Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : MY LEGACY BOOK

ENREGISTREMENT No LMC 535174

 

 

Le 26 juillet 2006, à la demande de Gowling Lafleur Henderson, s.r.l. (la « partie requérante »), le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13 (la « Loi »), à Cabin Creek, s.r.l., propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

 

La marque de commerce MY LEGACY BOOK est enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes :

 

« Livres, nommément albums à coupures, classeurs à compartiments, agendas et albums à photos ».

 

Suivant l'article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit d'une marque de commerce doit indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que précise l'enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date à laquelle elle a ainsi été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. Dans la présente affaire, la période pertinente au cours de laquelle l’emploi à un moment quelconque doit être établi s’étend du 26 juillet 2003 au 26 juillet 2006. 

 

L’« emploi » en liaison avec des marchandises est défini aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi sur les marques de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

Dans la présente affaire, le paragraphe 4(1) s’applique.

 

En réponse à l’avis du registraire, on a produit l’affidavit de M. Thomas P. Isom pour le compte de la propriétaire inscrite. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et ont été représentées à l’audience tenue en l’espèce.

 

Dans son affidavit, M. Isom affirme dans un premier temps qu’il est l’avocat général de Cabin Creek, s.r.l. (la « propriétaire inscrite »), et de Close To My Heart, Inc. (« CTMH »), postes qu’il occupait pendant la période pertinente. Il affirme qu’à tout moment pendant la période pertinente, il a eu accès aux livres comptables de la propriétaire inscrite et de CTMH et que, pour cette raison, il connaît les faits dont il témoigne.

 

M. Isom précise que CTMH, l’entité susmentionnée, est titulaire d’une licence à l’égard de la marque en cause, et qu’à ce titre, elle était autorisée à toutes les époques pertinentes par la propriétaire inscrite à employer la marque en cause au Canada en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement. Il affirme ensuite au paragraphe 2 de son affidavit qu’[traduction] « en vertu de cette licence, Cabin Creek contrôle directement les caractéristiques ou la qualité de ces marchandises ».

 

Il précise également que les activités commerciales de CTMH consistent notamment en la vente de produits liés à la marque en cause à des personnes, au Canada, dont le passe‑temps est le scrapbooking. Ces personnes que l’on appelle des conseillers ou des démonstrateurs tiennent ensuite des soirées de scrapbooking et effectuent d’autres ventes du produit MY LEGACY BOOK aux participants à ces soirées. Compte tenu de cette description de l’entreprise du titulaire de licence et de la déclaration de M. Isom au paragraphe 9 de son affidavit, selon laquelle [traduction] « tous les produits MY LEGACY BOOK vendus au Canada sont expédiés par CTMH au conseiller canadien », il semblerait que le titulaire de licence vende les marchandises aux conseillers ou aux démonstrateurs et non directement au consommateur final. 

 

Comme preuve de la manière dont le produit MY LEGACY BOOK a été vendu et expédié aux consommateurs canadiens pendant la période pertinente et continue de l’être, M. Isom joint comme pièce « A » à son affidavit des photographies du dessus et des côtés d’un exemple de colis type sur lequel la marque en cause est apposée. Il indique que le produit illustré dans cette pièce [traduction] « peut être utilisé soit comme album à coupures, soit comme album à photos ». Je note que le contenu exact du colis n’est pas précisé sur les colis fournis à titre d’exemples. Il est tout de même raisonnable à mon avis d’admettre que le colis se rapporte à un livre du genre.

 

La pièce « B » consiste en des copies de documents qui se rapportent à des ventes du produit MY LEGACY BOOK à des conseillers au Canada pendant la période pertinente. M. Isom explique que ces documents ne sont pas les factures originales, mais qu’il s’agit de copies qui ont été produites par CTMH. Il explique également que la « date de la facture » inscrite sur les factures est la date à laquelle la copie en question a été produite, et non la date véritable de la facture. Il ajoute que la date inscrite près de la date de la commande sur la facture [traduction] « est la date véritable à laquelle le conseiller a commandé le produit MY LEGACY BOOK », et que ces produits sont [traduction] « normalement expédiés dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de la commande, souvent immédiatement ». Je note que les « dates des commandes » inscrites sur toutes les factures fournies s’inscrivent clairement dans la période pertinente. En outre, la mention du produit MY LEGACY BOOK paraît clairement sur ces factures, sous l’abréviation « LEGACY BOOK », ainsi que l’a indiqué M. Isom.

 

À titre préliminaire, je note que l’affidavit ne fait aucune mention d’un emploi de la marque en cause en liaison avec les « classeurs à compartiments » et les « agendas » visés par l’enregistrement. Je remarque également que le déposant n’a fait état d’aucune circonstance spéciale justifiant le défaut d’emploi en liaison avec ces marchandises. À l’audience, l’avocat de la propriétaire inscrite a admis ne pas avoir fait la preuve d’un tel emploi. En conséquence, l’inscription des marchandises décrites comme étant des « classeurs à compartiments » et des « agendas » sera radiée de l’enregistrement.

