soulevés.
FAIT À VILLE DE GATINEAU (QUÉBEC), LE 20 AOÛT 2008.
Myer Herzig,
Membre,
Commission des oppositions des marques de commerce
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.