 

Pour le reste des marchandises, à savoir les « albums à coupures » et les « albums à  photos », la partie requérante fait valoir que la preuve de l’emploi produite relativement à ces marchandises est [traduction] « ambiguë, imprécise et, en bout de ligne, insatisfaisante ».

 

Plus précisément, la partie requérante soutient ceci :

i.                    l’emploi dont la preuve fait état ne profite pas manifestement à la propriétaire inscrite (art. 50 de la Loi);

ii.                  aucune preuve claire de l’emploi de la marque visée n’a été produite en liaison avec les albums à coupures et les albums à photos;

iii.                les ventes dont l’existence a été démontrée n’ont pas été effectuées dans la pratique normale du commerce.

 

La partie requérante soutient dans un premier temps que M. Isom n’a pas fourni de copie du contrat de licence, ni expliqué la relation qui existe entre la propriétaire inscrite et le titulaire de licence. Elle soutient en outre que, puisque l’on n’a fourni aucun détail sur le contrat de licence ou sur les moyens par lesquels ce contrôle est exercé, et compte tenu des autres lacunes relevées dans la preuve de la propriétaire inscrite (ces observations seront traitées plus loin), la déclaration de M. Isom selon laquelle Cabin Creek contrôle directement les caractéristiques ou la qualité des marchandises ne devrait pas être retenue à première vue.

 

Il est bien établi en droit que, conformément à l’article 50 de la Loi, la preuve doit établir que le propriétaire contrôle les caractéristiques et la qualité des services fournis par le titulaire de licence relativement à la marque visée. Si aucune copie du contrat de licence n’est produite comme preuve de ce contrôle, il peut être satisfait à cette exigence soit par le propriétaire inscrit, soit par le titulaire de licence, qui déclare alors clairement, sous serment, qu’il y a contrôle au sens de l’article 50 [voir Gowling, Strathy and Henderson c. Samsonite Corp. (1996), 66 C.P.R. (3d) 560 (C.O.M.C.), et Mantha & Associés/Associates c. Central Transport, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354 (C.A.F.)]. 

 

Dans la présente affaire, CTMH est clairement désignée comme étant titulaire de licence de la marque en question au Canada. En outre, M. Isom a produit une déclaration assermentée non équivoque selon laquelle le contrôle requis existe, et l’on n’a fourni relativement à la question en litige aucune preuve qui puisse m’amener à mettre en doute les déclarations de M. Isom. En conséquence, j’admets que la preuve dans la présente affaire est suffisante, pour l’application de l’article 45, pour satisfaire aux exigences de l’article 50 de la Loi, et que cet emploi profite à la propriétaire inscrite.

 

En ce qui concerne sa seconde allégation, à savoir qu’aucune preuve claire n’a été produite sur l’emploi de la marque visée en liaison avec des albums à coupures et des albums à photos, la partie requérante a présenté un certain nombre d’observations. Premièrement, elle soutient que la description écrite que M. Isom a donnée de l’exemple d’un colis type que montrent les photographies produites sous la cote « A » est inexacte. Or, je ne vois aucune erreur. De plus, elle soutient qu’il [traduction] « est impossible de déterminer, à partir des photographies de l’exemple d’un colis type fourni, si un produit qui peut être employé comme album à coupures ou album à photos a été vendu en liaison avec la marque ». Elle fait valoir également (tirant des inférences à partir de l’affidavit) que le titulaire de licence paraît exploiter une entreprise de commandes par catalogue ou sur Internet, mais qu’aucune preuve sous la forme d’un catalogue n’a été produite, alors que cela aurait pu être fait sans problème. Compte tenu de la preuve ambiguë produite et de [traduction] « l’absence évidente de documents », elle soutient qu’il faut logiquement conclure que ces documents n’existent pas ou qu’ils ne visaient pas les marchandises en cause.

 

La propriétaire inscrite fait valoir que la preuve relative aux catalogues ou à l’Internet est sans pertinence dans le contexte de la présente affaire; cette preuve, soutient‑elle, se rapporte à de la publicité et elle ne constitue pas un « emploi » en liaison avec les marchandises. Cela est généralement vrai, mais dans la présente procédure des extraits tirés des catalogues ou des pages d’Internet auraient peut‑être permis de comprendre ce que l’exemple d’un colis type contenait exactement. Cela étant, j’arrive à conclusion que la déclaration de M. Isom selon laquelle le produit [traduction] « peut être employé soit comme album à coupures, soit comme album à photos » est ambiguë et qu’elle n’est pas particulièrement instructive à cet égard. 

 

En d’autres termes, la déclaration susmentionnée, selon laquelle le produit [traduction] « peut être employé soit comme album à coupures, soit comme album à photos », n’est pas à mon avis une déclaration claire d’emploi relativement à des albums à coupures et à des albums à photos, puisque l’on ne peut dire clairement ce que le produit comprend exactement. Je conclus que la déclaration prête à plus d’une interprétation. S’agit‑il des deux produits ou s’agit‑il d’un produit ou de l’autre? Comme c’est l’interprétation qui va à l’encontre des intérêts de la propriétaire inscrite qui doit être adoptée [voir Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1980), 45 C.P.R. (2d) 194], je dois interpréter cette déclaration comme signifiant que le produit véritable est soit un album à coupures, soit un album à photos, et non les deux. Les deux produits sont quelque peu liés, mais je ne crois pas qu’un consommateur puisse considérer qu’un « album à coupures » est un « album à photos » ou l’inverse; au contraire, ces deux produits seraient considérés comme étant distincts. De plus, le fait qu’un consommateur puisse attribuer un autre emploi à un produit donné ou que le produit puisse être employé à un autre égard est à mon avis sans pertinence. 

 

Gardant ces considérations à l’esprit et tenant compte de l’affidavit dans son ensemble, j’estime raisonnable d’inférer que l’exemple de colis type se rapporte à des « albums à coupures » et qu’en conséquence, le renvoi au « produit MY LEGACY BOOK » dans l’affidavit est un renvoi aux albums à coupures MY LEGACY BOOK. Je tire expressément cette inférence de certaines des déclarations qui ont été faites dans l’affidavit, notamment celle selon laquelle [traduction] « CTMH vend le produit MY LEGACY BOOK à des personnes au Canada dont le passe‑temps est le scrapbooking », et celle selon laquelle [traduction] « ces personnes [...] tiennent ensuite des soirées de scrapbooking et vendent d’autres produits MY LEGACY BOOK aux participants à ces soirées » (je souligne). De plus, nombre des articles énumérés dans les factures se rapportent clairement à des albums à coupures. En conséquence, je reconnais que l’avis de liaison requis a pu être fourni relativement à des « albums à coupures », mais je n’ai pas la même raison de conclure que cet emploi s’étendait à des « albums à photos ». Pour les raisons déjà mentionnées, la déclaration ambiguë de M. Isom selon laquelle [traduction] « le produit peut être utilisé soit comme album à coupures, soit comme album à photos » est insuffisante pour me permettre de conclure à l’emploi de la marque relativement à ces marchandises. 

 

Enfin, la prétention de la partie requérante, selon laquelle les ventes dont on a fait la preuve ne sont pas des ventes effectuées dans la pratique normale du commerce, repose sur le fait que les ventes faites à des conseillers ou à des démonstrateurs sont [traduction] « simplement de la nature du transfert d’un échantillon unique qui peut être montré à des consommateurs ». Elle suggère que de telles ventes se rapportent à des échantillons, car le produit est vendu à rabais (et, dans un cas, il est gratuit), que l’on n’a pas fait la preuve de ventes répétées aux mêmes « démonstrateurs », et que l’on n’a pas fait la preuve de ventes directes au grand public. Elle cite ensuite l’affaire Marks & Clerk c. Cristall U.S.A. Inc. (2007), 59 C.P.R. (4th) 475, faisant valoir que, suivant cette décision, les ventes d’échantillons ne sont pas des ventes effectuées dans la pratique normale du commerce conformément à la Loi, puisque l’on n’a pas fait la preuve d’autres ventes aux démonstrateurs. 

 

Cependant, je ne crois pas que la décision rendue dans l’affaire Marks & Clerk, précitée, invoquée par la partie requérante, s’applique à la présente affaire. En effet, les marchandises ne sont pas en l’espèce vendues dans le contexte de l’envoi d’échantillons à des détaillants éventuels dans l’espoir d’obtenir des commandes ou un contrat de vente. Au contraire, il est clairement affirmé dans l’affidavit que la pratique normale du commerce du titulaire de licence consiste en une chaîne de ventes dont font partie intégrante celles faites auprès de conseillers ou de démonstrateurs. Les conseillers tiennent ensuite des soirées de scrapbooking et effectuent d’autres ventes du produit MY LEGACY BOOK aux participants à ces soirées. Enfin, sans égard au fait que les factures indiquent que les produits ont été vendus à rabais, je ne vois rien dans la preuve qui indique que ces ventes n’étaient pas des ventes légitimes effectuées dans la pratique normale du commerce du titulaire de licence. 

 

Compte tenu de ce qui précède, j’en suis arrivée à la conclusion que l’on a établi l’emploi de la marque de commerce en cause à l’égard des marchandises décrites comme étant des « livres, nommément des albums à coupures »; la preuve de l’emploi n’a pas été faite pour les autres marchandises que précise l’enregistrement, et il n’y a aucune preuve de l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. En conséquence, dans l’exercice du pouvoir qui m’a été délégué en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, j’ordonne la modification de l’enregistrement no LMC 535174 de manière à en radier les marchandises suivantes :

« classeurs à compartiments, agendas et albums à photos »,

 

conformément au paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 4 MARS 2009.

 

 

 

 

Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.